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N° RG 21/02983 – N° Portalis DBVM-V-B7F-K6M6
C4
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
Me Eric POSAK
la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 09 MARS 2023
Appel d’un jugement (N° RG 2021J00104)
rendu par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE
en date du 04 juin 2021
suivant déclaration d’appel du 05 juillet 2021
APPELANTE :
S.A.R.L. ALPES PATRIMOINE INGENIERIE au capital de 7.800 € immatriculée au R.C.S. de Grenoble sous le n° 433 026 333, représentée par sa gérante, Mme [X] [U],
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée et plaidant par Me Eric POSAK, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉES :
S.A.R.L. HOTELIERE DU [Adresse 3] immatriculée au RCS de Grenoble sous le numéro 062 502 141, prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège,
[Adresse 3]
[Localité 4]
non représentée,
S.A.R.L. LE CARIBOU immatriculée au RCS de Grenoble sous le numéro 479 523 805, prise en la personne de son représentant légal demeurant audit siège
Le [Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Josette DAUPHIN de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me Eloïse BOUTIN, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière.
DÉBATS :
A l’audience publique du 14 décembre 2022, M. BRUNO conseiller, a été entendu en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour,
Faits et procédure :
1. Le 30 mars 2019, une lettre de mission, établie sous seing privé, a été signée entre [J] [P] et la Sarl Alpes Patrimoine Ingénierie, ayant pour but l’accompagnement de [J] [P] dans son projet de cession d’entreprise. Les honoraires convenus ont inclus une part forfaitaire de 2.900 euros HT et une part variable à hauteur de 2 % HT du prix de cession. Les actifs de [J] [P] dont la cession était envisagée étaient constitués de la Sarl Le Caribou et de la Sarl Société Hôtelière du [Adresse 3].
2. Le 16 juillet 2019, une promesse unilatérale de vente a été conclue entre la Société Hôtelière du [Adresse 3] et [H] [I] en l’étude de maîtres [Y] et [Z], notaires associés. Le 15 octobre 2019, l’acte de cession a été signé pour un montant total de 1.000.000 euros, soit 250.000 euros pour la cession du fonds de commerce Le Caribou et 750.000 euros pour la cession des parts sociales de la Sarl [Adresse 3].
3. Le 14 octobre 2019, une facture d’honoraires complémentaires a été émise par la Sarl Alpes Patrimoine Ingénierie et a été envoyée à la Sarl Le Caribou et à [J] [P] pour une valeur représentant 2 % HT du montant total de cession, soit une somme de 24.000 euros TTC. Une mise en demeure a été envoyée à la Société Hôtelière du [Adresse 3] le 10 février 2021 et à la société Le Caribou le 12 février 2021.
4. Le 12 février 2021, la Sarl Alpes Patrimoine Ingénierie a formé une opposition au paiement du prix de cession de la vente du fonds de commerce par voie extra-judiciaire.
5. Par assignation du 29 mars 2021. la société Alpes Patrimoine Ingénierie a sollicité notamment du tribunal de commerce de Grenoble de condamner solidairement la Société Hôtelière du [Adresse 3] et la société Le Caribou à lui verser la somme de 24.000 euros TTC en règlement de sa facture n°20191046 en date du 14 octobre 2019.
6. Par jugement du 4 juin 2021, le tribunal de commerce de Grenoble a’:
– dit la société Sarl Alpes Patrimoine Ingénierie irrecevable en sa demande,
– condamné la Sarl Alpes Patrimoine Ingénierie aux entiers dépens.
7. La société Sarl Alpes Patrimoine Ingénierie a interjeté appel de cette décision, et en tout état de cause a sollicité son annulation, selon déclaration du 5 juillet 2021.
L’instruction de cette procédure a été clôturée le 24 novembre 2022.
Prétentions et moyens de la société Sarl Alpes Patrimoine Ingénierie’:
8. Selon ses conclusions remises le 8 novembre 2022, elle demande à la cour, au visa des articles 16, 129-4 , 456 et 458 et 1531 du code de procédure civile, 1193 et 1231-1 du code civil’:
– de prononcer la nullité du jugement rendu le 4 juin 2021 par le tribunal de commerce de Grenoble’;
– d’écarter des débats la pièce n°7 produite par la société Le Caribou’;
– de condamner solidairement la Sarl Société Hôtelière du [Adresse 3] et la Sarl Le Caribou à lui verser la somme de 24.000 euros T.T.C. en règlement de sa facture n° 2019I046 en date du 14 octobre 2019′;
– de dire que cette somme portera intérêt au taux légal à compter de la date de réception de la mise en demeure qui leur a été délivrée’;
– de dire que les intérêts échus depuis une année entière produiront intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil’;
– de condamner en outre solidairement la Société Hôtelière du [Adresse 3] et la société Le Caribou à lui verser la somme de 5.000 euros éventuellement à parfaire en réparation du préjudice causé par leur résistance abusive’;
– de débouter la société Le Caribou de toutes ses prétentions et demandes reconventionnelles, frais irrépétibles et dépens en ce compris sa demande en nullité du mandat’;
– de condamner solidairement la Société Hôtelière du [Adresse 3] et la société Le Caribou à lui verser la somme de 3.500 euros au titre de ses frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens.
Elle soutient’:
9. – que la lettre de mission a été signée par [J] [P] pour le compte de ses sociétés’; que la part forfaitaire de 2.900 euros HT a été payée par un chèque tiré sur la Sarl Société Hôtelière du [Adresse 3] lors de la signature de la convention ;
10. – concernant la nullité du jugement, que la copie exécutoire adressée à l’avocat de la concluante n’est pas signée de son président, mais uniquement du greffier, en contravention avec l’article 456 du code de procédure civile’; que si la Sarl Le Caribou soutient que seule la minute fait foi, la copie exécutoire est la seule décision dont les parties peuvent se prévaloir, de sorte qu’elle doit satisfaire aux règles prévues par cet article’;
11. – qu’en outre, le tribunal de commerce a relevé un moyen d’office, qui n’a pas été soumis à un débat contradictoire’; que si la Sarl Le Caribou indique que ce moyen a été soulevé lors de l’audience, aucune mention correspondante ne figure dans le jugement déféré, alors que cette société et la Sarl Société Hôtelière du [Adresse 3] n’ont pas alors comparu’; que l’argument opposé par la Sarl Le Caribou concernant un manquement déontologique de l’avocat de la concluante lors de l’audience est inopérant devant la cour’;
12. – sur le fond, que pour déclarer l’action de la concluante irrecevable, le tribunal a jugé faussement que la lettre de mission a été signée entre monsieur [P] et la concluante, et non avec les intimées’; que cependant, monsieur [P] a signé cette lettre en sa qualité de gérant des intimées, et non à titre personnel’; que sur la dernière page, le cachet de la Sarl Société Hôtelière du [Adresse 3] figure sous la signature de monsieur [P]’; que c’est cette société qui a payé la part forfaitaire’;
13. – qu’il convient de ne pas s’arrêter aux simples énonciations de la convention, mais de rechercher les circonstances démontrant la réalité du consentement de la partie prétendument non-signataire’; que les intimées ont bien été engagées par leur gérant, ce qu’elles n’ont contesté même lors de la réception de la facture et des mises en demeure’; que ces sociétés avaient un intérêt commun dans la réalisation de la cession, puisque les actifs de monsieur [P] étaient imbriqués au sein de ces sociétés’; que la part forfaitaire a été payée en leurs deux noms’; que les cessions sont intervenues le 15 octobre 2019′; que le but poursuivi par monsieur [P] était que ces deux sociétés puissent survivre après sa disparition’; que la Sarl Le Caribou ne peut produire valablement un courrier adressé par l’avocat de monsieur [P] le 26 mai 2020 au conciliateur de justice, qui démontrerait que monsieur [P] aurait agi à titre personnel, puisque l’article 129-4 du code de procédure civile prévoit que les déclarations recueillies par le conciliateur ne peuvent ensuite être produites ou invoquées dans la procédure engagées ensuite, sans l’accord des parties, ni dans aucune autre instance’; que cette pièce doit ainsi être écartée des débats’; qu’en outre, elle ne constitue pas une preuve, puisqu’elle dénie la réclamation de la concluante, sans émettre de réserve sur la qualité de
monsieur [P]’; qu’au surplus, si monsieur [P], ou sa succession après son décès, a pu retirer un avantage personnel, il était également dans l’intérêt des intimées d’assurer la poursuite de leurs activités’;
14. – que les demandes de la concluante portent sur la part variable, puisque les cessions sont intervenues au prix demandé, réparti entre les intimés’;
15. – qu’en raison de la rupture des relations par monsieur [P] avec la concluante, quelques jours seulement avant la signature de la cession, ce dernier n’a pas adressé à la concluante, de mauvaise foi, la copie des actes de cession, ce qui a contraint la concluante à l’inaction’; que la tentative de médiation sollicitée par la concluante a échoué’; qu’il en résulte une résistance abusive des intimées’;
16. – que si la Sarl Le Caribou soutient que la concluante ne rapporte pas la preuve de l’exécution de sa mission, et invoque son incompétence, cependant dès la signature de la lettre de mission, la concluante a rédigé une note de présentation des sociétés pour les investisseurs, détaillant les actifs à céder et recommandant à monsieur [P] une cession de parts plutôt que d’actifs, pour des raisons fiscales’; que des visites ont été organisées sur place, avec des réunions avec les maires des communes de [Localité 4] et de [Localité 5] ; que des réunions ont également eu lieu avec l’expert-comptable et les notaires; que la concluante a eu recours aux services de la société AJ Conseils, laquelle a correspondu avec les avocats de monsieur [P]’;
17. – que si la Sarl Le Caribou soutient que la lettre de mission est nulle, sur le fondement de la loi du 2 janvier 1970 et du décret du 20 juillet 1972, ce moyen est inopérant puisque la concluante fonde sa demande en paiement suite à une mission d’accompagnement, et non dans le cadre d’un mandat de recherche d’un acquéreur’; que les parts cédées ne concernent pas des sociétés immobilières ou d’habitat participatif, mais des sociétés commerciales’; qu’il n’est pas demandé le paiement de la rémunération optionnelle pour mandat de recherche prévu dans la lettre de mission’; qu’en tout état de cause, la concluante est habilitée à exercer l’activité de transactions sur immeubles et fonds de commerce’; que les éventuelles irrégularités du mandat de recherche d’acquéreurs ne sont sanctionnées que par une nullité relative, alors qu’en participant à diverses réunions, puis en signant le compromis de vente, monsieur [P] a ratifié nécessairement la lettre de mission en dépit d’éventuelles irrégularités’;
18. – que si la Sarl Le Caribou demande, reconventionnellement, de prononcer la mainlevée de l’opposition à la distribution du prix de cession du fonds de commerce, la créance de la concluante est fondée, de sorte que cette demande doit être rejetée’;
19. – que la demande de dommages et intérêts de la Sarl Le Caribou pour procédure abusive de la concluante est mal fondée, d’autant que la concluante a limité son opposition au montant de la somme réclamée dans son assignation.
Prétentions et moyens de la société Le Caribou’:
20. Selon ses conclusions remises le 9 novembre 2022, elle demande à la cour, au visa des articles 1199, 1219, 1240, 1315 du code civil, L.141-16 du code de commerce, 16, 125 et 700 du code de procédure civile, de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970, dite «loi Hoguet» et du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972′:
– de rejeter les demandes de nullité du jugement ;
– de confirmer le jugement critiqué en ce qu’il a considéré que seul [J] [P], personnellement, était partie à la convention conclue avec la société Alpes Patrimoine Ingénierie et a débouté cette dernière de ses demandes ;
– de déclarer en conséquence que seules étaient parties à la convention en cause la société Alpes Patrimoine Ingénierie et [J] [P] à titre personnel ;
– de prononcer la nullité du mandat lequel est soumis à des règles de formalisme d’ordre public que le juge peut soulever d’office ;
– de débouter la société Alpes Patrimoine Ingénierie de l’ensemble de ses demandes ;
– subsidiairement, de juger qu’elle n’a pas satisfait à ses obligations contractuelles ;
– de débouter en conséquence, la société Alpes Patrimoine Ingénierie de sa demande de condamnation de la concluante en paiement de la somme de 24.000 euros’;
– en tout état de cause et reconventionnellement, de prononcer la mainlevée de l’opposition à la distribution du prix de cession du fonds de commerce de la concluante , sollicitée par la société Alpes Patrimoine Ingénierie, aux frais de cette dernière ;
– de condamner la société Alpes Patrimoine Ingénierie à verser à la concluante la somme de 7.000 euros au titre du caractère abusif des mesures et procédures initiées par elle ;
– de condamner la société Alpes Patrimoine Ingénierie à verser à la concluante la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
– de condamner la même aux dépens, ceux-ci devant comprendre les frais de signification du jugement contesté.
La société Le Caribou indique’:
21. – concernant la nullité du jugement, que s’il doit être signé par le président, rien n’exige que les copies délivrées le soient, de sorte qu’il appartient à l’appelante de prouver que la minute détenue par le greffe n’est pas valablement signée’; que la Sarl Alpes Patrimoine Ingénierie ne peut pas plus se référer à la copie exécutoire délivrée par l’huissier de justice’;
22. – que s’agissant de la violation du principe du contradictoire, la Sarl Alpes Patrimoine Ingénierie procède par voie d’affirmation, alors que la procédure devant le tribunal de commerce est orale’; qu’il appartient à l’appelante de prouver que le tribunal ne l’a pas invitée à formuler ses observations sur le moyen relevé d’office’; que le conseil de l’appelante a en outre manqué aux règles déontologiques en n’avisant pas le conseil de la concluante de la procédure qu’il initiait’;
23. – sur le fond, que la demande en paiement est irrecevable, puisqu’ainsi que relevé par le tribunal, la lettre de mission a été signée par monsieur [P] personnellement, sans le concours des intimées’; que la présence du terme «’Le Caribou’» dans l’adresse de la lettre correspond à l’adresse personnelle de monsieur [P]’; que la convention prévoyait un audit du patrimoine personnel de monsieur [P], la cession des sociétés détenues par lui et le réinvestissement ou l’optimisation fiscale du prix de cession’; qu’il avait été ainsi stipulé que le but poursuivi était de permettre à monsieur [P] de conserver des revenus suffisants avant et pendant sa retraite et d’assurer la protection de son épouse’; qu’ainsi, aucune des intimées n’auraient pu contracter une convention visant la satisfaction des intérêts personnels de leur gérant’; que le paiement effectué par l’une d’elles ne peut remettre en cause ce fait, ne s’agissant que d’un paiement pour autrui au sens de l’article 1340 du code civil’; que la concluante n’est pas le titulaire du compte sur lequel le paiement de la part forfaitaire a été réglée, d’autant que la lettre de mission ne comporte aucun élément d’identification de la concluante’;
24. – que le conseil de monsieur [P] est intervenu avant l’ouverture de la médiation pour le compte personnel de ce dernier’; que sa lettre adressée au médiateur des entreprises peut être produite, puisqu’il s’agit d’un acte préalable
à l’ouverture de la médiation et ainsi non soumis à confidentialité au sens de l’article 129-4 du code de procédure civile’; que cette pièce n°7 est ainsi recevable’;
25. – que s’il est reproché à la concluante de n’avoir jamais contesté être partie à la convention, cependant l’appelante n’a jamais, avant février 2021, émis aucune prétention à son encontre’;
26. – en tout état de cause, que les mandats immobiliers, dont la lettre de mission, sont soumis à un formalisme strict encadré par la loi du 2 janvier 1970 et le décret du 20 juillet 1972, prévoyant notamment la mention de l’identité du débiteur des honoraires et une limite dans le temps’; qu’en la cause, la lettre de mission ne précise pas ce point’; que si l’appelante soutient que ces textes ne concernent pas la convention, laquelle serait distincte du mandat de recherche d’acquéreurs, l’article 1er de la loi dispose qu’elle s’applique aux personnes qui, d’une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d’autrui relatives à l’achat, la vente, l’échange, la recherche de biens immeubles, ou l’achat, la vente ou la location-gérance de fonds de commerce, de parts sociales non négociables lorsque l’actif social comprend un immeuble ou un fonds de commerce’; qu’à l’exception de la mission d’audit du patrimoine de monsieur [P], la mission confiée à l’appelante s’inscrivait bien dans ce cadre; que si l’appelante soutient que monsieur [P] aurait ratifié la lettre de mission, cette ratification ne peut intervenir que suite à une exécution volontaire, avec la connaissance de la cause de nullité, alors qu’en l’espèce, la part variable n’a pas été payée’; que la seule signature du compromis est insuffisante’;
27. – que si l’appelante indique que monsieur [P] disposait du pouvoir d’engager les intimées, la question est de savoir si ces dernières étaient ou non contractantes’; que peu importe que le gérant ait pu retirer un intérêt personnel’;
28. – que l’appelante ne justifie pas avoir exécuté sa mission, d’autant que l’acquéreur déclare n’avoir jamais été en relation avec elle, alors que l’opération a été établie entre les notaires respectifs des parties et l’expert-comptable de la concluante’; que c’est ce dernier qui a alerté monsieur [P] sur le caractère inadapté du montage proposé par l’appelante sur le plan fiscal’; que les pièces produites par l’appelante ne sont pas probantes, constituant soit des preuves constituées à soi-même, soit résultant de captures d’écran dont on ne peut s’assurer de l’authenticité, soit de mails dénués d’intérêt; que le conseil de monsieur [P] a fait part au médiateur saisi par l’appelante, avant l’ouverture des discussions, des inexécutions de cette dernière’; que la plupart des pièces émanent de la société AJ Conseils, laquelle ne représente pas l’appelante’; qu’il en résulte que la Sarl Alpes Patrimoine Ingénierie n’a pas trouvé l’acquéreur, n’a pas conseillé le schéma de cession adéquat, n’a pas évalué le prix de cession, n’a ni élaboré une optimisation fiscale adaptée ni des conseils pour un réinvestissement; que la somme reçue au titre de la part forfaitaire était suffisante pour couvrir les faibles prestations produites’;
29. – que les prétentions de l’appelante devant être rejetées, il convient d’ordonner la mainlevée son opposition, au sens de l’article L141-16 du code de commerce, puisqu’elle a été faite sans titre ni cause’; que si la cour doit condamner la concluante au paiement de la facture en litige, l’opposition n’a, de toute façon, plus lieu d’être’;
30. – que l’action engagée par l’appelante est abusive, puisqu’elle ne pouvait se méprendre sur l’absence de bien fondé de son action, ne pouvant se méprendre sur l’identité de son cocontractant, alors qu’elle a également engagé une mesure d’opposition à la distribution des prix de cession.
*****
31. La Société Hôtelière du [Adresse 3] ne s’est pas constituée devant la cour, bien que la déclaration d’appel et les conclusions de l’appelante lui aient été signifiées le 29 septembre 2021 selon les modalités prévues par les articles 656 et 658 du code de procédure civile.
Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION’:
1) Concernant la nullité formelle du jugement’:
32. Il résulte de l’article 456 du code de procédure civile que le jugement peut être établi sur support papier ou électronique. Il est signé par le président et par le greffier. En cas d’empêchement du président, mention en est faite sur la minute, qui est signée par l’un des juges qui en ont délibéré. L’article 458 précise que ce qui est prescrit par les articles 447, 451, 454, en ce qui concerne la mention du nom des juges, 455 (alinéa 1) et 456 doit être observé à peine de nullité. Cependant, l’article 459 indique que l’omission ou l’inexactitude d’une mention destinée à établir la régularité du jugement ne peut entraîner la nullité de celui-ci s’il est établi par les pièces de la procédure, par le registre d’audience ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été, en fait, observées.
33. Concernant la forme des jugements, l’article 502 du même code dispose que nul jugement, nul acte ne peut être mis à exécution que sur présentation d’une expédition revêtue de la formule exécutoire, à moins que la loi n’en dispose autrement. L’article 1435 prévoit à ce titre que les officiers publics ou ministériels ou les autres dépositaires d’actes sont tenus de délivrer, à charge de leurs droits, expédition ou copie des actes aux parties elles-mêmes, à leurs héritiers ou ayants droit.
34. Concernant le tribunal de commerce, il résulte de l’article 741-2 du code de commerce que le greffier dirige, sous l’autorité du président du tribunal et sous la surveillance du ministère public, l’ensemble des services du greffe. Il assure la tenue des différents registres prévus par les textes en vigueur et tient à jour les dossiers du tribunal. Il met en forme les décisions prises et motivées par les juges. Il est dépositaire des minutes et archives dont il assure la conservation. Il délivre les expéditions et copies et a la garde des scellés et de toutes sommes déposées au greffe.
35. En l’espèce, aucun exemplaire du jugement signé par le président du tribunal n’est produit, seules des expéditions étant versées aux débats, y compris concernant le dossier transmis à la cour par le tribunal de commerce. Il s’agit d’expéditions authentifiées par le greffier, qui a apposé sa signature, avec l’indication que le président a signé la minute.
36. Aucun texte n’exige que l’expédition délivrée aux parties par le greffe soit revêtue de la signature du président de la formation de jugement. Il résulte des dispositions précitées que l’expédition doit seulement être revêtues de la signature du greffier qui la délivre, attestant de sa conformité avec la minute dont il est dépositaire. A ce titre, les actes officiels du greffe font foi jusqu’à inscription de faux. Il ne peut ainsi être retiré aucune cause de nullité du jugement en raison du fait que l’expédition délivrée aux parties n’est signée que par le greffier, qui a l’a certifiée conforme à la minute, avec mention de la signature de la décision par le président de la formation de jugement.
2) Concernant la nullité du jugement en raison d’un moyen soulevé d’office par le tribunal de commerce’:
37. En première instance, ni la Sarl Le Caribou ni la Sarl Société Hôtelière du [Adresse 3] n’ont comparu. Le tribunal a relevé d’office la fin de non-recevoir prise de la signature de la lettre de mission par monsieur [P], pour en déduire que la société Alpes Patrimoine Ingénierie ne justifie pas que le contrat litigieux a été conclu avec les sociétés [Adresse 3] et Le Caribou, et ainsi déclarer l’appelante irrecevable en ses demandes.
38. Aucune mention du jugement n’indique que le tribunal a sollicité de la Sarl Alpes Patrimoine Ingénierie ses observations sur la fin de non-recevoir retenue. Le dossier transmis à la cour ne comporte aucun élément permettant de retenir que le principe du contradictoire a été respecté à l’égard de la Sarl Alpes Patrimoine Ingénierie. En conséquence, le jugement déféré ne peut qu’être annulé pour violation de l’article 16 du code de procédure civile. Cependant, en raison de l’effet dévolutif de l’appel, il appartient à la cour de statuer sur le fond de l’affaire.
3) Sur le fond’:
39. La lettre de mission concerne monsieur [P], sans autre précision sur sa qualité, domicilié Le Caribou, [Adresse 3], à [Localité 4] en Vercors. Les objectifs sont de céder «’Le Caribou’» dans les meilleurs conditions, de permettre à monsieur [P] de conserver des revenus futurs suffisants avant et pendant sa retraite, d’assurer la protection de son épouse, et d’optimiser la fiscalité de la cession, avec un accompagnement personnalisé.
40. Selon ce contrat, l’analyse préalable et l’accompagnement consistent en’:
– l’analyse de la situation personnelle patrimoniale de monsieur [P]’;
– la prise de connaissance de ses différentes parts sociales’;
– l’évaluation du prix de cession’;
– la mise en ‘uvre du schéma de cession (quelle société, quels biens et sous quelle forme)’;
– l’optimisation de la plus-value de cession imposable’;
– le conseil sur le réinvestissement des capitaux et la stratégie de revenus futurs’;
– le conseil en organisation patrimoniale, notamment sur la protection de sa famille.
41. Il est également indiqué que la réalisation de «’vos objectifs patrimoniaux s’inscrit sur la durée’» et que suite à la réalisation de l’étude et à la mise en place des stratégies «’que vous aurez retenues’», une mission de suivi sera proposée.
42. Cette lettre est signée par monsieur [P], sans indication d’une qualité spéciale. Par contre, le tampon commercial de la Sarl Société Hôtelière du [Adresse 3] a été apposé. Le chèque du 1er avril 2019 réglant la part forfaitaire a été émis sur le compte bancaire de la Sarl Société Hôtelière du [Adresse 3], bien que le nom du titulaire du compte prête à confusion’: «'[Adresse 3]’», suivi de «'[Adresse 3] Le Caribou’», suivi de «’Le Caribou’» et enfin du nom de la commune de [Localité 4]. Selon l’audit patrimonial réalisé par la Sarl Alpes Patrimoine Ingénierie, la Sarl Le Caribou est la société d’exploitation de l’hôtel-restaurant du même nom, situé sur le lieudit «'[Adresse 3]’». La Sarl Société Hôtelière du [Adresse 3] est propriétaire du terrain, de l’hôtel et de deux studios loués.
43. L’examen de la lettre de mission indique que l’audit est destiné à monsieur [P], et non aux intimées. Elle reprend ainsi sa situation familiale, le détail de ses biens et revenus personnels, avec ses charges notamment fiscales. Il y a un bilan «’retraite’» avec la reconstitution de sa carrière et le détail des prestations, outre une analyse de sa succession, avec la reproduction de son testament.
44. Il en résulte que la lettre de mission a bien été conclue par monsieur [P] non en sa qualité de gérant des intimées, mais bien dans son intérêt strictement personnel. Le fait que la part forfaitaire de la rémunération de l’appelante ait été réglée par un chèque émis sur le compte de l’une des intimées ne peut suffire à établir que le contrat a été conclu avec les intimées. Ainsi qu’indiqué par la société Le Caribou, le paiement peut être fait même par une personne qui n’y est pas tenue, sauf refus légitime du créancier, ainsi qu’il est indiqué à l’article 1342-1 du code civil. Ce principe est repris à l’article 1340 concernant la délégation, puisque la simple indication faite par le débiteur d’une personne désignée pour payer à sa place n’emporte ni novation, ni délégation.
45. En conséquence, sans qu’il soit nécessaire de plus amplement statuer sur le rejet de la pièce n°7 de la société Le Caribou, sur une imbrication des actifs des sociétés ou leur intérêt commun ainsi que sur la bonne exécution de la lettre de mission ou l’application de la loi du 2 janvier 1970, la cour constate que l’action de la Sarl Alpes Patrimoine Ingénierie a été engagée à l’encontre de sociétés étrangères à cette convention. Elle la déclarera irrecevable au sens de l’article 125 du code de procédure civile.
4) Sur la demande de mainlevée de l’opposition pratiquée par la société Alpes Patrimoine Ingénierie’:
46. Par acte du 12 février 2021, l’appelante a formé opposition au paiement du prix de vente du fonds de commerce de la société Le Caribou, entre les mains de la société XC Conseil Sarl, pour la somme de 24.523,29 euros, suite à la cession constatée par acte notarié du 15 octobre 2019, en fondant cette opposition sur sa facture du 14 octobre 2019 relative au solde de ses honoraires.
47. En raison de l’irrecevabilité des demandes présentées contre la société Le Caribou, la mainlevée de cette opposition ne peut qu’être ordonnée, ayant été effectuée sans titre ni cause, au visa de l’article L141-16 du code de commerce, aux frais de la Sarl Alpes Patrimoine Ingénierie.
5) Sur les demandes accessoires de la société Le Caribou’:
48. Il ne résulte pas des circonstances de la cause que l’action de l’appelante, y compris concernant l’opposition au prix de la vente du fonds de commerce de la société Le Caribou, soit abusive. La demande reconventionnelle de cette dernière est ainsi mal fondée et sera rejetée.
49. Succombant en son appel, la société Alpes Patrimoine Ingénierie sera condamnée à payer à la société Le Caribou la somme de 4.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l’instance.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, par défaut et par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles 16, 456 et suivants, 502, 542 et 1435 du code de procédure civile,’ les articles L141-16 et L741-2 du code de commerce, les articles 1340 et 1342-1’du code civil;
Annule le jugement déféré ;
statuant à nouveau’;
Déclare la société Alpes Patrimoine Ingénierie irrecevable en ses demandes’;
Ordonne la mainlevée de l’opposition effectuée par la société Alpes Patrimoine Ingénierie selon acte du 12 février 2021, concernant le paiement du prix de vente du fonds de commerce de la société Le Caribou, opposition effectuée entre les mains de la société XC Conseil Sarl, pour la somme de 24.523,29 euros, suite à la cession constatée par acte notarié du 15 octobre 2019, mainlevée à réaliser aux frais de la société Alpes Patrimoine Ingénierie’;
Déboute la société Le Caribou de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive intentée par la société Alpes Patrimoine Ingénierie’;
Condamne la société Alpes Patrimoine Ingénierie à payer à la société Le Caribou la somme de 4.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile’;
Condamne la société Alpes Patrimoine Ingénierie aux dépens exposés tant en première instance qu’en cause d’appel, incluant les frais de signification du jugement déféré’;
SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente