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ARRET
N°
S.E.L.A.S. LATITUDES
C/
[J]
S.A.R.L. IMMOBILIER CONCEPT
PM/SGS
COUR D’APPEL D’AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU TREIZE AVRIL
DEUX MILLE VINGT TROIS
Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : N° RG 21/02780 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IDSI
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D’AMIENS DU VINGT NEUF MARS DEUX MILLE VINGT ET UN
PARTIES EN CAUSE :
S.E.L.A.S. LATITUDES prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège de la société
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me PILLOT substituant Me Aurélien DESMET de la SCP COTTIGNIES-CAHITTE-DESMET, avocat au barreau D’AMIENS
APPELANTE
ET
Madame [F] [J] épouse [X]
née le 31 Octobre 1961 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me ROHAUT substituant Me Christophe WACQUET, avocat au barreau D’AMIENS
S.A.R.L. IMMOBILIER CONCEPT, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Représentée par Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocat au barreau D’AMIENS
INTIMEES
DEBATS :
A l’audience publique du 09 février 2023, l’affaire est venue devant Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre et M. Pascal MAIMONE, Conseiller, magistrats rapporteurs siégeant sans opposition des avocats en vertu de l’article 786 du Code de procédure civile. La Présidente a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 13 avril 2023.
La Cour était assistée lors des débats de Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière et de Mme FRANCOIS Edwige, greffière stagiaire.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Les magistrats rapporteurs en ont rendu compte à la Cour composée de Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre, Mme Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre et M. Pascal MAIMONE, Conseiller, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE DE L’ARRET :
Le 13 avril 2023, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre, et Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.
*
* *
DECISION :
La SARL Immobilier Concept est propriétaire d’un immeuble situé sur une parcelle cadastrée section [Cadastre 1] sise [Adresse 5].
Mme [F] [J] épouse [X] est propriétaire de l’immeuble voisin, cadastré section [Cadastre 9] au [Adresse 4].
Entreprenant la rénovation de l’immeuble existant, sa transformation et la construction d”un immeuble collectif, la SARL Immobilier Concept a saisi à ses frais un géomètre expert.
Par acte du 15 décembre 2016, Mme [X] et la SARL Immobilier Concept ont signé un ‘Procès-verbal de bornage et de reconnaissance de limites’ pour les parcelles cadastrées [Cadastre 9] et [Cadastre 1], établi par M. [O] [M], géomètre expert, de la SELAS Latitudes.
Avant le début de la construction par contrat du 20 décembre 2016, la SARL Immobilier Concept et Mme [X] ont élaboré les règles régissant leurs relations, notamment pour la démolition du mur mitoyen et sa reconstruction.
Mme [X] contestant l’emplacement du mur reconstruit, elle a obtenu en référé le 11 octobre 2017 la désignation de M. [W] [N] en qualité d’expert judiciaire.
L’expert a déposé son rapport le 6 juillet 2018.
Par ordonnance de référé du 20 mars 2019, la SARL Immobilier Concept a été condamnée au paiement d’une provision de 7 518,35 euros à valoir sur l’indemnisation des désordres subis par Mme [X] consécutivement aux travaux réalisés.
