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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-3
ARRÊT AU FOND
DU 24 NOVEMBRE 2023
N°2023/ 197
RG 22/07019
N° Portalis DBVB-V-B7G-BJMZL
Société ETZ HA’HAIM 770
C/
[H] [D]
Copie exécutoire délivrée
le 24 Novembre 2023 à :
-Me Fabienne BENDAYAN-CHETRIT, avocat au barreau de MARSEILLE
– Me Lauriane BUONOMANO, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 29 Avril 2022 enregistré au répertoire général sous le n° F 21/00971.
APPELANTE
Société ETZ HA’HAIM 770, à l’enseigne DIAMOND’IMMO ET COMMUNICATION 77O, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Fabienne BENDAYAN-CHETRIT, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIME
Monsieur [H] [D], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Lauriane BUONOMANO, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Septembre 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargées du rapport.
Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre
Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant
Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2023.
ARRÊT
CONTRADICTOIRE,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2023.
Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * * * * * * *
FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant contrat signé le 30 septembre 2019, M. [H] [D] a été engagé comme apprenti jusqu’au 31 août 2021, pour l’obtention du BTS Professions Immobilières, par la société dénommée RAFIMMO ETZ HA’HAIM770 appliquant la convention collective nationale de l’immobilier.
La rémunération contractuelle était fixée à 53% du SMIC pour la 1ère année soit 806,25 euros bruts et 61% du SMIC pour la 2ème année.
Une rupture est intervenue d’un commun accord le 31 août 2020.
Le salarié a signé le reçu pour du solde de tout compte de 1 542,16 euros le 7 septembre 2020.
Par lettre recommandée du 28 octobre 2020, l’avocate de M.[D] a mis en demeure la société de verser la somme de 9 304,26 euros correspondant aux salaires restés impayés et au solde de tout compte, et de remettre les bulletins de salaire des mois d’octobre, novembre et décembre 2019.
La société a répondu le 16 novembre 2020 que M.[D] avait été rempli de ses droits.
Sur requête du 10 juin 2021, M.[D] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille aux fins notamment d’obtenir la condamnation de la société sous astreinte, à lui payer la somme principale de 11.586,16 euros brute outre les congés payés afférents ainsi que celle de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts
Selon jugement du 29 avril 2022, le conseil de prud’hommes a statué comme suit :
Condamne la société ETZ HA’AIM 770 à payer à M.[D] les sommes suivantes :
– 9 304,26 euros à titre de rappel de salaires pour octobre, novembre et décembre 2019,
– 930,42 euros au titre des congés payés afférents,
– 1 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ordonne à la société la remise des bulletins de salaire des mois d’octobre, novembre et décembre 2019 et la délivrance des documents conformes avec le présent jugement.
Condamne la société aux entiers dépens.
Le conseil de la société a interjeté appel par déclaration du 13 mai 2022.
Par ordonnance du 10 février 2023 non déférée à la cour, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de radiation pour non exécution, jugeant que l’absence de mention de la moyenne des trois derniers mois de salaire ne privait pas la décision de son caractère exécutoire, a débouté la société de sa demande d’arrêt ou de suspension de l’exécution provisoire et l’a condamnée aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 8 août 2022, la société indique :
«L’appel tend à la réformation du jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Marseille en date du 29 avril 2022 en ce qu’il a sur le fond de façon infondée et injustifiée et non motivée:
CONDAMNE la SAS ETZ HA’HAIM 770 à payer à Monsieur [H] [D] la somme de 9304,26 € brute à titre de rappel de salaires pour octobre-novembre-décembre 2019 ainsi que la somme de 930,42€ à titre de congés payés afférents
CONDAMNE la SAS ETZ HA’HAlM 770 à payer à Monsieur [H] [D] la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts
CONDAMNE la SAS ETZ HA’HAIM 770 à payer à Monsieur [H] [D] la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du CPC
ORDONNE à la SAS ETZ HA’HAIM 770 la remise des bulletins de salaires des mois d’octobre-novembre-décembre 2019,
ORDONNE à la SAS ETZ HA’HAIM 770 la délivrance des documents conformes avec le présent jugement
DEBOUTE la SAS ETZ HA’HAIM 770 de ses demandes reconventionnelles au paiement d’une amende civile outre une somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens.
