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N° RG 20/04227 – N° Portalis DBVM-V-B7E-KVRS
C8
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
Me Roxanne CIALDELLA
la SELARL RIONDET
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 23 MARS 2023
Appel d’un jugement (N° RG 2017J401)
rendu par le Tribunal de Commerce de Grenoble
en date du 11 mai 2020
suivant déclaration d’appel du 25 décembre 2020
APPELANTE :
S.A.S. L ASSURE immatriculée au RCS de Pontoise sous le numéro SIRET 801 277 583 00010 enregistrée à l’ORIAS sous le numéro 16002918, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Roxanne CIALDELLA, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Me Dina COHEN SABBAN, avocat au barreau du VAL DE MARNE
INTIMÉE :
S.A.S. NOUSASSURONS.COM au capital de 266.199 €, immatriculée au R.C.S. de GRENOBLE sous le numéro 533 782 793, représentée par son Président en exercice domicilié es-qualités audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Michel DE GAUDEMARIS de la SELARL RIONDET, avocat au barreau de GRENOBLE substitué et plaidant par Me Simon PLOTTIN, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière
DÉBATS :
A l’audience publique du 30 novembre 2022, Mme FIGUET, Présidente, a été entendue en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et Me PLOTTIN en sa plaidoirie,
Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour, après prorogation du délibéré
Exposé du litige
Par deux actes sous seing privés en date des 13 et 16 mai 2016, la Sasu L’assuré, présidée par [F] [Y] et exerçant une activité de courtier en assurance, a conclu avec la Sas Nousassurons.com une convention lui permettant l’accès aux systèmes informatiques ‘Nousassurons.com’ par la fourniture d’identifiants et d’une documentation et la possibilité de proposer à la vente les produits diffusés par la Sas Nousassurons.com.
Le contrat du 13 mai 2016 a prévu en son article 21 que les frais d’adhésion de 10.000 euros sont offerts à la condition que la Sasu L’assuré respecte un volume de contrats précisé dans l’annexe 6. La redevance d’utilisation a été fixée à 150 euros par mois avec possibilité d’une augmentation tarifaire maximum de 15 % par an en fonction des charges dues à l’évolution de la boîte à outils.
Par courriel du 27 avril 2017, la Sasu L’assuré a été avisée de l’augmentation de la redevance mensuelle passant de 150 à 175 euros Ht et de la mise en place d’une redevance marketing de 60 euros Ht.
Par lettre recommandé avec accusé de réception du 3 mai 2017, la Sasu L’assuré a contesté l’application du droit d’entrée et l’augmentation de la redevance et a mis en demeure la Sas Nousassurons.com de lui rembourser la somme de 12.160 euros Ttc.
Par courrier du 5 juillet 2017, la Sasu L’assuré a informé la Sas Nousassurons.com qu’elle mettait fin au contrat signé le16 mai 2016 en raison des manquements graves commis dans l’exécution des obligations.
Par courrier du 31 août 2016 (en fait 2017), la Sas Nousassurons.com prenait en compte cette résiliation à la date du 6 juillet 2017.
Le 12 septembre 2017, la Sasu L’assuré a assigné la Sas Nousassurons.com en nullité de contrat et en paiement de sommes.
Par jugement du 11 mai 2020, le tribunal de commerce de Grenoble a :
– rejeté la pièce proposée à l’audience par la Sasu L’assuré,
– débouté la Sas Nousassurons.com de sa demande d’irrecevabilité de l’action introduite par la Sasu L’assuré pour violation de la clause de médiation,
– débouté la Sasu L’assuré de sa demande de nullité, pour absence de cause, des contrats signés par les parties les 13 et 16 mai 2016,
– débouté la Sasu L’assuré de sa demande de paiement de 11.800 euros au titre des sommes versées pendant l’application des contrats,
– débouté la Sasu L’assuré de sa demande de paiement de la somme de 564 euros correspondant aux redevances facturées entre le 1 er mai 2017 et le 1er juillet 2017,
– condamné la Sas Nousassurons.com au paiement à la Sasu L’assuré de 1.339,93 euros au titre des commissions indûment perçues sur la période d’août 2018 à septembre 2019,
– ordonné à la Sas Nousassurons.com de tout mettre en ‘uvre pour terminer le transfert de portefeuille de la Sasu L’assuré avant le 30 mai 2020,
– débouté la Sasu L’assuré de sa demande de dommages et intérêts de 10.000 euros pour préjudice subi,
– débouté la Sas Nousassurons.com de sa demande de 2.000 euros au titre de la demande d’abus d’ester en justice de la part de la Sasu L’assuré ,
– condamné la Sasu L’assuré à verser à la Sas Nousassurons.com la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la Sasu L’assuré et la Sas Nousassurons.com à prendre en charge chacun 50 % des dépens de l’instance,
– liquidé les dépens.
La Sasu L’assuré a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a :
– rejeté la pièce proposée à l’audience par la Sasu L’assuré,
– débouté la Sasu L’assuré de sa demande de nullité, pour absence de cause, des contrats signés par les parties les 13 et 16 mai 2016,
– débouté la Sasu L’assuré de sa demande de paiement de 11.800 euros au titre des sommes versées pendant l’application des contrats,
– débouté la Sasu L’assuré de sa demande de paiement de la somme de 564 euros correspondant aux redevances facturées entre le 1 er mai 2017 et le 1er juillet 2017,
– débouté la Sasu L’assuré de sa demande de dommages et intérêts de 10.000 euros pour préjudice subi,
– condamné la Sasu L’assuré à verser à la Sas Nousassurons.com la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la Sasu L’assuré et la la Sas Nousassurons.com à prendre en charge chacun 50 % des dépens de l’instance.
Prétentions et moyens de la Sasu L’assuré
Dans ses conclusions remises et notifiées le 20 octobre 2022, elle demande à la cour de :
– infirmer le jugement du 11 mai 2020 en ce qu’il a:
* débouté la Sasu L’assuré de sa demande de nullité, pour absence de cause, des contrats signés par les parties les 13 et 16 mai 2016,
* débouté la Sasu L’assuré de sa demande de paiement de 11.800 euros au titre des sommes versées pendant l’application des contrats,
*débouté la Sasu L’assuré de sa demande de paiement de la somme de 564 euros correspondant aux redevances facturées entre le 1 er mai 2017 et le 1 er juillet 2017,
*débouté la Sasu L’assuré de sa demande de dommages et intérêts de 10.000 euros pour préjudice subi,
*condamné la Sasu L’assuré à verser à la Sas Nousassurons.com la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
*condamné la Sasu L’assuré et la la Sas Nousassurons.com à prendre en charge chacun 50 % des dépens de l’instance,
– confirmer le jugement du 11 mai 2020 en ce qu’il a :
* débouté la Sas Nousassurons.com de sa demande d’irrecevabilité de l’action introduite par la Sasu L’assuré pour violation de la clause de médiation,
* condamné la Sas Nousassurons.com au paiement à la Sasu L’assuré de 1.339,93 euros au titre des commissions indûment perçues sur la période d’août 2018 à septembre 2019,
* ordonné à la Sas Nousassurons.com de tout mettre en ‘uvre pour terminer le transfert de portefeuille de la Sasu L’assuré avant le 30 mai 2020,
* débouté la Sas Nousassurons.com de sa demande de 2.000 euros au titre de la demande d’abus d’ester en justice de la part de la Sasu L’assuré,
Y ajoutant, en vertu de l’effet dévolutif de l’appel :
– assortir la condamnation au paiement par la Sas Nousassurons.com d’une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 11 mai 2020, date du jugement du tribunal de commerce,
– condamner la Sas Nousassurons.com à verser à la Sasu L’assuré la somme de 695,22 euros, au titre des commissions indûment perçues par elle sur la période de juin 2020 à janvier 2021,
– condamner la Sas Nousassurons.com seule aux entiers frais et dépens de première instance,
– condamner la Sas Nousassurons.com au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
En réponse à l’irrecevabilité soulevée par la Sas Nousassurons.com en raison de la clause de médiation, la Sasu L’assuré observe :
– que la clause de médiation n’a pas vocation à s’appliquer aux litiges nés à l’occasion de la résiliation du contrat dès lors que le contrat stipule que cette clause s’applique aux litiges portant sur la validité, l’application ou l’interprétation de la convention,
– qu’en l’espèce, l’essentiel de ses demande ont trait à la résiliation du contrat, à savoir le paiement des commissions indûment perçues après la résiliation, la rétrocession du portefeuille client et la demande de dommages et intérêts,
– que la mauvaise foi de la Sas Nousassurons.com perdurant depuis la rupture du contrat n’est pas soumise à la clause de médiation,
– que la clause de médiation ne prévoyant aucune sanction en cas de non-respect, il ne peut lui être opposé une irrecevabilité non prévue par le contrat,
– que la procédure de médiation prévue au contrat est particulièrement complexe et longue et vise à dissuader de toute action judiciaire,
– qu’eu égard à l’attitude de la Sas Nousassurons.com, celle-ci n’avait aucune intention de trouver une issue amiable au litige,
– que la clause doit être écartée comme restreignant l’accès au juge,
– que subsidiairement, dès lors que la Sas Nousassurons.com a conclu au fond dans ses premières écritures sans soulever l’irrecevabilité, elle doit être déboutée de sa fin de non recevoir en vertu du principe de l’estopel.
Sur la nullité, elle expose:
– que le contrat est dépourvu de cause dès lors que les obligations à la charge du contractant victime du déséquilibre ne trouvent pas de juste contrepartie dans les services rendus par le contractant en position de force,
– qu’en contrepartie de multiples facturations , à savoir prélèvement sur les commissions à hauteur de 10 à 20 %, frais d’entrée à hauteur de 10.000 euros, redevance mensuelle, prélèvement des commissions à hauteur de 60% en cas de résiliation aux torts de la Sas Nousassurons.com, celle-ci se contentait de fournir à la Sasu L’assuré un accès à son interface internet pour y enregistrer auprès des compagnies d’assurance les contrats d’assurance conclus,
– que le bénéfice brut tiré du partenariat s’élève pour 15 mois à 3.687,17 euros ce qui est dérisoire,
– qu’en outre, la Sasu L’assuré n’a aucune visibilité sur le montant des commissions réellement perçues par la Sas Nousassurons.com et elle est dans l’impossibilité de s’assurer que le pourcentage exact des commissions lui a bien été reversé,
– qu’en outre, la convention litigieuse permet à la Sas Nousassurons.com de percevoir après la résiliation du contrat les commissions pour une durée indéfinie alors même que les engagements perpétuels sont prohibés,
– que la stipulation du contrat permettant à la Sas Nousassurons.com d’en modifier à tout moment les charges et conditions participe à la démonstration de l’absence de cause,
– que la Sas Nousassurons.com l’a contrainte à suivre des formations extrêmement coûteuses,
– que l’engagement de la Sas Nousassurons.com se révèle donc dérisoire au regard de l’ensemble des obligations imposées à la Sasu L’assuré,
– qu’il en résulte donc la nullité du contrat et l’obligation de rembourser les sommes perçues dans le cadre de son exécution.
Elle indique aussi que la Sas Nousassurons.com a exécuté de façon fautive le contrat en créant une nouvelle redevance et en augmentant celle prévue initialement de 8,5 %.
Elle fait remarquer que les engagements perpétuels étant prohibés, la Sas Nousassurons.com doit lui restituer l’ensemble des commissions perçues après la résiliation alors que plus de 5 ans après cette résiliation, elle continue à les percevoir.
Sur l’absence de rétrocession de son portefeuille, elle fait remarquer que la Sas Nousassurons.com a effacé la demande de transfert total pour la transformer en transfert partiel alors qu’elle n’a jamais donné son accord sur un transfert partiel, que cette modification a été reconnue par la Sas Nousassurons.com, qu’à ce jour, le transfert total n’est toujours pas effectué,
– que l’existence de ‘code apporteur’ ne justifie en rien la carence de la Sas Nousassurons.com, ni l’établissement d’un faux.
Prétentions et moyens de la Sas Nousassurons.com
Dans ses conclusions notifiées le 22 avril 2022, elle demande à la cour de:
– réformer le jugement déféré en ce qu’il a :
* débouté la Sas Nousassurons.com de sa demande d’irrecevabilité de l’action introduite par la Sasu L’assuré pour violation de la clause de médiation,
* condamné la Sas Nousassurons.com au paiement à la Sasu L’assuré de 1.339,93 euros au titre des commissions indûment perçues sur la période d’août 2018 à septembre 2019,
* ordonné à la Sas Nousassurons.com de tout mettre en oeuvre pour terminer le transfert de portefeuille de la Sasu L’assuré avant le 30 mai 2020,
* débouté la Sas Nousassurons.com de sa demande de 2.000 euros au titre de la demande d’abus d’ester en justice de la part de la Sasu L’assuré,
* condamné la Sasu L’assuré et la Sas Nousassurons.com à prendre en charge chacun 50% des dépens d’instance,
Et statuant à nouveau :
A titre principal,
– juger irrecevable l’action de la Sasu L’assuré en raison de la clause de médiation préalable et entrer en voie de débouté de ce chef,
A titre subsidiaire sur le fond,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la Sasu L’assuré de ses demandes portant sur le prononcé de la nullité des contrats et la condamnation à lui payer la somme de 11.800 euros qui en découle, la condamnation à lui payer la somme de 564 euros, la condamnation à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,
– débouter la Sasu L’assuré de ses demandes de paiement de commissions tant au titre de la période d’août 2018 à septembre 2019 que de la période postérieure,
– débouter la Sasu L’assuré de sa demande de condamnation sous astreinte de la Sas Nousassurons.com à procéder au transfert des derniers contrats,
En tout état de cause,
– condamner la Sasu L’assuré à payer à la Sas Nousassurons.com la somme de 2.000 € en réparation du préjudice subi du fait de l’abus du droit d’ester en justice,
– condamner la Sasu L’assuré seule aux entiers frais et dépens d’instance de première instance,
y ajouter,
– condamner la Sasu L’assuré aux entiers frais et dépens d’appel et à payer à la Sas Nousassurons.com la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur l’irrecevabilité de l’action en raison de la clause de médiation préalable figurant dans le contrat, elle expose :
– qu’en soutenant que la Sas Nousassurons.com a commis une faute dans l’exécution du contrat, la Sasu L’assuré invoque nécessairement un défaut d’application de ce contrat qui relève de la sphère de la clause de médiation,
– que la demande de nullité du contrat relève aussi du domaine de la clause de médiation préalable concernant les litiges relatifs à la validité de la convention,
– que la Cour de cassation n’a jamais posé comme condition que la clause de médiation doit prévoir l’irrecevabilité des demandes en justice introduites en l’absence de recours préalable pour pouvoir s’en prévaloir lors d’une instance, la Cour de cassation laissant aux juges du fond le soin d’interpréter la clause,
– qu’en l’espèce, le terme ‘devoir’ laisse peu de doute quant au caractère impératif de la procédure de médiation,
– que l’existence d’une telle clause ne saurait poursuivre un but dilatoire mais correspond à la volonté du législateur et des parties,
– qu’il ne peut être fait grief à la clause de médiation de prévoir les modalités de désignation du médiateur alors que ces éléments constituent une condition d’efficacité de cette clause,
– que le défaut de respect d’une telle clause ne peut être régularisé,
– qu’une fin de non recevoir peut être soulevée en tout état de cause, qu’il n’y a aucune contradiction à ne soulever que dans un second temps, l’irrecevabilité des demandes adverse, que le principe de l’Estoppel ne peut être invoqué en l’espèce en l’absence de contradiction.
En réponse à la demande en nullité, elle indique :
– que le contrat relatif à la formation est sans rapport avec les contrats dont il est sollicité la nullité; que la formation aux métiers de l’assurance dispensée par la Sas Nousassurons.com a permis à la Sasu L’assuré de s’inscrire au registre Orias, préalable obligatoire à l’exercice d’intermédiaire en assurance; que contrairement à ce que soutient l’appelante, les tarifs pratiqués sont conformes aux prix du marché; qu’elle avait la possibilité d’être formée par un autre organisme,
– que les conventions contestées ont permis à la Sasu L’assuré d’obtenir en temps réel des compagnies d’assurances des tarifications préférentielles, d’offrir ainsi un avantage tarifaire à ses clients et donc de faciliter la souscription de nouveaux contrats entraînant le versement de commissions à son profit,
– que le taux de commissionnement était plus favorable que ceux qu’un courtier individuel peut négocier,
– que la Sasu L’assuré a bénéficié de commissions à hauteur de 15.951,34 euros ce qui lui a permis d’amortir sur une seule année le droit d’entrée, qu’elle continue à percevoir des commissions au titre des contrats non-transférés, qu’elle a bénéficié d’une formation continue et d’un accompagnement personnalisé dans la rédaction de devis et le développement de son activité,
– que les prestations fournies ne sont pas dérisoires.
Sur l’exécution fautive alléguée, elle indique que la Sasu L’assuré intègre dans son calcul une redevance marketing qui ne lui a pas été facturée puisqu’elle n’a pas souhaité signer l’avenant, que l’augmentation de 180 euros à 210 euros porte sur la redevance de base, que la Sasu L’assuré ne rapporte pas la preuve du paiement des redevances facturées.
Sur la demande de transfert des contrats, elle souligne qu’elle ne dispose pas de la propriété des contrats; qu’il appartenait à la Sasu L’assuré après la résiliation de son partenariat avec la Sas Nousassurons.com de se rapprocher des compagnies dont elle souhaitait commercialiser les produits afin de solliciter l’attribution d’un code maître et le transfert des contrats sur celui-ci; que dès lors que la Sasu L’assuré a formalisé ses demandes de transfert, elle a confirmé ce transfert sous le nouveau code du courtier; que si elle a précisé qu’il s’agissait d’un transfert partiel, c’était à fin d’éviter le transfert de la totalité des contrats rattachés au code maître en ce compris les contrats appartenant à d’autres courtiers ; qu’elle n’a donc commis aucune faute ; qu’elle ne peut être condamnée à mettre tout en oeuvre pour procéder au transfert des contrats.
Sur la perception des commissions, elle fait valoir qu’elle reverse à la Sas Nousassurons.com entre 80 et 95 % du montant de la commission, que la Sasu L’assuré continue de percevoir un bordereau des commissions versées de
sorte qu’elle est en mesure d’identifier tant les compagnies que les comptes concernés et qu’il lui appartient de se rapprocher des compagnies, que la Sasu L’assuré peut demander à l’assureur de transférer les contrats sous son propre code maître pour percevoir directement le paiement des commissions; qu’en l’absence de demande de transfert pour certains contrats, la Sas Nousassurons.com a été contrainte de poursuivre ses prestations de gestion du portefeuille et il est ainsi normal qu’elle exerce des prélèvements.
Pour le surplus des demandes et des moyens développés, il convient de se reporter aux dernières écritures des parties en application de l’article 455 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction est intervenue le 20 octobre 2022.
Motifs de la décision
Sur l’irrecevabilité des demandes formées par la Sasu L’assuré
Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
En application de l’article 124 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief et alors même que l’irrecevabilité ne résulterait d’aucune disposition constante.
Il est de jurisprudence constante que la clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation ou de médiation obligatoire et préalable à la saisine du juge dont la mise en oeuvre suspend jusqu’à son issue le cours de la prescription constitue une fin de non-recevoir qui s’impose au juge si les parties l’invoquent.
En l’espèce, l’article 32 de la convention du 13 mai 2016 stipule: ‘ Les éventuels désaccords ou litiges quant à la validité, l’application ou l’interprétation de la présente convention devront donner lieu à une médiation préalable à toute saisine de la juridiction compétente.’
Cette clause utilise le verbe ‘devoir’, terme dénué d’équivoque. Elle impose donc aux parties de mettre en oeuvre une mesure de médiation avant la saisine du juge concernant les litiges quant à la validité, l’application ou l’interprétation de la convention.
Ce caractère obligatoire est renforcé par la stipulation prévoyant que ‘Durant tout le processus de médiation et jusqu’à son issue, les parties s’interdisent d’exercer toute action en justice l’une contre l’autre et pour le conflit objet de la médiation’. La convention précise en outre: ‘L’affaire sera portée devant le tribunal de commerce de Grenoble en cas d’échec de cette tentative de résolution amiable’.
La clause figurant à l’article 32 doit donc être qualifiée de préalable obligatoire de médiation et sa non application constitue une fin de non-recevoir.
La Sasu L’assuré ne peut donc invoquer utilement l’arrêt rendu par la Cour de cassation, Chambre civile 3, 23 mai 2012 n°10-27596, lequel concernait une clause ambiguë qu’une cour d’appel avait interprétée souverainement.
La convention prévoit les conditions de mise en oeuvre du processus de médiation. Contrairement à ce que soutient la Sasu L’assuré, la description des modalités précises de mise en oeuvre du processus, notamment par l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception par l’une des parties à l’autre partie indiquant les éléments du conflit et proposant le non du médiateur, la saisine du médiateur par lettre recommandé avec accusé de réception et la durée de la médiation, ne caractérise pas un processus long et complexe visant à dissuader de toute action judiciaire mais constitue une condition d’efficacité de la clause.
La clause de médiation préalable n’empêche pas les parties d’exercer leur droit d’accès au système juridictionnel. Elle leur impose seulement au préalable de tenter de trouver un accord au moyen d’une médiation.
Ni les échanges entre les parties et leur conseil, ni la saisine de la Dirrecte ne constituent une médiation, celle-ci consistant à recourir à un tiers neutre et impartial dans les conditions prévues par le contrat aux fins que les parties trouvent par elles-même une solution pour résorber leur conflit.
Par ailleurs, il ne peut être d’emblée considéré que la médiation était vouée à l’échec. En tout état de cause, cela ne dispense pas les parties de recourir au processus de médiation préalablement à la saisine du juge sous peine d’irrecevabilité de leur demande.
La Sasu L’assuré a saisi la juridiction de première instance en vue de voir prononcer la nullité des contrats des 13 et 16 septembre 2016 en l’absence de cause et la condamnation de la Sas Nousassurons.com à lui payer différentes sommes en remboursement des sommes perçues en exécution des contrats nuls, des redevances facturées entre le 1er mai 2017 et le 1er juillet 2017, des commissions indûment perçus sur la période du 5 juillet 2017 au 30 septembre 2019 et à titre de dommage et intérêts pour le préjudice subi, outre une demande en restitution de l’ensemble de son portefeuille client sous astreinte.
La clause de médiation préalable et obligatoire s’applique aux litiges concernant la validité, l’application et l’interprétation de la convention.
Les demandes en nullité des contrats et en remboursement des sommes perçues en exécution des contrats nuls à hauteur de 11.800 euros constituent à l’évidence un litige concernant la validité de la convention. Celle en remboursement des redevances concerne sans contestation possible l’application du contrat.
Il en est de même de la demande concernant les commissions indûment perçues puisque le contrat réglemente ces commissions en son article 14 et le sort des commissions ensuite d’une résiliation en son article 25-2.
Ces nombreuses demandes concernent donc la validité ou l’application du contrat.
En outre, le contrat comportant des articles sur la résiliation de la convention, la demande de restitution est de nature à s’analyser en une demande concernant l’application du contrat.
La demande de dommages et intérêts est appuyée sur le vice du contrat et découle du litige portant sur la validité du contrat.
Dès lors, l’action engagée par la Sasu L’assuré relève bien du domaine d’application de la clause de médiation préalable et obligatoire.
En application de l’article 123 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause. Il est donc indifférent que la Sas Nousassurons.com n’a soulevé la fin de non-recevoir tirée de la clause de médiation préalable et obligatoire que dans son deuxième jeu de conclusions devant le tribunal de commerce. La Sasu L’assuré est mal fondée à soulever le principe de l’estopel dès lors qu’il n’y a aucune contradiction à ne soulever que dans un deuxième temps l’irrecevabilité des demandes après avoir conclu à leur débouté.
Contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, l’action de la Sasu L’assuré sera déclarée irrecevable pour non respect de la clause de médiation préalable et obligatoire.
Sur l’abus d’ester en justice
L’exercice d’une action en justice ou d’une voie de recours constitue un droit fondamental qui ne peut dégénérer en abus sanctionné par l’octroi de dommages et intérêts que par l’effet d’une faute dont la preuve n’est pas, au cas particulier, rapportée. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la Sas Nousassurons.com de sa demande de 2.000 euros au titre de l’abus d’ester en justice.
Sur les mesures accessoires
La Sasu L’assuré qui succombe sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel et à payer la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement du 11 mai 2020 en ce qu’il a débouté la Sas Nousassurons.com de sa demande de 2.000 euros au titre de l’abus d’ester en justice de la part de la Sasu L’assuré et en ce qu’il a condamné la Sasu L’assuré à verser à la Sas Nousassurons.com la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Infirme le jugement du 11 mai 2020 en ses autres dispositions.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare irrecevable l’action de la Sasu L’assuré pour non respect de la clause de médiation préalable et obligatoire.
Condamne la Sasu L’assuré aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Condamne la Sasu L’assuré à payer à la Sas Nousassurons.com la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.
Signé par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente