Tentative de conciliation : 27 novembre 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 22/00416

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Tentative de conciliation : 27 novembre 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 22/00416
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Arrêt n° 23/00395

27 Novembre 2023

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N° RG 22/00416 – N° Portalis DBVS-V-B7G-FVVW

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Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social

28 Janvier 2022

19/00306

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 – Sécurité Sociale

ARRÊT DU

vingt sept Novembre deux mille vingt trois

APPELANT :

Monsieur [J] [Y]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représenté par l’association [8], prise en la personne de Mme [A] [Z], salariée de l’association munie d’un pouvoir spécial

INTIMÉS :

L’AGENT JUDICIAIRE DE l’ ETAT (AJE)

Ministères économiques et financiers Direction des affaires juridiques

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 6]

représenté par Me Laure HELLENBRAND, avocat au barreau de METZ

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MOSELLE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Mme [U], munie d’un pouvoir général

FONDS D’INDEMNISATION DES VICTIMES DE L’AMIANTE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représenté par Me Sabrina BONHOMME, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Septembre 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre, magistrat chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Mme Anne FABERT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [J] [Y], né le 30 juin 1950, ancien salarié du 28 mai 1975 au 30 juin 2000 des Houillères du Bassin de Lorraine (« HBL »), devenues l’établissement public Charbonnages de France (« CDF »), a occupé les postes suivants :

du 28/05/1975 au 31/01/1976 : apprenti-mineur (fond) ;

du 01/02/1976 au 18/11/1976 : aide abatteur-boiseur ‘ boiseur (fond) ;

du 07/03/1977 au 03/08/1978 : abatteur-boiseur (fond) ;

du 11/12/1978 au 03/08/1981 : boiseur (fond) ;

du 22/09/1981 au 31/08/1982 : piqueur d’élevage en préparation au remblayage hydraulique (fond) ;

du 01/09/1982 au 31/12/1986 : conducteur machine d’abattage (fond) ;

du 01/01/1987 au 29/02/1988 : piqueur d’élevage en préparation au remblayage hydraulique (fond) ;

du 01/03/1988 au 31/05/1988 : boiseur de renforcement (fond) ;

du 01/06/1988 au 31/10/1988 : piqueur d’élevage en préparation au remblayage hydraulique (fond) ;

du 01/11/1988 au 30/04/1989 : boiseur de renforcement (fond) ;

du 01/05/1989 au 31/05/1992 : rabasseneur (fond) ;

du 01/06/1992 au 31/03/1996 : piqueur d’élevage en préparation au remblayage hydraulique (fond) ;

du 01/04/1996 au 30/06/2000 : boiseur de renforcement (fond).

Il a bénéficié d’un congé charbonnier fin de carrière à compter du 1er juillet 2000.

Le 25 juin 2018, il a adressé à la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (« la Caisse ») une déclaration de maladie professionnelle inscrite au tableau n°30A, accompagnée d’un certificat médical initial du Docteur [I] du 23 juin 2018, diagnostiquant une asbestose.

Par courrier du 10 décembre 2018, la Caisse régionale de la sécurité sociale dans les Mines de l’Est (CARMI DE L’EST) a reconnu la caractère professionnel de cette pathologie.

La Caisse a notifié à Monsieur [J] [Y], le 15 février 2019, la fixation d’un taux d’incapacité permanente de 10% à compter du 24 juin 2018, lendemain de la date de consolidation, avec attribution d’une rente annuelle brute de 1382,26 €.

L’Agent Judiciaire de l’État (AJE) a indiqué dans ses écritures que la décision de prise en charge rendue par la Caisse aurait été infirmé par un jugement rendu en date du 11 mai 2022 par le Tribunal Judiciaire de METZ et qu’un appel serait actuellement pendant devant la Cour de céans sous le numéro 22/01688.

Monsieur [J] [Y] a saisi le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) d’une demande d’indemnisation. Il a accepté l’offre de cet organisme fixant l’indemnisation des préjudices à hauteur de 14.600 euros dont 13.000 euros au titre du préjudice moral, 400 euros au titre du préjudice physique et 1.200 euros au titre du préjudice d’agrément.

Le 8 janvier 2019 , Monsieur [J] [Y] a saisi la CARMI pour faire reconnaitre l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur.

Après échec de la tentative de conciliation, Monsieur [J] [Y] a saisi, le 04 mars 2019, le Pôle social du Tribunal de Grande Instance de METZ (devenu Pôle Social du Tribunal Judiciaire de METZ à compter du 1er janvier 2020) d’une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de Charbonnages de France à l’origine de sa maladie professionnelle du tableau n°30 A.

La Caisse a été mise en cause et le FIVA est intervenu volontairement à l’instance.

Par jugement du 28 janvier 2022, le Pôle social du Tribunal Judiciaire de METZ a :

déclaré Monsieur [J] [Y] recevable en son action,

déclaré le FIVA, subrogé dans les droits de Monsieur [J] [Y], recevable en ses demandes,

déclaré le jugement commun à la CPAM de Moselle, agissant pour le compte de la Caisse Autonome Nationale de la Sécurité Sociale dans les Mines ‘ l’Assurance Maladie des Mines,

reçu l’Agent Judiciaire de l’Etat en son intervention volontaire et reprise d’instance suite à la clôture de la liquidation des Charbonnages de France, venant aux droits des Houillères du Bassin de Lorraine,

dit que l’existence d’une faute inexcusable des Houillères du Bassin de Lorraine, devenues Charbonnages de France, aux droits desquels vient l’Agent Judiciaire de l’Etat, dans la survenance de la maladie professionnelle de Monsieur [J] [Y] n’est pas établie,

débouté Monsieur [J] [Y], le FIVA et la CPAM de l’ensemble de leurs demandes,

rejeté les demandes de Monsieur [J] [Y] et du FIVA au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

L'[8] (ci-après « [8] »), agissant pour le compte de Monsieur [J] [Y], a, par lettre recommandée expédiée le 28 janvier 2022, interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée par LRAR du 1er février 2022.

Par conclusions datées du 22 février 2023, soutenues oralement à l’audience par son représentant, l’ADEVAT-AMP, Monsieur [J] [Y] demande à la Cour de :

infirmer le jugement du Pôle Social du Tribunal Judiciaire de METZ rendu le 28 janvier 2022,

Statuant à nouveau :

juger que la maladie professionelle du tableau n°30A de Monsieur [J] [Y] est due à la faute inexcusable de son employeur, les HBL représentées par l’AJE,

dire et juger :

que cette majoration prendra effet à la date de reconnaissance de la maladie professionnelle,

qu’en cas d’aggravation ultérieure le taux de la rente sera indexée au taux d’IPP,

qu’en cas de décès imputable, la rente de conjoint sera majorée à son taux maximum et que la Caisse devra verser l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale, de même qu’en cas d’aggravation du taux d’IPP à 100 %,

statuer ce que de droit quant aux demandes du FIVA,

débouter l’AJE de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

condamner l’AJE à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

condamner l’AJE aux entiers frais et dépens,

Par conclusions datées du 1er mars 2023, soutenues oralement à l’audience par son Conseil, le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante demande à la Cour de :

infirmer le jugement entrepris sur les chefs de jugement suivants :

dit que l’existence d’une faute inexcusable des HBL devenues CDF, aux droits desquels vient l’AJE, dans la survenance de la maladie professionnelle de Monsieur [J] [Y], n’est pas établie,

déboute Monsieur [J] [Y], le FIVA et la CPAM de l’ensemble de leurs demandes,

Et, statuant à nouveau sur ces points :

dire que la maladie professionnelle dont est atteint Monsieur [J] [Y] est la conséquence de la faute inexcusable de l’AJE, repreneur du contentieux de l’ancien EPIC Charbonnages de France,

fixer à son maximum la majoration de la rente servie à Monsieur [J] [Y], et dire que la CANSSM devra verser cette majoration à Monsieur [J] [Y],

dire que cette majoration devra suivre l’évolution du taux d’incapacité permanente de Monsieur [J] [Y], en cas d’aggravation de son état de santé,

dire qu’en cas de décès de la victime imputable à sa maladie professionnelle due à l’amiante, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant,

fixer l’indemnisation des préjudices personnels de Monsieur [J] [Y] comme suit :

souffrances morales : 13.000 euros,

souffrances physiques : 400 euros,

préjudice d’agrément : 1.200 euros,

total : 14.600 euros,

dire que la CANSSM devra verser cette somme au FIVA, créancier subrogé, en application de l’article L.452-3 alinéa 3 du Code de la Sécurité Sociale,

Y ajoutant :

condamner l’Agent Judiciaire de l’État, repreneur du contentieux de l’ancien EPIC Charbonnages de France à payer au FIVA une somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

condamner la partie succombante aux dépens, en application des articles 695 et suivants du Code de Procédure Civile.

Par conclusions datées du 22 août 2023, soutenues oralement à l’audience par son représentant, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Moselle, intervenant pour le compte de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines, demande à la Cour de :

lui donner acte qu’elle s’en remet à la sagesse de la Cour en ce qui concerne la faute inexcusable reprochée à la Société Charbonnages de France,

Le cas échéant,

lui donner acte qu’elle s’en remet à la Cour en ce qui concerne la fixation du montant de la majoration de rente réclamée par le FIVA pour le compte de Monsieur [J] [Y],

prendre acte qu’elle ne s’oppose pas à ce que la majoration de rente suive l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle de Monsieur [J] [Y],

constater qu’elle ne s’oppose pas à ce que le principe de la majoration de rente reste acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant en cas de décès de Monsieur [J] [Y] consécutivement à sa maladie professionnelle,

donner acte qu’elle s’en remet à la Cour en ce qui concerne la fixation du montant des préjudices extrapatrimoniaux subis par Monsieur [J] [Y],

le cas échéant, de rejeter toute éventuelle demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle n°30A de Monsieur [J] [Y],

condamner l’Agent Judiciaire de l’État intervenant pour le compte de la Société CDF à rembourser à la Caisse les sommes qu’elle sera tenue de verser au titre de la majoration de l’indemnité en capital et de l’intégralité des préjudices ainsi que des intérêts légaux subséquents, en application des dispositions de l’article L.452-3-1 du Code de la Sécurité Sociale.