En conséquence, réformer le jugement et
DEBOUTER Monsieur [H] [D] de toutes ses demandes fins et conclusions
CONDAMNER Monsieur [D] au paiement d’une amende civile outre une somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts
CONDAMNER Monsieur [D] au paiement d’une somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens.»
Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 8 novembre 2022, M.[D] demande à la cour de :
«REFORMER le jugement en ce que société ETZ HAIM a été condamnée à payer à Monsieur [H] [D] :
‘ 1000 euros au titre des dommages et intérêts
‘ 1000 euros au titre de l’article 700 du CPC
‘ 9 304,26 euros à titre de rappel de salaires pour octobre, novembre et décembre 2019, le montant des condamnations étant affecté d’une erreur, tout comme la désignation de la période,
‘ 930,42 euros à titre de congés payés afférents
REFORMER le jugement concernant la demande de Monsieur [D] tendant à la capitalisation des intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil des Prud’hommes,
Statuant à nouveau,
CONDAMNER la SAS ETZ HA’HAIM 770 à payer à Monsieur [H] [D] la somme de 9143,01€ brute au titre des rappels de salaire et solde tout compte ainsi que la somme de 914,30€ à titre de congés payés afférents sous astreinte de 100€ par jour de retard à compter de la notification de ladite décision,
CONDAMNER la SAS ETZ HA’HAIM 770 à payer à Monsieur [H] [D] la somme de 6.000 € à titre de dommages et intérêts ;
CONDAMNER la SAS ETZ HA’HAIM 770 à remettre à Monsieur [H] [D] les bulletins de salaires des mois d’octobre-novembre-décembre, jamais remis au salarié, SAS ETZ HA’HAIM 770
JUGER que les condamnations prononcées seront assorties d’intérêts à taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud’hommes ;
ORDONNER la capitalisation des intérêts ;
CONDAMNER la SAS ETZ HA’HAIM 770, outre aux entiers dépens, à payer à Monsieur [H] [D] la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du CPC pour la procédure de première instance,
CONDAMNER la SAS ETZ HA’HAIM 770, outre aux entiers dépens, à payer à Monsieur [H] [D] la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du CPC pour la procédure d’appel. »
Pour l’exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.
MOTIFS DE L’ARRÊT
Sur le rappel de salaires et le solde de tout compte
La société relève que M.[D] ne dénie pas avoir demandé à être payé en espèces et souligne que la première demande de paiement des salaires prétendument non réglés est intervenue postérieurement à la rupture du contrat, l’apprenti n’ayant jamais formulé la moindre réclamation et ce durant une année d’activité.
Elle indique rapporter la preuve du règlement des salaires par ses pièces comptables et des attestations.
Au visa de l’article 1315 du code civil, M.[D] considère que la société n’apporte pas la preuve du règlement, les attestations n’étant pas probantes, les écritures comptables étant des brouillards, et la déclaration fiscale ne faisant pas mention du versement de son salaire.
Il ajoute que les bulletins de salaire ne lui ont été remis qu’après la rupture et font mention d’un paiement par chèque, qu’aucun émargement ne lui a été demandé et que ce n’est que dans le cadre du chômage partiel (période Covid) qu’il a été réglé par virement.
S’agissant du solde de tout compte d’un montant de 1546 euros, il maintient qu’il n’a jamais reçu cette somme en espèces, rappelle que le paiement des salaires en espèces n’est possible qu’à hauteur de 1500 euros et précise avoir signé pour avoir ses documents de fin de contrat et pouvoir ainsi commencer son apprentissage au sein d’une nouvelle agence.
Aux termes de l’article 1315 devenu 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Et selon l’article L.3243-3 du code du travail, l’acceptation sans protestation ni réserve d’un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d’une convention ou d’un accord collectif de travail ou d’un contrat.
En l’espèce, la cour constate que l’employeur produit devant la cour les mêmes documents que devant le conseil de prud’hommes, à savoir des documents comptables non officiels qualifiés de «brouillards» soit des documents provisoires et non des documents officiels certifiés par son comptable, lesquels au demeurant ne font apparaître aucun retrait en espèces, ayant permis de payer le salarié.
En outre, le règlement prétendu en espèces chaque mois est contradictoire avec la mention sur les bulletins de salaire délivrés pour l’année 2020, postérieurement à la rupture, précisant un paiement par chèque.
Les attestations de MM. [W], [J] et du médecin [R] ne sont pas probantes et ne correspondent pas dans leurs dates aux mentions figurant dans les brouillons comptables.
En conséquence, l’employeur n’apporte pas la preuve du règlement des salaires sur la période d’exécution du contrat de travail ni du solde de tout compte lequel comprend le dernier mois de salaire d’août et l’indemnité compensatrice de congés payés soit 1 542,16 euros, et qui ne pouvait être payé en espèces.
La cour relève des erreurs dans le décompte du salarié qui a mentionné 2 fois le mois d’août 2020 et calcule le salaire de 2019 à un taux horaire égal à celui de 2020 alors qu’il était moindre.
Dès lors, la société est redevable de la somme de :
– année 2019 : 806,26 x 3 = 2 418,79 – 250 (espèces) = 2 168,79 €
– année 2020 : 815,91 x 8 = 6 527,28 – (1 128 euros virements mai ) = 5 399,28 €
soit un total de 7 568,07 euros outre les congés payés afférents.
En outre, elle doit être condamnée à payer l’indemnité de congés payés à hauteur de 767,83 €.
Il n’y a pas lieu d’assortir la présente condamnation d’une astreinte, l’arrêt étant exécutoire.
Sur le préjudice moral
L’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur qui a manqué gravement à son obligation de paiement du salaire a causé à M.[D] un préjudice distinct de celui réparé par les intérêts, l’ayant conduit à consulter d’octobre 2019 à juillet 2020 pour un syndrome anxio dépressif comme le démontre le certificat du médecin traitant (pièce 11), ce qui justifie de faire droit à la demande à titre de dommages et intérêts à hauteur de 2 000 euros.
Sur les autres demandes
Malgré sa demande expresse tant par lettre recommandée que dans le cadre de l’instance, le salarié n’a pas reçu les bulletins de salaire au titre de l’année 2019 et il convient en conséquence, d’ordonner leur remise sous astreinte.
Les sommes allouées à titre de salaires porteront intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l’employeur (présentation de la lettre recommandée) à l’audience de tentative de conciliation valant mise en demeure.
Les sommes allouées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision.
La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.
La société qui succombe totalement doit s’acquitter des dépens d’appel, être déboutée de sa demande faite sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à ce titre payer à M.[D] en cause d’appel, la somme supplémentaire de 2 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, en matière prud’homale,
Infirme le jugement SAUF dans ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et Y ajoutant,
Condamne la société RAFIMMO ETZ HA’HAIM770 à payer à M.[H] [D], les sommes suivantes :
– la somme de 7 568,07 euros bruts, au titre d’un rappel de salaires d’octobre 2019 à août 2020 inclus,
– 756,80 euros au titre des congés payés afférents,
– 767,83 euros au titre de l’indemnité de congés payés,
– 2 000 euros à titre de dommages et intérêts,
Dit que les sommes allouées à titre de salaires porteront intérêts au taux légal à compter du 14/06/2021 et celle à titre indemnitaire à compter de la date de la présente décision.
Ordonne la capitalisation des intérêts à condition qu’ils soient dus au moins pour une année entière,
Condamne la société RAFIMMO ETZ HA’HAIM770 à remettre à M.[D] les bulletins de salaire d’octobre, novembre et décembre 2019, conformes au présent arrêt, au plus tard le 24/12/2023,
Dit qu’à défaut d’exécution totale ou partielle dans ce délai, la société y sera contrainte sous astreinte de 100 euros par jour de retard pendant 90 jours,
Condamne la société RAFIMMO ETZ HA’HAIM770 à payer à M.[D] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne la société RAFIMMO ETZ HA’HAIM770 aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT