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16/03/2023
ARRÊT N°194/2023
N° RG 22/02615 – N° Portalis DBVI-V-B7G-O4R6
CBB/MB
Décision déférée du 10 Juin 2022 – Président du TJ d’ALBI ( )
M. ALZINGRE
[V] [L]
[Y] [L]
C/
[C] [K]
[D] [S] épouse [K]
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU SEIZE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTS
Monsieur [V] [L]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Meriem HOUANI, avocat au barreau de TOULOUSE
Madame [Y] [L]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Meriem HOUANI, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMES
Monsieur [C] [K]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Emmanuel GIL de la SCP SCPI BONNECARRERE SERVIERES GIL, avocat au barreau de TOULOUSE
Madame [D] [S] épouse [K]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Emmanuel GIL de la SCP SCPI BONNECARRERE SERVIERES GIL, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. BENEIX-BACHER, Présidente, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
E.VET, conseiller
A. MAFFRE, conseiller
Greffier, lors des débats : I. ANGER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par I. ANGER, greffier de chambre
FAITS
M. et Mme [L] sont propriétaires d’une maison à usage d’habitation située au [Adresse 1] à [Localité 3], laquelle est contiguë au numéro 21, propriété de M. et Mme [K].
De nombreuses procédures judiciaires ont émaillé leurs relations de voisinage autour de la détermination de la propriété du mur séparant les deux fonds.
M. [I] expert a rendu un rapport le 26 février 2008 avec pour sapiteur Mme [B] expert immobilier et M. [X] géomètre, et par jugement du 30 juin 2009 le tribunal d’Albi a prononcé la démolition des travaux de surélévation réalisés par M. et Mme [L].
Le cabinet d’expert Saretc a établi dans son rapport du 21 novembre 2013 la poursuite de ces travaux dans le temps.
Un second rapport de M.[I] a été rendu le 16 décembre 2015.
Par jugement du 13 mars 2019 le tribunal a prononcé notamment la démolition sous astreinte du mur «’litigieux’» offrant des vues illégales’; la cour d’appel a confirmé cette décision par arrêt du 12 septembre 2022.
Par jugement correctionnel du 9 juillet 2020, M. et Mme [L] ont été déclarés coupables d’infraction à la législation sur l’urbanisme et condamnés à démolir le mur sous astreinte.
Par jugement du 3 juillet 2020 confirmé par arrêt du 6 septembre 2022, le juge de l’exécution a liquidé l’astreinte prononcée par jugement du 13 mars 2019 et a prononcé une astreinte définitive.
M. et Mme [L] ont désigné la société GeoSudOuest géomètre expert qui dans son rapport du 17 mars 2021 a conclu que le mur détruit était en fait présumé leur appartenir. Ils soutiennent donc une erreur de bornage et un empiètement de la propriété [K] sur la leur.
PROCEDURE
Par acte en date du 25 février 2022, M. et Mme [L] ont fait assigner M. et Mme [K] devant le juge des référés du tribunal judiciaire d’Albi pour obtenir, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, la désignation d’un expert pour voir vérifier si le mur sur la partie la plus profonde leur appartient, s’il a été érigé en limite de propriété et à quelle date, déterminer les droits des parties sur la partie litigieuse du mur séparant les propriétés, dire si aucune construction ne s’appuie sur cette partie du mur et faire les comptes entre les parties au vu des préjudices subis.
Par ordonnance contradictoire en date du 10 juin 2022, le juge a’:
– jugé la demande recevable mais non fondée,
– s’est déclaré compétent,
vu l’article 145 du code de procédure civile,
– au principal, débouté M. [V] [L] et Mme [Y] [O] épouse [L] de leur demande en expertise visant à voir nommer un géomètre expert,
– condamné in solidum M. [V] [L] et Mme [Y] [O] épouse [L] à payer à M. [C] [K] et Mme [D] [S] épouse [K] la somme de 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté toutes autres demandes,
– rappelé que la présente ordonnance est de droit exécutoire à titre provisoire.
