Tentative de conciliation ou de médiation : 28 mars 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/05275

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Tentative de conciliation ou de médiation : 28 mars 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/05275
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ARRET

[Y]

C/

S.A.R.L. LEVERT

VA/VB

COUR D’APPEL D’AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU VINGT HUIT MARS

DEUX MILLE VINGT TROIS

Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : N° RG 21/05275 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IINT

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE COMPIEGNE DU VINGT ET UN OCTOBRE DEUX MILLE VINGT ET UN

PARTIES EN CAUSE :

Madame [K] [Y] épouse [R]

née le 08 Avril 1983 à [Localité 4] (80)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Thibaut VANDIERENDONCK, avocat au barreau de COMPIEGNE

APPELANTE

ET

S.A.R.L. LEVERT exerçant sous l’enseigne « Les Déménageurs Bretons », prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me TURPIN substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocats au barreau d’AMIENS

Ayant pour avocat plaidant Me Fabrice RENAUDIN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

DEBATS :

A l’audience publique du 24 janvier 2023, l’affaire est venue devant M. Vincent ADRIAN, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l’article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.

La Cour était assistée lors des débats de Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de M. Pascal BRILLET, Président, M. Vincent ADRIAN et Mme Myriam SEGOND, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE DE L’ARRET :

Le 28 mars 2023, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Pascal BRILLET, Président de chambre et Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.

*

* *

DECISION :

Selon contrat en date du 13 février 2019, Mme [K] [Y] a confié la réalisation de son déménagement entre [Localité 5] (81) et [Localité 6] (60) à la Sarl Levert, utilisant la marque ‘Les déménageurs bretons’, moyennant la somme de 5 856 € TTC.

Un acompte de 2 340 € (40 %) a été payé le 13 février 2019, laissant un solde de 3 516 €.

Le mobilier a été chargé le 28 avril pour être livré le 2 avril 2019.

Mme [Y] a émis sur place une liste de réserves ‘sous réserve du déballage’ sur la ‘déclaration de fin de travail’, qui ont été complétées par un courriel le lendemain, puis par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 avril 2019 (pièces [Y] 5 et 6).

Elle s’est plainte de nombreuses dégradations et de ce que le mobilier avait fait l’objet d’un déchargements et rechargement en cours de route.

La Sarl Levet a répondu faire une déclaration de sinistre, sauf pour les réserves supplémentaires.

Mme [Y] a chiffré son préjudice à la somme de 10 154,50 €.

Deux mises en demeure auprès de la Sarl Levet sont restées sans suite.

Celle-ci a réclamé le paiement du solde du marché, 3 516 € selon relance du 22 octobre 2019.

Mme [Y] a déposé une requête aux fins de conciliation auprès du tribunal judiciaire de Compiègne le 19 mars 2020, suivie d’une ordonnance de désignation d’ un conciliateur, en date du 18 mai 2020.

Pendant le cours de la conciliation une société Marsh, courtier en assurances, a émis une proposition d’indemnisation à hauteur de 1 384 €, à envisager dans le cadre d’ un accord transactionnel.

Le conciliateur de justice, Mme [S], a dressé un constat d’échec de la médiation le 24 septembre 2020, adressé aux parties.

Par acte du 7 juin 2021, Mme [Y] a saisi le tribunal judiciaire de Compiègne sollicitant la somme de 4 937,20 € au titre de son préjudice matériel et la somme de 3 000 € au titre d’un préjudice moral.

La société Levert a comparu, s’est opposée à ces demandes et a sollicité le solde de sa facturation (3 516 €).

Par jugement du 21 octobre 2021, le tribunal a :

-déclaré irrecevable l’action de Mme [Y] du fait de la prescription annale de l’article L.133-6 du code de commerce selon lequel les actions pour avarie, pertes ou retards contre le voiturier sont prescrites dans le délai d’ un an,

-condamné Mme [Y] à payer la somme de 3 516 € à la Sarl Levert au titre du solde du prix du marché, outre celle de 800 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme [Y] a relevé appel de ce jugement.

La cour se réfère aux dernières conclusions des parties par visa.

Vu les conclusions d’appelante n°2 notifiées par Mme [Y] le 21 mars 2022 visant à l’infirmation du jugement et reprenant ses demandes de première instance.

Vu les conclusions notifiées par la Sarl Levert le 11 janvier 2022 visant à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.

A titre subsidiaire, elle propose une indemnisation de 1 384 €.

L’instruction a été clôturée le 22 juin 2022.

MOTIFS

1. Sur la recevabilité de l’action.

Les parties admettent à juste titre l’application de l’article L. 133-6 du code de commerce qui édicte une prescription annale en faveur des transporteurs étendue par l’article L.133-9 aux déménageurs.

C’est par acte du 7 juin 2021, que Mme [Y] a saisi le tribunal judiciaire de Compiègne, pour une réception de son mobilier au 2 avril 2019.

Toutefois, Mme [Y] a déposé une requête aux fins de conciliation auprès du tribunal judiciaire de Compiègne le 19 mars 2020, avant le 2 avril 2020, suivie d’ une ordonnance de désignation d’ un conciliateur, en date du 18 mai 2020.

Le premier juge a correctement admis que la requête du 19 mars 2020 aux fins de désignation d’un conciliateur de justice avait interrompu le délai annal, conformément à l’article 820 du code de procédure civile, mais a jugé, à tort, que le délai de prescription courait à nouveau dès cette saisine, sans provoquer la suspension le temps de la tentative de conciliation, de sorte que le délai, pour lui, était acquis au 18 mars 2020 (à minuit).

L’article 820 du code de procédure civile donne à la demande aux fins de tentative préalable de conciliation les effets d’une action en justice : ‘la prescription et les délais pour agir sont interrompus par l’enregistrement de la demande’.

Selon l’article 2242 du code civil ‘l’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance’.

Dans le silence de la loi, par analogie, même si l’impossibilité à agir n’est pas absolue, il y a lieu d’étendre cette assimilation à la suspension qui dure jusqu’à l’extinction de la tentative préalable de conciliation. Le demandeur n’est pas maître de la durée de celle-ci malgré le délai -non sanctionné- fixé par le juge, par hypothèse, il n’a pas voulu engager un contentieux, les courtes prescriptions sont nombreuses et le législateur entend favoriser les modes de règlement amiable des litiges.

Le délai d’un an n’a donc recommencé à courir que le 24 septembre 2020, date du procès-verbal d’échec de la tentative de conciliation.

La juridiction ne saurait contrarier cette règle au prétendu motif d’une nullité de la tentative de conciliation (laquelle s’est faite à distance -sans opposition des parties-, a dépassé le délai de deux mois fixé par le juge -non sanctionné-, outre qu’elle contient des détails sur le refus du défendeur), laquelle nullité n’était pas invoquée en première instance (demande nouvelle) d’une part, et dépend du comportement du conciliateur et non de celui du demandeur et ne saurait donc lui nuire, d’autre part.

En l’état d’une assignation du 7 juin 2021, l’action n’était donc pas prescrite.

Le jugement sera infirmé.

2. Sur l’indemnisation du préjudice matériel.

Mme [Y] avait souscrit un contrat avec une garantie ‘Arguant’, intermédiaire, prévoyant une indemnisation à 100 % des meubles détériorés jusqu’à 12 mois d’âge ou des meubles de style en bois massif (catégorie 5), puis des coefficients de vétusté annuelle de 15 ou 25 % et une indemnisation minimale de 20 % (catégories 1 à 4).

La garantie précisait ‘il vous appartient de justifier de l’ancienneté des biens. Faute de pouvoir le justifier, les biens seront supposé avoir cinq ans d’âge’.

Mme [Y] a fait des réserves à la livraison en précisant ‘sous réserve de déballage’ :

1. « changement de remorques et 3 manipulations », non annoncés dans le contrat,

De fait plusieurs photographies montrent un intérieur de camion en sérieux désordre et des cartons ouverts avec des objets chamboulés.

2.

-un coup sur le sèche-linge, avec photo,

-des boîtes à chaussures éparpillées, ce qui en soi n’est pas indemnisable,

-panneau du lit cigogne rayé bois massif,

-coups sur deux chaises (bois sauté),

-armoire rayée et abîmée,

-coup meuble TV,

-rayure parquet,

-coup rayure commode bois,

-housse clic-clac abîmée,

-dressing barre manquante,

-mur garage arraché,

-poignet chariot design abîmé.

Le lendemain, elle précisait par courriel qu’elle était choquée par la négligence de la prestation et par l’existence de trois manipulations entre le départ et l’arrivée (un changement de remorque en cours de route), et annonçait des éléments complémentaires.

Sa lettre recommandée avec accusé de réception du 8 avril 2019 ajoute 27 griefs (‘cadre cassé’, ‘globe cassé’, ‘selle moto rayée’, ‘accessoire WC cassé’, ‘coussin marron non livré’, etc.), tous accompagnés de une ou deux photographies.

Certes, certains postes sont grossièrement exagérés:

Le grief: ‘bahut salle à manger de qualité en bois: abîmé derrière: cela n’a pas été signalé, c’est en poussant le meuble que l’on s’est rendu compte des dégâts !’ donne : ‘bahut: déclaration de valeur 700 €’ dans son chiffrage du préjudice (pièce 8).

Les dégradations de carrosserie du tracteur tondeuse, mineures d’après les photographies, donnent une déclaration à perte de 2 500 €, ce qui est évidemment excessif.

Mme [Y], dans plusieurs de ses courriers, se réfère à une garantie ‘major’ qui n’apparaît nulle part sur le contrat, au contraire de la garantie ‘Arguant’, admise par le déménageur, son assureur et…les conclusions de Mme [Y], laquelle garantie sert de donc de référence à la juridiction.

Dans ses écritures, Mme [Y] ramène ses prétentions à la somme de 4 937,20 €, par catégories (‘mobilier endommagé de 2eme catégorie’, etc.) sans que la cour puisse faire le lien avec les objets individualisés.

La déclaration pour les dégradations supplémentaires a été faite par lettre recommandée avec accusé de réception dans les dix jours de la réception conformément aux dispositions contractuelles, elles-mêmes conformes aux dispositions de l’article L.224-63 du code de la consommation, et n’a pas être déclarée irrecevable par principe.

Ces dégradations sont suffisamment corroborées par les photographies.

Dès le 8 avril, le professionnel avait les éléments pour une appréciation honnête du préjudice. Tous les dommages sont accompagnés d’une ou deux photographies couleur de bonne qualité. Ces photographies donnent à la juridiction une idée précise des dégâts, en général mineur, du type de meuble concerné, en général petit meuble en pin ou de type ‘Ikéa’, ou du type d’objet, et de l’ancienneté des objets mobiliers affectés.

La proposition de 1 384 €, faite tardivement et conditionnellement par le courtier d’assurance, pour les seules premières réserves, doit être complétée.

En l’état de tous les éléments disponibles, il convient de chiffrer le préjudice matériel subi par Mme [Y] à la somme de 2 000 €.

3. Sur le préjudice moral.

La réaction de Mme [Y] montre qu’elle a été, à juste titre, choquée par la mauvaise qualité de la prestation, dans l’environnement délicat à vivre d’un déménagement.

Le déménageur a fait un accueil totalement non commercial à la plainte : les commerciaux ne sont plus disponibles, les factures d’achat ou des ‘devis de réparation’ sont exigés sans égard à la nature des désordres (un devis de réparation est demandé par exemple pour un choc sur la caisse d’un lave-linge), aucune explication n’est fournie par le professionnel -mettant pourtant en avant dans ses documents commerciaux la confiance- sur ce qui s’est passé réellement.

Plusieurs des connaissances de Mme [Y] témoignent (pièces 17) de ce que ce trouble a duré longtemps (un an et demi d’après Mme [O]), a été sérieux (perte de poids, insomnies) et la juridiction n’a pas de peine à le reconnaître dans les formulations des premiers courriers de Mme [Y], puis dans ses exagérations postérieures.

La demande est fondée en son principe et mérite l’allocation d’une somme de 700 €.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

4. Sur la demande reconventionnelle de la Sarl Levet.

Il est admis par les deux parties, à juste titre, que l’indemnisation des dommages subis par Mme [Y] ne fait pas obstacle à la demande en exécution faite par le professionnel.

Le quantum n’est pas contesté.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

La compensation sera ordonnée.

L’infirmation du jugement conduira à la reprise de la décision de première instance sur les dépens et les frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,

Confirme le jugement en ce qu’il a condamné Mme [K] [Y] à payer la somme de 3 516 € à la Sarl Levert au titre du solde du prix dû sur le marché,

Infirme le jugement en ce qu’il a déclaré les demandes de Mme [K] [Y] irrecevables,

Statuant à nouveau,

Déclare les demandes de Mme [K] [Y] non prescrites,

Condamne la Sarl Levert à payer à Mme [K] [Y] la somme de 2 000 € au titre de son préjudice matériel et la somme de 700 € au titre de son préjudice moral,

Ordonne la compensation entre les sommes,

Condamne la Sarl Levert aux dépens de première instance et d’appel et à payer la somme de 1 500 € à Mme [Y] en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les deux instances.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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