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CF/SH
Numéro 23/ 00590
COUR D’APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 15/02/2023
Dossier : N° RG 22/01591 – N° Portalis DBVV-V-B7G-IHK3
Nature affaire :
Demande relative aux murs, haies et fossés mitoyens
Affaire :
L’OFFICE 64 DE L’HABITAT
C/
[K] [G] veuve [F]
[H] [F] épouse [J]
[W] [J]
[M] [J]
[B] [J]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 15 Février 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 18 Janvier 2023, devant :
Madame FAURE, magistrate chargée du rapport,
assistée de Madame HAUGUEL, greffière présente à l’appel des causes,
Madame FAURE, en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame FAURE, Présidente
Madame ROSA-SCHALL, Conseillère
Monsieur SERNY, magistrat honoraire
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANT :
L’OFFICE 64 DE L’HABITAT pris en la personne de son Directeur Général domicilié ès qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par Maître DUTERTRE, avocat au barreau de PAU
assisté de Maître GAUCI, de la SCP CGCB et associés, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMES :
Madame [K] [G] veuve [F]
née le 4 septembre 1937
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 6]
Madame [H] [F] épouse [J]
née le 29 janvier 1964
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Monsieur [W] [J]
né 21 février 1991
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Monsieur [M] [J]
né le 2 septembre 1996
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Monsieur [B] [J]
né le 2 septembre 1996
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentés et assistés de Maître MANDILE, avocat au barreau de BAYONNE
sur appel de la décision
en date du 19 AVRIL 2022
rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BAYONNE
RG numéro : 21/00117
EXPOSE DU LITIGE
L’EPIC L’office 64 de l’habitat dispose d’un bail à construction sur la parcelle accueillant la résidence [8], résidence pour personnes âgées, située sur la commune de [Localité 6].
Madame [G] veuve [F], Madame [F] épouse [J], Monsieur [W] [J], Monsieur [M] [J] et Monsieur [B] [J] sont propriétaires en indivision de la parcelle voisine cadastrée [Cadastre 7].
Par actes d’huissier les 16, 18, 23 et 25 février 2021, l’EPIC L’office 64 de l’habitat a fait assigner Madame [K] [G] veuve [F], Madame [H] [F] épouse [J], Monsieur [W] [J], Monsieur [M] [J] et Monsieur [B] [J] devant le président du tribunal judiciaire de’Bayonne statuant en référé, aux fins de les voir condamner à la coupe des branches provenant de la haie située sur la parcelle [Cadastre 7] à la hauteur réglementaire, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, outre la somme de 3 000 euros au titre des frais de procédure et les dépens de l’instance.
Suivant ordonnance contradictoire en date du’19 avril 2022 (RG n°21/00117), le juge des référés :
– s’est déclaré compétent pour statuer sur les demandes présentées par l’EPIC office 64 de l’habitat,
– a déclaré recevables les demandes de l’EPIC office 64 de l’habitat,
– a débouté l’EPIC office 64 de l’habitat de l’ensemble de ses demandes,
– a condamné l’EPIC office 64 de l’habitat à verser à Mme [G], Mme [F] épouse [J], M. [W] [J], M. [M] [J] et M. [B] [J] la somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
– a condamné l’EPIC office 64 de l’habitat aux dépens.
Le juge des référés a constaté :
– la haie située sur la parcelle des défendeurs empiète sur la parcelle supportant l’EPHAD, pour autant il résulte de clichés de 1977 et 1986 des éléments laissant penser qu’il existait déjà une forêt dense dans la zone litigieuse,
– il n’appartient pas au juge des référés de déterminer l’existence d’une prescription trentenaire des arbres litigieux.
L’EPIC Office 64 de l’habitat a relevé appel par déclaration du’8 juin 2022 (RG n°22/01591), critiquant l’ordonnance en ce qu’elle’:
– déboute l’EPIC office 64 de l’habitat de l’ensemble de ses demandes,
– condamne l’EPIC office 64 de l’habitat à verser à Mme [G], Mme [F] épouse [J], M. [W] [J], M. [M] [J] et M. [B] [J] la somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
– condamne l’EPIC office 64 de l’habitat aux dépens.
La jonction des affaires 22/1591 et 22/1806 est intervenue.
Suivant avis de fixation adressé par le greffe de la cour, l’affaire a été fixée selon les modalités prévues aux articles 905 et suivants du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures en date du 2 septembre 2022, l’EPIC Office 64 de l’habitat, appelant, statuant sur le fondement des articles 367, 750-1, 835, 514-1, 696, 699 et 700 du code de procédure civile, 671, 672, 673, 678, 679 du code civil, L.131-1 du code des procédures civiles d’exécution et la théorie des troubles anormaux du voisinage, entend voir la cour’:
– infirmer l’ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire de Bayonne le 19 avril 2022 (RG 21/00117) en ce qu’elle a débouté l’Office 64 de l’habitat à verser à Mme [G], Mme [F] épouse [J], M. [W] [J], M. [M] [J] et M. [B] [J] la somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, a condamné l’Office 64 de l’habitat aux dépens,
– confirmer l’ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire de Bayonne le 19 avril 2022 en ce qu’elle a déclaré les demandes de l’Office 64 de l’habitat recevables et, en conséquence, débouter Mme [G], Mme [F] épouse [J], M. [W] [J], M. [M] [J] et M. [B] [J] de leur appel incident,
statuant à nouveau,
– condamner in solidum Mme [G], Mme [F] épouse [J], M. [W] [J], M. [M] [J] et M. [B] [J] à procéder à la coupe des branches provenant de la haie située sur leur parcelle [Cadastre 7], à [Localité 6], jouxtant la propriété de l’Office 64 de l’habitat et empiétant sur le fonds de l’Office 64 de l’habitat, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
– condamner in solidum Mme [G], Mme [F] épouse [J], M. [W] [J], M. [M] [J] et M. [B] [J] à la taille à la hauteur réglementaire de la haie située sur leur parcelle [Cadastre 7], à [Localité 6], jouxtant la propriété de l’office 64 de l’habitat, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
– débouter les défendeurs de leur demande tendant à voir écartée l’exécution provisoire de droit,
– débouter les défendeurs de leur demande d’expertise judiciaire,
– débouter les défendeurs de leur demande tendant à moduler les effets de la décision à intervenir dans le temps,
– débouter les défendeurs de leur demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,
– condamner in solidum Mme [G], Mme [F] épouse [J], M. [W] [J], M. [M] [J] et M. [B] [J] à payer la somme de 3 000 euros à l’Office 64 de l’habitat au titre des frais de procédure, outre les dépens d’instance avec distraction au profit de la SCP CGCB et associés au visa de l’article 699 du code de procédure civile.
L’office 64 de l’habitat conclut à la recevabilité de son action puisqu’elle a effectué les démarches nécessaires pour la mise en ‘uvre d’une médiation infructueuse du fait des défendeurs , en raison de sa qualité à agir puisqu’elle est titulaire d’un droit réel immobilier par le bail à construction, et alors que le moyen de la prescription est inopérant en l’espèce.
Elle invoque les dispositions des articles 671, 672 et 673 du code civil pour justifier de ses demandes et fait observer que la demande sur le fondement de l’article 673 du code civil est imprescriptible, que la haie litigieuse est à 10-12 mètres de hauteur et qu’elle est à environ 80 cm de la clôture, constituant un trouble illicite et que sa diminution n’entraînera pas des vues ou un trouble anormal de voisinage.
Par conclusions déposées le 16 janvier 2023, Madame [K] [G] veuve [F], Mme [F] épouse [J], M. [W] [J], M. [M] [J] et M. [B] [J], sur le fondement des articles 143, 901 et suivants du code de procédure civile et les articles 671 à 673 du code civil, entendent voir la cour’:
– à titre principal :
– d’infirmer l’ordonnance litigieuse en ce qu’elle a déclaré l’action formée par l’office 64 de l’habitat recevable et, par voie de conséquence, de dire et juger que les demandes formulées par l’action de l’office 64 de l’habitat sont irrecevables ;
– à titre subsidiaire : de débouter l’office 64 de l’habitat de l’intégralité de ses prétentions ;
– à titre infiniment subsidiaire : de désigner un expert judiciaire qui aura pour mission de déterminer les modalités de coupe les plus adéquates pour ne pas créer de vues supplémentaires et ne pas porter une atteinte irrémédiable aux espèces faunistiques et floristiques qui s’y trouvent ;
– à titre très infiniment subsidiaire : de moduler les effets dans le temps de la décision à intervenir ;
– en tout état de cause : de condamner l’office 64 de l’habitat a verser aux défendeurs la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les consorts [F]/[J] font valoir l’irrecevabilité de l’action aux motifs d’une procédure de médiation préalable irrégulière, d’une absence de qualité à agir de l’office 64 habitat et de la prescription trentenaire de la demande de réduction de la haie. Sur le fondement de l’article 673 du code civil, ils relèvent l’absence d’un trouble manifestement illicite, en l’absence de dangerosité et d’urgence, alors que la haie constitue une source de confort pour les résidents de l’EHPAD.
Vu l ‘ordonnance de clôture du 18 janvier 2023.
MOTIFS
L’article 750-1 du code de procédure civile issu du décret du 1er décembre 2019 applicable au 1er janvier 2020 prévoit qu’ à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire.
Il convient de relever que cet article du code de procédure civile a été abrogé par arrêt du Conseil d’Etat du 22 septembre 2022 et qu’il n’a donc plus d’effet et ne peut plus donc être appliqué pour statuer sur une fin de non-recevoir laquelle aurait été susceptible d’être retenue en raison de l’incompétence territoriale du médiateur choisi unilatéralement par l’office 64 de l’habitat.
Aucune irrecevabilité ne peut donc être encourue de ce chef.
Il est invoqué l’absence de qualité à agir de l’office 64 de l’habitat.
Comme l’a relevé à juste titre le premier juge, en application de l’article 31 du code de procédure civile, l’office 64 de l’habitat a un intérêt légitime à agir puisqu’il est titulaire d’un bail à construction lui conférant un droit réel immobilier.
L’ordonnance sera donc confirmée en ce qu’elle a déclaré recevable l’action à ce titre.
Il est soulevé la prescription des demandes relatives à la réduction de la haie litigieuse sur le fondement des articles 671 et 672 du code civil.
Cette question relève du juge du fond dès lors que le juge des référés n’a pas le pouvoir d’apprécier le point de départ de cette prescription trentenaire qui nécessite un examen de l’historique des plantations litigieuses, de la circonférence des arbres, de leur hauteur et de leur distance par rapport à la limite séparative de propriété.
Aussi, il existe une contestation sérieuse sur l’acquisition de la prescription trentenaire qui constitue une fin de non-recevoir. L’ordonnance sera donc infirmée en ce qu’elle a déclaré recevable la demande de l’office 64 de l’habitat sur ce point et l’office 64 de l’habitat sera renvoyé à se pourvoir au fond de ce chef.
Sur la demande d’élagage de la haie sur le fondement de l’article 673 du code civil, il convient d’en rappeler les dispositions qui prévoient’:
celui sur lequel la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper… le droit de couper les racines, ronces, et brindilles ou de faire couper les branches des arbres, arbustes set arbrisseaux est imprescriptible.
La prescription n’est donc pas concernée et ne peut constituer une fin de non-recevoir et contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, l’antériorité du dépassement des branches ne peut être un fait exonératoire.
En effet, dès lors que des branches dépassent, cela constitue un trouble manifestement illicite puisque la loi prévoit qu’elles doivent être coupées si le voisin le demande, sans que la condition de l’urgence ne soit requise.
En l’espèce, il ressort du constat d’huissier du 18 octobre 2017 dont il n’est pas contesté qu’aucune modification sur la haie n’est intervenue depuis cette date, à part une croissance naturelle, que la frondaison des arbres de type sapinette d’une hauteur de douze mètres, dépasse sur le fonds de l’EHPAD exploité par l’office 64 de l’habitat et que le dépassement sur le fonds a été mesuré par l’huissier à 286 cm au-delà de la clôture.
Aussi, dès lors que les branches de ces sapinettes dépassent la clôture grillagée constituant la limite de propriété pour s’avancer sur le fonds de l’office 64 de l’habitat, cela constitue un trouble en contravention aux dispositions de l’article 673 du code civil sans qu’il puisse être opposé que leur élagage remettrait en cause le confort des résidents, ce qui n’est pas démontré, et alors en outre que cela constitue un obstacle à la déambulation des personnes le long de la clôture.
Aussi, les consorts [J] seront condamnés à procéder à l’élagage des branches qui surplombent et empiètent le fonds exploité par l’office 64 de l’habitat, sous astreinte, pour garantir une bonne exécution de la décision compte tenu de l’ancienneté du trouble qui remonte à 2017.
Aucune mesure d’instruction ne sera ordonnée, celle-ci étant de nature à retarder la cessation du trouble, sans être nécessaire par ailleurs, et sans qu’une modulation dans le temps ne soit prononcée dès lors que le trouble doit faire l’objet d’une mesure de remise en état dans les meilleurs délais.
Les dispositions sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens seront également infirmées.
L’équité commande d’allouer à l’office 64 de l’habitat une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme l’ordonnance de référé en ce qu’elle a déclaré recevables au titre de la médiation et de la qualité à agir les demandes de l’office 64 de l’habitat,
Infirme pour le surplus et statuant à nouveau’:
Dit que la prescription des demandes sur le fondement des articles 671 et 672 du code civil se heurte à une contestation sérieuse et renvoie l’office 64 de l’habitat à mieux se pourvoir,
Condamne in solidum Madame [K] [G] veuve [F], Madame [H] [F] épouse [J], Monsieur [W] [J], Monsieur [M] [J] et Monsieur [B] [J] à procéder à la coupe des branches provenant de la haie située sur leur parcelle [Cadastre 7], à [Localité 6], jouxtant la propriété de l’Office 64 de l’habitat et empiétant sur le fonds de l’Office 64 de l’habitat, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard à compter de l’expiration du délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt, et ce pendant une durée de deux mois,
Condamne in solidum Madame [K] [G] veuve [F], Madame [H] [F] épouse [J], Monsieur [W] [J], Monsieur [M] [J] et Monsieur [B] [J] à payer à l’office 64 de l’habitat la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum Madame [K] [G] veuve [F], Madame [H] [F] épouse [J], Monsieur [W] [J], Monsieur [M] [J] et Monsieur [B] [J] aux dépens de première instance et d’appel, dont distraction en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Sylvie HAUGUEL Caroline FAURE