Puis, Mme [X] soutenant que si le mur séparatif des parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 1] avait été reconstruit conformément au procès-verbal de bornage du 15 décembre 2016, l’expert avait également relevé qu’il n’était pas reconstruit exactement à l’emplacement de l’ancien mur, a saisi de nouveau le juge des référés à l’effet d’obtenir une nouvelle expertise
Par ordonnance du 15 novembre 2019, le président du tribunal judiciaire d’Amiens l’a déboutée de cette demande
Par acte d’huissier de justice du 7 juillet 2020, Mme [X] a fait assigner la SARL Immobilier Concept et la SELAS Latitudes devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Amiens pour voir :
– prononcer, pour erreur sur les qualités substantielles, la nullité de la convention du 15 décembre 2016,
– ordonner le bornage judiciaire des parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 1], avec désignation du géomètre qu’il plaira au tribunal en lui donnant mission habituelle, aux frais exclusifs de la SARL Immobilier Concept,
– condamner la SARL Immobilier Concept et la SELAS Latitudes à lui payer chacun la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par jugement du 29 mars 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Amiens a :
– Prononcé la nullité du ‘ Procès-verbal de bornage et de reconnaissance de limite’ dressé par la SELAS Latitudes le 15 décembre 2016 ;
– Condamné la SELAS Latitudes à rembourser à la SARL Immobilier Concept les frais du bornage annulé pour un montant de 5 610 euros ;
– Rejeté la fin de non-recevoir opposée par la SARL Immobilier Concept et la SELAS Latitudes
– Déclaré recevable et bien fondée l’action en bornage de Mme [F] [J] épouse [X] ;
Avant dire droit,
– Ordonné une expertise ;
– Désigné, en qualité d’expert, M. [P] [G], avec pour mission, après avoir entendu les parties et examiné tous documents utiles:
. visiter les parcelles litigieuses, cadastrées section [Cadastre 9] et [Cadastre 1], à [Localité 7], [Adresse 4] et [Adresse 5], et les décrire dans leur état actuel, en tenant compte, notamment de l’ancien mur séparatif en brique, aujourd’hui détruit et dont il subsiste la trace dans le grenier de l’annexe de l’immeuble VE 110,
. procéder à la limitation des parcelles litigieuses par application des titres de propriété, du plan cadastral, de la contenance des parcelles ou d’après la possession actuelle des parties en cas d’accord entre elles sur ce point, ou d’après tous indices relevés sur le terrain, notamment en recherchant l’emplacement de l’ancien mur en brique et en donnant son avis sur son caractère mitoyen,
. dresser de ces opérations un rapport avec le plan des immeubles sur lequel seront figurés la ligne divisoire et l’emplacement du mur reconstruit en parpaing de ciment, ainsi que toutes les constructions actuelles,
. fournir au tribunal tous éléments utiles à la solution du litige,
– Dit que l’expert devra déposer son rapport dans un délai de 3 mois à compter de sa saisine ;
– Dit que Mme [X] devra consigner au greffe du tribunal la somme de 3 500 euros dans le mois de l`avis de consignation adressé par le greffe, en avance des frais d’honoraires d’expert, sous peine de caducité de la désignation de l’expert;
– Dit qu’en cas d’empêchement de l’expert, il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance pouvant être rendue d’office ;
– Désigné tout juge de la chambre des contentieux de la protection de ce tribunal pour surveiller les opérations d’expertise ;
– Rejeté la demande des parties tendant à voir écarter l’exécution provisoire du jugement ;
– Réservé toutes autres demandes et les dépens.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 27 mai 2021, la SELAS Latitudes a interjeté appel de ce jugement. Une médiation a été proposée aux parties par la cour. Elles ne l’ont pas acceptée.
Par conclusions transmises par la voie électronique le 21 avril 2022, la SELAS Latitudes demande à la cour de :
– Infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Statuant de nouveau,
– Déclarer Mme [X] irrecevable en sa demande de bornage judiciaire en raison de l’existence d’un bornage préexistant ;
– Débouter Mme [X] de sa demande de nullité du bornage amiable du 15 décembre 2016 ;
– Rejeter la demande de bornage judiciaire et dire n’y avoir lieu à expertise aux fins de délimitation des parcelles.
– Rejeter toute demande s’agissant d’une restitution par la SELAS Latitudes à la société Immobilier Concept des frais de bornage et à tout le moins limiter cette restitution qui ne saurait excéder la somme de 897 euros.
– Débouter Mme [X] de l’ensemble de ses demandes, fin et conclusions.
– Débouter la société Immobilier Concept de son appel incident.
– Condamner Mme [X] à lui payer une somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner Mme [X] aux dépens dont distractions au profit de Maître Desmet, avocat, associé SCP Cottignies Cahitte Desmet.
Par conclusions transmises par la voie électronique le 10 novembre 2021, Mme [X] demande à la cour de :
– Déclarer la SELAS Latitudes mal fondée en son appel ;
-Déclarer la SARL Immobilier Concept mal fondée en son appel incident ;
En conséquence,
– les débouter de l’ensemble de leurs prétentions.
– Confirmer en l’ensemble de ses dispositions le jugement entrepris.
– Condamner la SELAS Latitudes à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
-Condamner la SARL Immobilier Concept à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
– Condamner in solidum la SARL Immobilier Concept et la SELAS Latitudes aux entiers dépens d’appel.
Par conclusions transmises par la voie électronique le 8 octobre 2021, la SARL Immobilier Concept demande à la cour de :
– A titre principal, dire la SELAS Latitudes recevable et fondée en son appel à laquelle la Société Immobilier Concept s’associe .
– Dire la Société Immobilier Concept recevable et bien fondé en son appel incident.
– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
« Rejeté la fin de non-recevoir tirée de l’absence de conciliation préalable
– Prononcé la nullité du procès-verbal de bornage et de reconnaissance des limites dressé par la SELAS LATITUDES le 15 décembre 2016
– Condamné la SELAS LATITUDES à rembourser à la SARL IMMOBILIER CONCEPT les frais de bornage annulé pour un montant de 5.610 euros
– Déclaré recevable et bien fondée l’action en bornage judiciaire de Mme [F] [J] épouse [X]
Avant dire droit, ordonné une expertise pour procéder à la délimitation des parcelles. »
Statuant de nouveau,
– Déclarer Mme [X] irrecevable faute de tentative de conciliation préalable ;
– Déclarer Mme [X] irrecevable en sa demande de bornage judiciaire en raison de l’existence d’un bornage préexistant ;
– Débouter Mme [X] de sa demande de nullité du bornage amiable du 15 décembre 2016 – Rejeter la demande de bornage judiciaire et dire n’y avoir lieu à expertise aux fins de délimitation des parcelles ;
– Dire Mme [X] irrecevable et subsidiairement mal fondée en l’intégralité de ses demandes;
– L’en débouter purement et simplement ;
– La condamner à payer à la SARL Immobilier Concept une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Delahousse et Associes ;
-Subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SELAS Latitudes à rembourser à la ARL Immobilier Concept les frais de bornage amiable annulé mais l’infirmer en ce qu’il n’a pas alloué le remboursement des frais exposés au titre de l’expertise judiciaire confiée à M. [N] ;
– Condamner la SELAS Latitudes à rembourser les frais de bornage amiable afférents au procès-verbal annulé pris en charge par la SARL Immobilier Concept et de contrôle après démolition pour un montant de 1 940.40 euros et aux frais d’expertise de l’expertise judiciaire de M. [N] pour un montant de 5 610 euros.
– Condamner la SELAS Latitudes au montant des condamnations qui seraient prononcées à son endroit, en principal, intérêts, frais et accessoires.
– Dire que les frais de bornage judiciaire seront à la seule charge de Mme [X].
– Subsidiairement, en cas de condamnation de la concluante en tout ou partie des frais de bornage judiciaire, condamner la SELAS Latitudes au surcoût des frais d’expertise judiciaire confiée à M. [G] qui excéderait le coût du bornage amiable.
– Condamner la SELAS Latitudes à payer à la SARL Immobilier Concept une somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Delahousse et Associés.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l’exposé de leurs prétentions et moyens.
Par ordonnance du 7 décembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture et renvoyé l’affaire pour plaidoiries à l’audience du 9 février 2023.
Par conclusions transmises par la voie électronique le 24 janvier 2023, Mme [X] demande à la cour de :
– Ordonner la révocation de l’ordonnance de clôture du 7 décembre 2022 ;
– Déclarer en conséquence recevables et accueillir les présentes conclusions et la pièces n° 91, à savoir le rapport d’expertise judiciaire de M. [G] ;
– Ordonner la réouverture des débats et renvoyer l’affaire à une prochaine audience de mise en état ou de plaidoirie ultérieure avec fixation d’un calendrier de procédure pour permettre aux parties de faire valoir leurs observations.
Pour le surplus, Mme [X] a réitéré les demandes figurants dans ces conclusions précédentes si ce n’est qu’elle a porté ses demandes au titre des frais irrépétibles à 3000 euros.
Par conclusions transmises par la voie électronique le 6 février 2023, la SELAS Latitudes demande à la cour de :
– Rejeter la demande de révocation de l’ordonnance de clôture sollicitée par Mme [X] ;
– En conséquence écarter les concluions et pièces communiquées postérieurement à la clôture et notamment la pièce adverse n° 91 de Mme [X].
CECI EXPOSE, LA COUR,
Sur la demande de révocation de l’ordonnance de clôture et de rejet des pièces et conclusions signifiées postérieurement à cette ordonnance :
Selon l’article 802 du code de procédure civile, après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office.
Par ailleurs, aux termes de l’article 806 du code de procédure civile, l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue.
En l’espèce, Mme [X] sollicite la révocation de l’ordonnance de clôture au motif que nonobstant l’appel l’expertise ordonnée en première instance a été réalisée et qu’elle souhaite produire en la cause ce rapport qui lui est favorable et indique notamment que le nouveau mur n’a pas été reconstruit à l’emplacement de l’ancien.
Cependant, ce qui est demandé à la cour n’est pas de déterminer si le nouveau mur n’a pas été reconstruit à l’emplacement de l’ancien, ce qui est acquis au débat, mais de savoir si Mme [X] avait accepté le principe d’une modification de l’emplacement de ce mur, si elle peut contester cet emplacement et s’il était en conséquence justifié d’ordonner comme l’a fait le premier juge une expertise pour déterminer l’emplacement exact du nouveau mur afin de déterminer si d’un point de vue cadastral ce mur empiète ou non sur la parcelle de Mme [X] et si elle subit un préjudice.
Le dépôt de ce rapport n’a donc aucun intérêt pour résoudre le litige dont la cour est saisie et ne constitue pas une cause grave justifiant une révocation de l’ordonnance de clôture.
Il convient donc de rejeter la demande de révocation de l’ordonnance de clôture formée par Mme [X] et d’écarter des débats les pièces et conclusions signifiées par les parties postérieurement au 7 décembre 2022.
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de tentative préalable de conciliation :
L’article 750-1 du code de procédure civile dispose que : « A peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n ‘excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire ou à un trouble anormal de voisinage.
Les parties sont dispensées de l’obligation mentionnée au premier alinéa dans les cas suivants :
1° Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord ;
2° Lorsque l’exercice d’un recours préalable est imposé auprès de l’auteur de la décision ;
3° Si l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime tenant soit à l’urgence manifeste soit aux circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement soit à l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige ;
4° Si le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation ”.
En l’espèce, comme l’a justement relevé le premier juge, la présente instance s’inscrit dans un contentieux né entre les parties depuis de nombreuses années, une première expertise judiciaire ayant été ordonnée le 11 octobre 2017 puis engagées des instances au fond et en référé.
Il ne s’agit donc pas d’un contentieux nouveau, mais de sa suite et il est illusoire de penser qu’aujourd’hui la tentative de conciliation pourrait aboutir favorablement, alors même que chaque partie est conseillée par un avocat et que les règles de déontologie de cette profession modifiées par décision du 18 décembre 2020 portant modification du règlement intérieur national de la profession d’avocat, (JORF n°0015 du 17 janvier 2021, texte n° 28), précisent qu’« Avant toute procédure ou lorsqu’une action est déjà pendante devant une juridiction, l’avocat peut, sous réserve de recueillir l’assentiment de son client, prendre contact avec la partie adverse ou la recevoir afin de lui proposer un règlement amiable du différend ”, de sorte que le conseil de chacune des parties a nécessairement abordé cette question.
En conséquence, c’est à juste titre que le premier juge, dont la décision sera confirmée sur ce point, a estimé que les circonstances de l’espèce rendent impossible une tentative de conciliation, ce qui constitue un motif légitime venant par exception exclure la règle fixée à l’article 750-l du code de procédure civile et justifiant que la SARL Immobilier Concept et la SELAS Latitudes soient déboutées de leur demande tendant à ce que les réclamations de Mme [X] soient déclarées irrecevables pour défaut de tentative préalable de conciliation.
Sur la demande de nullité du bornage amiable du 15 décembre 2016 :
L’article 1132 du code civil énonce que l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.
L’article 1133 alinéa premier du même code précise que les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté.
En l’espèce, Mme [X] et la SARL Immobilier Concept ont conclu le 20 décembre 2016 une convention prévoyant que le mur sera reconstruit à l’emplacement actuel et sera mitoyen, ‘comme figuré sur le procès-verbal de bornage ci-dessus énoncé et signé par les parties’.
Il s’en déduit que l’intention des parties n’était pas de reconstruire le mur comme prévu sur le procès-verbal de bornage du 15 décembre 2016 mais à son emplacement actuel mentionné sur le procès-verbal de bornage du 15 décembre 2016 établi en vue de la concrétisation de leur accord.
Or, il est constant que ce procès-verbal de bornage ne prévoit pas une reconstruction du mur au même emplacement puisque selon le plan de ce procès-verbal le mur reconstruit n’est pas dans l’axe du mur d’origine et qu’il a fallu découper la charpente de l’immeuble de Mme [X] pour achever son élévation.
Or cette reconstruction à l’identique était une qualité essentielle de la convention puisque les parties avaient clairement énoncé leur intention de faire élever un nouveau mur à l’identique.
En outre, Mme [X], profane en matière de construction, ne pouvait, s’apercevoir que le croquis n’était pas conforme à l’accord des parties. Par la simple lecture du travail réalisé par la SELAS Latitudes qui n’y a pas fait figurerle mur existant qui n’était pourtant pas alors démoli et n’a réalisé qu’un croquis du mur à reconstruire,
De plus, un tel croquis était à lui seul insuffisant pour que Mme [X] donne son accord sur un changement de la ligne divisoire et il n’est pas justifié que Mme [X] ait reçu la moindre explication sur la portée de ce plan.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a considéré que le procès-verbal de bornage amiable du 15 décembre 2016 devait être annulé en raison de l’erreur de Mme [X] qui a été déterminante sur son consentement.
Par l’effet de l’annulation, les honoraires versés par la SARL Immobilier Concept à la SELAS Latitudes pour les frais de bornage doivent être restitués.
La somme de 720 euros HT correspondant aux frais de contrôle du mur édifié par rapport au plan d’origine ne s’analyse pas en des frais de bornage.
Il en est de même des frais de l’expertise [N] d’un montant de 5 610 qui seront inclus dans les dépens de l’instance engagée en réparation des désordres par Mme [X] et ne s’analysent pas en des frais de bornage.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a condamné en conséquence de l’annulation la SELAS Latitudes à payer à la SARL immobilier Concept la somme de 5 610 euros et il convient de condamner la SELAS Latitudes à rembourser à la SARL immobilier Concept, qui est assujettie à TVA, la somme de 897 euros HT.
Sur la recevabilité et le bien fondé de la demande de bornage judiciaire :
Aux termes de l’article 646 du code civil, tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës. Le bornage se fait à frais communs.
En application de ses dispositions, la demande de bornage judiciaire est irrecevable si un bornage a déjà été effectué amiablement ou judiciairement.
En l’espèce, dès lors que le bornage amiable du 15 décembre 2016 est annulé, il ne peut constituer un bornage amiable rendant irrecevable la demande de bornage judiciaire de Mme [X] et le jugement doit être confirmé en ce qu’il a déclaré recevable la demande de bornage judiciaire formée par Mme [X].
En outre, en l’absence de bornage, Mme [X] est fondée à solliciter que soit ordonné un bornage à ses frais avancés.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a fait droit à la demande de bornage judiciaire de Mme [X].
Sur la demande de garantie formée par la Sarl immobilier Concept à l’encontre de la SELAS Latitudes :
Pour déterminer s’il y a lieu à garantie de la SARL Immobilier Concept par la SELAS Latitudes, il faut que la juridiction soit en mesure de déterminer les fautes respectives des parties et notamment celles éventuellement commises par la SARL Immobilier Concept susceptibles d’exclure ou de limiter son action en garantie à l’encontre de la SELAS Latitudes.
Il est donc prématuré de statuer sur une telle demande en garantie, celle-ci devant être tranchée par le premier juge lorsqu’il statuera suite au bornage judiciaire qu’il a justement ordonné afin de respecter le double degré de juridiction. Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a réservé cette demande en garantie de la SARL Immobilier Concept à l’encontre de la SELAS Latitudes.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
La SELAS Latitudes et la SARL Immobilier Concept qui succombent en l’essentiel de leurs demandes en appel doivent être condamnées in solidum aux dépens d’appel et à payer chacune à Mme [X] la somme de 1500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort :
Rejette la demande de révocation de l’ordonnance de clôture formée par Mme [F] [J] épouse [X] ;
Ecarte des débats les pièces et conclusions signifiées par les parties postérieurement au 7 décembre 2022 ;
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné la SELAS Latitudes à rembourser à la SARL Immobilier Concept la somme de 5 610 euros au titre des frais de bornage annulé ;
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant :
Condamne la SELAS Latitudes à rembourser à la SARL Immobilier Concept la somme de 897 euros HT au titre des frais de bornage annulé ;
Condamne la SARL Immobilier Concept à payer à Mme [F] [J] épouse [X] la somme de 1500 euros par application en appel des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SELAS Latitudes à payer à Mme [F] [J] épouse [X] la somme de 1500 euros par application en appel des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs plus amples demandes ;
Condamne in solidum la SARL Immobilier Concept et la SELAS Latitudes aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE