Tentative de conciliation ou de médiation : 21 mars 2023 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 19/00485

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Tentative de conciliation ou de médiation : 21 mars 2023 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 19/00485
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ARRET N°

N° RG 19/00485

N°Portalis DBWA-V-B7D-CDWU

E.A.R.L. SOPRODA

C/

SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE AGRICOLE MADIVIAL

SOCOPORC

COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 21 MARS 2023

Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de Fort de France, en date du 24 Septembre 2019, enregistré sous le n° 15/00067 ;

APPELANTE :

EARL SOPRODA, représentée par son dirigeant légal en exercice

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Catherine RODAP, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIMEES :

SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE AGRICOLE MADIVIAL, prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Gladys RANLIN de la SELARL RANLIN & ASSOCIES, avocat au barreau de MARTINIQUE

LA SOCIÉTÉ SOCOPORC, prise en la personne de ses dirigeants légaux en exercice

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représentée par Me Gladys RANLIN de la SELARL RANLIN & ASSOCIES, avocat au barreau de MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 24 Juin 2022 sur le rapport de Mme Claire DONNIZAUX, devant la cour composée de :

Présidente : Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre

Assesseur : Mme Marjorie LACASSAGNE, Conseillère

Assesseur : Mme Claire DONNIZAUX, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière, lors des débats : Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée le 04 octobre 2022, prorogée au 22 novembre, 13 décembre 2022, 24 janvier 2023, puis au 21 Mars 2023 ;

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’alinéa 2 de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

En juillet 2001 plusieurs personnes physiques et morales exploitant un élevage porcin ont constitué la société coopérative agricole Socoporc ayant pour objet l’achat, en vue de l’approvisionnement des associés coopérateurs, de produits,

d’équipements, d’instruments et d’animaux nécessaires à leurs exploitations. La société coopérative avait également pour objet d’effectuer la collecte, l’abattage, le conditionnement, la transformation, l’écoulement et la vente des porcs provenant exclusivement des exploitations des associés coopérateurs.

L’EARL Soproda est un membre fondateur de cette coopérative. Les statuts ont été modifiés en 2010.

Par courrier recommandé daté du 9 octobre 2013, l’EARL Soproda mettait en demeure la société coopérative Socoporc de lui rembourser les sommes prélevées au titre des parts sociales à hauteur de 12’000 € portant le montant de ses parts sociales à 19’174,89 € au lieu de 6 780 €.

Par lettre recommandée datée du 4 Novembre 2013,l ‘EARL Soproda contestait les pratiques comptables de la société coopérative Socoporc.

Le 18 novembre 2013 la société coopérative Socoporc confirmait l’existence d’un trop-perçu.

Le 20 novembre 2013 par lettre recommandée Monsieur [I] [N] [Y], gérant de l”EARL Soproda, a démissionné du conseil d’administration de la société coopérative Socoporc

Le 27 janvier 2014 l’EARL Soproda était convoquée à un conseil d’administration de la société coopérative Socoporc dont l’ordre du jour était l’exclusion de l’EARL Soproda et l’application corrélative des sanctions pécuniaires prévues aux statuts.

Lors du conseil d’administration du 11 février 2014 de la société coopérative Socoporc auquel était convié Monsieur [N] [Y] mais dont l’accès était refusé à son avocat, le conseil d’administration de la société coopérative Socoporc décidait, à l’unanimité l’exclusion de l’EARL Soproda. Par ordonnance sur requête de la société coopérative Socoporc au président du tribunal de grande instance de Martinique du 7 février 2014, un huissier était choisi par la société coopérative Socoporc pour assister au conseil d’administration dont il retranscrivait la tenue selon procès-verbal de constat du 11 février 2014. La décision d’exclusion était notifiée le 25 février 2014.

Par acte en date du 24 novembre 2014 l’EARL Soproda a assigné la société coopérative Socoporc devant le tribunal de grande instance de Fort de France aux fins d’annulation de la décision d’exclusion du 25 février 2014 et des pénalités en découlant.

Elle demandait que son retrait soit prononcé et sollicitait la condamnation de la société coopérative Socoporc au paiement de la somme de 12’398,32 € avec intérêts au taux légal à compter de la décision en remboursement du trop perçu en capital de ses parts sociales ainsi que 915’000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi outre 6 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

En raison d’une fusion-absorption de la société coopérative Socoporc par la société coopérative Madivial, l’EARL Soproda assignait la société coopérative Madivial aux mêmes fins.

Les affaires étaient jointes par ordonnance du 3 juin 2016 du juge de la mise en état.

Par jugement en date du 24 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Fort de France a statué comme suit :

‘- Déclare l’action recevable ;

– Déboute L’EARL SOPRODA de sa demande d’annulation de la décision d’exclusion prononcée à son encontre le 25 février 2014;

– Déboute L’EARL SOPRODA de sa demande de dommages-intérêts ;

– Dit n’y avoir lieu à statuer sur sa demande de retrait de la coopérative agricole SOCOPORC en date du 31 décembre 2013 ;

– Condamne l’EARL SOPRODA à verser à la société coopérative Madivial la somme de 30’825,11 € au titre de la pénalité énoncée à l’article 8 des statuts après compensation avec sa créance en restitution du montant des parts sociales souscrites d’un montant de 19’174,89 € ;

– Condamne l’EARL SOPRODA à verser à la société coopérative MADIVIAL la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamne L’EARL SOPRODA au paiement des dépens dont distraction au profit de M° [J] Selarl [Z] [J] et associés.

– Ordonne l’exécution provisoire.’

Par déclaration en date du 18 novembre 2019, L’EARL Soproda a fait appel de chacun des chefs de cette décision.

L’affaire a été renvoyée à la mise en état et clôturée le 17 mars 2022. Elle a été plaidée à l’audience du 24 juin 2022 puis mise en délibéré au 4 octobre 2022 reporté à plusieurs reprises.

Dans ses dernières conclusions communiquées le 1er juin 2021, l’EARL Soproda demande à la cour de statuer comme

suit :

“Vu les statuts de la société coopérative agricole SOCOPORC

Vu les articles L 521-3, R 522-4, et R 523-5 du Code Rural

Vu les articles 1844-8, 1869 alinéa1 et 1836 alinéa2 du Code Civil,

Vu les articles 1134, 1147, 1179 et 1184 anciens du Code Civil,

Vu l’article L.236-14 du Code de commerce,

Vu l’article 331 du Code de procédure civile,

– RECEVOIR l’EARL SOPRODA en son appel et le dire bien fondé ;

– DEBOUTER les sociétés SOCOPORC et MADIVIAL de

leur appel incident ;

Y faisant droit ;

A TITRE PRINCIPAL :

I.- REFORMER le jugement rendu par le Tribunal de Grande instance de Fort de France le 24 septembre 2019 en ce qu’il a :

– Débouté l’EARL SOPRODA de sa demande d’annulation de la décision d’exclusion prononcée à son encontre le 25 février 2014;

– Condamné l’EARL SOPRODA à verser à la coopérative MADIVIAL, la somme de 30 825,11€ au titre de la pénalité énoncée à l’article 8 des statuts après compensation avec sa créance en restitution du montant des parts sociales souscrites d’un montant de 19 174,89 €.

Statuant à nouveau sur ces chefs, il est demandé à la Cour de:

‘ JUGER nulle et de nul effet la décision d’exclusion prononcée à l’encontre de l’EARL SOPRODA le 25 février 2014 comme n’étant pas fondée.

‘ JUGER que la société coopérative agricole MADIVIAL a rompu unilatéralement et de manière abusive ses relations avec l’EARL SOPRODA.

‘ JUGER l’annulation des pénalités infligées à l’EARL SOPRODA comme étant la conséquence de la décision d’exclusion du 25 février 2014.

‘ DEBOUTER les sociétés SOCOPORC et MADIVIAL de l’ensemble de leurs demandes en paiement.

Dans tous les cas :

‘ JUGER que l’EARL SOPRODA dispose d’une créance à l’encontre de la coopérative MADIVIAL en restitution du montant des parts sociales d’un montant de 19 174,89€.

‘ CONFIRMER le jugement du 24 Septembre 2019 en ce

qu’il a jugé l’existence de la créance de l’EARL SOPRODA à l’encontre de MADIVIAL pour l’excédent de souscription au titre de l’exercice 2012 pour un montant de 19 174,89 €.

‘ CONDAMNER la société MADIVIAL au paiement de la

somme de 19 174,89 €, avec intérêts au taux légal jusqu’à parfait paiement.

II.- REFORMER le jugement rendu par le Tribunal de Grande instance de Fort de France le 24 septembre 2019 en ce qu’il a :

– Débouté l’EARL SOPRODA de sa demande de dommages et intérêts ;

– Dit n’y avoir lieu à statuer sur sa demande de retrait de la coopérative agricole SOCOPORC en date du 31 décembre 2013.

Statuant à nouveau sur ces chefs, il est demandé à la Cour de:

‘ DEBOUTER les sociétés SOCOPORC et MADIVIAL de l’ensemble de leurs demandes ;

‘ CONDAMNER la société coopérative agricole MADIVIAL à payer à l’EARL SOPRODA à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi la somme de NEUF CENT QUINZE MILLE euros (915 000 €).

‘ ORDONNER le retrait de l’EARL SOPRODA de la société coopérative agricole SOCOPORC à la date du 31 décembre 2013.

A TITRE SUBSIDIAIRE, pour le cas seulement où par extraordinaire, la Cour devait valider l’exclusion de la SOPRODA :

‘ REDUIRE en application des dispositions de l’article 1152 du code civil, le montant des pénalités consécutives à l’exclusion comme étant manifestement excessives ;

‘ FIXER le montant des pénalités à la somme de 12 398,32 €;

‘ ORDONNER la compensation judiciaire avec la créance de

19 174,89 € fixée par le jugement du 24 septembre 2019 et qui sera confirmé sur ce chef.

Dans tous les cas,

– CONDAMNER la société coopérative agricole MADIVIAL à payer à l’EARL SOPRODA la somme de DOUZE MILLE DEUX CENT QUATRE VINGT DIX HUIT euros TRENTE DEUX cents (12 398,32 €) correspondant au trop perçu en capital, avec intérêts légal à compter de la décision à intervenir ;

– CONDAMNER la société coopérative agricole MADIVIAL à payer à l’EARL SOPRODA la somme de SIX MILLE SEPT CENT SOIXANTE SEIZE euros CINQUANTE SEPT cents (6 776, 57 €) au titre du remboursement de ses parts sociales, avec intérêts légal à compter de la décision à intervenir ;

– CONDAMNER la société coopérative agricole MADIVIAL à payer à l’EARL SOPRODA la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

– CONDAMNER la société coopérative agricole MADIVIAL aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Catherine RODAP conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC. ”

Dans leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 16 novembre 2021, la société coopérative Madivial et la société coopérative Socoporc demandent à la cour de statuer comme suit :

‘ S’agissant de SOCOPORC,

Réformer la décision entreprise en ce qu’elle a jugé l’assignation de SOPRODA, recevable à l’égard de la société SOCOPORC, et statuant de nouveau :

– Dire que l’assignation est irrecevable, car formée à l’endroit d’une partie dépourvue de personnalité morale, et d’existence juridique ;

– Dire que cette irrecevabilité s’apprécie au jour de la notification de la procédure, et ne peut en aucune façon être couverte, et singulièrement par la désignation d’un mandataire ad littem, qui ne vise qu’à éviter le défaut de contradiction ;

– Dire et juger que l’article 59 constitue une clause de procédure de conciliation qui s’impose aux parties et au juge, quand bien même la recherche d’un accord paraît illusoire ;

– Constater l’absence de saisine préalable obligatoire du Conseil d’administration, des demandes pendantes, dans les conditions de l’article 59 des dispositions statutaires,

– Dire et juger qu’en conséquence, l’action introduite par la SOPRODA à l’encontre de la SOCOPORC est irrecevable ;

– Constater la saisine de l’assemblée Générale en application de l’article 12 des statuts, introduite par la SOPRODA, antérieurement à l’introduction de la procédure, mais non suivie d’effet,

– Constater que l’action judiciaire a été introduite sans que la SOPRODA n’ait expressément renoncé au recours de l’article 12 des statuts ;

– Dire qu’en conséquence, la SOPRODA est de plus fort, irrecevable, pour défaut de droit d’à agir ;

En tout état de causes :

– En tirer toutes conséquences et dire éteinte l’instance introduite à l’égard de la société SOCOPORC ;

– Débouter SOPRODA de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, à l’égard de la SOCOPORC ;

S’agissant de MADIVIAL

Réformer le jugement en ce qu’il a déclaré recevable et fondé le recours formé devant le Tribunal par la société SOPRODA à l’encontre de MADIVIAL et statuant de nouveau :

– Dire et juger que l’assignation de mise en cause de la société MADIVIAL constitue une tentative de régularisation de la procédure s’inférant de l’irrecevabilité de l’assignation notifiée à la SOCOPORC, dépourvue de personnalité morale ;

– Dire et juger qu’est insusceptible d’être régularisée, une procédure formée contre une société dépourvue de personnalité morale en conséquence de quoi l’assignation de mise en cause est de plus fort, irrecevable ;

– Dire et juger qu’en outre, l’assignation de mise en cause ne peut pas prospérer si l’assignation principale, introduite à l’égard de SOCOPORC ne résiste pas ;

– En conséquence, au vu de l’irrecevabilité frappant l’assignation dressée à l’encontre de SOPRODA, déclarer l’assignation en intervention forcée dressée contre MADIVIAL, irrecevable ;

– Dire et juger que l’article 59 imposant la saisine du CA de la SOCOPORC constitue une clause de procédure de conciliation qui s’impose aux parties et au juge ;

– Dire et juger que l’intégralité des demandes formées par la société SOPRODA à l’égard de la société MADIVIAL s’infèrent d’une mise en jeu de la responsabilité de la SOCOPORC ; à l’exclusion de toute autre ;

– Dire et juger qu’à défaut d’avoir préalablement saisi le Conseil d’Administration de ses demandes, dans les conditions de l’article 59 des dispositions des statuts de SOCOPORC, la SOPRODA est irrecevable à saisir la juridiction judiciaire, y compris à l’endroit de MADIVIAL ;

– Dire et juger qu’en conséquence, l’action introduite par la SOPRODA à l’encontre de la MADIVIAL est irrecevable, Page 54 ;

– Constater la saisine de l’assemblée Générale de SOCOPORC par SOPRODA en application de l’article 12 des statuts de SOCOPORC, antérieurement à l’introduction de la procédure, mais non suivie d’effet ;

– Dire et juger que l’action judiciaire a été introduite à l’endroit de SOCOPORC comme de MADIVIAL sans que la SOPRODA n’ait expressément renoncé au recours de l’article 12 des statuts de SOCOPORC ;

– Dire qu’en application des dispositions de l’article 122 du CPC la SOPRODA est de plus fort, irrecevable, à l’égard de MADIVIAL ;

En tout état de causes s’agissant de MADIVIAL et SOCOPORC,

– Débouter SOPRODA de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, à l’égard de la SOCOPORC et MADIVIAL,

Sur le fond

– Confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que la SOPRODA a failli à ses engagements statutaires d’exclusivité, et a en conséquence, débouté la SOPRODA de sa demande d’annulation de la décision d’exclusion prononcée le 25 février 2014 ;

– Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la EARL SOPRODA de sa demande de dommages et intérêts ;

– Confirmer le jugement en ce qu’il a estimé n’y avoir pas lieu de statuer sur la demande de retrait de la SOPRODA de la coopérative avec effet rétroactif au 31 décembre 2013 ;

– Réformer le jugement en ce qu’il a réduit le montant contractuel des pénalités à la somme de 50.000,00Euros ;

Et statuant de nouveau, la condamner au paiement de la somme de 115.596,38Euros ;

– Ordonner la compensation avec le montant des parts sociales devenu exigible en 2019, en sorte que le solde de tout compte entre les parties soit du par la SOPRODA, à concurrence de la somme de 96.420,49€ ;

– Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la EARL SOPRODA au paiement de la somme de 3 000,00 Euros au titre des dispositions de l’article 700 du CPC, et aux dépens dont distraction au profit de Me. [J] ;

Y ajoutant,

– Condamner la SOPRODA au paiement de la somme de 10.000,00€ au profit de MADIVIAL, sur le fondement de l’article 700 du CPC et la condamner aux dépens de l’appel dont distraction au profit de Me. [J], selarl [Z] [J] & Ass. ;

– Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir, compte tenu de la gravité des faits reprochés et poursuivis, et du préjudice causé à la coopérative par la SOPRODA ;’

Il est référé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties à leurs dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour rappelle que les demandes tendant à voir dire et juger ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile de sorte qu’il n’en sera pas fait mention dans le dispositif. De plus, le dispositif du présent arrêt sera limité aux strictes prétentions formées par les parties constituées, étant rappelé qu’il n’a pas vocation à contenir les moyens venant au soutien des demandes, peu important que ces moyens figurent dans le dispositif des conclusions. Enfin et en application de l’article 954, alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Sur la recevabilité de l’action à l’encontre de la société coopérative Socoporc.

Selon les dispositions de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Par application des dispositions de l’article L526-3 du code rural une ou plusieurs coopératives agricoles ou unions de coopératives agricoles peuvent, par voie de fusion, transmettre à une société coopérative agricole ou à une union de coopératives agricoles existantes ou à une nouvelle coopérative ou unions de coopératives, l’ensemble de leur patrimoine actif et passif. La fusion entraîne la dissolution sans liquidation de la coopérative ou de l’union qui disparaît et la transmission universelle de son patrimoine aux coopératives ou unions bénéficiaires dans l’état où il se trouve à la date de la réalisation définitive de l’opération.

Les dispositions de l’article L526-4 de ce même code précisent que toute coopérative agricole qui participe à l’une des opérations mentionnées à l’article L526-3 établit un projet de fusion dont les modalités de publicité et d’information des associés sont fixées par décret en conseil d’État. Le projet de fusion est soumis à l’assemblée générale extraordinaire des associés.

Aux termes des dispositions de l’article L526-6 de ce même code la date d’effet de la fusion de la scission est déterminée conformément aux dispositions de l’article L236-4 du code de commerce.

Aux termes des dispositions de l’article L236-4 du code de commerce la fusion ou la scission prend effet :

– 1° en cas de création d’une ou plusieurs sociétés nouvelles, à la date d’immatriculation, au registre de commerce des sociétés, de la nouvelle société ou de la dernière d’entre elles.

– 2° dans les autres cas, à la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé l’opération sauf si le contrat prévoit que l’opération prend effet à une autre date, laquelle ne doit être ni postérieure à la date de clôture de l’exercice en cours de la ou des sociétés bénéficiaires, ni antérieure à la date de clôture du dernier exercice clos de la ou des sociétés qui transmettent leur patrimoine.

Le rapporteur dans l’arrêt de la Cour de cassation de la chambre commerciale du 3 février 2015 cité par les intimés, rappelle la position de la Cour de cassation aux termes de laquelle en cas de fusion-absorption, la dissolution d’une société n’est opposable aux tiers que par sa mention au registre du commerce et des sociétés avec l’indication de sa cause ainsi que celle de la raison sociale ou dénomination, forme juridique et siège des personnes morales ayant participé à l’opération .

L’arrêt du 3 février 2015 déclare le pourvoi irrecevable dans la mesure où la société qui a fait le pourvoi était dépourvue de personnalité morale à la date du pourvoi. La cour précise que la société dissoute par voie d’absorption est dépourvue de personnalité morale à la date d’effet de la fusion décidée par l’assemblée générale et ne peut dès lors agir à compter de cette date mais que la disparition de sa personnalité morale n’est opposable aux tiers qu’à compter de la publication au RCS.

Les formalités de publicité prévues aux articles R 526-6 et suivants du code rural sont destinées à permettre aux créanciers de faire opposition à la fusion dans le délai de 30 jours à compter de la date la plus tardive des insertions prévues à l’article R 526-6, mais n’ont pas d’effet sur leur possibilité d’agir à l’encontre de la société absorbée tant que la dissolution n’a pas été publiée au RCS.

Dès lors c’est à juste titre que le tribunal a déclaré recevable l’action de l’EARL Soproda à l’encontre de la société coopérative Socoporc, cette dernière ne contestant pas que la dissolution a été publiée lors de sa radiation le 22 décembre 2014.

L’action introduite le 24 novembre 2014, avant cette publication, est donc recevable.

L’assignation en intervention forcée de la société coopérative Madivial, société absorbante, le 12 avril 2016 est également recevable par voie de conséquence.

Les intimés soulèvent de plus l’irrecevabilité de l’action de l’EARL Soproda en se fondant sur l’article 59 de ses statuts.

Aux termes de l’article 59 des statuts de Madivial, intitulé “règlement des contestations”‘:

1- toutes contestations s’élevant à raison des affaires sociales sont soumises à l’examen du conseil d’administration qui s’efforce de les régler à l’amiable.

2- la coopérative peut, au moment où elle contracte, convenir de soumettre à des arbitres les contestations qui viendraient à se produire en raison de ces opérations

Les intimés prétendent que l’action de l’EARL Soproda est irrecevable eu égard à la clause de conciliation préalable édictée par l’article 59 de ses statuts.

Selon les dispositions de l’article 1530 du code de procédure civile, la médiation et la conciliation conventionnelles s’entendent de tout processus structuré, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord , en dehors de toute procédure judiciaire en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers choisi par elles qui accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence.

Si la dernière jurisprudence en matière de clause de règlement amiable préalable des litiges admet l’efficacité de la clause même en l’absence de modalités précises de mise en ‘uvre, l’article 59 des statuts de la société coopérative Socoporc est sujet à interrogation s’agissant de ce qu’il faut entendre par «’toutes contestations s’élevant à raison des affaires sociales’». Le litige opposant l’EARL Soproda à la société coopérative Socoporc est né de l’exclusion de l’EARL Soproda.

Or, l’exclusion d’un associé coopérateur est prévue selon l’article 12 des statuts qui précise que l’exclusion d’un associé coopérateur peut être prononcée par le conseil d’administration pour des raisons graves, notamment si l’associé coopérateur a été condamné à une peine criminelle, s’il a nui ou tenté de nuire sérieusement à la coopérative par des actes injustifiés, s’il a contrevenu, sans l’excuse justifiée de la force majeure, aux engagements contractés aux termes de l’article 8, ainsi que s’il a falsifié les produits qu’il a apportés à la coopérative ou s’il a livré des produits fraudés. La décision du conseil d’administration est immédiatement exécutoire.

L’article 12 précise que le conseil d’administration ne peut délibérer valablement à cet égard qu’à la condition de réunir le quorum des deux tiers de ses membres et de se prononcer à la majorité des deux tiers des voix des administrateurs présents.

La décision d’exclusion peut faire l’objet d’un recours devant l’assemblée générale.Ce recours doit être exercé à peine de forclusion par la société coopérateurs dans les deux ans suivant la date de la notification par le conseil d’administration de la décision d’exclusion.

La décision d’exclusion étant prise par le conseil d’administration, à la majorité qualifiée selon l’article 59 des statuts dont la clarté n’est pas limpide, ne peut s’entendre en la nécessité d’une tentative de conciliation préalable auprès de ce même conseil d’administration avant d’introduire une action en justice, alors qu’un recours spécifique est prévu devant l’assemblée générale sur saisine de la société coopérateur.

De plus, le conseil d’administration de la société coopérative Socoporc peut difficilement s’entendre comme un tiers aux parties, tiers impartial, comme prévu à l’article 1530 du code de procédure civile, le recours à ce conseil d’administration pour résoudre les contestations ne pouvant dès lors s’analyser en une conciliation conventionnelle.

Faute de clarté et de précision dans leur rédaction, il n’est pas démontré que les termes de l’article 59 des statuts de la société coopérative Socoporc instituent une clause de conciliation préalable obligatoire, fin de non-recevoir qui s’impose au juge si les parties l’invoquent.

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 2 juin 2014 l’EARL Soproda a demandé au président de la société coopérative Socoporc de porter à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale le recours qu’il a introduit contre cette décision d’exclusion du 11 février 2014.

La cour est dans l’ignorance de la tenue ou non de cette assemblée générale dont aucun procès-verbal n’est produit au dossier et qui ne semble pas s’être tenue.

En tout état de cause l’article 12 des statuts précise qu’il s’agit d’une simple faculté en indiquant que « la décision d’exclusion peut faire l’objet d’un recours devant l’assemblée générale” et en poursuivant que” le recours doit être exercé à peine de forclusion par l’associé coopérateur dans les deux ans suivant la date de la notification par le conseil d’administration de la décision d’exclusion”

l’EARL Soproda justifie avoir demandé un recours devant l’assemblée générale, par courrier du 2 juin 2014 intervenu dans les deux ans de la notification de la décision d’exclusion, notifiée par courrier daté du 28 avril 2014.

La cour constate que les intimés affirment que cette assemblée générale a eu lieu mais que l’EARL Soproda ne s’est pas présentée. La cour constate en tout état de cause qu’ il s’agit d’une simple faculté pour l’exclu de demander la tenue de cette assemblée générale, faculté que l’EARL Soproda a exercée. La société coopérative Socoporc qui seule pouvait convoquer l’assemblée générale ne peut reprocher à l’EARL Soproda de ne pas s’y être présentée ce dont elle ne justifie pas en l’absence de procès verbal de cette hypothétique assemblée générale produit au dossier.

C’est donc à juste titre et par des motifs pertinents que la cour reprend, que le premier juge a déclaré recevable l’action de l’EARL Soproda à l’encontre de la société coopérative Socoporc et la société coopérative Madivial.

Sur l’exclusion de l’EARL Soproda.

Aux termes des dispositions de l’article 12 des statuts modifiés de la société coopérative Socoporc ” l’exclusion d’un associé coopérateur peut être prononcée par le conseil d’administration pour des raisons graves, notamment si l’associé coopérateur a été condamné à une peine criminelle, s’il a nui ou tenté de nuire sérieusement à la coopérative par des actes injustifiés, s’il a contrevenu sans l’excuse justifiée de la force majeure aux engagements contractés aux termes de l’article 8, ainsi que s’il a falsifié les produits qu’il a apportés à la coopérative ou s’il a livré des produits fraudés. La décision du conseil d’administration est immédiatement exécutoire.”

Il n’est pas contesté que l’EARL Soproda n’a pas été condamnée à une peine criminelle, qu’elle n’a pas non plus falsifié les produits qu’elle a apportés à la coopérative et qu’elle n’a pas livré des produits fraudés.

La convocation du 27 janvier 2014 au conseil d’administration du 11 février 2014 précise que le conseil se réunit pour statuer sur l’exclusion de l’EARL Soproda et l’application corrélative des sanctions pécuniaires.

Le courrier de convocation se réfère à la lettre du 17 décembre 2013 notifiée le 23 décembre aux termes de laquelle l’EARL Soproda a été mise en demeure ” d’avoir à respecter pleinement les engagements souscrits par elle en adhérant à la Socoporc, et notamment à reprendre sans délai les livraisons interrompues auprès de cette dernière “. Il est précisé qu’aucune livraison n’a été effectuée depuis cette date. Il est indiqué dans la lettre de convocation qu’à compter du mois de décembre 2013, l’EARL Soproda ” aurait livré la concurrence, comportement qui serait s’il était confirmé constitutifs d’une entorse particulièrement grave aux engagements souscrits par cette société à l’égard de Socoporc .”

Le courrier du 17 décembre 2013 signifié par acte d’huissier du 23 décembre 2013 précise qu’il répond à la mise en demeure du 5 décembre 2013 adressée au commissaire aux comptes ainsi qu’à la DAAF aux termes de laquelle l’EARL Soproda met en demeure

la société coopérative Socoporc de lui régler diverses sommes

( 31’764,92 € et 27’244,58 €). Dans ce courrier signifié le 23 décembre 2013, la société coopérative Socoporc conteste les accusations formées dans le courrier du 5 décembre 2013 par l’EARL Soproda relatives aux dysfonctionnements comptables et au soutien abusif à l’égard de certains coopérateurs ainsi que les retards de paiement.

La lettre signifiée le 23 décembre 2013 met en demeure l’EARL Soproda d’avoir à reprendre sans délai les livraisons d’animaux au profit de la coopérative et menace de mettre en ‘uvre l’ensemble des voies de droit qui lui apparaissent utiles à la sauvegarde de ses intérêts coopératifs.

L’article 8 des statuts modifiés de la société coopérative Socoporc précise les obligations des associés coopérateurs et notamment l’engagement de livrer la totalité des produits de son exploitation, réserve faite des quantités nécessaires aux besoins familiaux et de l’exploitation, l’obligation de se procurer auprès de la coopérative ou par son intermédiaire, des produits objets nécessaires à son exploitation et d’utiliser les services que la coopérative est en mesure de lui procurer. L’article 8 prévoit également comme obligation celle de souscrire le nombre de parts sociales correspondant aux engagements pris. La durée initiale de l’engagement est fixée à trois exercices consécutifs.

L’EARL Soproda soutient qu’elle n’a pas livré de porcs parce qu’elle n’a pas reçu de commande et fait valoir que celles-ci étaient passées par le technicien de la société coopérative Socoporc dont la dernière visite remonte au 6 décembre 2013. Selon l’attestation de l’employé de l’EARL Soproda, le technicien passait toutes les trois semaines pour le suivi technique et faisait les prévisions de porcs pour le mois suivant, puis passait la commande par téléphone le vendredi ou le samedi pour dire le nombre de porcs à livrer le dimanche ou le lundi suivant (pièce 50). Il précise que depuis la dernière commande passée du 15 novembre 2013 aucune commande n’a été passée.

Si l’auteur de l’attestation est le salarié de l’EARL Soproda, ses déclarations sont confortées par la production de nombreux mails émanant du technicien de la société coopérative Socoporc, dont l’authenticité quant à l’auteur de ces mails n’est pas contestée par les intimés et par Madame [X], qui exerçait les fonctions de comptable au service de la société coopérative Socoporc, qui confirme ce processus. Elle précise que ” les commandes étaient réalisées par Monsieur [B] par téléphone “.

Si elle affirme qu’il ” n’a jamais été question de se priver des porcs de M. [Y] ” et que Monsieur [B] l’a “personnellement alerté sur le refus de Monsieur [Y] dans les conditions conformes au planning”, Monsieur [B] ayant cessé toute visite à compter du 6 décembre 2013, sur décision du conseil d’administration qui a feint de le découvrir le 11 février 2014, l’absence de commande depuis le 15 novembre 2013 affirmée par le salarié de l’EARL Soproda est confortée par l’absence de visite du technicien.

Le technicien de la société coopérative Socoporc a confirmé sur réponse à la sommation interpellative qui lui a été adressée le 7 août 2014 qu’il n’a plus effectué de visite technique sur l’exploitation de l’EARL Soproda après le 6 décembre 2013.

Le procès-verbal dressé par l’ huissier le 11 février 2014 de la réunion du conseil d’administration huissier indique que les membres du bureau ont échangé sur les raisons de l’absence du technicien de la coopérative sur l’exploitation de l’EARL Soproda . L’huissier indique que le gérant de l’EARL Soproda allègue que c’est le conseil d’administration qui refuse d’envoyer le technicien et que les membres du conseil en concluent que c’est le gérant qui a refusé la venue du technicien. Or, en réponse à la sommation interprétative du 7 août 2014, le technicien indique clairement que c’est à la demande du conseil d’administration de la société coopérative Socoporc qu’il n’a plus effectué de visite technique sur l’exploitation de l’EARL Soproda. Soit l’huisier n’a pas compris les échanges, soit le conseil d’administration est de mauvaise foi.

En mettant fin unilatéralement aux visites du technicien de la coopérative, la société coopérative Socoporc a manqué à ses obligations essentielles prévues à l’article 3 des statuts sur la mise à disposition de conseillers de production et de personnel spécialisé.

Or, selon le processus de commande ci-dessus établi par les attestations tant du salarié de l’EARL Soproda que de la salariée de la société coopérative Socoporc, l’absence de visite du technicien est corellative de l’absence de commande.

La cour constate que ce non-respect de ses obligations est intervenu avant même la décision d’exclusion et avant la mise en demeure notifieé le 23 décembre 2013 de procéder à des livraisons de porc dont la quantité n’est pas visée dans la mise en demeure, et alors que l’absence de visite technique ne permettait pas à l’EARL Soproda de planifier ses livraisons à la coopérative.

Si lors du conseil d’administration du 11 février 2014, le gérant de l’EARL Soproda a affirmé qu’il refusait de livrer pour non-paiement de ses parts sociales alors que le président de la société coopérative Socoporc lui rappelait que l’avocat de l’EARL Soproda avait affirmé qu’il avait toujours été disposé à livrer les porcs, mais qu’il n’avait pu le faire faute de la coopérative d’avoir dépêché le technicien sur son exploitation comme d’usage, la description que fait l’huissier de justice de la tenue du conseil d’administration du 11 février 2014 montre que le gérant de l’EARL Soproda était très énervé, que sa colère se focalisait sur l’augmentation des parts sociales et qu’il n’écoutait pas ce qu’on lui disait.

Or, dans son courrier du 7 février 2014 adressé à la société coopérative Socoporc l’avocat de l’EARL Soproda rappelait que le modus operandi entre la société coopérative Socoporc et l’EARL Soproda était que les ventes et les livraisons de porc soient faites sur commande des demandes de livraison d’un technicien de la coopérative qui assurait le suivi technique de l’élevage au rythme d’un passage toutes les trois semaines. Elle précisait que la dernière visite du technicien était du 6 décembre 2013 et que depuis décembre 2013 l’EARL Soproda n’avait reçu aucune demande de livraison. Elle en déduisait la volonté évidente de la société coopérative Socoporc de rompre la relation avec son associé coopérateur rappelant les problèmes comptables. Elle affirmait dans ce courrier la volonté de mise à mort de l’EARL Soproda en annulant délibérément un remboursement de trop-perçu, en écartant toute demande de livraison, en imputant le paiement des factures sur les règlements attendus sur le mois précédent et en accusant des retards sur le paiement des factures de livraison.

L’article 12 ne prévoit qu’il soit dérogé aux engagements contractés à l’article 8 qui impose la livraison exclusive des porcs à la société coopérative Socoporc par l’adhérent sauf consommation familiale que pour ” excuse justifiée de la force majeure “.

La force majeure est un élément extérieur imprévisible et irrésistible qui n’est pas invoqué par l’EARL Soproda et a fortiori non démontré par cette dernière.

Cependant la condition résolutoire étant toujours présumée dans les contrats synallagmatiques, l’adhérent d’une coopérative peut être déclaré bien-fondé à ne pas continuer à remplir ses engagements dès lors que la société coopérative a violé ses propres obligations qui découlent de ces statuts.

En l’espèce il est établi qu’à compter du 6 décembre 2013, la société coopérative Socoporc a cessé la visite de son technicien sur demande du conseil d’administration. Ce manquement est suffisamment grave pour justifier l’absence de livraison des porcs à la coopérative, d’autant qu’il n’est établi par aucun élément dossier l’existence d’une commande avant la sommation du 23 décembre 2013, qu’il ne peut qu’être constaté que cette sommation ne fait référence à aucune commande précise alors , que la dernière livraison ayant été effectuée selon le salarié de l’EARL Soproda dans son attestation non contestée sur ce point le 18 novembre 2013.

La fiche établie par le technicien le 6 décembre 2013 est un bilan de l’exploitation et ne constitue pas une commande, les termes “il reste au moins 100 porcs à livrer ” étant exclusifs d’une commande qui doit reprendre un chiffre précis. Les pièces 115 et 116 de l’EARL Soproda, reconnues comme fiables par les intimés qui s’en prévalent, sont des mails du technicien à partir de la même adresse que les pièces 52 à 116 mais ne permettent pas d’établir une poursuite des visites du technicien ou l’existence d’une quelconque commande de la société coopérative Socoporc puisque la pièce 115 est relative à un paiement par chèques d’aliment et que la pièce 116 n’est que la transmission du compte rendu du vétérinaire suite à sa visite du 23 novembre 2013 antérieure à la dernière visite du technicien.

Si les intimés reprochent à l’EARL Soproda d’avoir effectué des livraisons de porc à d’autres sociétés au mépris de ses obligations de coopérateur, la cour constate qu’en réponse à la sommation interpellative du 7 août 2014 par l’EARL Soproda à Monsieur [B], le technicien de la société coopérative Socoporc, a clairement répondu “non” à la question de savoir si tous les associés coopérateurs faisaient un apport total de leur production à la société coopérative, dont des membres du conseil d’administration ” comme la plupart des éleveurs ” et que cette situation était connue du conseil d’administration. sans que des sanctions soient appliquées.

Dès lors le fait qu’un porc ait été livré le 3 décembre 2013 à un boucher ne constitue pas une faute suffisamment grave pour justifier la rupture des relations contractuelles avec l’EARL Soproda ou l’exclusion de cette dernière de la coopérative, voire même 18 porcs le 2 décembre 2013.

L’absence de commande de la société coopérative Socoporc en décembre suite à l’absence de visite du technicien après le 6 décembre 2013 justifie la livraison des porcs destinés à la société coopérative Socoporc à un tiers la Sotradev, filiale de la Coopmar.

L’article 12 des statuts ne prévoit l’exclusion d’un associé coopérateur que pour des motifs graves alors que le non- respect de la livraison exclusive de la production prévue à l’article 8 n’était pas sanctionnée par le conseil d’administration pour les autres coopérateurs selon une pratique connue des membres du conseil d’administration. Dés lors l’exclusion ne pouvait être prononcée sur ce seul motif. En refusant toute visite du technicien chargé du suivi de l’élevage de l’EARL Soproda à compter du 6 décembre 2013, la société coopérative Socoporc a manqué à ces obligations et est à l’origine de l’absence de livraison consécutive à l’absence de preuve de commande par le technicien de la société coopérative Socoporc selon le processus déterminé ci-dessus.

Les intimés ne produisent aucun élément de nature à établir que l’EARL Soproda ait nui ou tenté de nuire sérieusement à la coopérative par des actes injustifiés, le nombre de porcs reçus en décembre 2013 par la société coopérative Socoporc de tous ses coopérateurs étant inconnu, l’impact de l’absence de livraison par l’EARL Soproda d’une centaine de porcs en décembre étant dès lors impossible à analyser. La seule attestation de Madame [X], qui était comptable à la société coopérative Socoporc de l’existence” d’un grave préjudice” est une affirmation non étayée par des éléments objectifs.

En conséquence il convient de faire droit à la demande d’annulation de la décision d’exclusion de l’EARL Soproda prononcée le 11 février 2014 qui n’est pas justifiée au regard des termes stricts de l’article 12 des statuts.

La décision sera infirmée de ce chef .

L’ EARL Soproda demande à la cour d’ordonner le retrait de l’EARL Soproda à la date du 31 décembre 2013.

Aux termes des dispositions de l’article 11 des statuts , nul associé coopérateur ne peut se retirer avant l’expiration de la période d’engagement en cours qui expirait pour l’EARL Soproda le 31 décembre 2013. La décision de retrait doit être notifiée sous peine de forclusion , trois mois avant la date d’expiration de cet engagement par LRAR adressée au président du conseil d’administration.

Si le conseil d’administration peut ” à titre exceptionnel ” accepter la démission d’un associé coopérateur en cours d’engagement ” la cour ne peut que constater que l’EARL Soproda n’a pas demandé son retrait que ce soit dans les 3 mois précédant la fin de son engagement au 31 décembre 2013, ou avant qu’elle ne soit exclue et qu’en conséquence la cour ne peut faire droit à sa demande d’ordonner son retrait rétroactivement au 31 décembre 2013 .

Comme le rappellent les intimés et l’EARL Soproda la condition résolutoire est toujours sous entendue dans un contrat synallagmatique.

La cour constate cependant une résiliation du contrat entre les parties en décembre 2013 en raison du non respect des obligations essentielles de la société coopérative Socoporc.

La cour constate que la demande de paiement des pénalités est présentée comme corrélative à l’exclusion par les intimés qui contestent la réduction opérée par les premiers juges et la qualification de clause pénale mais ne forment aucune demande subsidiaire.

En tout état de cause le refus de suivi technique de l’EARL Soproda à compter du 6 décembre 2013 et l’absence de commande ultérieure justifient l’absence de livraison par l’EARL Soproda et les intimés ne peuvent qu’être déboutés de leur demande de pénalités contractuelles, ne rapportant au surplus la preuve d’aucun préjudice.

En conséquence il ne peut être fait droit à la demande au titre des pénalités des intimés, la décision d’exclusion étant injustifiée et les intimés ne formant pas de demande de pénalités à titre subsidiaire.

En cessant brutalement les visites du technicien à compter du 6 décembre 2013, puis en cessant toute commande et en prononçant à tort l’exclusion de l’EARL Soproda le 11 février 2014, la société coopérative Socoporc a commis une faute au préjudice de l’EARL Soproda.

Il appartient à l’EARL Soproda qui demande paiement de dommages et intérêts de rapporter la preuve d’un préjudice subséquent à cette faute.

L’EARL Soproda demande des dommages-intérêts à hauteur de la somme de 915’000 € correspondants au montant de son chiffre d’affaires sur trois ans pour les exercices 2011 à 2013.la cour constate que l’EARL Soproda ne produit aucun élément comptable postérieur à 2013 et qu’au surplus son préjudice ne peut correspondre au chiffre d’affaires tel qu’il résulte du grand livre pour les trois années précédentes. En l’absence de production de la comptabilité de l’EARL Soproda postérieure à la rupture, la cour ne peut que constater qu’elle ne démontre pas l’existence d’un préjudice d’autant qu’il est établi par la note du directeur général de la société d’économie mixte des abattoirs de la Martinique portant tampon du 21 janvier 2015, que l’EARL Soproda a fait abattre 973 porcs pour 2014 et 97 porcs pour l’année 2013 par l’intermédiaire de la Sotradev qui est une filiale de Coopmar. Il s’en déduit qu’elle n’a pas arrêté toute activité et qu’elle a trouvé d’autres moyens d’écouler sa production. En l’absence de comptabilité produite, la cour n’est pas en mesure de vérifier si l’EARL Soproda a été privée des aides POSEI dans la mesure où les livraisons sont intervenues par l’intermédiaire d’une filiale de la Coopmar. Le fait que le gérant de l’EARL Soproda ait fondé en 2015, avec d’autres exploitants, une nouvelle structure collective, la Prama , afin d’être éligible aux aides du POSEI et qu’il s’en soit suivi un différend avec l’AMIV qui gère ses aides, que cette dernière ita été contrainte de changer ses pratiques non concurrentielles comme en atteste la décision du 20 février 2018 de l’autorité de la concurrence, ne permet pas à lui seul d’établir l’existence d’un préjudice en l’absence d’éléments comptables.

Il convient en conséquence de débouter l’EARL Soproda de sa demande de dommages-intérêts.

Quelle que soit la cause du départ d’un coopérateur ce dernier a le droit au remboursement de ses parts sociales. Les intimés reconnaissent que le montant des parts sociales de l’EARL Soproda s’élève à 19’174,89 € et il importe peu que le montant aurait dû être de 6 776,57 € comme le soutient l’EARL Soproda si la société coopérative Socoporc n’avait unilatéralement augmenté ce montant sans le justifier, dans la mesure où l’EARL Soproda ne demande pas l’application des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir. Il n’y a donc pas lieu de statuer sur le bien fondé ou non de cette augmentation des parts sociales dans la mesure où le montant à restituer n’est pas contesté.

Il convient de condamner la société coopérative Madivial au paiement de cette somme, la société coopérative Madivial étant tenue au passif de la société coopérative Socoporc en raison de la fusion absorption.

Le jugement étant infirmé partiellement, chacune des parties succombant partiellement, conservera ses dépens de première instance et d’appel. Il est équitable qu’ elles conservent également leurs frais irrépétibles de 1ère instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance

de [Localité 5] en date du 24 septembre 2019 en ce qu’il a déclaré l’action de l’EARL Soproda recevable et débouté l’EARL Soproda de sa demande de dommages et intérêts mais fixé

le montant des parts sociales à rembourser par la société coopérative Madivial à la somme de 19 174,89 € et l’infirme pour le surplus;

Statuant à nouveau

ANNULE la décision d’exclusion de l’EARL Soproda du 25 février 2014 ;

DÉBOUTE la société coopérative Madivial de sa demande au titre de pénalités ;

DÉBOUTE l’EARL Soproda de sa demande de retrait ;

CONDAMNE si besoin est la société coopérative Madivial à rembourser à l’EARL Soproda la somme de 19 174,89 € correspondant au montant de ses parts sociales, l’arrêt intervenant plus de 5 ans après la résiliation du contrat d’adhésion à la société coopérative Socoporc ;

DÉBOUTE la société coopérative Madivial et la société coopérative Socoporc de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant

DIT que chacune des parties conservera ses dépens de 1ère instance et d’appel.

Signé par Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre et Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL, Greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

 


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