Tentative de conciliation : 27 novembre 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 22/00464

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Tentative de conciliation : 27 novembre 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 22/00464
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Arrêt n° 23/00336

27 Novembre 2023

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N° RG 22/00464 – N° Portalis DBVS-V-B7G-FVZS

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Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social

28 Janvier 2022

17/00510

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 – Sécurité Sociale

ARRÊT DU

vingt sept Novembre deux mille vingt trois

APPELANT :

L’ETAT représenté par l’Agence Nationale pour la garantie des droits des mineurs ANGDM-

Établissement public à caractère administratif

[Adresse 11]

ayant siège social

[Adresse 1]

[Localité 6]

représenté par Me Claude ANTONIAZZI-SCHOEN, avocat au barreau de METZ

INTIMÉS :

L’AGENT JUDICIAIRE DE l’ ETAT (AJE)

Ministères économiques et financiers Direction des affaires juridiques

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 7]

représenté par Me Laure HELLENBRAND, avocat au barreau de METZ

Monsieur [R] [V]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Sabrina BONHOMME, avocat au barreau de METZ

CAISSE AUTONOME NATIONALE DE LA SECURITE SOCIALE DANS LES MINES – CANSSM

ayant pour mandataire de gestion la CPAM de Moselle prise en la personne de son directeur

et pour adresse postale

L’Assurance Maladie des Mines

[Adresse 12]

[Localité 5]

représentée par Mme [N], munie d’un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Septembre 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre, magistrat chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Mme Anne FABERT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [R] [V], né le 11 octobre 1962, a travaillé pour le compte des Houillères du Bassin de Lorraine (« HBL »), devenues par la suite l’établissement public Charbonnages de France (« CDF »), du 22 septembre 1980 au 30 novembre 2008.

Durant cette période, il a occupé les postes suivants :

du 22/09/1980 au 31/10/1980 : apprenti-électromécanicien (jour) ;

du 01/11/1980 au 28/02/1981 : apprenti-ouvrier de métier (jour) ;

du 01/03/1981 au 21/06/1981 : apprenti-électromécanicien (jour) ;

du 22/06/1981 au 02/03/1986 : mécanicien en taille (fond) ;

du 03/03/1986 au 31/01/1987 : électromécanicien en taille (fond) ;

du 01/02/1987 au 31/10/2003 : mécanicien en taille (fond) ;

du 01/11/2003 au 31/10/2007 : électromécanicien hors taille (fond).

Le salarié a bénéficié d’un congé charbonnier fin de carrière à compter du 1er novembre 2007.

Par formulaire du 26 août 2014, M. [R] [V] a déclaré auprès de l’Assurance Maladie des Mines (ci-après « AMM ») être atteint d’une maladie professionnelle inscrite au tableau n°25 des maladies professionnelles, transmettant avec ladite demande de reconnaissance un certificat médical établi par le Docteur [P].

Par décision du 02 janvier 2015, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Moselle (ci-après « la Caisse » ou « CPAM ») a admis le caractère professionnel de cette pathologie.

Le 02 mars 2015, la Caisse a notifié à l’assuré l’attribution d’une indemnité en capital d’un montant de 1.848,17 euros correspondant à un taux d’incapacité permanente partielle de 5% en réparation de sa pathologie, fixant la date de consolidation au 26 août 2014.

Après échec de la tentative de conciliation, par courrier recommandé expédié le 24 mars 2017, M. [R] [V] a saisi le Tribunal des affaires de la sécurité sociale de la Moselle (devenu Pôle Social du Tribunal de Grande Instance le 1er janvier 2019, puis Pôle Social du Tribunal Judiciaire de METZ au 1er janvier 2020) afin d’obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Dans un premier temps, M. [R] [V] a dirigé son action à l’encontre de l’Agent Judiciaire de l’État (AJE) avant de mettre ce dernier hors de cause pour agir à l’encontre de l’Agence Nationale pour la Garantie des Droits des Mineurs (ANGDM).

Il convient de préciser que l’ANGDM agit pour le compte des Charbonnages de France définitivement liquidés le 31 décembre 2017 et dont les droits et obligations ont été transférés à l’État.

Par ailleurs, la CPAM de Moselle qui agit pour le compte de la Caisse Autonome Nationale de la Sécurité Sociale dans les Mines (CANSSM) depuis le 1er juillet 2015, a été mise en cause.

Par jugement du 28 janvier 2022, le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de METZ a statué comme suit :

déclare M. [R] [V] recevable en son action ;

déclare le présent jugement commun à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Moselle ;

reçoit l’Agent Judiciaire de l’État en ses intervention volontaire et reprise d’instance suite à la clôture de la liquidation des Charbonnages de France venant aux droits des Houillères du Bassin de Lorraine ;

dit que la maladie professionnelle déclarée par M. [R] [V] inscrite au tableau 25 est due à la faute inexcusable de l’EPIC Charbonnages de France venant aux droits des Houillères du Bassin de Lorraine, son employeur ;

ordonne à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Moselle agissant pour le compte de la CANSSM, de majorer au montant maximum le capital versé en application de l’article L.452-2 du Code de la Sécurité Sociale ;

dit que cette majoration sera versée à M. [R] [V], par la CPAM de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM ‘ l’Assurance Maladie des Mines ; et au besoin l’y condamne ;

dit que cette majoration suivra l’évolution du taux d’incapacité permanente de M. [R] [V], en cas d’aggravation de son état de santé et qu’en cas de décès de M. [R] [V] résultant des conséquences de sa maladie professionnelle, le principe de la majoration de la rente restera acquis pour le calcul de la rente du conjoint survivant ;

fixe l’indemnisation complémentaire des préjudices personnels subis par M. [R] [V] du fait de la pathologie tableau 25 de la manière suivante :

10.000,00 euros au titre des souffrances morales ;

5.000,00 euros au titre du préjudice d’agrément ;

déboute M. [R] [V] de ses autres demandes formulées au titre du préjudice physique ;

condamne la CPAM de Moselle agissant pour le compte de la CANSSM à verser ces sommes à M. [R] [V] ;

dit que l’ensemble des sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement conformément à l’article 1231-7 du Code Civil ;

condamne l’ANGDM, venant aux droits de Charbonnages de France, anciennement Houillères du Bassin de Lorraine, à rembourser à la CPAM de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM ‘ Assurance Maladie des Mines, l’ensemble des sommes en principal et intérêts, que l’organisme de sécurité sociale sera tenu de payer sur le fondement des articles L.452-1 à L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale ;

condamne l’ANGDM à payer à M. [R] [V] la somme de 1.200,00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

condamne l’ANGDM à payer à l’AJE la somme de 500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

ordonne l’exécution provisoire de la présente décision ;

condamne l’ANGDM aux entiers frais et dépens, exposés à compter du 1er janvier 2019.

Par acte remis au greffe le 04 février 2022, l’ANGDM a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée par LRAR datée du 28 janvier 2022 dont l’accusé de réception ne figure pas dans le dossier de première instance.

En parallèle, par requête datée du 14 février 2022, l’AJE a sollicité la rectification d’une erreur matérielle entachant le dispositif du jugement, en indiquant qu’elle avait demandé la condamnation de M. [R] [V] à lui verser une indemnité au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, mais nullement celle de l’ANGDM.

Ainsi, elle souhaite que l’erreur matérielle soit modifiée comme suit : « Condamner M. [R] [V] à payer à l’AJE la somme de 500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile » aux lieu et place de « Condamner l’ANGDM à payer à l’AJE la somme de 500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile »

Par conclusions datées du 05 juillet 2023 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoiries par son représentant, la CPAM de Moselle, intervenant pour le compte de la CANSSM demande à la Cour de :

donner acte à la Caisse qu’elle s’en remet à la sagesse de la Cour en ce qui concerne la faute inexcusable reprochée à la Société Charbonnages de France ;

Le cas échéant :

donner acte à la Caisse qu’elle s’en remet à la Cour en ce qui concerne la fixation du montant de la majoration de l’indemnité en capital réclamée par M. [R] [V] ;

en tout état de cause, de fixer la majoration de l’indemnité en capital dans la limite de 1.948,44 euros ;

prendre acte que la Caisse ne s’oppose pas à ce que la majoration de rente suive l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle de M. [R] [V] ;

constater que la Caisse ne s’oppose pas à ce que le principe de la majoration de rente reste acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant, en cas de décès de M. [R] [V] consécutivement à sa maladie professionnelle ;

donner acte à la Caisse qu’elle s’en remet à la Cour en ce qui concerne la fixation des préjudices extrapatrimoniaux réclamés par M. [R] [V] ;

confirmer le jugement en ce qu’il a condamné l’ANGDM à rembourser à la Caisse l’ensemble des sommes, en principal et en intérêt, qu’elle sera tenue d’avancer sur le fondement des articles L.452-1 à L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale.

Par conclusions datées du 21 septembre 2023 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoiries par son Conseil, l’ANGDM demande à la Cour de :

A TITRE LIMINAIRE :

dire et juger la demande en rectification d’erreur matérielle ;

y faire droit,

rectifier l’erreur matérielle en indiquant que :

« Condamner M. [R] [V] à payer à l’AJE la somme de 500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile »

au lieu de place de :

« Condamner l’ANGDM à payer à l’AJE la somme de 500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ».

A TITRE PRINCIPAL :

infirmer le jugement rendu le 28 janvier 2022 ;

Statuer à nouveau :

dire et juger qu’aucune faute inexcusable n’a été commise par l’exploitant, aux droits et obligations duquel vient l’ANGDM, au préjudice de M. [R] [V] ;

le débouter de ses demandes, fins et conclusions contraires ;

A TITRE SUBSIDIAIRE, si par extraordinaire la faute inexcusable de l’employeur venait à être retenue :

Sur les préjudices personnels de M. [R] [V] :

sur les souffrances physiques et morales endurées :

débouter M. [R] [V] de ses demandes d’indemnisation au titre d’un préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées ;

Plus subsidiairement encore, réduire à de justes proportions les demandes de M. [R] [V] au titre du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées ;

Sur le préjudice d’agrément :

débouter M. [R] [V] de sa demande de réparation formulée au titre d’un préjudice d’agrément ;

plus subsidiairement, le réduire.

Par conclusions datées du 25 septembre 2023 formant appel incident et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoiries par son Conseil, M. [R] [V] demande à la Cour de :

A TITRE LIMINAIRE :

rejeter et déclarer non fondée la demande en rectification d’erreur matérielle ;

A TITRE PRINCIPAL :

confirmer le jugement du Pôle Social du Tribunal Judiciaire intervenu en date du 28 janvier 2022, sauf en ce qu’il a débouté M. [R] [V] de ses demandes formulées au titre du préjudice des souffrances physiques ;

infirmer le jugement du Pôle Social du Tribunal Judiciaire intervenu en date du 28 janvier 2022 en ce qu’il a débouté M. [R] [V] de ses demandes formulées au titre du préjudice des souffrances physiques ;

Y ajoutant, au titre de l’appel incident formé par M. [R] [V] :

accorder à M. [R] [V] la réparation de son préjudice causé par les souffrances physiques ;

fixer la réparation du préjudice de M. [R] [V] causé par ses souffrances physiques à 20.000,00 euros ;

En tout état de cause,

condamner l’ANGDM venant aux droits de l’ancien EPIC Charbonnages de France suite à la clôture de sa liquidation au paiement d’une somme de 2.500,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

condamner l’ANGDM aux frais et dépens de l’instance.

L’AJE a indiqué à la Cour qu’il n’entendait pas conclure.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties, en application de l’article 455 du Code de Procédure Civile, et à la décision entreprise.

SUR CE,

SUR L’ERREUR MATERIELLE

Aux termes du premier alinéa de l’article 462 du Code de Procédure Civile :

« Les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l’a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande […] ».

Ainsi, seules les erreurs matérielles, lesquelles consistent en des inadvertances et/ou coquilles rédactionnelles commises involontairement par le magistrat lors de la rédaction de la décision, sont réparables, leur rectification permettant de préserver l’esprit initial du jugement erroné sans en modifier la substance.

En l’espèce, et comme indiqué, l’AJE allègue que le dispositif du jugement rendu en première instance est entaché en ce que l’ANGDM a été condamnée à lui verser une indemnité de 500,00 euros sur fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile alors qu’elle sollicitait la condamnation de M. [R] [V] à lui verser une indemnité de procédure de 1.500,00 euros.

La Cour se permet cependant de relever qu’il résulte du jugement rendu par le Pôle Social que la Juridiction a entendu condamner l’ANGDM sur base de l’article 700 du Code de Procédure Civile alors que cette dernière avait « versé tardivement le relevé de carrière de M. [V] démontrant sa compétence ».

Partant, l’erreur dont se prévalent l’AJE, ainsi que l’ANGDM dans ses écritures, ne constitue pas en réalité une erreur matérielle susceptible d’être réparée par le biais d’une rectification, alors que cette dernière ne saurait être détournée de son objectif et constituer un recours remettant en cause le jugement susvisé.

Il convient dès lors de rejeter la demande en rectification du jugement rendu le 28 janvier 2022 par le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de METZ.

SUR LA RECONNAISSANCE DE LA FAUTE INEXCUSABLE DE L’EMPLOYEUR :

M. [R] [V] sollicite la confirmation du jugement entrepris qui a estimé que la faute inexcusable était établie à l’encontre de l’employeur.

Il soutient que l’employeur avait conscience du risque lié aux poussières de silice, du fait des connaissances scientifiques de l’époque, de la réglementation applicable, de la taille de l’organisation et des moyens considérables dont disposait l’entreprise, mais qu’il s’est abstenu de mettre en ‘uvre les mesures nécessaires pour préserver la santé des salariés, avec un défaut d’information et une insuffisance des moyens de protection individuels et collectifs.

L’ANGDM sollicite l’infirmation du jugement entrepris qui a retenu l’existence d’une faute inexcusable dans son chef. Elle expose que si les Houillères du Bassin de Lorraine, devenues Charbonnages de France, avaient bien conscience du risque encouru par les salariés, ils ont mis en ‘uvre tous les moyens nécessaires pour protéger ces derniers des risques connus à chacune des époques de l’exploitation, tant sur le plan collectif qu’individuel. Elle ajoute que les Houillères du Bassin de Lorraine, devenues Charbonnages de France, ont parfaitement satisfait à leur obligation de prévention et de sécurité et qu’aucun défaut d’information ne peut leur être reproché.

Elle critique la qualité des attestations des trois témoins ayant déposé en faveur de M. [R] [V] en ce qu’elles sont imprécises, lacunaires et qu’elles ne donnent aucune information sur l’insuffisance des mesures de protection individuelles et collectives, mais également en ce que les témoins ne justifient pas avoir travaillé directement avec M. [R] [V]. L’ANGDM estime enfin que les nombreuses pièces générales produites par ses soins viennent contredire les affirmations du salarié et de ses témoins.

La Caisse s’en remet à l’appréciation de la Cour.

*******************

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l’entreprise.

Les articles L.4121-1 et L.4121-2 du Code du travail mettent par ailleurs à la charge de l’employeur une obligation légale de sécurité et de protection de la santé du travailleur.

Dans le cadre de son obligation générale de sécurité, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ces mesures comprenant des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L.452-1 du Code de la Sécurité Sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

La preuve de la faute inexcusable de l’employeur incombe à la victime. La faute inexcusable doit s’apprécier en fonction de la législation en vigueur et des connaissances scientifiques connues ou susceptibles de l’avoir été par l’employeur aux périodes d’exposition au risque du salarié.

En l’espèce, le caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [R] [V], ainsi que la réunion des conditions du tableau n°25 des maladies professionnelles ne sont pas contestées. L’ANGDM reconnaît en outre que les Houillères du Bassin de Lorraine, devenues Charbonnages de France, avaient conscience du danger constitué par l’inhalation de poussières de silice et revendique même cette conscience dans ses écritures.

Seules sont discutées l’existence et l’efficacité des mesures de protection individuelle et collective prises par l’employeur afin de préserver le salarié du danger auquel il était exposé.

Ces mesures de protection sont déterminées par le décret n° 51-508 du 04 mai 1951 portant règlement général sur l’exploitation des mines, reprenant les dispositions générales des décrets du 10 juillet 1913 et du 13 décembre 1948 prévoyant l’évacuation des poussières ou, en cas d’impossibilité, la mise à disposition de moyens de protection individuelle.

L’article 187 dudit décret dispose que lorsque l’abattage, le chargement, le transport ou la manipulation du charbon peuvent entraîner la mise en suspension ou l’accumulation de poussières, des mesures efficaces doivent être prises pour s’y opposer ou y remédier.

L’instruction du 30 octobre 1956 prescrit des mesures de protection collective (arrosage et humidification des poussières) et individuelle (port du masque) précises et devant être efficaces.

S’agissant des masques, on peut lire dans l’instruction de 1956 que « seuls les masques à pouvoir d’arrêt élevé pour les particules de moins de 5 microns et à résistance faible à la respiration peuvent être pris en considération. La protection individuelle ne saurait être admise en remplacement d’une protection collective possible qui aurait été négligée. Elle ne doit être appliquée qu’en complément de la prévention collective qui doit toujours être poussée aussi loin que possible ».

En l’espèce, il résulte du relevé de périodes et d’emplois établis par l’ANGDM (pièce n°1 de M. [R] [V]) que M. [R] [V] a travaillé au sein des Houillères du Bassin de Lorraine, devenues les Charbonnages de France, d’abord au jour (en qualité d’apprenti-électromécanicien et apprenti-ouvrier de métier) du 22 septembre au 21 juin 1981, puis exclusivement au fond à compter du 22 juin 1981 jusqu’à la fin de sa carrière. Il a occupé les postes suivants au fond : mécanicien en taille, électromécanicien en taille, mécanicien en taille, puis électromécanicien hors taille.

M. [R] [V] produit aux débats les attestations testimoniales établies par trois anciens collègues de travail directs, à savoir MM [B] [T], [K] [C] et [W] [I] (pièces n°8, 9 et 10 de M. [R] [V]). L’ANGDM entend quant à elle remettre en cause l’authenticité de ces témoignages en indiquant qu’il n’est pas possible d’établir la qualité de collègues de travail directs de M. [R] [V]. La Cour relève que même si les trois attestations versées ne sont accompagnées d’aucun relevé de carrière des témoins, ces dernières sont suffisamment précises pour démontrer que leurs auteurs respectifs ont travaillé aux côtés de M. [R] [V] alors que chaque témoin indique les périodes communes d’activité, ainsi que les postes occupés :

M. [B] [T] écrit qu’il a travaillé avec M. [R] [V] « de 1980 à 2001 en tant que mécanicien [Localité 8] et aux sièges [Localité 10] et [Localité 13] à [Localité 9] aux services électro-mécaniques fond », les lieux de travail évoqués par le témoin correspondent aux différents chantiers au fond où a été affecté M. [R] [V].

M. [K] [C] précise qu’il était « ouvrier mineur aux services SEMF BANDE » et a « travaillé avec M. [V] [R] mécanicien dans le même service (services généraux) de 1986 à 1996 ». Il ajoute « M. [V] [R] et moi même nous sommes rencontrés en 1986 date à laquelle M. [V] était muté du [Localité 8] au [Localité 10] à [Localité 9] ». Ces informations sont conformes au relevé de carrière de M. [R] [V] alors que ce dernier a été transféré du [Localité 8] au siège [Localité 10] le 03 mars 1986.

M. [W] [I] indique qu’il était « mécanicien fond au service SEMF dans les sièges de [Localité 9] ([Localité 10] et [Localité 13]) » et qu’il a « travaillé avec M. [V] [R] également mécanicien fond de 1986 à 1999 », soit à la période où le salarié intervenait sur lesdits chantiers.

En conséquence, il est bien établi que les trois témoins ont été des collègues de travail directs de M. [R] [V], ces informations n’étaient pas utilement contredites par l’ANGDM, laquelle aurait pu produire les relevés de carrière desdits témoins si son doute était réellement fondé alors qu’elle dispose des archives des anciens employés des mines.

Les trois attestations testimoniales se rejoignent également quant à la description des conditions de travail réelles de M. [R] [V] au fond de la mine, mais également sur les moyens de protection inefficaces (masques inadaptés et systèmes de ventilation et d’arrosage inefficients) mis à disposition par leur employeur, ainsi que sur l’absence de formation et d’information sur les risques liés à l’inhalation quotidienne des poussières.

M. [B] [T] explique que : « A [Localité 8] en veine C l’atmosphère était très chargée en poussières de charbon et de silice. Le havage se faisait dans une veine de charbon entrecoupée d’une bande de schiste de plus d’un mètre d’où une grande difficulté au havage, qui provoquait un important dégagement de poussières de pierre.

Le foudroyage au vieux lors du ripage des piles provoquait tellement de poussières que l’on ne voyait plus les collègues qui se trouvaient à côté de moi.

L’arrosage des deux tambours de la haveuse était très insuffisant et avait beaucoup de mal à mouiller le charbon et le schiste havé car le matériel (buse d’arrosage, tambours n’étaient plus opérationnels car abîmés ou cassés), il en était de même pour les rampes d’arrosage de la haveuse.

[‘] le port du masque à poussières (quand il y en avait) était pratiquement impossible à porter tant l’humidité et la chaleur étaient présentes dans l’air que nous respirions, les masques étaient de qualité inadaptée car s’encombraient et se déformaient très rapidement (donc plus d’étanchéité entre le masque et la bouche).

J’ai vu M. [R] [V] respirer cette mauvaise qualité d’air inhalée et chargée en poussières.

Aussi, au pied de taille au niveau du déversement du blindé taille était installé un déflecteur en toile de jute humidifiée par des buses d’arrosage, tout cela pour retenir les poussières occasionnées par la taille, le capteur de poussières était placé derrière ce rideau, comme cela les mesures étaient toujours bonnes.[‘]

Les masques à poussières qui étaient mis à notre disposition n’étaient pas appropriés au travail du fond et n’étaient pas obligatoires à porter.

J’atteste que ni notre hiérarchie supérieure, ni notre médecine du travail ne nous ont informé des risques encourus liés à la respiration continuelle de ces poussières dangereuses ».

M. [K] [C] énonce que « en forant dans la roche il y avait beaucoup de poussières qui circulaient dans l’air.

La majorité de mes collègues ne portaient pas de masque, pour ceux qui en avaient, c’était des masques jetables parus dans les années 80. Au bout d’un certain temps, on éprouvait vite de grosses difficultés à respirer, les masques étaient vite colmatés à cause de l’humidité, de notre respiration et causaient rougeur et allergie dans le visage.

Pour ceux qui en avaient pas de réserve, ils soufflaient leur masque à l’air comprimé. Ces masques se déformaient très vite au niveau du visage et n’étaient plus étanches. Beaucoup de mes collègues ne remettaient plus le masque pendant leur travail dans un air chargé de poussières de pierre et de charbon.

Quand on était amené à l’entretien des convoyeurs, on circulait généralement dans des galeries en retour d’aérage, dans un air chaud chargé en poussières de silice de charbon et de fumée de tir, la plupart de mes collègues ne portaient pas de protection, et comme le port du masque n’a jamais été obligatoire les mineurs pouvaient continuer à travailler dans la poussière sans protection.

Au jour à l’entrée de la lampisterie était installé un distributeur à masques qui était souvent vide. Au fond de la mine il nous arrivait de prendre notre foulard pour remplacer le masque.

Pendant toutes ces années de service travaillées au fond de la mine, nous n’avons jamais été mis en garde contre les risques encourus par la respiration de ces poussières nocives ni par notre hiérarchie supérieure ni par la médecine du travail ».

M. [W] [I] expose que « au [Localité 10], la plupart des convoyeurs se trouvaient dans des galeries en retours d’aérage, où l’atmosphère était très chargée en poussières et fumée de tir, qui provenaient de l’activité du havage, dans les tailles à charbon, et du creusement de nouvelles galeries.

Nous avons quotidiennement respiré, cet air confirmé, dans lequel circulaient, ces fines particules nocives de poussières.

Pendant les travaux en tête silo, l’aérage était très faible, et souvent humide d’où une grande difficulté à respirer.

La majorité de mes collègues ne portaient pas de masques. Pour ceux qui le portaient, c’était des masques jetables, qui se colmataient très rapidement à cause de l’humidité qui provenait de la respiration. Ils se déformaient rapidement et provoquaient allergie et rougeur dans le visage.

La plupart du temps, on utilisait notre foulard sur la bouche et le nez, pour remplacer le masque.

La plupart de mes collègues, qui avaient un masque le soufflaient à l’air comprimé pour le nettoyer.

En résumant, j’ai travaillé la plupart du temps dans la poussière, jamais de formation sur les dangers de la nocivité des poussières nous a été faite ».

Il résulte de ces témoignages circonstanciés et concordants que les salariés disposaient uniquement de masques jetables qui n’étaient pas fournis en quantité suffisante par l’employeur et qui ne pouvaient dès lors constituer une protection efficace pendant toute la durée de leur travail. Les trois témoins précisent par ailleurs que les masques, lorsqu’il y en avait, se déformaient très rapidement et ne permettaient ainsi plus de filtrer l’air respiré par les mineurs. L’insuffisance du système d’arrosage est également évoquée par les trois témoins, alors que ce dernier ne permettait pas de lutter efficacement contre l’accumulation des poussières dans l’atmosphère.

Ces témoignages ne sont pas utilement contestés par l’ANGDM qui ne verse aux débats aucun élément de nature à élever des doutes sur la sincérité de ces témoins et sur le caractère authentique des faits qu’ils relatent.

Par ailleurs, si l’ANGDM indique dans ses écritures qu’elle a placé la santé de ses employés en tête de ses priorités en ne cessant de trouver des moyens pour améliorer le système d’arrosage, l’aération des galeries, et en mettant à la disposition des mineurs des masques de plus en plus efficaces, elle développe uniquement des considérations d’ordre général qui ne comportent aucun élément sur les conditions de travail concrètes de M. [R] [V], ni sur la qualité des moyens de protection réellement mis à la disposition du salarié.

Aussi, l’ensemble des éléments qui précèdent confirment que l’employeur qui avait conscience du danger auquel M. [R] [V] était exposé n’a pas pris les mesures nécessaires afin de protéger ce dernier des dangers liés à l’inhalation des poussières de silice, ceci alors qu’il n’a pas mis en place de mesures de protection collective (aération-arrosage) et individuelle (port du masque) suffisantes et efficaces.

Partant, il s’ensuit que la maladie professionnelle inscrite au tableau n°25 des maladies professionnelles dont souffre M. [R] [V] doit être déclarée comme résultant de la faute inexcusable commise par l’employeur à l’égard du salarié.

Le jugement entrepris sera donc confirmé quant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.

SUR LES CONSEQUENCES FINANCIERES DE LA FAUTE INEXCUSABLE :

Sur la majoration de l’indemnité en capital

M. [R] [V] sollicite la confirmation du jugement rendu en première instance en ce qu’il a majoré au maximum les indemnités versées au titre de l’article L.452-2 du Code de la Sécurité Sociale, dit que cette majoration suivra l’évolution du taux d’incapacité attribué en cas d’aggravation de l’état de santé de l’assuré et dit que le principe de la majoration de la rente restera acquis pour le calcul de la rente du conjoint survivant.

La CPAM s’en remet à la Cour quant à la majoration sollicitée par M. [R] [V] et rappelle que le montant ne pourra excéder le montant de l’indemnité en capital versée, soit 1.948,88 euros. Elle ajoute qu’elle ne s’oppose pas à ce que la majoration suive l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle de M. [R] [V], ni à ce que le principe de la majoration reste acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant en cas de décès de l’assuré consécutivement à sa maladie professionnelle.

L’ANGDM ne formule pas d’observations à ce titre dans ses écritures.

*******************

Aucune discussion n’existant à hauteur de Cour concernant la majoration au maximum des indemnités versées à M. [R] [V] dans les conditions définies par l’article L.452-2 du Code de la Sécurité Sociale, étant admis que cette majoration suivra l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle résultant d’une aggravation de l’état de santé de M. [R] [V], et que le principe de la majoration restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant en cas de décès de l’assuré consécutivement à la maladie professionnelle dont il souffrait.

Il convient de confirmer le jugement entrepris.

Sur les préjudices personnels de M. [R] [V]

Il résulte de l’article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale qu’« indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. […] La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur ».

Le jugement entrepris a débouté M. [R] [V] de sa demande d’indemnisation des souffrances physiques en indiquant qu’il n’avait pas justifié d’un tel préjudice qui ne serait pas déjà indemnisé dans le cadre de son incapacité permanente partielle. Il a octroyé à M. [R] [V] une indemnité de 10.000,00 euros en réparation de ses souffrances morales et 5.000,00 euros afin de réparer son préjudice d’agrément.

Sur les souffrances physiques et morales

M. [R] [V] sollicite l’indemnisation des souffrances physiques endurées par lui par l’octroi d’une indemnité de 20.000,00 euros, il souhaite que le jugement soit confirmé en ce qu’il a indemnisé son préjudice moral à hauteur 10.000,00 euros.

Il fait valoir que, par un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation, dans ses arrêts du 20 janvier 2023, permet désormais l’indemnisation des souffrances physiques et morales prévues par l’article L 452-3 du Code de la Sécurité Sociale.

L’ANGDM sollicite le rejet des demandes présentées par M. [R] [V] en indiquant que ce dernier ne peut se prévaloir d’un préjudice physique alors que la date de consolidation coïncide avec celle du certificat médical initial, que dès lors la victime ne peut se prévaloir d’un préjudice physique pendant la période antérieure à la consolidation. Elle ajoute que les souffrances morales ne peuvent être indemnisées de manière autonome et qu’en tout état de cause, la réalité des préjudices dont fait état M. [R] [V] n’est pas prouvée par ce dernier. Enfin, il demande, à titre plus subsidiaire, de réduire à de plus justes proportions les demandes de M. [R] [V] au titre du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées.

La CPAM de Moselle s’en rapporte à l’appréciation de la Cour pour la fixation des différents préjudices.

*******************

Comme indiqué, il résulte de l’article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale que se trouvent indemnisées à ce titre l’ensemble des souffrances physiques et morales éprouvées depuis l’accident ou l’événement qui lui est assimilé.

En considération du caractère forfaitaire de la rente au regard de son mode de calcul tenant compte du salaire de référence et du taux d’incapacité permanente défini à l’article L.434-2 du Code de la Sécurité Sociale, la Cour de cassation juge désormais, par un revirement de jurisprudence, que la rente versée par la caisse à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent (Cour de cassation, Assemblée plénière 20 janvier 2023, pourvoi n°21-23947). En conséquence, les souffrances physiques et morales de la victime peuvent être indemnisées.

En l’espèce, la victime, en application de l’article L.434-1 du Code de la Sécurité Sociale, s’est vue attribuer une indemnité en capital, alors qu’initialement son taux d’incapacité permanente partielle était inférieur à 10%. Il y a lieu d’admettre, eu égard à son mode de calcul, son montant étant déterminé par un barème forfaitaire fixé par décret en fonction du taux d’incapacité permanente, que cette indemnité ne répare pas davantage les souffrances physiques et morales.

Dès lors, M. [R] [V] est recevable en ses demandes d’indemnisation des souffrances physiques et morales, sous réserve qu’elles soient caractérisées.

S’agissant des souffrances physiques, M. [R] [V] produit deux rapports médicaux établis par les Médecins-Conseils de la Caisse (pièces n°15 et 16 de M. [R] [V]). Le premier rapport a retenu un taux d’incapacité permanente partielle de 5% le 29 janvier 2015, sans faire état de doléances particulières du patient, le rapport indiquant au contraire « Bon état général apparent. Auscultation cardio respiratoire sans particularité ». Le second rapport a révisé le taux d’incapacité permanente partielle en raison de l’aggravation de la pathologie de la victime, ledit taux ayant été révisé à 15% le 29 avril 2019. Le Médecin-Conseil a relevé que le Docteur [P], lors de son examen du 02 octobre 2018 avait découvert une « importante hypoxémie de repos avec désaturation à l’effort », néanmoins en examinant le patient, il n’a pas relevé de problèmes particulier puisqu’il a mentionné « Auscultation cardio respiratoire sans particularité. Pas de signe d’insuffisance ventriculaire droite ».

Par ailleurs, si M. [R] [V] verse aux débats les témoignages de proches (pièces n°12, à 14, 17 et 18 de M. [R] [V]) afin de justifier de la réalité des souffrances endurées par lui, il y a lieu de relever que les témoins font surtout état de la fatigue de ce dernier, ainsi que de son essoufflement. Seuls le beau-frère de M. [R] [V], ainsi que son épouse, relatent des douleurs thoraciques dont ce dernier se plaint. Néanmoins, aucun élément médical n’est versé au dossier afin de permettre de rattacher cet état et les doléances de M. [R] [V], non constatées médicalement, aux conséquences physiques de l’affection dont il souffre, de sorte qu’il sera débouté de sa demande au titre des souffrances physiques.

S’agissant du préjudice moral, M. [R] [V] était âgé de 52 ans lorsqu’il a appris qu’il était atteint de silicose.

Les attestations testimoniales produites aux débats (pièces n°12, à 14, 17 et 18 de M. [R] [V]) établissent clairement que M. [R] [V] a été fortement ébranlé moralement par la découverte de sa pathologie et que depuis lors la plupart des conversations tournent autour de cette dernière, qu’il s’agisse des symptômes dont souffre la victime, ou encore et surtout de sa crainte d’une évolution de la maladie et d’une aggravation de son état de santé. Les témoins sont unanimes quant à une perte d’entrain et de moral de M. [R] [V] qui s’est renfermé progressivement sur lui-même. Le Docteur [G] avait notamment relevé dans le certificat médical établi le 11 décembre 2015 (pièce n°11 de M. [R] [V]) « un syndrome anxio dépressif, insomnie, peur en rapport avec sa maladie professionnelle ».

Ces éléments caractérisent l’anxiété indissociable du fait de se savoir atteint d’une maladie irréversible due à l’exposition aux poussières de silice et liée aux craintes de son évolution péjorative à plus ou moins brève échéance. Ces souffrances morales ont été justement réparées par les premiers juges, lesquels ont octroyé une somme de 10.000,00 euros de dommages-intérêts, eu égard à la nature de la pathologie en cause, et à l’âge de M. [R] [V] au moment de son diagnostic.

Sur le préjudice d’agrément

L’indemnisation de ce poste de préjudice suppose qu’il soit justifié de la pratique régulière par la victime, antérieurement à sa maladie professionnelle, d’une activité spécifique sportive ou de loisir qu’il lui est désormais impossible de pratiquer.

M. [R] [V] précise que la maladie a eu des conséquences importantes sur sa qualité de vie, il fait notamment état d’une réduction des activités physiques et de loisirs qu’il n’est plus en mesure de pratiquer en raison de sa maladie.

L’ANGDM s’oppose à l’indemnisation du préjudice d’agrément en indiquant que M. [R] [V] ne produit pas d’éléments susceptibles de justifier d’un tel préjudice.

La Caisse s’en rapport à la sagesse de la Cour.

*******************

L’examen des attestations testimoniales produites par M. [R] [V] révèlent que ce dernier pratiquait régulièrement la plongée sous-marine, mais qu’il a été obligé d’arrêter ce sport en raison de sa maladie.

Ces éléments sont suffisamment précis pour démontrer que M. [R] [V] avait une activité spécifique de loisir qu’il a été contraint d’abandonner en raison de l’aggravation de sa pathologie.

C’est à juste titre que le jugement entrepris a évalué le préjudice d’agrément de M. [R] [V] à 5.000,00 euros.

SUR L’ACTION RECURSOIRE DE LA CAISSE

Aux termes de l’article L.452-3-1 du Code de la Sécurité Sociale, applicable aux actions en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur introduites devant les Tribunaux des affaires de sécurité sociale à compter du 1er janvier 2013, que « quelles que soient les conditions d’information de l’employeur par la caisse au cours de la procédure d’admission du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l’obligation pour celui-ci de s’acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L.452-1 à L.452-3 du même code ».

Les articles L.452-2, alinéa 6, et D.452-1 du Code de la Sécurité Sociale, applicables aux décisions juridictionnelles relatives aux majorations de rentes et d’indemnités en capital rendues après le 1er avril 2013, prévoient en outre que le capital représentatif des dépenses engagées par la Caisse au titre de la majoration est, en cas de faute inexcusable, récupéré dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices mentionnés à l’article L.452-3.

En l’espèce, aucune discussion n’ayant lieu à hauteur de cour concernant l’action récursoire de la caisse, il y a lieu de confirmer cette action, selon les dispositions de l’article L.452-3-1 du Code de la Sécurité Sociale, et des articles L.452-2, alinéa 6, et D.452-1 du même Code, cette action s’appliquant à l’ensemble des sommes avancées à M. [R] [V] par la CPAM de Moselle intervenant pour l’Assurance Maladie des Mines.

Dès lors, la CPAM de Moselle est fondée à exercer son action récursoire à l’encontre de l’ANGDM s’agissant de la majoration des indemnités et des préjudices extrapatrimoniaux versés à M. [R] [V].

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

L’issue du litige conduit la Cour à condamner l’ANGDM à payer à M. [R] [V] la somme de 1.500,00 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile

SUR LES DEPENS :

Partie succombante, l’ANGDM sera condamnée aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Sur l’erreur matérielle

DECLARE la requête en rectification d’erreur matérielle présentée par l’AJE recevable,

DEBOUTE l’AJE de sa demande de rectification du jugement entrepris du Pôle Social du Tribunal Judiciaire de METZ du 28 janvier 2022 ;

Sur le fond

DECLARE l’appel formé par l’ANGDM recevable,

CONFIRME le jugement entrepris du Pôle Social du Tribunal Judiciaire de METZ du 28 janvier 2022 ;

Y ajoutant,

CONDAMNE l’ANGDM à verser à M. [R] [V] la somme de 1.500,00 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNE l’ANGDM aux dépens d’appel.

La Greffière, Le Président,

 


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