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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-5
ARRÊT AU FOND
DU 23 NOVEMBRE 2023
mm
N° 2023/ 383
Rôle N° RG 22/04790 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJE4B
S.A.R.L. DOMAINE DE LA MAURETTE
C/
[M] [V] épouse [B]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
SELAS VINOLEX
AARPI JULIEN SELLI & JOHANNA VINE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux de DRAGUIGNAN en date du 02 Mars 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 21/03301.
APPELANTE
S.A.R.L. DOMAINE DE LA MAURETTE, dont le siège social est [Adresse 21],pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège
représentée et assistée par Me Bernard HAWADIER de la SELAS VINOLEX, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant
INTIMEE
Madame [M] [V] épouse [B]
née le 20 Juillet 1926 à [Localité 18], demeurant [Adresse 1] ROYAUME UNI
représentée par Me Julien SELLI de l’AARPI JULIEN SELLI & JOHANNA VINE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Samuel CREVEL de la SELEURL SCILLON, avocat au barreau de PARIS, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 10 Octobre 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Monsieur Marc MAGNON, Président , a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Marc MAGNON, Président
Madame Patricia HOARAU, Conseiller
Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Novembre 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Novembre 2023,
Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE
:
Par acte sous seing privé en date du 1er janvier 1991, Madame [M] [V] épouse [S]-[B] a consenti un contrat de commodat à Madame [D] [F] et Monsieur [G] [F], gérants du groupement agricole d’exploitation en commun Domaine de La Maurette, pour une durée d’un an et portant sur diverses parcelles de terrain y compris les plantations de vignes qui s’y trouvent situées à [Localité 17], cadastrées section C n°[Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6], pour une surface totale de 4 hectares 79 ares et 77 centiares.
Un contrat sous seing privé comportant les mêmes stipulations a été signé entre les mêmes parties le 1er janvier 1993.
Par acte sous seing privé en date du 11 mars 1999, les parties ont rappelé le caractère précaire , annuel et gratuit , sans aucune contrepartie, ni en espèces ni en nature, de la mise à disposition de la cave et des vignes, remontant au 1er janvier 1991, renouvelée depuis par tacite reconduction.
Par requête reçue au greffe le 5 mai 2021, la société à responsabilité limitée « Domaine de La Maurette » a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Draguignan aux fins notamment de voir reconnaître l’existence d’un bail rural sur les terres exploitées par ses soins et objet des contrats de prêt.
A I’ audience de renvoi pour plaidoiries, après vaine tentative de conciliation, la SARL Domaine de La Maurette a demandé au tribunal de :
‘ dire et juger que sa demande est recevable,
‘ dire et juger qu’elle est titulaire d’un bail rural depuis le 1er janvier 1991 sur les parcelles cadastrées C [Cadastre 10], C[Cadastre 8], C [Cadastre 11] et C[Cadastre 12],
‘ débouter Madame [M] [S]-[B] de l’ensemble de ses demandes,
‘ à titre subsidiaire, sur la demande reconventionnelle de la défenderesse, limiter la condamnation rétroactive aux fermages dans les conditions de la prescription quinquennale,
‘ condamner Madame [M] [S]-[B] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Également représentée par son conseil, Madame [M] [S]-[B] a demandé au tribunal de :
‘ juger recevables les .demandes en intervention forcée de monsieur [G] [F] et de madame [D] [F],
‘ juger irrecevable l’ensemble des demandes de la société à responsabilité limitée Domaine de La Maurette,
‘ sur le fond et à titre principal, débouter la société à responsabilité limitée Domaine de La Maurette de l’ensemble de ses demandes,
‘ à titre reconventionnel :
À titre principal, ordonner l’expulsion de monsieur [G] [F] et Madame [D] [F], ainsi que de tout occupant de leur chef, en ce notamment compris la société à responsabilité limitée Domaine de La Maurette, des parcelles occupées, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 31 décembre 2021,
À titre subsidiaire et en cas de reconnaissance de bail rural,
‘ fixer le montant du fermage échu depuis le 1er janvier 1991, éventuellement à dire d’expert,
‘ condamner solidairement la société à responsabilité limitée Domaine de La Maurette et Monsieur [G] [F] et Madame [D] [F] à lui verser le montant du fermage ainsi calculé,
‘ prononcer la résiliation du bail rural aux torts de la société à responsabilité limitée Domaine de La Maurette,
‘ ordonner son expulsion, sous astreinte de 200 euros par jour de retard,
‘ en tout état de cause, condamner la société à responsabilité limitée Domaine de La Maurette à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, et au paiement d’une amende civile,
‘ outre la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et les entiers dépens.
Par jugement du 2 mars 2022, le tribunal paritaire des baux ruraux de Draguignan a :
Déclaré recevables les demandes de la SARL Domaine de La Maurette,
Rejeté la demande d’intervention forcée de Madame [M] [S] -[B],
Rejeté la demande de reconnaissance d’un bail rural de la SARL Domaine de La Maurette,
Constaté que le contrat de prêt a été valablement résilié par Madame [M] [S]-[B] au 31 décembre 2021,
Dit que la SARL Domaine de La Maurette est occupante sans droit ni titre des parcelles ainsi que des bâtiments d’exploitation situés à [Localité 17], cadastrées section C n°[Cadastre 2], [Cadastre 3],[Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6],
Ordonné en conséquence l’expulsion de la SARL Domaine de La Maurette et de tout occupant de son chef des parcelles susvisées,
Rejeté la demande d’astreinte de Madame [M] [S]-[B],
Rejeté la demande de dommages et intérêts de Madame [M] [S]-[B],
Dit n’y avoir lieu au prononcé d’une amende civile,
Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamné la SARL Domaine de La Maurette à payer à Madame [M] [S]-[B] la somme de 1200,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamné la SARL Domaine de La Maurette aux entiers dépens,
Rappelé que l’exécution provisoire est de de droit.
Par déclaration du 31 mars 2022, la SARL Domaine de la Maurette a relevé appel de ce jugement.
Un calendrier de procédure a été notifié aux parties. L’affaire a été fixée au 20 septembre 2022 pour être plaidée, puis renvoyée contradictoirement au 7 mars 2023, puis au 10 octobre 2023 dans l’attente d’une ordonnance à rendre par le président du tribunal paritaire des baux ruraux, saisi d’une demande en rétractation d’une ordonnance sur requête ayant désigné un huissier pour procéder à un constat sur la propriété de Madame [B].
Au delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l’espèce des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l’exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:
Vu les conclusions notifiées le 9 octobre 2023 par la SARL Domaine de la Maurette, soutenues oralement à l’audience, tendant à :
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré la SARL Domaine de La Maurette recevable en son action.
Le réformer pour le surplus.
Faire droit à la demande principale de la SARL Domaine de La Maurette.
Dire et juger celle-ci titulaire d’un bail rural conclu en date du 1er janvier 1991 sur les terres ci-après désignées :
C0626 [Localité 13] 0,9398 AOP
C0626 [Localité 22] 0,323 AOP
C0626 [Localité 15] 0,7 AOP
C0622 [Localité 14] 0,2977 AOP
C0634 [Localité 14] 0,2625 AOP
C0634 [Localité 15] 0,3205 AOP
C0637 [Localité 14] 0,25 AOP
C0637 [Localité 15] 0,1795 AOP
C0637 [Localité 13] 0,195 VSIG
C0637 [Localité 15] 0,195 VSIG
C0637 [Localité 15] 0,195 VSIG
Total 3,858
Dire et juger que ce bail s’est renouvelé pour la dernière fois le 1er janvier 2018 jusqu’au 31 décembre 2027.
A titre subsidiaire,
Désigner tout huissier ou constatant de son choix avec la mission de se rendre au sein de la propriété de Madame [S] située sur la commune de [Localité 17], Quartier de la Maurette, parcelles cadastrées C [Cadastre 7] et [Cadastre 9], afin d’y dresser constat de :
L’alimentation en eau de cette propriété par le réseau commandé à partir de la propriété de la SARL Domaine de La Maurette ;
L’état de fonctionnement du puits existant sur la propriété de Madame [S] ;
Plus généralement faire toutes constatations utiles sur l’état de l’équipement du puits et de son fonctionnement ;
Fournir tous éléments utiles à l’évaluation de la consommation d’eau de la propriété [S].
Rejeter les moyens de défense de Madame [M] [B] ([S]).
Débouter Madame [M] [B] de sa demande de résiliation, de sa demande de validation d’un congé et de sa demande d’expulsion.
Débouter Madame [M] [B] de sa demande de fixation d’un fermage depuis le 1er janvier 1991 et, à titre subsidiaire, dire que cette fixation ne pourra avoir d’effet rétroactif que dans les limites de la prescription quinquennale du code civil.
Débouter Madame [M] [B] de toutes ses autres demandes.
Condamner Madame [M] [B] au paiement de la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions la SARL Domaine de La Maurette fait valoir notamment les moyens et arguments suivants :
Sur la recevabilité de son action :
‘ Les contrats de commodat initiaux ont été consentis à Madame [D] [F] et Monsieur [G] [F], en leur qualité de gérants du groupement agricole d’exploitation en commun Domaine de La Maurette et non en leur nom propre ; le groupement a ensuite été transformé en société à responsabilité limitée ; la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité et d’intérêt à agir soulevée par la partie adverse doit être rejetée.
‘ Dans une attestation, Madame [B] a reconnu que la SARL Domaine de La Maurette était bénéficiaire de la mise à disposition des bâtiments édifiés sur deux des parcelles.
Sur le fond:
‘ En droit, les quatre éléments qui permettent la qualification d’un bail rural sont la mise à disposition, à titre onéreux, d’un immeuble à usage agricole, en vue de l’exploiter.
‘ La requalification s’impose au juge en fonction des éléments constitutifs de la relation contractuelle qui s’est nouée entre les parties, quelles que soient les stipulations contractuelles.
‘ Le caractère gratuit disparaît dès qu’il existe une contrepartie, quelle qu’ en soit la nature, même modique, à la mise à disposition.
‘ Il n’est pas nécessaire que la contrepartie soit stipulée dans le contrat, ni qu’elle corresponde à un fermage, ni qu’elle ne soit pas dérisoire.
‘ L’acte de prêt initial ne prévoyait pas de renouvellement tacite ; ayant signé un écrit pour le prêt originaire, les parties en auraient naturellement signé un autre pour en proroger les effets dans le temps si telle avait été leur volonté ; de fait, les parties sont sortis du champ contractuel initial au delà du 31 décembre 1993, pour s’engager dans une relation contractuelle nouvelle faite de contreparties réciproques avec, en échange de la mise à disposition des terres, leur replantation en vignes par la concluante et l’alimentation en eau de la propriété de Madame [B] qui n’avait pas d’autre source d’alimentation à sa disposition.
‘S’agissant de l’alimentation en eau de la propriété de Madame [B] par la SARL Domaine de La Maurette, la preuve en est rapportée par le fait que la maison de Madame [B] n’a jamais été raccordée au réseau de distribution d’eau potable de la commune de [Localité 17], selon les attestations établies par le maire de la commune.
‘ Si la SARL EL Paso, locataire du GFA Domaine de La Maurette, exploite le restaurant de La Maurette, elle dispose de sa propre alimentation en eau dans le seul périmètre de son exploitation et n’alimente pas la maison de Madame [B].
‘ Trois compteurs d’eau sont installés sur la route départementale [Adresse 21] : un pour le restaurant de la SARL El Paso, un autre pour la SARL Domaine de La Maurette dans le cadre de son exploitation viticole, qui sert à alimenter la propriété de Madame [B] comme constaté par l’huissier, le troisième pour le GFA Domaine de La Maurette pour l’alimentation de deux maisons d’ habitation du Domaine ( hors Madame [B]).
‘ Contrairement aux affirmations de l’intimée, la maison de Madame [B] n’est pas alimentée par un puits, comme l’établissent deux procès-verbaux de constat d’huissier, le premier , sur ordonnance sur requête du président du tribunal paritaire des baux ruraux, qui montre qu’à la date du 5 mai 2022 le puits était totalement hors d’usage et ce, manifestement depuis de nombreuses années.
‘ Si cette ordonnance a été rétractée pour des raisons de procédure, les constatations ont été reprises dans un nouveau procès-verbal et de nouvelles constatations ont permis de prouver que des canalisations partant des locaux techniques dont la concluante avait l’usage, eux-mêmes alimentés grâce à des canalisations directement branchées sur un compteur se trouvant dans les locaux de la société, à quelques centaines de mètres de là, se dirigent ensuite vers la maison d’ habitation de Madame [B] permettant ainsi l’alimentation en eau de la maison de l’intéressée.
‘ Le seul fait que Madame [B] bénéficie de cette prestation en fait une contrepartie suffisante, dès lors qu’elle ne peut avoir d’autre cause.
‘ L’élément du soi-disant caractère dérisoire manque en droit, la jurisprudence exigeant uniquement une contrepartie quelle qu’elle soit. Il manque également en fait, car selon son calcul, la concluante évalue à 659 euros par an et 20 000,00 euros sur la période du bail, la consommation d’eau de la propriété de Madame [B], alors que son raccordement au réseau public représenterait un coût de 75 000,00 euros.
‘ S’agissant de la replantation de vigne, la concluante rappelle les dispositions des articles 1719 alinéa 4 du code civil et L 415-8 du code rural et de la pêche maritime qui font peser sur le bailleur la charge des travaux de plantation ou de remplacement des pieds de vigne manquants, la replantation n’étant pas un banal travail d’entretien.
‘ Le juge n’a pas à rechercher l’accord du bailleur sur cette contrepartie qui représente selon l’ évaluation de la chambre d’agriculture un coût de 30441,00 euros.
Vu les conclusions notifiées le 6 octobre 2023 par Madame [M] [V] épouse [B] anciennement [S], soutenues oralement à l’audience, tendant à :
Rejeter l’ensemble des demandes de la SARL Domaine de La Maurette,
Confirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Draguignan du 2 mars 2022,
Ordonner l’expulsion de la SARL Domaine de La Maurette avec tous biens et occupants de son chef, sous astreinte de 200 euros par jour de retard,
A titre reconventionnel et subsidiaire,
Fixer le montant du fermage échu depuis le 1er janvier 1991 à dire d’expert,
Condamner la SARL Domaine de La Maurette à verser à Madame [M] [B] l’arriéré de fermage tel que calculé,
En tout état de cause,
Condamner la SARL Domaine de La Maurette à verser à Madame [M] [B] la somme de dix mille euros (10 000 euros) à titre de dommages-intérêts,
Condamner la société la SARL Domaine de La Maurette au paiement d’une amende civile pour procédure abusive,
Condamner la SARL Domaine de La Maurette à verser à Madame [M] [B] la somme de dix mille euros (10 000 euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Condamner la SARL Domaine de La Maurette aux dépens
L’intimée réplique notamment que :
‘ La mise à disposition évoquée par l’article L 411-1 du code rural et de la pêche maritime doit être exclusive, ce qui n’est pas le cas en l’espèce compte tenu de la préexistence d’un prêt à usage consenti à Monsieur et Madame [F] et non au GAEC Domaine de La Maurette devenu la SARL du même nom.
‘ Il n’existe pas de contrepartie onéreuse efficace à l’exploitation des terres objets du contrat de prêt à usage.
‘ C’est à la SARL Domaine de La Maurette, qui se prévaut d’un bail rural, de rapporter la preuve d’une contrepartie onéreuse, ce qu’elle prétend faire en affirmant qu’elle a toujours pris en charge l’intégralité de l’alimentation en eau de la propriété de Madame [B] et en excipant des travaux d’arrachage et de replantation de vigne qu’elle a réalisés.
‘ Or, les travaux non urgents, réalisés de la seule initiative de la SARL du Domaine de La Maurette, arrachage et replantation de vigne, sont impropres à caractériser l’existence de la contrepartie exigée par l’article L 411-1 du code rural, alors que Madame [B] n’a jamais donné son autorisation , ni formelle ni tacite, à de tels travaux.
‘ La prétendue alimentation en eau de la maison de Madame [B] par la SARL Domaine de la Maurette ne caractérise pas non plus une contrepartie onéreuse.
‘ Le constat d’huissier du 8 avril 2021, dressé sans l’appui d’un sapiteur et dépourvu de caractère contradictoire, n’établit ni l’origine ni la destination des canalisations observées; la piscine visible sur le constat est bâchée démontrant l’absence de consommation d’eau ; aucun relevé de compteur contradictoire établissant la quantité d’eau prétendument consommée annuellement par Madame [B] n’est fourni.
‘ Madame [B] dispose d’une alimentation en eau autonome , par un puits muni, depuis 2000, d’un nouveau dispositif de pompage entretenu par M [K], artisan plombier.
‘ Le constat d’huissier établi le 5 mai 2022, sur la base d’une ordonnance sur requête rétractée, est nul et de nul effet.
‘ Le procès-verbal d’huissier du 1er décembre 2022, abusivement qualifié de constat, consiste en une retranscription par l’huissier des constatations consignées le 5 mai 2022 dans le procès-verbal annulé.
‘ le constat d’huissier du 19 juin 2023, établi non contradictoirement, n’ établit toujours pas l’existence d’ une contrepartie onéreuse, car l’huissier qui est intervenu sans sapiteur n’a nullement les compétences pour vérifier l’origine et la destination de chacun des compteurs observés, ni affirmer que l’eau qui alimente les conduites provient de l’adduction réglée par la SARL Domaine de la Maurette.
‘ L’ huissier se contente de retranscrire les dires de son client.
‘ Par ailleurs, ce procès-verbal comporte un procédé déloyal et un stratagème pour obtenir une preuve : la retranscription d’une conversation téléphonique sans prévenir au préalable toutes les parties et la provocation d’une coupure d’eau prétendument chez le locataire de Madame [B], sans vérifier l’identité de l’interlocuteur présenté péremptoirement par le requérant comme étant le locataire en question.
‘ Ces constats illégaux ne prouvent rien car ils ont été faits alors que Madame [B] était absente, de sorte que le dispositif de pompage du puits était déconnecté, Madame [B] le faisant réactiver lorsqu’elle occupe la maison.
‘ La SARL Domaine de La Maurette , bénéficiaire de la mise à disposition occulte du prêt à usage, a alimenté en eau le bâtiment viticole- propriété de Madame [B]- mis à sa disposition, et probablement raccordé volontairement-mais sans l’accord de la concluante- l’ ensemble de la propriété de cette dernière aux fins de solliciter ensuite judiciairement la reconnaissance d’un bail rural.
‘ En tout état de cause, cette prétendue alimentation en eau présenterait un caractère dérisoire, et serait inférieure, en valeur, au fermage minimum auquel Madame [B] pourrait prétendre.
MOTIVATION :
Sur L’exploitation exclusive des parcelles visées par le contrat de prêt à usage, par la SARL Domaine de La Maurette.
A hauteur d’appel, Madame [B] ne reprend pas la fin de non recevoir tirée du défaut d’intérêt et de qualité à agir de la SARL Domaine de La Maurette, mais soutient que cette dernière ne peut se prévaloir d’une jouissance et mise à disposition exclusives des parcelles litigieuses, compte tenu de l’existence des contrats de prêt à usage conclus antérieurement avec [G] et [D] [F].
Cependant, comme l’a retenu le premier juge par une interprétation des contrats de prêt à usage formalisés en 1991 et 1993, conforme aux dispositions des articles 1156 et 1158 du code civil dans leur rédaction applicable à la date de ces actes, les deux contrats de prêts signés en 1991 et 1993 ont été conclus entre Madame [S], d’une part, et .Monsieur et Madame [F] « Gérants du GAEC Domaine de la Maurette», d’autre part.
Il ressort de cette désignation que Monsieur [G] [F] et Madame [D] [F], en prenant soin de préciser leur qualité respective de co gérant, ont entendu conclure ces conventions au nom du groupement économique d’exploitation du Domaine de La Maurette, devenu depuis la SARL Domaine de La Maurette.
Cette interprétation est en outre confirmée par le fait, non démenti, que les terres mises à disposition ont été, depuis le début des relations contractuelles, exploitées par le groupement agricole d’exploitation en commun Domaine de La Maurette, puis par la SARL du même nom, qui exploite d’autres parcelles à proximité.
Il n’est pas non plus démontré qu’à la date du congé délivré aux époux [F], la SARL Domaine de La Maurette avait perdu la jouissance exclusive des terres sur lesquelles elle revendique un bail rural pour en être l’unique exploitante, la preuve contraire n’étant pas rapportée par l’intimée.
Le moyen tiré de l’absence d’exploitation exclusive, par la SARL Domaine de La Maurette, des parcelles listées dans les contrats de prêt à usage de 1991 et 1993 est par conséquent inopérant.
Sur l’absence de contrepartie onéreuse à la mise à disposition des terres :
Aux termes de l’article L.411-1 du code rural et de la pêche maritime, “toute mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole en vue de l’exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l’article L 311-1 du même code est soumise au statut du fermage. »
L’article L.311-1 du même code désigne comme agricoles toutes les activités « correspondant à la maîtrise et à l’exploitation d’un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ».
En application de ces dispositions, doit être requalifiée de bail rural, la convention entrant dans le champ du statut des baux ruraux, auquel les parties ne peuvent renoncer, quelle que soit la qualification retenue par elles.
En l’espèce, le caractère agricole des parcelles litigieuses et de l’activité viticole dont elles sont le support n’est pas discuté.
Le débat est en réalité circonscrit à l’existence d’une contrepartie onéreuse à la mise à disposition des terres exploitées par la SARL Domaine de la Maurette.
En l’absence de bail écrit, il appartient à la partie qui revendique le bénéfice d’un bail rural d’ en établir l’existence.
La contrepartie onéreuse constitue un élément essentiel du bail rural sur le montant ou l’ampleur duquel les volontés des parties doivent se rencontrer et l’initiative unilatérale de travaux agricoles ne suffit pas, en l’absence de paiement d’un fermage, à prouver l’existence d’un tel bail, quel qu’en soit le régime (Cass civ 3, 23 janvier 2020, n°18.-25746).
Il faut aussi que l’acceptation de la contrepartie soit claire et non équivoque, car elle ne peut résulter du seul silence du propriétaire (3ème civ 22 janvier 2003 pourvoi n 01-14207).
Le caractère onéreux d’une mise à disposition ne dépend pas du caractère régulier du versement de la contrepartie (3ème civ 7 mars 2012 pourvoi n° 11-14630) et le montant de celle-ci peut ne pas être corrélé à la valeur du fonds objet du bail, de sorte qu’ une contrepartie même faible, au regard du bien mis à disposition, n’en sera pas moins considérée comme le prix de la location, à condition qu’elle ne soit pas dérisoire au point de se révéler inexistante.
Mais le caractère aléatoire de la contrepartie financière peut exclure la qualification de bail rural (3ème civ 25 mars 2014 pourvoi n 13-16430).
En l’absence de contrepartie, la mise à disposition sera qualifiée de prêt à usage (commodat) et sera exclue du bénéfice du statut du fermage (Cass., 3eme Civ., 21 mars 2012, pourvoi n° 11-14834). Pour apprécier l’existence ou non d’une contrepartie, il appartient à la juridiction de considérer tout autant l’enrichissement éventuel du bailleur que l’appauvrissement corrélatif du preneur, étant précisé que la seule absence d’appauvrissement du preneur établit la gratuité de la mise à disposition.
Pour la SARL Domaine de La Maurette, la contrepartie onéreuse à la mise à disposition des terres données à bail est constituée par l’alimentation en eau de la maison de Madame [B], à partir de l’exploitation de la société appelante, et par les travaux d’arrachage et de replantation de rangs de vigne qu’elle a réalisés sur les parcelles litigieuses, travaux qui incombent par principe au bailleur.
‘L ‘alimentation en eau de la propriété de Madame [B] par la SARL Domaine de La Maurette :
La société appelante entend rapporter la preuve de cette alimentation en eau, par différents procès-verbaux de constat d’huissier et deux attestations de la mairie de [Localité 17] indiquant que Madame [S]-[B], propriétaire au quartier de la Maurette, a sollicité le service des eaux de l’agglomération, en août 2021, en vue du raccordement au réseau d’eau potable de sa propriété laquelle n’avait jamais été raccordée au réseau de distribution de la commune à la date du 31 décembre 2019.
L’appelante produit également une facture du service des eaux, adressée à son nom , d’un montant de 690,77 euros, pour la période du 1er mai 2020 au 31 août 2020 et une attestation du cabinet d’expertise comptable In Extenso indiquant que la SARL Domaine de La Maurette s’est acquittée du règlement de factures d’eaux pour le compteur numéroté C 15 FA198720 entre 2017 et 2021. Les montants des sommes réglées sont précisés.
Il ressort du constat d’huissier établi le 8 avril 2021 que dans le dépôt de stockage dépendant du Domaine de la Maurette sont installés un compteur général d’eau et un décompteur. L’huissier relève « le décompteur a été installé pour [Localité 16] de Madame [B] et la cave du domaine situés en contrebas du bâtiment principal ». Toutefois, cette affirmation ne repose sur aucun constat objectif puisque le décompteur se situe sur la propriété du domaine de La Maurette. Cette indication ne peut que résulter des explications fournies par [G] [F] qui accompagnait Maître [H] au cours de son constat.
Ce point est confirmé par les indications suivantes de l’huissier « Nous sortons et longeons les vignes…Monsieur [F] m’indique qu’ils ont refait entièrement la canalisation qui alimente le décompteur et va jusqu’à la cave. Une tranchée a été réalisée pour enfouir la canalisation ».
Arrivé à la cave, bâtiment mis à disposition dans le cadre du contrat de prêt à usage, l’huissier a constaté la présence de plusieurs décompteurs sous un auvent et a consigné les mentions suivantes « La canalisation située au plus haut alimente la cave du Domaine de la Maurette. La seconde canalisation située en dessous alimente [Localité 16] de Madame [B]. La canalisation située sur le côté droit alimente la piscine et l’arrosage automatique de la maison de Madame [B]».
Néanmoins, comme l’ a relevé exactement le premier juge, ces seules mentions du procès verbal de constat, sans aucune explication ni démonstration sur le circuit des canalisations d’eau, ne sauraient établir que l’habitation de Madame [M] [B] est alimentée en eau par la société à responsabilité limitée Domaine de La Maurette.
De même, le procès verbal du 5 mai 2022, sur l’état du puits, établi en exécution de l’ordonnance sur requête du 8 avril 2022, depuis rétractée, ne peut produire aucun effet probant et ne sera pas examiné . En effet , dès lors qu’est rétractée l’ordonnance sur requête autorisant un huissier à pénétrer sur une propriété privée pour établir un constat, le procès-verbal établi en exécution de cette décision ne produit aucun effet et ne peut être produit en justice.
La cour n’examinera pas non plus le procès-verbal établi le 1er décembre 2022 par Maître [H], intitulé « procès verbal de constat » qui contient une retranscription des constatations réalisées par elle sur l’état du puits situé sur la propriété de Madame [B], en exécution de l’ordonnance rétractée .
En revanche, un second procès verbal a été établi le 5 mai 2022, à la demande de la SARL Domaine de La Maurette, à partir des lieux et du terrain auxquels la requérante a librement accès.
L’huissier a constaté, en substance, la présence de plusieurs points d’eau, en façade de la maison [S]-[B], près des garages et dans la cave mise à la disposition de la SARL Domaine de La Maurette ; que ces points d’eau sont alimentés à partir d’un décompteur situé, dans la réserve propriété du Domaine de La Maurette. Ce décompteur est lui même relié au compteur agricole qui se trouve en bordure de route dans une armoire qui contient tous les compteurs généraux alimentant la propriété de la SARL du Domaine de La Maurette. Lorsque la vanne du décompteur situé dans la réserve est fermée, les points d’eau situés sur la propriété [B] ne sont plus alimentés.
Toutefois , ces constatations ne démontrent pas que la maison de Madame [B], non incluse dans le périmètre du prêt à usage, serait elle aussi alimentée par ce circuit d’eau , alors que l’intimée produit une attestation de Monsieur [K] , plombier, par laquelle celui-ci atteste avoir installé en 2000 une conduite avec pompe de forage dans le puits pour alimenter une piscine et la maison de Madame [M] [S].
En outre, l’huissier, dans ce procès verbal, n’a réalisé aucune constatation objective sur l’alimentation en eau de la maison de Madame [B] et de la piscine, se bornant à consigner les indications de Messieurs [F] et [A], son associé, sur la destination des vannes présentes sous l’ auvent. L’huissier relève même, à propos du décompteur situé dans la réserve propriété de la SARL Domaine de La Maurette, « le second compteur( le décompteur) alimente la partie basse dont la requérante à l’usage mais qui appartient à Madame [S] [B], c’est à dire la cave, les arrosages automatiques , les points d’eau constatés et la piscine ». Tel que formulé, ce passage signifie que la SARL Domaine de La Maurette a l’usage non seulement de la cave, mais également des arrosages automatiques, des points d’eau et de la piscine situés sur la propriété [B].
Sur le procès-verbal établi le 19 juin 2023, Maître [H] a consigné les constatations suivantes :
La présence d’une boîte aux lettre au nom de [P], [Adresse 20], qui serait le locataire de Madame [B] ; après coupure d’une vanne d’alimentation en eau dans la réserve située sur la propriété de la SARL Domaine de La Maurette, Monsieur [F] a reçu, 20 minutes plus tard, un appel téléphonique depuis le numéro GSM 06 21 76 62 12 qui serait le numéro de Monsieur [P] ; le haut-parleur du téléphone de Monsieur [F] a permis à l’huissier d’entendre le contenu de l’échange ainsi retranscrit « l’occupant de l’appartement lui demande s’il fait des travaux sur le réseau d’eau car il n’a plus d’eau ».
L’huissier note ensuite « Monsieur [F] raccroche et nous descendons voir M [P]. Nous restons sur le Domaine et celui-ci descend de son appartement. Il nous confirme ne plus avoir d’eau. M [F] prétexte une coupure pour travaux et lui assure remettre l’eau dans 15 minutes … »
Sur la validité de ces constatations, il convient de relever qu’ est déloyal le fait de permettre à un tiers d’écouter une conversation téléphonique à l’insu de l’un des interlocuteurs, afin que ce tiers retranscrive les termes de cette conversation dans une attestation produite en justice. Toutefois, il en va différemment de la conversation entendue par l’ huissier requis, à partir du haut parleur du poste téléphonique du requérant, et retranscrite dans un procès verbal de constat, dès lors que l’huissier n’a eu recours à aucun stratagème pour provoquer cette conversation, l’atteinte portée à la vie privée de l’interlocuteur du requérant n’étant pas disproportionnée au regard de l’ exercice du droit à la preuve du destinataire de cet appel, compte tenu des intérêts en cause.
En l’espèce, le fait pour l’huissier instrumentaire d’avoir fermé une vanne d’alimentation en eau dont la SARL La Maurette a la libre disposition et d’avoir constaté, 20 minutes plus tard, la réception par Monsieur [F] d’ un appel téléphonique d’un interlocuteur utilisant le numéro de téléphone de Monsieur [P] et se plaignant d’une coupure d’eau, ne constitue pas un stratagème, notion qui implique un élément de dissimulation tel que l’utilisation d’une fausse qualité. Il n’a pas non plus été porté une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée de la personne désignée comme étant M [P], au regard des intérêts en cause dans la présente instance.
Dès lors, il n’y a pas lieu d’écarter le procès verbal de constat du 19 juin 2023.
En revanche, si ce constat d’ huissier établit que la SARL Domaine de La Maurette contrôle l’alimentation en eau d’un appartement situé sur la propriété de Madame [B], aucun des éléments produits, factures et attestation comptable, ne permet d’établir le volume d’eau consommé par l’occupant de ce logement, aucun compteur individuel ne permettant d’isoler sa consommation de celle de la SARL Domaine de La Maurette pour l’exploitation des parcelles et bâtiments mis à sa disposition par Madame [B].
Dans ces conditions, à supposer que les parties aient convenu de cette contre-partie, ce qui n’est nullement démontré au cas d’espèce, Madame [B] vivant la plupart du temps à [Localité 18], de sorte que la SARL Domaine de La Maurette ne peut non plus se prévaloir d’un accord tacite non équivoque, cette contrepartie présenterait à l’évidence un caractère aléatoire selon la durée de la période de location de l’appartement, du nombre d’occupants et de leur consommation d’eau individuelle, laquelle n’est pas précisément chiffrable.
‘ l’arrachage et la replantation de vignes :
En second lieu , la SARL du Domaine de La Maurette soutient qu’elle a effectué, sur les parcelles dont elle a la disposition en exécution du bail qu’elle revendique, des travaux d’arrachage et de replantation de pieds de vigne pour 1 hectare 2 ares et 05 centiares, en 2000 et 2011, le coût de replantation d’un hectare de vigne étant de 30441,00 euros selon la grille de prix établie par la chambre d’agriculture du Var.
Elle ajoute que la replantation de vigne ne constitue pas des travaux d’entretien et d’exploitation viticole courants à la charge du preneur.
Elle considère que la contrepartie à la mise à disposition des terres, qu’elle a dû supporter en 2000 et 2011, correspond au coût de replantation d’un hectare de vigne, soit 30 441,00 euros, somme qui représente, selon la fourchette d’évaluation du fermage invoquée par Madame [B], entre 33 ans et 11 ans de fermage.
En droit, l’article 1719 du code civil dispose que : « Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière…
4° D’assurer également la permanence et la qualité des plantations ».
L’article L. 415-8 du code rural et de la pêche maritime précise que : « La commission consultative des baux ruraux détermine l’étendue et les modalités des obligations du bailleur relatives à la permanence et à la qualité des plantations prévue au 4° de l’article 1719 du code civil ».
Cette obligation repose sur la présence de plantations pérennes telles que vignes, et vergers. Ainsi, le bailleur est tenu d’assurer le remplacement de ceps venant à manquer ou d’arbres morts (Civ. 3e, 22 mars 2005, n° 04-11.143 ).
Concernant les travaux d’arrachage et de replantation de vignes, la SARL DOMAINE DE LA MAURETTE verse aux débats trois déclarations d’achèvement des travaux faisant état de replantations pour une surface totale de 100 ares le 30 avril 2001, de travaux d’arrachage sur une surface totale de 72 ares30 centiares en avril 2009 et de replantation d’une surface de 70 ares en mai 2011, au total pour 1 hectare et 70 ares selon ces documents. Son évaluation chiffrée étant limitée à un peu plus d’un hectare, il y a lieu de considérer que des travaux d’arrachage et de replantation ont porté sur d’autres parcelles que celles visées par le prêt à usage .
Néanmoins, s’il est constant que l’arrachage et la replantation de vignes constituent des gros travaux à la charge du bailleur, l’entretien de ces vignes incombe au preneur. En ce sens, comme l’a retenu le tribunal, seules les dépenses d’investissement évaluées dans la grille tarifaire publiée par la chambre d’ agriculture à 23 436 euros doivent être prises en compte.
Surtout, il ressort des documents établis par France Agri Mer et la direction générale des droits indirects que l’arrachage et la replantation de vignes s’inscrivaient dans le cadre d’une opération de restructuration du vignoble ouvrant droit à des aides publiques, sous forme d’ une participation aux coûts de restructuration et d’ une indemnisation des pertes de recettes.
Et il n’est pas non démontré, au vu de ces pièces, que ces travaux étaient justifiés par la nécessité d’assurer la permanence et la qualité des plantations, ni que Madame [B] ait été sollicité à cette fin en exécution de l’article 1719 du code civil, pour faire entreprendre de tels travaux ou pour autoriser le preneur à les réaliser à ses frais en contrepartie de la mise à disposition des parcelles visées par le prêt à usage originel.
A cet égard, la SARL Domaine de La Maurette ne peut se prévaloir d’ un accord tacite non équivoque de Madame [B], à la réalisation de tels travaux , au motif que la maison dont elle conserve la jouissance serait située à proximité des parcelles replantées. En effet , Madame [B] est une personne née en 1926 à [Localité 18] où elle demeure et n’utilise [Localité 16] qui est sa résidence secondaire, [Adresse 19], que pour des séjours dont la durée n’est pas précisée.
Ainsi, le fait que l’appelante ait réalisé des travaux de replantation sur certaines parcelles dans le cadre d’une restructuration qui lui a permis de prétendre au versement d’aides publiques, de sa seule initiative et sans l’accord de Madame [B], alors que l’urgence de tels travaux n’est pas démontrée, ne saurait constituer la contrepartie exigée par l’article L. 411-1 du code rural.
Il ne ressort dès lors d’aucune des pièces produites par la SARL Domaine de La Maurette que Madame [M] [B] ait entendu consentir à une quelconque contre-partie versée à son bénéfice par la société appelante, en échange de la mise à disposition des terres objet du prêt à usage.
La SARL du Domaine de La Maurette est en conséquence déboutée de ses demandes principales tendant à la reconnaissance d’un bail rural renouvelé, et il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande subsidiaire de désignation d’un huissier, ou constatant, afin de réunir de nouveaux éléments sur l’alimentation en eau de la propriété de Madame [B], une telle mesure d’instruction n’ayant pas vocation à suppléer la carence de l’appelante dans l’administration de la preuve des faits qu’ elle invoque.
Les demandes reconventionnelles subsidiaires de Madame [M] [B] tendant au paiement rétroactif des fermages ainsi qu’à la résiliation du bail sont sans objet.
La qualification de bail rural étant rejetée à défaut de contrepartie onéreuse, la qualification de prêt à usage doit prévaloir.
En application de l’article 1888 du code civil, le prêteur ne peut retirer la chose prêtée
qu’après le terme convenu, ou, à défaut de convention, qu’ après qu’elle a servi à l’usage pour lequel elle a été empruntée.
Aux termes de l’article 1889 du même code, néanmoins, si, pendant ce délai, ou avant que le besoin de l’emprunteur ait cessé, il survient au prêteur un besoin pressant et imprévu de sa chose, le juge peut, suivant les circonstances, obliger l’emprunteur à la lui rendre.
Il ressort de l’application combinée de ces textes qu’en l’absence de délai prévu ou prévisible, la restitution du bien peut être exigée, à charge pour le prêteur de prévoir en faveur de l’emprunteur un délai raisonnable pour la restitution du bien.
Madame [M] [B] produit en ce sens un courrier de son conseil daté du 17 mai 2021, par lequel elle entendait mettre fin au prêt à usage en laissant à la SARL Domaine de La Maurette un délai jusqu’au 31 décembre 2021 pour libérer les lieux .
Ce délai de huit mois et demi doit être considéré comme un délai raisonnable, de sorte que madame [M] [B] pouvait valablement mettre fin au prêt à usage qu’elle avait consenti.
Le jugement est ainsi confirmé en ce qu’il a validé le congé délivré, dit que la SARL Domaine de La Maurette est occupante sans droit ni titre des parcelles ainsi que des bâtiments d’exploitation situés à [Localité 17], cadastrées section C n°[Cadastre 2], [Cadastre 3],[Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6], et ordonné en conséquence l’expulsion de la SARL Domaine de La Maurette et de tout occupant de son chef des parcelles susvisées,
Le jugement est également confirmé sur le rejet de la demande d’astreinte formulée par Madame [B], qui n’apparaît pas nécessaire en l’état,
Sur la demande de dommages et intérêts de Madame [M] [B], pour procédure manifestement abusive :
En application de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrive à le réparer.
Le droit d’agir en justice, y compris en appel, ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol, ce qui n’est pas démontré, au stade de la présente instance, compte tenu de la position respective des parties.
En l’espèce, le seul fait que la SARL Domaine de la Maurette échoue en ses demandes ne suffit pas à caractériser l’exercice abusif du droit d’ agir en justice, en l’absence de tout élément caractérisant une intention de nuire ou une mauvaise foi.
La demande indemnitaire de Madame [B] est ainsi rejetée, le jugement étant confirmé sur ce point.
Sur la demande de condamnation à une amende civile :
Aux termes de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum
de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés
Toutefois, il n’appartient pas aux parties de solliciter le prononcé d’une amende civile, dont l’initiative appartient à la juridiction saisie.
En outre, aucun élément de l’espèce ne caractérise une action dilatoire ou abusive de sorte que les conditions d’application de l’article 32-1 ne sont pas réunies. Comme en première instance, cette demande est écartée à hauteur d’appel.
Sur les demandes annexes:
La SARL Domaine de La Maurette qui succombe supportera la charge des dépens de première instance et d’appel conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
Au regard des circonstances de la cause et de la position respective des parties, l’équité justifie de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné La SARL Domaine de La Maurette à payer à Madame [M] [B] une somme de 1200,00 euros au titre des frais non compris dans les dépens de première instance, en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Il convient d’y ajouter une somme de 5000,00 euros au titre des frais non compris dans les dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant ,
Condamne la SARL Domaine de La Maurette aux dépens d’appel,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL Domaine de La Maurette à payer à Madame [M] [V] épouse [B] une somme de 5000,00 euros au titre des frais non compris dans les dépens d’appel
Le greffier Le président