Par conclusions datées du 25 septembre 2023, soutenues oralement à l’audience par son Conseil, l’AJE, demande à la Cour :

A TITRE PRINCIPAL :

confirmer le jugement du Pôle Social du Tribunal Judiciaire de METZ en date du 28 janvier 2022 en ce qu’il a débouté Monsieur [J] [Y] et le FIVA de l’ensemble de leurs demandes,

Par conséquent,

débouter Monsieur [J] [Y], le FIVA et la CPAM de Moselle de l’ensemble de leurs demandes formulées à l’encontre de l’AJE, la preuve de l’existence d’une faute inexcusable de l’exploitant n’étant pas rapportée,

A TITRE SUBSIDIAIRE, si par extraordinaire la faute inexcusable venait à être retenue :

débouter le FIVA de ses demandes de remboursement des indemnités versées au titre des souffrances physiques et morales endurées et au titre d’un préjudice d’agrément,

PLUS SUBSIDIAIREMENT ENCORE :

réduire à de plus justes proportions les demandes indemnitaires,

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

surseoir à statuer sur l’action récursoire de la Caisse, dans l’attente de la décision judiciaire à intervenir sur la contestation de l’origine professionnelle de la maladie de Monsieur [J] [Y],

rejeter les demandes d’article 700 du CPC,

dire n’y avoir lieu à dépens.

Il est renvoyé aux conclusions précitées pour un examen complet des moyens et prétentions des parties.

SUR CE,

SUR L’EXPOSITION AU RISQUE AU [Localité 10] DU TABLEAU N°30A DES MALADIES PROFESSIONNELLES :

L’AJE sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a retenu que l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur n’était pas établie. Il conteste l’exposition au risque d’inhalation des poussières d’amiante de Monsieur [J] [Y], rappelant qu’il existe une instance relative à la contestation de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie dont souffre ce dernier.

Il critique les attestations produites qui sont imprécises, notamment quant à la qualité de collègues directs de la victime et manquent dès lors de force probante. L’AJE estime que les nombreuses pièces générales produites par ses soins viennent contredire les affirmations du salarié et de ses témoins.

Monsieur [J] [Y], représenté par l’ADEVAT-AMP, sollicite l’infirmation du jugement entrepris qui a estimé que la faute inexcusable n’était pas établie à l’encontre des Charbonnages de France. Il souligne qu’au regard de son parcours professionnel et des outils utilisés, il est indéniable qu’il a été exposé aux poussières d’amiante ce que démontrent les attestations de ses anciens collègues de travail.

Le FIVA soutient les arguments de Monsieur [J] [Y].

La Caisse s’en remet à l’appréciation de la Cour.

******************

La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur suppose qu’il soit préalablement établi l’existence d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

L’employeur est en mesure de contester le caractère professionnel d’une maladie lorsque sa faute inexcusable est recherchée, quand bien même ce caractère professionnel serait établi dans les relations entre la Caisse et l’assuré.

Aux termes de l’article L.461-1 alinéa 2 du Code de la Sécurité Sociale, est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions désignées à ce tableau.

En l’espèce, il n’est pas contesté que la maladie dont se trouve atteint Monsieur [J] [Y] répond aux conditions médicales du tableau n°30A, qui désigne l’asbestose comme étant une fibrose pulmonaire diagnostiquée sur des signes radiologiques spécifiques. Seule est discutée l’exposition habituelle du salarié au risque d’inhalation de poussières d’amiante.

Ce tableau prévoit également un délai de prise en charge de 35 ans, sous réserve d’une durée d’exposition de deux ans, et une liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer cette maladie, dont notamment les travaux exposant à l’inhalation de poussières d’amiante tels que des travaux d’équipement, d’entretien ou de maintenance effectués sur des matériels ou dans des locaux et annexes revêtus ou contenant des matériaux à base d’amiante de sorte que ce tableau n’impose pas que le salarié ait directement manipulé des produits amiantés, seul important le fait qu’il ait effectué des travaux l’ayant conduit à inhaler habituellement des poussières d’amiante.

Il résulte du relevé de périodes et d’emplois établi par l’Agence Nationale pour la Garantie des Droits des Mineurs (pièce n°2 de l’ADEVAT-AMP) que Monsieur [J] [Y] a travaillé pour le compte des Houillères du Bassin de Lorraine, exclusivement dans les chantiers du fond des unités d’exploitation de Merlebach, Reumaux et Vouters pendant plus de 25 ans entre 1975 et 2000, aux différents postes suivant : apprenti-mineur, aide abatteur-boiseur boiseur, abatteur-boiseur, boiseur, piqueur d’élevage en préparation au remblayage hydraulique, conducteur de machine d’abattage, boiseur de renforcement, et rabasseneur.

Monsieur [J] [Y] produit aux débats les attestations de deux collègues de travail, à savoir Messieurs [B] [T] et [M] [N] (pièces n°7 et 8 de l’ADEVAT-AMP).

Il convient de relever que les deux témoins donnent des précisions sur les postes qu’ils ont occupé ainsi que leur période de travail commune avec la victime, laquelle est confirmée par leurs relevés de carrières respectifs, et établissent de manière concordante et circonstanciée leur exposition et celle de Monsieur [J] [Y] à l’inhalation de poussières d’amiante.

Monsieur [B] [T] écrit ainsi qu’il a travaillé aux côté de Monsieur [J] [Y] ‘au [Adresse 9] de 1987 à 1998’ et qu’ils étaient ‘exposés aux poussières d’amiante’. Il ajoute ‘pratiquement toutes les machines au fond contenaient des freins et des embrayages en amiante comme les scrapers, les treuils ou les marteaux piqueurs que Monsieur [Y] utilisait tous les jours.

Monsieur [Y] travaillait à côté de moi qui conduisait des machines pour abattre le charbon et ces machines avaient des freins et des embrayages en amiante’.

Monsieur [M] [N] énonce qu’il a travaillé avec Monsieur [J] [Y] ‘au [Adresse 9] de 1987 à 1998’ et précise ‘nous avons travaillé au creusement et nous utilisions et nous devions entretenir des équipements amiantés. Nous devions aussi installer des conduites pour l’alimentation des chantiers, ces conduites étaient reliées par des joints en amiante qu’il fallait confectionner sur place.

Les marteaux piqueurs à air comprimé avaient des joints en amiante qu’il fallait changer. Il y avait des poussières d’amiante partout au fond qui provenaient de partout, comme celles des convoyeurs blindés dont les freins en amiante qui, quand ils se frottaient, dégageaient des poussières d’amiante et tout le personnel inhalait. Le monorail pour transporter le personnel et le matériel, les haveuses, les perforatrices, et plein d’autres encore contenaient de l’amiante’.

Ces attestations sont suffisamment précises et circonstanciées pour qu’il leur soit accordé force probante et l’AJE n’apporte aucun élément permettant de contester leur bien fondé ou de contredire les tâches ainsi décrites.

Dès lors, au vu de ces éléments, la maladie déclarée par Monsieur [J] [Y] remplissant toutes les conditions médico-administratives du tableau n°30A et en l’absence de toute preuve contraire que le travail n’a joué aucun rôle dans le développement de la maladie, il y a lieu de considérer que le caractère professionnel de l’asbestose dont est atteint Monsieur [J] [Y] est établi à l’égard de l’ établissement public Charbonnages de France aux droits duquel vient l’Agent judiciaire de l’État.

SUR LA FAUTE INEXCUSABLE DE L’EMPLOYEUR :

L’Agent Judiciaire de l’Etat soutient que les Houillères du Bassin de Lorraine ne pouvaient avoir conscience du risque et qu’elles ont mis en ‘uvre tous les moyens nécessaires pour protéger les salariés des risques connus à chacune des époques de l’exploitation, avec les données connues et les mesures de protection qui existaient ; qu’elles ont parfaitement satisfait à leur obligation de prévention et de sécurité et qu’aucun défaut d’information ne peut leur être reproché. Il ajoute que très tôt les Houillères se sont préoccupées des masques et de leur efficacité et ont oeuvré contre l’empoussièrement par la mise en place et l’amélioration constante des systèmes d’arrosage, d’abattage des poussières, d’aérage et de capotage. Il fait également valoir que ce n’est qu’en 1996 qu’ont été introduits dans la liste du tableau n°30 des maladies professionnelles, les travaux d’équipement, d’entretien ou de maintenance effectués sur des matériels ou dans des locaux revêtus ou contenant des matériaux à base d’amiante de sorte que les HBL ne pouvaient pas, dans ce contexte, avoir conscience du danger du risque amiante.

Monsieur [J] [Y] fait valoir que compte tenu de l’inscription des affections respiratoires liées à l’amiante dans un tableau des maladies professionnelles à partir de 1945, des connaissances scientifiques raisonnablement accessibles à l’époque, de la réglementation applicable relative à la protection contre les poussières et de l’importance de l’organisation et de l’activité de cet employeur, celui-ci aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait son salarié ; que ni l’information, ni les moyens nécessaires à sa protection n’ont été mis en ‘uvre par Charbonnages de France.

Le FIVA soutient les aguments de Monsieur [J] [Y].

La Caisse s’en rapporte à l’appréciation de la Cour concernant l’établissement de la faute inexcusable de l’employeur.

******************

L’ article L.452-1 du Code de la Sécurité Sociale dispose que lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat.

Les articles L.4121-1 et L.4121-2 du Code du Travail mettent par ailleurs à la charge de l’employeur une obligation légale de sécurité et de protection de la santé du travailleur.

Le manquement à son obligation de sécurité et de protection de la santé de son salarié a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L.452-1 du Code de la Sécurité Sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il incombe au salarié qui invoque la faute inexcusable de son employeur de rapporter la preuve de ce que celui-ci avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé et de ce qu’il n’avait pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Sur la conscience du danger par les HBL puis par les Charbonnages de France

La dangerosité de l’amiante est connue en France depuis le début du XXème siècle au moins, notamment grâce au Bulletin de l’inspection du travail de 1906 faisant état de très nombreux cas de fibroses chez les ouvriers de filatures et tissage.

Dans les années 1930, plusieurs publications ont également alerté sur l’exposition professionnelle à l’amiante et le développement de certaines pathologies. Ainsi, en 1930, une publication du Docteur [H] dans la revue La médecine du travail établissait déjà un lien de causalité entre l’asbestose et le travail des ouvriers de l’amiante, et comprenait déjà des recommandations précises en direction des industriels sur les mesures à prendre afin de réduire l’empoussièrement. A partir de 1935 d’autres publications ont fait un lien entre l’exposition professionnelle à l’amiante et le cancer broncho-pulmonaire.

Les maladies engendrées par les poussières d’amiante ont été inscrites pour la première fois au tableau des maladies professionnelles en 1945, et un tableau spécifique aux pathologies consécutives à l’inhalation des poussières d’amiante (asbestose) a été créé en 1950, avec inscription des travaux de calorifugeage au moyen d’amiante dès 1951. La liste des travaux susceptibles d’entraîner les maladies inscrites au tableau n°30A est devenue simplement indicative par décret n°55-1212 du 13 septembre 1955.

Dès lors, les éventuelles carences des pouvoirs publics s’agissant de la protection des travailleurs exposés à l’amiante ne peuvent tenir lieu de fait justificatif et exonérer l’employeur de sa propre responsabilité.

Ainsi, dès le début des années 1950, tout employeur avisé était tenu à une attitude de vigilance et de prudence dans l’usage, alors encore licite, de la fibre d’amiante.

Un décret du 17 août 1977 a fixé des limites de concentration moyenne de fibres d’amiante dans les locaux de travail ainsi que les règles de protection générale ou à défaut individuelle à appliquer. Si ce décret n’était pas applicable aux mines, il ne pouvait qu’alerter à nouveau les Charbonnages de France sur la nocivité de l’amiante. D’ailleurs, il résulte des pièces même produites par l’AJE que les Charbonnages de France disposaient d’un service médical interne conséquent et performant dont faisait partie le docteur [C], entré dans l’entreprise en 1977, l’intéressé ayant rédigé sa thèse de docteur en médecine sur l’amiante, ses risques et son utilisation sur les lieux de travail. Sans compter l’existence au sein des Charbonnages de France d’un centre d’études et de recherche (le CERCHAR) à la compétence internationale reconnue en la matière.

Compte tenu de sa dimension et des moyens corrélatifs dont il disposait pour exploiter les informations et les données scientifiques déjà connues à cette époque, sur les dangers liés à l’exposition habituelle à l’inhalation de poussières d’amiante, l’employeur ne pouvait pas ne pas avoir conscience, à l’époque de la période d’emploi de Monsieur [J] [Y], des risques sanitaires graves, d’ores et déjà révélés par de nombreuses publications, auxquels se trouvaient exposés son salarié.

Ainsi, au vu de ce qui vient d’être développé et compte tenu des emplois exercés par Monsieur [J] [Y] au fond des mines, il en résulte que les HBL puis les Charbonnages de France ne pouvaient ignorer le risque encouru par l’intéressé.

Sur les mesures de protection mises en oeuvre :

Il convient de rappeler que s’agissant de la réglementation applicable, une réglementation en matière de protection contre l’empoussiérage a existé très tôt et a connu une évolution particulière à partir de 1951, date du décret n° 51-508 du 4 mai 1951 portant règlement général sur l’exploitation des mines dont l’article 314 énonce : « Des mesures sont prises pour protéger les ouvriers contre les poussières dont l’inhalation est dangereuse » ;

qu’une instruction du 15 décembre 1975 relative aux mesures de prévention médicales dans les mines de houille a introduit la notion de pneumoconiose autre que la silicose et a préconisé des mesures de prévention telles que des mesures d’empoussiérage, de classement des chantiers empoussiérés, de détermination de l’aptitude des travailleurs aux différents chantiers et de leur affectation dans les chantiers empoussiérés.

Il ressort des témoignages précités des anciens collègues directs de travail de la victime qu’eux mêmes et Monsieur [J] [Y] ne disposaient ni de protections respiratoires individuelles, ni de protection respiratoires collectives pour les préserver de l’inhalation de poussières d’amiante.

Monsieur [B] [T] indique ‘le masque en papier que nous avions, quand nous en avions un, laissait tellement passer les poussières qu’on l’enlevant nous n’avions pas de trace. Nous étions noirs de poussières de la tête aux pieds. Et toutes ces poussières, on les ramenait avec quand on se changeait’.

Monsieur [M] [N] écrit ‘la distribution des masques était soit inexistante, soit en quantité insuffisante et en plus inadaptés car on éprouvait très vite des difficultés à respirer.

Aucune réglementation n’obligeait les mineurs à porter ces masques, du coup comme on n’arrivait plus à respirer avec, on les enlevait’. (témoignages de Messieurs [S], [G] et [E]).

Ces témoignages ne sont pas utilement contestés par l’Agent Judiciaire de l’Etat qui ne verse au dossier aucun élément de nature à remettre en cause la sincérité de leurs auteurs et le caractère authentique des faits relatés.

L’AJE ne peut par ailleurs sérieusement prétendre qu’il a mis en oeuvre tous les moyens nécéssaires pour lutter contre ce risque et en même temps exposer que l’exploitant minier ignorait jusqu’en 1996 les dangers liés à ce risque.

Les explications fournies par l’Agent Judiciaire de l’Etat et les pièces générales qu’il produit établissent que la lutte contre les poussières avait manifestement pour objectif essentiel la lutte contre la silicose.

Si sont produits des comptes-rendus de réunion ou rapports émanant des services médicaux du travail devant certaines instances, telles que le comité d’hygiène et de sécurité, évoquant les maladies liées à l’utilisation de l’amiante, ces documents ne sont pas de nature à contrecarrer les témoignages précités et à démontrer que la victime a bénéficié de moyens de protection efficaces et été informée des dangers de l’amiante alors que les poussières d’amiante beaucoup plus fines que les poussières de silice nécessitaient des protections respiratoires spécifiques et qu’il ressort de l’annexe au compte rendu de la réunion du comité de Bassin du 12 septembre 1996 qu’une action de sensibilisation de l’ensemble du personnel concernant l’amiante était seulement, à cette date, en préparation (pièce n°58 de l’AJE).

Enfin, si l’AJE souligne que l’EPIC Charbonnages de France a mis en place une surveillance médicale spéciale amiante dès 1977, il ne précise toutefois pas à quels salariés elle s’était appliquée et si Monsieur [J] [Y] en a été bénéficiaire ; cette surveillance médicale ne peut, en tout état de cause, être considérée comme un moyen suffisant de prévention des maladies liées à l’inhalation des poussières d’amiante, ayant seulement pour objet de constater la présence de la maladie en vue de son traitement.

Dès lors, il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour préserver Monsieur [J] [Y] du risque d’inhalation de poussières d’amiante, de sorte que le jugement entrepris est infirmé en ce qu’il a dit que la maladie professionnelle de Monsieur [J] [Y] inscrite au tableau n°30A n’est pas due à la faute inexcusable de son employeur, la faute inexcusable de l’EPIC Charbonnages de France aux droits duquel vient l’Agent judiciaire de l’Etat étant établie en l’espèce.

SUR LES CONSEQUENCES FINANCIERES DE LA FAUTE INEXCUSABLE DE L’EMPLOYEUR:

. sur la majoration de la rente :

Aux termes de l’article L.452-1 du Code de la Sécurité Sociale, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur, la victime a le droit à une indemnisation complémentaire.

Aux termes de l’article L.452-2, alinéas 1, 3 et 6, du Code de la Sécurité Sociale, « dans le cas mentionné à l’article précédent [faute inexcusable de l’employeur], la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre. […]Lorsqu’une rente a été attribuée à la victime,le montant de la majoration est fixée de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction de salaire annuel correspondant à la réduction de la capacité, soit le montant de ce salaire en cas d’incapacité totale .La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l’employeur dans des conditions déterminées par décret ».

Aucune discussion n’existe à hauteur de Cour concernant la majoration de la rente allouée à Monsieur [J] [Y], en conséquence la rente octroyée à ce dernier sera majorée à son taux maximum.

Cette majoration suivra l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle de Monsieur [J] [Y] et restera acquise pour le calcul de la rente de conjoint survivant en cas de décès de Monsieur [J] [Y] consécutivement à sa maladie professionnelle.

Cette majoration sera versée par la Caisse à Monsieur [J] [Y], le FIVA ne lui ayant rien versé au titre de l’incapacité fonctionnelle.

. sur les préjudices extrapatrimoniaux de M. [Y]

Il résulte de l’article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale qu’« indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. […] La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur. »

Les dispositions de cet article, telles qu’interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2010-8 QPC du 18 juin 2010, ne font pas obstacle à ce qu’en cas de faute inexcusable de l’employeur et indépendamment de la majoration de rente servie à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, celle-ci puisse demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation non seulement des chefs de préjudice énumérés par le texte susvisé, mais aussi de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

– souffrances physiques et morales

Le FIVA, en sa qualité de créancier subrogé, demande l’indemnisation des souffrances morales subies par Monsieur [J] [Y] à la somme de 13.000 euros et 400 euros pour ses souffrances physiques.

L’Agent judiciaire de l’Etat soutient que seules les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent, c’est à dire celles endurées pendant la période antérieure à la date de consolidation, peuvent faire l’objet d’une réparation complémentaire, mais qu’elles ne sont pas démontrées en l’espèce. Il ajoute que la date de consolidation coïncide avec la date du certificat médical initial (que ce soit pour la maladie initialement constatée en 2015 ou pour son aggravation en 2018), de sorte que le FIVA ne peut se prévaloir d’une période de maladie traumatique et ne peut revendiquer l’existence d’un préjudice moral ou physique non déjà indemnisé au titre du déficit fonctionnel permanent.

La Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Moselle s’en remet à l’appréciation de la Cour.

***************

ll résulte de l’article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale que se trouvent indemnisées à ce titre l’ensemble des souffrances physiques et morales éprouvées depuis l’accident ou l’événement qui lui est assimilé.

En considération du caractère forfaitaire de la rente au regard de son mode de calcul tenant compte du salaire de référence et du taux d’incapacité permanente défini à l’article L.434-2 du code de la sécurité sociale, la cour de cassation juge désormais, par un revirement de jurisprudence, que la rente versée par la caisse à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent (Cour de cassation, Assemblée plénière 20 janvier 2023, pourvoi n° 21-23947). En conséquence, les souffrances physiques et morales de la victime peuvent être indemnisées.

Dès lors, le FIVA qui justifie avoir indemnisé Monsieur [J] [Y] (pièces n°5 et 6 du FIVA) est recevable en sa demande d’indemnisation des souffrances physiques et morales, sous réserve qu’elles soient caractérisées.

S’agissant des souffrances physiques subies par Monsieur [J] [Y], le FIVA produit des pièces médicales (compte-rendu de scanner, exploration fonctionnelle respiratoire et rapport médical d’évaluation du taux d’IPP en AT/PM) qui, si elles mettent en évidence l’existence de lésions de fibrose pulmonaire, ne documentent pas les douleurs dont fait état la vicitime, de sorte que l’imputabilité de ces troubles à la maladie asbestose n’est pas établie.

Le FIVA sera donc débouté de sa demande au titre des souffrances physiques.

S’agissant des souffrances morales, Monsieur [J] [Y] était âgé de 67 ans lorsqu’il a appris qu’il était atteint de la pathologie, asbestose, du tableau n°30A des maladies professionnelles.

L’anxiété indissociable du fait de se savoir atteint d’une maladie irréversible due à l’amiante et liée aux craintes de son évolution péjorative à plus ou moins brève échéance sera justement réparée par l’allocation d’une somme de 13.000 euros de dommages-intérêts eu égard à la nature de la pathologie en cause et à l’âge de Monsieur [J] [Y] au moment de son diagnostic.

– préjudice d’agrément

Le FIVA demande une indemnisation de ce préjudice à hauteur de 1.200 euros.

La Cour relève que le montant accordé à Monsieur [J] [Y] selon l’offre communiquée par le FIVA au titre du préjudice d’agrément s’élève à 2.000 euros. Néanmoins, la Juridiction étant uniquement saisie des demandes des parties, et le FIVA demandant expressément dans ses écritures de fixer le préjudice d’agrément de Monsieur [J] [Y] à 1.200 euros, la Cour statuera sur la demande contenue dans les conclusions du FIVA.

L’AJE s’oppose à cette demande, indiquant que le FIVA ne verse aucune attestation de témoin permettant de justifier de ses prétentions, de sorte qu’il n’établit ni la pratique régulière d’activités sportives ou de loisirs spécifiques avant la survenance de la maladie, ni du fait que Monsieur [J] [Y] a dû renoncer à ces activités du fait de la maladie.

La Caisse s’en rapporte.

***************

Le préjudice d’agrément vise exclusivement à réparer le préjudice spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique de sports ou de loisirs, à laquelle elle se livrait antérieurement. Ce préjudice concerne donc les activités sportives, ludiques ou culturelles devenues impossibles ou limitées en raison des séquelles de la maladie professionnelle. Il appartient à la victime de justifier de la pratique antérieure de ces activités.

En l’espèce, aucune pièce versée aux débats ne permet de caractériser la pratique régulière antérieure d’une activité spécifique sportive ou de loisir se distinguant de celles de la vie courante, si bien que le FIVA, subrogé dans les droits de Monsieur [J] [Y], doit être débouté de sa demande au titre du préjudice d’agrément subi par l’intéressé.

***************

C’est donc en définitive une somme de 13.000 euros que la Caisse devra verser au FIVA, créancier subrogé, au titre des souffrances morales subies par Monsieur [J] [Y].

SUR L’ACTION RECURSOIRE DE LA CAISSE ET LA DEMANDE DE SURSIS A STATUER

L’Agent Judiciaire de l’État sollicite le sursis à statuer sur l’action récursoire de la caisse dans l’attente de la décision de la Cour de céans sur le caractère professionnel de la maladie dans le litige l’opposant à la Caisse concernant Monsieur [J] [Y].

Cependant, dès lors que les rapports entre la Caisse et l’employeur sont indépendants de ceux entre le salarié et l’employeur, le fait que le caractère professionnel de la maladie ne soit pas établi entre la Caisse et l’employeur ne prive pas la victime du droit de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur, et par suite, la Caisse de réclamer son action récursoire, la juridiction étant en mesure de rechercher, après débat contradictoire, si la maladie a un caractère professionnel et si l’assuré a été exposé au risque dans les conditions constitutives d’une faute.

Il convient dès lors de rejeter la demande de sursis à statuer.

Aux termes de l’article L.452-3-1 du Code de la Sécurité Sociale, applicable aux actions en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur introduites devant les Tribunaux des affaires de sécurité sociale à compter du 1er janvier 2013, il apparaît « quelles que soient les conditions d’information de l’employeur par la caisse au cours de la procédure d’admission du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l’obligation pour celui-ci de s’acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L.452-1 à L.452-3 du même code ».

En outre, les articles L.452-2, alinéa 6, et D.452-1 du Code de la Sécurité Sociale, applicables aux décisions juridictionnelles relatives aux majorations de rentes et d’indemnités en capital rendues après le 1er avril 2013, prévoient en outre que le capital représentatif des dépenses engagées par la Caisse au titre de la majoration est, en cas de faute inexcusable, récupéré dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices mentionnés à l’article L.452-3.

S’agissant de l’inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle, si l’employeur peut soutenir en défense à l’action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par la victime, il n’est pas recevable à contester, à la faveur de cette instance, la régularité des décisions prises par la Caisse.

En application des textes susvisés, il convient de rappeler que l’organisme de sécurité sociale est fondé à exercer son action récursoire à l’encontre de l’AJE, représentant l’ancien employeur de Monsieur [J] [Y], s’agissant tant de la majoration de la rente que des préjudices extrapatrimoniaux versés à l’assuré.

SUR LES FRAIS IRREPETIBLES ET LES DEPENS

L’issue du litige conduit la Cour à infirmer les dispositions du jugement entrepris sur les frais et dépens de première instance et à condamner l’AJE à les prendre à sa charge, tout comme les dépens d’appel.

L’équité commande en outre de condamner l’AJE à payer à Monsieur [J] [Y] et au FIVA, à chacun la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement du 28 janvier 2022 du Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Metz en ce qu’il a jugé recevables les demandes de Monsieur [J] [Y] et du FIVA visant à faire reconnaître la faute inexcusable de l’employeur, déclaré le jugement commun à l’organisme de sécurité sociale,

L’ INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau,

DIT que la maladie professionnelle déclarée par Monsieur [J] [Y] inscrite au tableau n°30A des maladies professionnelles, est due à la faute inexcusable de son employeur, l’EPIC Charbonnages de France, anciennement Houillères du Bassin de Lorraine, aux droits duquel vient l’Agent Judiciaire de l’Etat,

FIXE à son maximum la majoration de rente servie à Monsieur [J] [Y],

DIT que cette majoration sera versée par la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines à Monsieur [J] [Y] à compter de la date d’effet de la rente,

DIT que cette majoration suivra l’évolution du taux d’incapacité permanente de Monsieur [J] [Y], en cas d’aggravation de son état de santé, et qu’en cas de décès de Monsieur [J] [Y] résultant des conséquences de sa maladie professionnelle, le principe de la majoration de la rente restera acquis pour le calcul de la rente du conjoint survivant,

FIXE l’indemnité réparant les souffrances morales subies par Monsieur [J] [Y] à la somme de 13.000 euros,

DEBOUTE le FIVA de sa demande d’indemnisation du préjudice d’agrément et des souffrances physiques de Monsieur [J] [Y],

DIT que la CPAM de Moselle, agissant pour le compte de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines – l’Assurance Maladie des Mines, devra verser au FIVA ladite somme, soit un total de 13.000 euros,

REJETTE la demande de sursis à statuer formulée par l’Agent judiciaire de l’État,

CONDAMNE l’Agent judiciaire de l’État à rembourser à la CPAM de Moselle, agissant pour le compte de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines, les sommes qu’elle sera tenue de verser, en principal et intérêts, au titre de la majoration de la rente et des préjudices extra-patrimoniaux subis par l’assuré, en application de l’article L.452-3-1 du Code de la Sécurité Sociale,

CONDAMNE l’Agent Judiciaire de l’État à payer au FIVA la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNE l’Agent Judiciaire de l’État, à payer à Monsieur [J] [Y] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNE l’Agent Judiciaire de l’État, aux dépens de première instance engagés à compter du 1er janvier 2019 et à ceux d’appel.

Le Greffier Le Président

 


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