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ARRET
N°
[T]
C/
[L]
PB/SGS/VB
COUR D’APPEL D’AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU DIX JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS
Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : N° RG 21/02583 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IDGQ
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE SENLIS DU SEIZE MARS DEUX MILLE VINGT ET UN
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [D] [T]
né le [Date naissance 4] 1959 à [Localité 10]
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représenté par Me POILLY substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocats au barreau d’AMIENS
Ayant pour avocat plaidant Me Sébastien SEHILI-FRANCESCHINI, avocat au barreau de PARIS
APPELANT
ET
Madame [Z] [L]
née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 11]
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Localité 7]
Représentée par Me Manuela VALLAT, avocat au barreau de SENLIS
INTIMEE
DEBATS :
A l’audience publique du 25 octobre 2022, l’affaire est venue devant M. Pascal BRILLET, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l’article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 10 janvier 2023.
La Cour était assistée lors des débats de Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de M. Pascal BRILLET, Président, M. Vincent ADRIAN et Mme Myriam SEGOND, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE DE L’ARRET :
Le 10 janvier 2023, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Pascal BRILLET, Président de chambre, et Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.
*
* *
DECISION :
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [Z] [L] a fait l’acquisition le 3 février 1999 de deux parcelles sises [Adresse 9], cadastrées D[Cadastre 2] et D[Cadastre 5], cette dernière, sur laquelle est édifié un pavillon d’habitation, lui ayant été cédée par M. [K] [T].
Un litige est né entre les parties lié à la présence sur la parcelle D[Cadastre 5] d’un câble électrique appartenant au frère de M. [K] [T], M. [D] [T], dont Mme [L] a vainement cherché à obtenir l’enlèvement.
En l’absence de règlement amiable du litige, Mme [L] a fait assigner M. [D] [T] devant le tribunal judiciaire de Senlis par acte d’huissier de justice du 5 juin 2019 pour le voir condamner sous astreinte à faire venir une entreprise accréditée pour effectuer les travaux d’enlèvement du câble électrique.
Par ordonnance du 21 octobre 2019, le juge de la mise en état a ordonné une médiation judiciaire, laquelle n’a pas abouti du fait de la carence de M. [T].
Par jugement en date du 16 mars 2021, auquel la cour renvoie pour une présentation plus complète des faits et de la procédure antérieure, le tribunal a :
– condamné M. [T] à faire procéder aux travaux de mise aux normes ou d’enlèvement du câble électrique litigieux traversant la propriété de Mme [L] dans un délai trois mois suivant la notification du jugement et au-delà sous astreinte de 20 € par jour de retard sur une période de 24 mois,
– condamné M. [T] au paiement de la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [T] aux dépens de l’instance,
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
M. [T] a interjeté appel du jugement par déclaration en date du 12 mai 2021.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 5 octobre 2022.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions récapitulatives de M. [T] notifiées par voie électronique le 1er juin 2022 aux termes desquelles il demande à la cour de :
– infirmer le jugement en date du 16 mars 2021 en ce qu’il l’a :
– condamné à faire procéder aux travaux de mise aux normes ou d’enlèvement du câble électrique litigieux traversant la propriété de Mme [L] dans un délai trois mois suivant la notification du jugement et au-delà sous astreinte de 20 € par jour de retard sur une période de 24mois,
– condamné au paiement de la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné aux dépens de l’instance,
– débouté de ses demandes plus amples ou contraires,
En conséquence,
– débouter Mme [L] de l’ensemble de ses demandes,
– la débouter de son appel incident,
– condamner Mme [L] au paiement d’une somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
A ces fins, il fait valoir que Mme [L] a acheté sa parcelle « en l’état », qu’il était de la volonté du cédant de maintenir la présence de câble nécessaire au fonds qu’il conservait en sorte que, initialement, il n’existait aucun fondement pour que Mme [L] puisse solliciter le retrait du câble. Néanmoins, il s’est engagé à faire le nécessaire le plus rapidement possible, une fois obtenues les autorisations administratives requises. Après obtention de ces autorisations, il a procédé à l’enlèvement de l’intégralité du câble électrique, en tout état de cause protégé par un fourreau, sauf la partie de 5 m sur la parcelle de cette dernière, faute d’y avoir accès. L’existence du danger mis en avant par le premier juge pour justifier sa décision n’existe plus. Il ajoute qu’alors qu’elle savait la situation parfaitement réglée, Mme [L] a fait le choix de maintenir sa demande en trompant le tribunal sur la situation réelle. En toute hypothèse, il n’y a pas lieu à augmentation de l’astreinte.
Vu les dernières conclusions récapitulatives de Mme [L] notifiées par voie électronique le 4 octobre 2022 aux termes desquelles elle demande à la cour de :
– la recevoir en sa demande et l’y déclarer bien fondée.
Ce faisant,
– débouter M. [T] de l’ensemble de ses demandes,
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement à l’exception de l’astreinte,
– infirmer le jugement sur l’astreinte en ce que le tribunal l’a fixée à la somme de 20 € par jour de retard sur une période de 24 mois après trois mois suivant la notification de la décision,
par conséquent,
– dire et juger qu’en l’absence de travaux, l’astreinte sera fixée, dans un délai de trois mois suivant la notification de la décision et au-delà, à la somme de 50 € par jour de retard jusqu’à la réalisation des travaux.
– condamner M. [T] à lui verser la somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
en tout état de cause,
– voir ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel et sans caution.
– le condamner à régler la somme de 2 500 € conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamner en tous les dépens.
A ces fins, elle affirme que le câble électrique passait également sur toutes les parcelles de terrain voisines de son terrain, et ce sur plusieurs centaines de mètres, pour venir alimenter la caravane de M. [T]. Malgré les nombreuses tentatives de conciliation, la situation est restée inchangée de telle sorte qu’un conflit de voisinage est né.
Elle met en avant les articles 544 et 1240 du Code Civil et affirme que les travaux n’ont toujours pas été réalisés dans leur intégralité par M. [T] puisque le câble électrique est encore présent sur sa propriété.
Elle soutient que M. [T] affirme à tort qu’elle a acheté la parcelle en l’état, et qu’il était de la volonté du cédant de maintenir la présence de câble nécessaire au fonds qu’il conservait, alléguant que l’acte de vente ne prévoit aucune servitude de passage sur sa propriété permettant l’approvisionnement en électricité de particuliers ou de la Commune suivant un plan d’urbanisme et d’aménagement. Le fait d’avoir maintenu ce câble sur sa propriété pour permettre au frère du vendeur d’être alimenté en électricité sans même détenir une servitude de passage ou être autorisé par un plan d’urbanisme de la Commune constitue un usage prohibé par la loi. C’est pourquoi M. [T] s’est engagé selon procès-verbal de conciliation établi le 8 août 2018 en présence du maire, à trouver « une solution qui permette à tous d’être en sécurité et en parfaite adéquation avec les règles qui régissent ce genre d’installation ». Malgré cette conciliation signée par les deux parties, rien n’a été fait dans les délais. Même débranché, ce câble reste potentiellement dangereux puisqu’il peut être alimenté à tout moment en le reliant de nouveau à un boîtier électrique. Le jugement doit donc être confirmé sauf, compte tenu des risques encourus et de l’absence de servitude de passage autorisant M. [T] à maintenir ce câble sur sa propriété, à porter l’astreinte à 50 € par jour de retard.
Elle ajoute que les photographies récentes démontrent que les travaux entamés par M. [T] ne sont pas terminés puisque des tranchées ont été creusées pour faire emprunter un nouveau chemin à son câble électrique mais n’ont pas été rebouchées. Il s’est contenté de creuser de nouvelles tranchées pour faire bifurquer son câble électrique sans prendre la peine de les recouvrir de terre avec le risque qu’une personne chute et s’électrocute.
Elle allègue par ailleurs que le simple fait d’utiliser un câble électrique sur un fonds dominant alors qu’aucune servitude de passage n’est prévue par des actes notariés est également constitutif d’un acte de mauvaise foi de la part de M. [T] en sorte qu’elle est fondée à solliciter la somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s’agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
MOTIFS
Le litige tranché par le premier juge et soumis à la cour par la déclaration d’appel de M. [T] concerne l’ancien câble électrique alimentant les parcelles de ce dernier et non le nouveau câble que ce dernier a fait poser en remplacement.
Mme [L] demande la confirmation de ce jugement.
Dès lors, nonobstant l’ambiguïté relative résultant des écritures de cette dernière semblant mettre en cause la régularité ou la sécurité du nouveau câble électrique posé par M. [T], la cour ne statuera que sur le sort de l’ancien câble électrique.
1. Selon l’article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.
En l’espèce, M. [T] justifie être propriétaire de la parcelle sise [Adresse 9], cadastrées D[Cadastre 5] pour l’avoir acquise avec M. [I] [H] de M. [K] [T] et de Mme [J] [V] selon acte notarié en date du 3 février 1999.
Il n’est pas contesté, et est en toute hypothèse suffisamment établi par les pièces versées au dossier, spécialement les constats d’huissier de justice, que court sur cette parcelle un câble électrique pour les besoins en alimentation électrique d’ouvrages ou véhicules de M. [T] se trouvant sur les parcelles voisines D[Cadastre 3] et D[Cadastre 6].
M. [T] ne justifie d’aucun fondement légal ou contractuel lui permettant de contraindre le fonds D31 de Mme [L], où cette dernière à titre personnel, à lui laisser le passage de ce câble électrique.
Si le titre de propriété de Mme [L] indique qu’elle « prendra le bien dans son état, au jour de l’entrée en jouissance, sans recours contre l’ancien propriétaire pour vices apparents ou cachés pouvant affecter le sol ou les constructions, pour erreur dans la désignation, le cadastre ou la contenance, toute différence excédât-elle un vingtième devant faire son profit ou sa perte », l’acte n’intéresse que les rapports entre Mme [L] et ses vendeurs, M. [T] étant tiers à ce contrat.
Par ailleurs, si ce même acte prévoit que « le nouveau propriétaire supportera toutes les servitudes passives apparentes ou occultes, continues ou discontinues pouvant grever ce bien (..) », force est de constater, d’une part, qu’il est précisé dans l’acte « par l’ancien propriétaire qu’à sa connaissance, il n’existe aucune autre servitude que celles dérivant de la situation des lieux, de la loi ou des plans d’urbanisme et d’aménagement de la commune » et, d’autre part et comme indiqué précédemment, que M. [T] ne justifie précisément d’aucune servitude légale ou contractuelle au profit de ses propres parcelles.
M. [T] s’est d’ailleurs engagé à plusieurs reprises à faire installer un nouveau câble d’alimentation électrique ailleurs que sur la propriété de Mme [L] (conciliation par l’intermédiaire du maire de la commune de [Localité 7] du 24 mai 2018 – document de sa main en date du 23 mars 2019).
Peu importe donc le débat inopérant sur la dangerosité certaine, potentielle ou devenue inexistante du câble électrique, le respect du droit propriété de Mme [L] justifiant par lui-même l’obligation pour M. [T] de retirer le câble électrique lui profitant ou lui ayant profité courant sur la parcelle de cette dernière.
Le premier juge a d’ailleurs motivé sa décision sur la dangerosité du câble mais aussi sur l’existence d’un trouble de jouissance de sa propriété par Mme [L] dont M. [T] doit répondre.
Peu importe également pour le même motif le fait d’avoir le cas échéant fait réaliser la pose et l’enfouissement d’un nouveau câble d’alimentation électrique.
Mme [L] affirme à bon droit être parfaitement légitime à solliciter purement et simplement le retrait de ce câble sur sa propriété
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a condamné M. [T] à faire procéder à l’enlèvement du câble électrique litigieux traversant la propriété de Mme [L] dans un délai de trois mois.
L’obligation de mettre le câble aux normes est à l’inverse devenue sans objet aux termes mêmes des écritures des parties puisque, d’une part, Mme [L] souhaite le retrait pur et simple de ce câble sur sa propriété et, d’autre part, que M. [T] prétend qu’il n’est plus utilisé pour l’alimentation électrique, la mise aux normes ne réglant pas la question de l’absence de titre légal ou contractuel lui permettant de justifier son maintien sur la propriété de Mme [L].
2. L’astreinte, en toute hypothèse provisoire, a été justement arbitrée en son principe et son montant par le premier juge. Il sera rappelé que le juge l’exécution pourra toujours ordonner une nouvelle astreinte du montant qu’il lui appartiendra de fixer dans l’hypothèse où M. [T] n’exécuterait pas spontanément le présent arrêt.
3. En l’état des pièces versées aux débats, et alors même qu’il se sait sans titre, M. [T] ne justifie d’aucune diligence spontanée depuis la conciliation du maire de la commune pour la remise en état définitive de la parcelle de Mme [L].
Il ne démontre aucune tentative de sa part de faire retirer cette partie de câble électrique qui n’aurait pu aboutir en raison du refus de cette dernière. Plus généralement, il ne met en avant aucune cause utile justifiant sa carence sur ce point.
Son comportement est donc constitutif d’une faute délictuelle. Le préjudice de Mme [L] consécutif à cette faute réside dans l’atteinte maintenue d’une manière injustifiée à son droit propriété. Il sera indemnisé par l’octroi d’une somme de 500 €.
4. L’arrêt à intervenir passant en force de chose jugée dès sa signification, la demande d’exécution provisoire de Mme [L] est dénuée d’intérêt juridique.
5. Le premier juge a justement arbitré les frais irrépétibles et des dépens.
M. [T], qui succombe en son appel principal, sera condamné aux dépens et sera également condamné à payer à Mme [L] la somme complémentaire de 2 000 € au titre des frais irrépétibles exposé en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, rendu publiquement par sa mise à disposition au greffe, après débats publics, en dernier ressort,
Confirme le jugement, sauf en ce qu’il a condamné M. [D] [T] à faire procéder aux travaux de mise aux normes du câble électrique litigieux traversant la propriété de Mme [Z] [L],
Y ajoutant,
Dit sans intérêt la demande d’exécution provisoire de l’arrêt,
Condamne M. [D] [T] à payer à Mme [Z] [L] les sommes de :
– 500 € à titre de dommages et intérêts,
– 2 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,
Condamne M. [D] [T] aux dépens de l’instance d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT