Tentative de conciliation : 23 novembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/03696

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Tentative de conciliation : 23 novembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/03696
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 4

ARRÊT DU 23/11/2023

N° de MINUTE : 23/1000

N° RG 22/03696 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UNN5

Jugement (N° 51-19-7) rendu le 21 Juin 2022 par le Tribunal paritaire des baux ruraux de Dunkerque

APPELANT

Monsieur [O] [E]

né le 20 Février 1955 à [Localité 27] – de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 27]

Représenté par Me Yann Leupe, avocat au barreau de Dunkerque substitué par Me Audrey Verhoeven, avocat au barreau de Dunkerque

INTIMÉS

Monsieur [K] [P]

né le 09 Octobre 1938 à [Localité 36] – de nationalité Française

[Adresse 38]

[Localité 2]

Madame [I] [D] née [B]

née le 30 Octobre 1952 à [Localité 33] – de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 31]

Monsieur [T] [B]

né le 30 Novembre 1936 à [Localité 40] – de nationalité Française

[Adresse 37]

[Localité 31]

Madame [M] [B]

née le 15 Mars 1955 à [Localité 33] – de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 30]

Monsieur [U] [B]

né le 23 Janvier 1950 à [Localité 33] – de nationalité Française

[Adresse 12]

[Localité 31]

Monsieur [S] [B]

né le 31 Mars 1946 à [Localité 31] – de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 31]

Monsieur [R] [B]

né le 16 Avril 1944 à [Localité 31] – de nationalité Française

[Adresse 11]

[Localité 30]

Monsieur [C] [B]

né le 05 Mai 1942 à [Localité 40] – de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 31]

Madame [A] [P] née [B]

née le 22 Février 1938 à [Localité 40] – de nationalité Française

[Adresse 38]

[Localité 2]

Madame [H] [B] [Z]

née le 01 Février 1942 à [Localité 31] – de nationalité Française

[Adresse 37]

[Localité 31]

Madame [V] [L] née [B]

née le 05 Octobre 1939 à [Localité 41] – de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 31]

Représentés par Me Philippe Meillier, avocat au barreau d’Arras

DÉBATS à l’audience publique et solennelle du 21 Septembre 2023, tenue par Véronique Dellelis et Emmanuelle Boutié magistrates chargées d’instruire le dossier qui ont entendu les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Ismérie Capiez

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Véronique Dellelis, président de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Catherine Ménegaire, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Par acte authentique en date du 24 janvier 1996, Mme [J] épouse [B] a conclu avec M. [O] [E] un bail à ferme d’une durée de 18 ans ayant commencé à courir le 1er janvier 1996 portant sur diverses parcelles à usage agricole situées sur la commune de [Localité 27] (Nord) et notamment :

– B[Cadastre 28] pour une contenance de 00ha 88a 50ca

– B[Cadastre 29] pour une contenance de 00ha 25a 96ca,

– B[Cadastre 14] pour une contenance de 00ha 75a 51ca

– B[Cadastre 8] pour une contenance de 07ha 83a 78 ca devenue B1579

– B[Cadastre 32] pour une contenance de 00ha 42a 71ca

– B[Cadastre 19] pour une contenance de 00ha 00a 80ca

– B[Cadastre 20] pour une contenance de 00ha 37a 32ca

– B[Cadastre 15] pour une contenance de 02ha 18a 50ca

– B[Cadastre 17] pour une contenance de 00ha 07a 14ca

– B[Cadastre 18] pour une contenance de 00ha 00a 78ca

– B[Cadastre 21] pour une contenance de 00ha 40a 03ca

– B[Cadastre 22] pour une contenance de 00ha 06a 74ca

– B[Cadastre 23] pour une contenance de 00ha 10a 87ca

– B[Cadastre 24] pour une contenance de 00ha 38a 18ca.

A la suite du décès de Mme [J] épouse [B], ses héritiers, Mme [A] [P] née [B], M. [K] [P], Mme [I] [D] née [B], M. [T] [B], M. [S] [B], Mme [H] [B] née [Z], M. [R] [B] et Mme [V] [L] née [B] ont cédé à M. [C] [B], également héritier, leurs droits indivis sur les parcelles précitées à l’exception des parcelles B[Cadastre 14] et B[Cadastre 8], devenue B[Cadastre 4], l’ensemble portant sur une superficie de 11ha 94a 58ca.

Le 26 mars 2019, les bailleurs ont fait délivrer congé à M. [O] [E] pour le 31 décembre 2020 à minuit sur le fondement de l’article L.411-64 du code rural et de la pêche maritime, au motif de l’âge de M. [E] lui permettait de faire valoir ses droits à la retraite.

Par requête reçue au greffe le 5 juillet 2019, M. [E] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Dunkerque aux fins de voir annuler le congé et d’être autorisé à céder le bail à sa fille majeure, Mme [G] [E].

Il a été procédé à la tentative de conciliation lors de l’audience non publique du 3 septembre 2019 et aucun accord n’a pu être trouvé. L’affaire a été renvoyée en audience de jugement.

Par jugement en date du 21 juin 2022, auquel il est expressément renvoyé pour un exposé complet de la procédure antérieure au jugement et des demandes et moyens des parties, le tribunal paritaire des baux ruraux de Dunkerque a:

– rejeté la demande en nullité du congé délivré le 26 mars 2019 par Mme [A] [P] née [B], M. [K] [P], Mme [I] [D] née [B], M. [T] [B], M. [S] [B], Mme [H] [B] née [Z], M. [R] [B], Mme [V] [L] née [B] et M.[C] [B] à M. [O] [E] portant sur les parcelles situées sur la commune de [Localité 27], cadastrées B[Cadastre 7], B[Cadastre 25] et B[Cadastre 26].

– débouté Mme [A] [P] née [B], M. [K] [P], Mme [I] [D] née [B], M. [T] [B], M. [S] [B], Mme [H] [B] née [Z], M. [R] [B], Mme [V] [L] née [B] et M.[C] [B] de leur demande en résiliation de bail aux torts du preneur,

– débouté M. [O] [E] de sa demande d’autorisation de cession de bail à sa fille Mme [G] [E],

– dit que le congé délivré le 26 mars 2019 par Mme [A] [P] née [B], M. [K] [P], Mme [I] [D] née [B], M. [T] [B], M. [S] [B], Mme [H] [B] née [Z], M. [R] [B], Mme [V] [L] née [B] et M.[C] [B] à M. [O] [E] portant sur les parcelles situées sur la commune de [Localité 27], cadastrées B[Cadastre 28], B[Cadastre 29], B[Cadastre 14], B[Cadastre 4], B[Cadastre 32], B[Cadastre 19], B[Cadastre 20], B[Cadastre 16], B[Cadastre 15], B[Cadastre 17], B[Cadastre 18], B[Cadastre 21], B[Cadastre 22], B[Cadastre 23] et B[Cadastre 24], a produit ses effets le 30 septembre 2021 à minuit,

– ordonné à M. [E] et à tout occupant de son chef de libérer la parcelle située sur la commune de [Localité 27], cadastrées B[Cadastre 28], B[Cadastre 29], B[Cadastre 14], B[Cadastre 4], B[Cadastre 32], B[Cadastre 19], B[Cadastre 20], B[Cadastre 16], B[Cadastre 15], B[Cadastre 17], B[Cadastre 18], B[Cadastre 21], B[Cadastre 22], B[Cadastre 23] et B[Cadastre 24] au plus tard à l’issue d’un délai de quatre mois à compter de la notification de la présente décision,

– dit que faute pour M. [O] [E] d’avoir libéré les parcelles situées sur la commune de [Localité 27], cadastrées B[Cadastre 28], B[Cadastre 29], B[Cadastre 14], B[Cadastre 4], B[Cadastre 32], B[Cadastre 19], B[Cadastre 20], B[Cadastre 16], B[Cadastre 15], B[Cadastre 17], B[Cadastre 18], B[Cadastre 21], B[Cadastre 22], B[Cadastre 23] et B[Cadastre 24] à l’issue de ce délai, il y sera contraint sous astreinte provisoire de 100 euros par jour courant pendant une durée de quatre mois,

– débouté les parties de leurs autres demandes,

– condamné M. [O] [E] à payer à M. [C] [B] la somme de 500 euros au titre de leurs frais irrépétibles,

– condamné M. [O] [E] aux entiers dépens de l’instance,

– écarté l’exécution provisoire de la présente décision.

M. [O] [E] a interjeté appel de cette décision, la déclaration d’appel visant l’ensemble des dispositions du jugement entrepris.

Lors de l’audience devant cette cour, M. [O] [E] soutient ses conclusions déposées lors de l’audience et dûment visées par le greffe par lesquelles il demande à cette cour de :

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé par le tribunal paritaire des baux ruraux le 21 juin 2022,

Statuant à nouveau,

– annuler le congé délivré le 26 mars 2019 à l’encontre de M. [O] [E] et portant sur les parcelles objets du bail reçu par Maître [W] [X] le 24 janvier 1996 entre Mme [J] épouse [B] et M. [O] [E],

– autoriser la cession du bail rural du 24 janvier 1996 portant sur les parcelles B[Cadastre 28], B[Cadastre 29], B[Cadastre 32], B[Cadastre 19], B[Cadastre 20], B[Cadastre 16], B[Cadastre 15], B[Cadastre 17], B[Cadastre 18], [Cadastre 34], B[Cadastre 22], B[Cadastre 23], B[Cadastre 24], propriétés de M. [C] [B] et pour le solde de la parcelle B[Cadastre 8] repris désormais sous le numéro B[Cadastre 4] et la parcelle N[Cadastre 14] propriétés de l’indivision [B],

– débouter M. [C] [B] et l’indivision [B] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

– les condamner au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

M. [O] [E] fait essentiellement valoir qu’étant né le 20 février 1955, il a atteint l’âge de 67 ans le 20 février 2022 et que le congé ne pouvait donc produire ses effets pour une échéance triennale du bail antérieure au 20 février 2022, la date d’effet du congé fixée au 11 novembre 2021 étant erronée.

A titre subsidiaire, il forme préalablement une demande d’autorisation de cession de son bail rural au profit de sa fille, [G] [E], agricultrice, conformément aux dispositions de l’article L.411-64 du code rural et de la pêche maritime, cette dernière remplissant l’ensemble des conditions pour bénéficier d’une cession à son profit. L’appelant précise qu’étant associée de la SCEA [Adresse 39], [G] [E] est pleinement impliquée dans l’exploitation, assurant la gestion de l’exploitation en terme de comptabilité, facturation, lien avec les organismes sociaux, la MSA, les établissements bancaires et entend renforcer son rôle pour devenir cheffe de celle-ci. Il ajoute qu’elle disposera de l’ensemble des moyens matériels qui étaient ceux de son père sur son actuelle exploitation et qui sont ceux utilisés par la SCEA [Adresse 39] et qu’elle réside au coeur même de l’exploitation, siège de la SCEA [Adresse 39].

En outre, M. [E] argue de sa bonne foi en faisant valoir l’échange dont se prévaut le bailleur remonte à 45 ans et fait suite à la construction de l’autoroute A25, cet échange s’inscrivant dans le cadre d’une vaste opération de remembrement amiable et M. [E] n’étant pas locataire des parcelles litigieuses à cette époque. Il précise que toute demande relative à ces échanges est prescrite et que l’échange reproché ne porte que sur la parcelle B[Cadastre 26] correspondant à une surface restreinte ne causant aucun préjudice ni aucun grief au bailleur.

De plus, il soutient que les terres vont être exploitées par la SCEA [Adresse 39] dont Mme [G] [E] est associée et que cette société a obtenu une autorisation tacite d’exploiter en date du 2 mai 2019.

Enfin, sur la demande de résiliation de bail formée par les intimés, il précise que les manquements du preneur à ses obligations n’entraînent pas nécessairement une résiliation du bail et qu’une partie de la parcelle B[Cadastre 32] d’une superficie d’environ 400m² ne peut plus être exploitée car elle est inaccessible aux engins agricoles et recouverte sur toute sa longueur de branches d’arbres provenant de la haie plantée sur le terrain adjacent, propriété des consorts [B].

Les consorts [B] soutiennent leurs conclusions déposées lors de l’audience et dûment visées par le greffe par lesquelles ils demandent à cette cour de :

– dire et juger M. [O] [E] recevable mais non fondé en son appel,

– dire et juger M. [C] [B], Mme [A] [B] épouse [P], M. [K] [P], Mme [I] [B] épouse [D], M. [T] [B], Mme [M] [B], M. [U] [B], M. [S] [B], Mme [H] [Z] épouse [B], M. [R] [B] et Mme [V] [B] épouse [L] recevables et bien fondés en leur appel incident,

En conséquence,

– A titre principal, infirmer le jugement en ce qu’il a débouté [C] [B], Mme [A] [B] épouse [P], M. [K] [P], Mme [I] [B] épouse [D], M. [T] [B], Mme [M] [B], M. [U] [B], M. [S] [B], Mme [H] [Z] épouse [B], M. [R] [B] et Mme [V] [B] épouse [L] de leur demande de résiliation de bail,

Statuant à nouveau,

Vu l’article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime,

– prononcer la résiliation du bail dont est titulaire M. [E] sur les parcelles B[Cadastre 28], B[Cadastre 29], [Cadastre 3]partie, [Cadastre 14], [Cadastre 8], [Cadastre 32], [Cadastre 19], [Cadastre 20], [Cadastre 16], [Cadastre 15], [Cadastre 17], [Cadastre 18], [Cadastre 21], [Cadastre 22], [Cadastre 23] et [Cadastre 24] représentant une surface de 15ha 81a 41ca,

En conséquence,

– ordonner l’expulsion de M. [O] [E] et de tout occupant de son chef dans le mois de la signification du jugement à intervenir et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant un an.

– dit qu’à défaut d’exécution volontaire, il pourra y être contraint par la force publique.

A titre subsidiaire et si par impossible, la cour devait estimer qu’il n’y a pas lieu à résiliation de bail,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [O] [E] de sa demande d’autorisation de cession de bail au profit de sa fille [G] [E] et en ce qu’il a validé le congé délivré par ministère de Maître [F], huissier de justice à [Localité 35] le 26 mars 2019 pour la date du 31 décembre 2020 à 24heures sur les parcelles cadastrées B[Cadastre 28], [Cadastre 29], [Cadastre 32], [Cadastre 19], [Cadastre 20], [Cadastre 16], [Cadastre 15], [Cadastre 17], [Cadastre 18], [Cadastre 21], [Cadastre 22], [Cadastre 23], B1579 et B[Cadastre 14] sur le territoire de la commune de [Localité 27],

– ordonner l’expulsion de M. [O] [E] et de tout occupant de son chef dans le mois du jugement à intervenir, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant un an,

– dit qu’à défaut d’exécution volontaire, il pourra y être contraint par la force publique,

– condamner M. [O] [E] à payer à M. [C] [B] la somme de 4000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la première instance.

Les consorts [B] soutiennent essentiellement qu’il ressort du constat dressé par Maître [F] le 28 août 2019 que la parcelle B[Cadastre 32] incluse dans le bail est laissée à l’abandon et ce depuis de longues années de sorte qu’il y a manifestement compromission du fonds contraire aux dispositions de l’article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime. Ils précisent que ni le bail ni le statut ne réservent de statut particulier aux parcelles de forme irrégulière ou présentant un relief difficile et que que l’absence d’exploitation et d’entretien compromet la bonne exploitation du fonds.

En outre, ils ajoutent que M. [E] ne cultive et n’entretient pas une partie de la parcelle B[Cadastre 32] et qu’il laisse le voisin procéder à des dépôts de matériaux et la faucher.

A titre subsidiaire, ils arguent que le bailleur peut délivrer congé au preneur dès lors que ce dernier a atteint l’âge légal pour faire valoir ses droits à la retraite soit 62 ans et que l’article L.411-64 du code rural et de la pêche maritime est inapplicable en cas de bail à long terme et de congé délivré en application de l’article L.416-1 du code rural et de la pêche maritime.

Ils font valoir que si un agriculteur peut procéder à des échanges de parcelles avec un agriculteur pour améliorer l’exploitation du fonds, il doit, en application de l’article L.411-39 du code rural et de la pêche maritime, informer le propriétaire de cet échange et que le constat établi le 28 août 2019 révèle que la parcelle B[Cadastre 14] est mise en culture en même temps que la parcelle voisine cadastrée B[Cadastre 10] et que la parcelle B[Cadastre 29] et qu’il en va de même pour les parcelles B[Cadastre 29] et B[Cadastre 14]. Les intimés précisent que ces échanges de parcelles qui n’ont pas été dénoncés au bailleur constituent une violation des dispositions de l’article L.411-39 et caractérisent l’absence de bonne foi de M. [E].

Enfin, s’agissant du projet de cession au profit de Mme [G] [E], les consorts [B] avancent que Mme [E] n’a perçu aucun revenu pour les années 2018-2019-2020, qu’aucun relevé d’immobilisation n’est produit concernant la SCEA [Adresse 39], et qu’il n’est pas démontré que la SCEA [Adresse 39] soit en conformité avec le contrôle des structures.

Il est pour le surplus renvoyé aux écritures des parties pour un exposé complet de leurs moyens et arguments.

MOTIFS

Sur la demande de résiliation de bail

Dans le cadre de leur appel incident, les consorts [B] sollicitent le prononcé de la résiliation du bail faisant état, d’une part, de la compromission du fonds et d’autre part, de la cession prohibée de la parcelle B[Cadastre 32].

Aux termes des dispositions de l’article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime, sauf dispositions législatives particulières, nonobstant toute clause contraire et sous réserve des dispositions des articles L.411-32 et L.411-34, le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s’il justifie de l’un des motifs suivants :

1° Deux défauts de paiement de fermage ou de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l’expiration d’un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l’échéance. Cette mise en demeure devra, à peine de nullité, rappeler les termes de la présente disposotion;

2° Des agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, notamment le fait qu’il ne dispose pas de la main-d’oeuvre nécessaire aux besoins de l’exploitation;

3° Le non-respect par le preneur des clauses mentionnées au troisième alinéa de l’article L.411-27.

Les motifs mentionnés ci-dessus ne peuvent être invoqués en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes.

(…)

Il résulte des termes du procès-verbal de constat établi par Maître [F] le 28 août 2019 que la parcelle cadastrée B[Cadastre 32] n’est pas entretenue et n’est pas exploitée, de nombreuses végétations non entretenues étant visibles.

Toutefois, alors que M. [E] ne conteste pas l’absence d’entretien d’une partie de la parcelle cadastrée B[Cadastre 32] objet du bail, il est démontré par le registre parcellaire produit aux débats que la configuration de cette parcelle ne permet pas le passage d’engins agricoles sur une petite superficie d’environ 320m².

En outre, la configuration de la parcelle et l’impossibilité de l’exploiter sont confirmées par M. [Y], propriétaire de la parcelle voisine, ce dernier faisant aussi état d’échanges avec M. [B] relatif à la vente de cette parcelle à son profit.

Ainsi, c’est à juste titre que le tribunal a estimé que le défaut d’entretien d’une partie de la parcelle cadastrée B[Cadastre 32] ne saurait constituer un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail, en l’absence de preuve d’un préjudice causé au bailleur.

Par ailleurs, si en cause d’appel, les consorts [B] soutiennent que l’existence d’une cession prohibée est démontrée par la pièce n°36 de M. [E] consistant en un courrier adressé à son conseil faisant état de ce qu’il ne cultive pas et n’entretient pas la parcelle et laisse le voisin procéder à des dépôts de matériaux et la faucher, force est de constater que ce seul courrier, qui n’est pas conforté par d’autres éléments du dossier, et ne fait état que du défaut d’entretien de la parcelle B[Cadastre 32] qui n’est pas contesté par M. [E], ne saurait suffire à caractériser une cession prohibée au sens de l’article L.411-35 du code rural et de la pêche maritime et justifier la résiliation du bail en l’absence de preuve d’un préjudice subi par le bailleur.

La décision entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle a débouté les consorts [B] de leur demande en résiliation de bail.

Sur le congé

Aux termes des dispositions de l’article L.411-64 du code rural et de la pêche maritime, le droit de reprise tel qu’il est prévu aux articles L.411-58 à L.411-63, L.411-66 et L.411-67 ne peut être exercé au profit d’une personne ayant atteint, à la date prévue pour la reprise, l’âge de la retraite retenu en matière d’assurance vieillesse des exploitants agricoles, sauf s’il s’agit, pour le bénéficiare du droit de reprise, de constituer une exploitation ayant une superficie au plus égale à la surface fixée en application du V de l’article L.739-39.

Si la superficie de l’exploitation ou des exploitations mises en valeur par le preneur est supérieure à cette limite, le bailleur peut, par dérogation aux articles L.411-5 et L.411-46:

– soit refuser le renouvellement du bail au preneur ayant atteint l’âge de la retraite retenu en matière d’assurance vieillesse des exploitants agricoles,

– soit limiter le renouvellement à l’expiration de la période triennale au cours de laquelle le preneur atteindra cet âge.

Le preneur peut demander au bailleur le report de plein droit de la date d’effet du congé à la fin de l’année culturale où il aura atteint l’âge lui permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein.

(…)

En l’espèce, les consorts [B] ont fait délivrer congé à M. [O] [E] pour le 31 décembre 2020 à minuit sur le fondement de l’article L.411-64 du code rural et de la pêche maritime, au motif que l’âge de M. [E] lui permettait de faire valoir ses droits à la retraite.

Le tribunal a justement relevé que M. [E] était âgé de 65 ans au 31 décembre 2020, date d’effet du congé alors que l’âge de la retraite retenu en matière d’assurance vieillesse des exploitants agricoles est de 62 ans de sorte que le congé ne saurait être invalidé pour ce motif.

En outre, alors qu’il n’est pas démontré que le preneur ne pouvait bénéficier d’une retraite à taux plein, la cour relève que le motif invoqué par M. [E] ne constituerait qu’une cause de report de la date des effets du congé jusqu’à la date de son départ à la retraite à taux plein.

Ainsi, il y a lieu de débouter M. [E] de sa demande en nullité du congé, la décision entreprise étant confirmée sur ce point.

Sur la demande d’autorisation de cession du droit au bail :

L’article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime dispose notamment en son alinéa premier que :

Sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial prévues au chapitre VIII du présent titre et nonobstant les dispositions de l’article 1717 du code civil, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l’agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d’un pacte civil de solidarité du preneur participant à l’exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l’âge de la majorité ou ayant été émancipés. A défaut d’agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire.

La faculté donnée au preneur de céder son bail à l’un de ses descendants notamment soit avec l’autorisation du bailleur soit avec l’autorisation du tribunal paritaire des baux ruraux étant une exception au principe d’incessibilité , la cession ne doit pas nuire aux intérêts du bailleur et ne peut donc être autorisée qu’au profit d’un locataire de bonne foi, à savoir un locataire ayant satisfait à toutes les obligations nées du bail. Par ailleurs, le candidat à la cession doit satisfaire à l’ensemble des conditions posées par l’article L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime.

L’article L. 411-59 du code rural dispose que :

Le bénéficiaire de la reprise doit, à partir de celle-ci, se consacrer à l’exploitation du bien repris pendant au moins neuf ans soit à titre individuel, soit au sein d’une société dotée de la personnalité morale, soit au sein d’une société en participation dont les statuts sont établis par un écrit ayant acquis date certaine. Il ne peut se limiter à la direction et à la surveillance de l’exploitation et doit participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation. Il doit posséder le cheptel et le matériel nécessaires ou, à défaut, les moyens de les acquérir.

Le bénéficiaire de la reprise doit occuper lui-même les bâtiments d’habitation du bien repris ou une habitation située à proximité du fonds et en permettant l’exploitation directe.

Le bénéficiaire de la reprise doit justifier par tous moyens qu’il satisfait aux obligations qui lui incombent en application des deux alinéas précédents et qu’il répond aux conditions de capacité ou d’expérience professionnelle mentionnées aux articles L. 331-2 à L. 331-5 ou qu’il a bénéficié d’une autorisation d’exploiter en application de ces dispositions.

La compétence professionnelle du candidat à la cession doit être appréciée par rapport aux conditions de diplôme ou d’expérience prévues pour le contrôle des structures, à l’instar du bénéficiaire d’une reprise.

Il résulte des pièces produites aux débats que Mme [G] [E] est titulaire du certificat d’aptitude agricole délivré le 9 octobre 2002, dispose d’un brevet d’études professionnelles agricoles délivré le 10 août 2004 et est en outre titulaire d’un baccalauréat professionnel de technicien vente conseil qualité en produits alimentaires délivré le 27 juillet 2006, ces conditions de capacité professionnelle n’étant pas remise en cause en l’espèce.

Toutefois, c’est à juste titre que le tribunal a relevé que Mme [E] n’est titulaire que de 10 % des parts de la SCEA [Adresse 39] qui n’est elle-même propriétaire d’aucun matériel permettant l’exploitation agricole des terres, le seul registre d’immobilisation produit aux débats étant établi au nom de M. [O] [E].

Ainsi, seul est produit le registre d’immobilisation établi au nom de M. [O] [E] au 31 mai 2018 auquel se trouve annexée une liste manuscrite et dactylographiée intitulée ‘Liste matériel au 10 otobre 2019″ sans mentionner son auteur ni être confortée par d’autres pièces produites aux débats.

En outre, si M. [E] produit une attestation manuscrite établie le 24 mai 2020 indiquant attester que ‘le matériel de mon exploitation principale [Adresse 1] à [Localité 27] est loué à la SCEA [Adresse 39] [Adresse 13] à [Localité 27] pour continuer son activité’ est insuffisant, en l’absence d’autres éléments de preuve, à démontrer l’existence de moyens propres dont dispose la SCEA [Adresse 39] pour l’exploitation agricole des parcelles louées.

En outre, alors que les conditions de la cession du bail doivent être appréciées à la date d’effet du congé, soit le 31 décembre 2020, force est de constater que Mme [G] [E] ne justifie pas disposer de revenus ni de concours financiers permettant de financer l’acquisition de matériel permettant l’exploitation des parcelles louées, les avis d’imposition pour les années 2018-2019 et 2020 ne faisant état de la perception d’aucun revenus.

De plus, s’agissant de la conformité du projet de cession au contrôle des structures, le cessionnaire étant tenu d’obtenir une autorisation d’exploiter au jour de la cession projetée en application de l’article L.331-2 du code rural et de la pêche maritime, il ne résulte pas des éléments du dossier que la SCEA [Adresse 39] soit en conformité avec le contrôle des structures en l’absence de toute précision sur les parcelles concernées par l’autorisation tacite d’exploiter à la date du 2 mai 2019.

Ainsi, seule figure au dossier une décision de prolongation d’une demande d’autorisation d’exploiter en date du 26 février 2019 faisant état du dépôt d’une demande d’autorisation d’exploiter par la SCEA [Adresse 39] le 30 octobre 2018 et d’un délai d’instruction de six mois sans qu’aucune précision sur les parcelles concernées par cette demande ne soit communiquée.

Dès lors, en l’absence de justificatifs suffisants produits aux débats concernant le projet de cession des parcelles louées à Mme [G] [E], il y a lieu de retenir que le cessionnaire ne présente pas les conditions requises pour assurer la bonne exploitation des parcelles louées.

En conséquence, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les conditions relatives à la bonne foi du preneur, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande d’autorisation de cession de bail et dit que le congé délivré sortirait son plein et entier effet.

Il convient dès lors pour la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné l’expulsion de M. [E] des parcelles affermées.

Il y a lieu toutefois de prévoir que le point de départ de l’astreinte telle qu’ordonnée par le premier juge sera reporté au 1er du mois suivant la notification du présent arrêt.

Sur les autres demandes

Le sort des dépens et l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ont été exactement réglés par les premiers juges.

Le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs.

M [E], partie perdante, sera condamné à supporter les entiers dépens d’appel.

Il n’apparaît pas inéquitable de le condamner à verser à M. [C] [B] la somme de1500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à préciser que le point de départ de l’astreinte telle qu’ordonnée par le premier juge à savoir une astreinte de 100 euros par jour courant pendant un délai de quatre mois est reportée au 1er jour du mois suivant la notification du présent arrêt .

Y ajoutant,

Condamne M [O] [E] à payer à M. [C] [B] la somme de 1500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ;

Condamne M. [O] [E] aux entiers dépens d’appel .

Le greffier

Ismérie CAPIEZ

Le président

Véronique DELLELIS

 


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