Pour se déterminer ainsi le juge a constaté que la mission dont M. et Mme [L] entendaient faire saisir l’expert ne consistait pas seulement en une demande en bornage qui ne relevait pas de la compétence du juge des référés mais qu’au vu des autres missions dont ils entendaient saisir l’expert, ils entendaient faire examiner à nouveau la propriété du mur qui pourtant avait déjà été jugée définitivement, de même que sa destruction notamment pour défaut de respect des règles d’urbanisme.
Par déclaration en date du 11 juillet 2022, M. et Mme [L] ont interjeté appel de la décision.
L’ordonnance est critiquée en ce qu’elle a’:
– débouté M. [V] [L] et Mme [Y] [O] épouse [L] de leur demande en expertise visant à voir nommer un géomètre expert,
– condamné in solidum M. [V] [L] et Mme [Y] [O] épouse [L] à payer à M. [C] [K] et Mme [D] [S] épouse [K] la somme de 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. et Mme [L], dans leurs dernières écritures en date du 15 janvier 2023, demandent à la cour au visa des articles 82 et 145 du code de procédure civile, de’:
– infirmer l’ordonnance du 10 juin 2022 rendue par le juge des référés près le tribunal judiciaire d’Albi en ce qu’il a :
* débouté les époux [L] de leur demande en expertise visant à voir nommer un géomètre expert,
* condamné les époux [L] au versement de la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– juger l’appel recevable et bien fondé,
– rejeter toutes conclusions contraires comme injustes ou du moins mal fondées,
– désigner tel expert qu’il plaira au Président du Tribunal avec notamment pour mission de :
* se rendre sur les lieux de la maison d’habitation située [Adresse 1] après avoir convoqué les parties ;
* prendre connaissance de tous documents utiles à l’accomplissement de sa mission, des conventions intervenues entre les parties,
* vérifier le cadre administratif, réglementaire et contractuel dans lequel la situation est intervenue ainsi que les conditions d’assurance,
* décrire la situation des bâtiments,
* décrire les ouvrages,
* déterminer la propriété du mur litigieux,
* dire si l’immeuble des époux [L], sur la partie plus profonde, leur appartient et s’il a été érigé en limite de propriété et à quelle date,
* dire si la portion du mur mentionnant au plan joint comme C-B constitue une partie privative,
* dire si les époux [K] sont autorisés à fixer la canalisation sur le mur litigieux et, le cas échéant, sous quelles conditions,
* rechercher tous les éléments techniques qui permettront à telle juridiction de déterminer les droits des parties sur la partie litigieuse du mur séparant les deux propriétés
* dire si aucune construction ne s’appuie côté [K] sur cette partie du mur,
* préciser les droits des époux [L] sur la partie du mur plus profond,
* indiquer les préjudices éventuellement subis,
* présenter les éléments chiffrés permettant l’apurement des comptes entre parties,
* répondre à tous dires ou observations des parties avant le dépôt du rapport,
* faire toutes observations utiles au règlement du litige,
* dire que les époux [L] feront l’avance des frais d’expertise en tant que demandeur
– dire que les parties conserveront la charge des dépens.
Ils exposent que’:
– le tribunal n’a jugé la mitoyenneté du mur que sur la hauteur du bâtiment [K] alors que le mur litigieux érigé dans le prolongement et existant antérieurement à la construction des époux [K], n’est pas apposé contre leur bâtiment et, qui plus est, ne se trouve pas sur la hauteur,
– nulle décision n’a fixé la propriété du mur entre les points B et C, et ils justifient de leur demande d’expertise par la production du rapport GeoSudOuest,
– ils ont procédé, à la demande du tribunal, à la suppression du mur dans le but d’obtenir la suppression des vues qu’ils avaient créées,
– une tentative de conciliation a été tentée en vain et compte tenu de l’ancienneté du litige et de la rivalité des parties, il est impossible de parvenir à une résolution amiable,
– leur demande n’est pas une contre-expertise puisqu’ils ne contestent pas les précédentes expertises de M. [I] en 2008, M. [X] et Mme [B] qui a considéré la partie A-B mitoyenne,
– ils demandent donc une expertise complémentaire puisque l’expert judiciaire ne s’est prononcé que sur la solidité du mur, sa propriété côté rue et sur la hauteur [K],
– l’expert aura par ailleurs pour nouvelle mission d’établir la propriété du mur et se prononcer ainsi sur le droit des [K] d’y accrocher une canalisation sur toute sa longueur; l’expertise réclamée servira ainsi à vérifier la propriété de l’intégralité du mur séparatif des deux fonds,
M. et Mme [K], dans leurs dernières écritures en date du 20 octobre 2022, demandent à la cour au visa des articles 145, 146, 480 et suivants, 500 et suivants, L 750.1 du code de procédure civile, R 211.3.4 et R 212.8 du code de l’organisation judiciaire,
– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé rendue le 10/06/2022 par le tribunal judiciaire d’Albi ;
au principal :
– déclarer irrecevable l’action des époux [L] ;
subsidiairement :
– se déclarer incompétent pour inviter les époux [L] à mieux se pourvoir;
en toute hypothèse :
– débouter les époux [L] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;
– condamner enfin les consorts [L] d’avoir à régler aux époux [K] la somme complémentaire de 3.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Ils soutiennent que’:
– M. et Mme [L] persistent à ne pas respecter les décisions de justice,
– en application de l’article 750- 1 du code de procédure civile, la demande est irrecevable à défaut de conciliation préalable à une action en bornage’; la saisine préalable d’un conciliateur ne concernait pas ce litige mais, des plantations,
– en application des articles R 311-3-4 et 212-8 du code de l’organisation judiciaire, seul le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire est compétent pour les actions en bornage et non pas le juge des référés’; or la demande est un bornage au vu de la mission sollicitée,
– la demande est également irrecevable sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile en raison de procédures antérieures identiques portant sur le caractère mitoyen du mur et notamment sur sa démolition,
– les décisions ont acquis l’autorité de chose jugée, et ce mur n’est toujours pas démoli,
– par ailleurs, en cas de bâtiments jointifs, l’action en bornage cesse de pouvoir s’exercer lorsqu’il s’agit d’ouvrages qui se touchent, et l’expertise [I] a déjà établi la nature du mur, mitoyen en l’ occurrence, de sorte qu’une nouvelle expertise ne se justifie pas,
– au surplus la mission demandée excède pour beaucoup la compétence d’un technicien.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 16 janvier 2023.
MOTIVATION
Sur la recevabilité de l’action
Contrairement aux énonciations du premier juge, le courrier du conciliateur du 28 juin 2021 ne visait pas le présent litige mais «’un défaut d’entretien des haies et arbres en limite de propriété’».
Mais dans un arrêt du 22 septembre 2022, le Conseil d’État a annulé l’article 750-1 du code de procédure civile qui instaure l’obligation de conciliation et de médiation préalable au litige.
Cette annulation vaut pour les instances en cours.
Sur la demande d’expertise
Il ressort des éléments du dossier que le tribunal d’Albi dans son jugement du 30 juin 2009, a dit que le mur séparatif des fonds [K] et [L] est mitoyen sur toute la hauteur de l’immeuble [K] sans mentionner des points limites de propriété, que condamnés à la démolition sous astreinte M. et Mme [L] ont reconstruit un nouvel exhaussement également déficient au niveau des règles légales de construction, que le tribunal correctionnel d’Albi a ordonné la démolition du mur sous astreinte, que le tribunal d’Albi les a de nouveau condamnés à la démolition sous astreinte, que par ailleurs, ils ont été condamnés par deux fois au titre de la liquidation d’astreinte puis au versement d’une astreinte définitive, qu’ils soutiennent avoir procédé enfin à cette démolition et sur la foi d’un rapport d’expertise GeoSudOuest du 17 mars 2021, ils contestent la mitoyenneté déjà jugée et revendiquent la mitoyenneté voire la propriété du prolongement du mur entre les deux jardins.
Ils expliquent en effet que l’expertise réclamée qui n’est selon eux qu’une demande d’expertise complémentaire servira donc ‘à vérifier la propriété de l’intégralité du mur séparatif des deux fonds’.
Il convient d’abord de constater que M. et Mme [L] ont sollicité aux termes de leur assignation du 25 janvier 2022 une «’expertise en bornage destinée à établir contradictoirement la propriété de l’intégralité du mur séparant les propriétés des consorts [L]/[K]’», qu’il s’agisse de la partie jointive entre les deux fonds, comme de la partie qui longe le jardin de M. et Mme [K].
Devant la cour, M. et Mme [L] soutiennent solliciter seulement un complément d’expertise en se fondant sur ce rapport GéoSudOuest qui a dressé des points A à F entre les deux propriétés et décrété que la partie du mur comprise entre les points A-B constituée de la partie jointive entre les deux immeubles, est soit mitoyenne soit la propriété de M. et Mme [L] et, que la partie située entre les points B-C-D limitant les jardins des deux fonds, est présumée propriété de M. et Mme [L].
Or, d’une part, le caractère mitoyen du mur séparatif des fonds [K] et [L] entre les points A-B a déjà été jugé par le tribunal dans sa décision du 30 juin 2009, sur toute la hauteur de l’immeuble [K]. L’expertise GeoSudOuest dont l’imprécision des termes et l’absence de référence aux titres et décisions de justice dénote le manque de sérieux des conclusions, ne peut remettre en cause une décision de Justice passée en force de chose jugée. Et M. et Mme [L] qui soutiennent qu’au vu de ce rapport «’il n’est pas établi le caractère mitoyen du mur litigieux ce qui tend à remettre en cause l’obligation des [L] à retirer le mur litigieux objet de la démolition’» sont irrecevables à solliciter une nouvelle expertise, pour en réalité contester l’autorité de chose jugée relative tant à la mitoyenneté qu’à la démolition.
Et d’autre part, s’agissant de la limite des fonds entre les points B à D décrétés par l’expertise GeoSudOuest, bien que le tribunal n’ait donné aucune précisions quant à des points de limite de propriété, dès lors que M. et Mme [L] soutiennent que «’l’expertise réclamée servira donc à vérifier la propriété de l’intégralité du mur séparatif des deux fonds’» il apparaît clairement qu’ils sollicitent une action en bornage ainsi qu’ils l’avaient exprimé dans leur assignation.
Or, une action en bornage qui doit être précédée d’une mesure expertale doit être présentée devant le juge du bornage qui ne peut être le juge des référés de droit commun statuant en application de l’article 145 du code de procédure civile, mais le tribunal judiciaire en application de l’article R211-3-4 du code de l’organisation judiciaire.
Ainsi, la demande d’expertise est irrecevable tant au titre de l’autorité de chose jugée qu’au titre des règles applicables en matière de bornage.
La décision sera en conséquence infirmée en ce que le juge des référés a déclaré la demande recevable et débouté M. et Mme [L] de leur demande.
PAR CES MOTIFS
La cour
– Infirme l’ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire d’Albi sauf en ce qu’il a condamné M. et Mme [L] à verser à M. et Mme [K] la somme de 1000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les a condamnés aux dépens.
Statuant à nouveau,
– Déclare irrecevables M. et Mme [L] en leur action.
– Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne M. et Mme [L] à verser à M. et Mme [K] la somme de 3000€.
– Condamne M. et Mme [L] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
I. ANGER C. BENEIX-BACHER