Tentative de conciliation ou de médiation : 22 mai 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/00122

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Tentative de conciliation ou de médiation : 22 mai 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/00122
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8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°206

N° RG 20/00122 –

N° Portalis DBVL-V-B7E-QMED

M. [Z] [L]

C/

SAS EOS FRANCE

Infirmation

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me Gwenaela PARENT

– Me Marie VERRANDO

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 22 MAI 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 09 Février 2023

devant Messieurs Rémy LE DONGE L’HENORET et Philippe BELLOIR, magistrats tenant l’audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame [T] [R], Médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 22 Mai 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [Z] [L]

né le 21 Janvier 1975 à [Localité 6] (35)

demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Gwenaela PARENT de la SCP IPSO FACTO AVOCATS, Avocat au Barreau de NANTES

INTIMÉE :

La SAS EOS FRANCE (anciennement EOS CREDIREC) prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Camille SUDRON substituant à l’audience Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Avocats postulants du Barreau de RENNES et par Me Lauren PARIENTE substituant à l’audience Me Isabelle MARCUS MANDEL, Avocats plaidants du Barreau de PARIS

M. [Z] [L] a été embauché le 21 mai 2002 par la SASU EOS CREDIREC, devenue la SASU EOS FRANCE le 1er janvier 2019, après avoir été rachetée en 2011 par le groupe allemand EOS dans le cadre d’un Contrat à durée indéterminée en qualité de télé-gestionnaire, statut employé.

Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la Convention collective nationale du personnel des prestataires de services et au terme d’un avenant prenant effet au 1er janvier 2008, M. [Z] [L] a été nommé Négociateur de Créance Senior Plus, statut Agent de Maîtrise.

M. [L] a été placé en arrêt maladie du 19 juin au 9 septembre 2017. A l’issue de la visite de reprise en date du 18 septembre 2017, M. [Z] [L] a été déclaré apte à son poste de travail.

Le 16 octobre 2017, M. [L] s’est vu remettre en main propre une lettre de convocation à un entretien préalable de licenciement assortie d’une mise à pied à titre conservatoire, avant d’être licencié le 17 novembre 2017 pour pour cause réelle et sérieuse, caractérisée par son attitude agressive.

Le 16 mai 2018, M. [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Nantes aux fins de voir :

‘ Condamner la SASU EOS à verser :

– 31.454 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

‘ Intérêts au taux légal à compter du jugement,

‘ Régularisation vis-à-vis des organismes sociaux,

‘ Exécution provisoire y compris pour les sommes pour lesquelles elle n’est pas de droit,

‘ Entiers dépens.

La cour est saisie de l’appel formé par M. [Z] [L] le 14 novembre 2019 contre le jugement de départage du 15 octobre 2019, par lequel le Conseil de prud’hommes de NANTES a :

‘ Rejeté des débats la pièce salarié n°22,

‘ Dit que le licenciement notifié le 17 novembre 2017 à M. [L] a une cause réelle et sérieuse,

‘ Débouté M. [L] de ses demandes,

‘ Débouté la SASU EOS FRANCE de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

‘ Condamné M. [L] aux dépens.

Au terme d’une ordonnance du 11 décembre 2020, le Conseiller de la mise en état a débouté la société intimée de sa demande tendant à voir prononcer l’irrégularité de la déclaration d’appel de M. [Z] [L].

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 12 janvier 2023, suivant lesquelles M. [L] demande à la cour de :

‘ Dire et juger recevable l’appel de M. [L],

‘ Constater que la déclaration d’appel régularisée dans l’intérêt de M. [L] a opéré dévolution des chefs de demandes tendant à voir dire et juger que le licenciement de M. [L] est sans cause réelle et sérieuse et à voir condamner la SASU EOS France à verser à M. [L] des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

‘ Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Nantes du 15 octobre 2019 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

‘ Dire et juger que le licenciement de M. [L] est sans cause réelle et sérieuse,

‘ Condamner la SASU EOS FRANCE à verser les sommes suivantes à M. [L] :

– 31.454 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 2.500 € Article 700 du code de procédure civile,

‘ Assortir lesdites sommes de l’Intérêt légal outre le bénéfice de l’anatocisme (art. 1231-7 et 1343-2 du Code civil dans leur rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016),

‘ Débouter la SASU EOS FRANCE de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

‘ Condamner la SASU EOS FRANCE aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 20 janvier 2023, suivant lesquelles la SASU EOS FRANCE demande à la cour de :

‘ Recevoir la SASU EOS FRANCE en ses écritures, la dire bien fondée,

A titre liminaire,

‘ Juger irrégulière la déclaration d’appel de M. [L] en date du 14 novembre 2019 ne mentionnant pas les chefs de jugement expressément critiqués et juger qu’aucune déclaration d’appel rectificative n’est intervenue dans le délai imparti de l’article 908 du Code de procédure civile,

‘ Constater l’absence d’effet dévolutif de l’appel,

‘ Dire en conséquence que la Cour n’est saisie d’aucune demande,

Et rejetant toutes prétentions contraires, comme irrecevables et en tout cas non fondées,

Très subsidiairement sur le fond,

‘ Déclarer l’appel de M. [L] irrecevable, et en tout cas infondé,

‘ Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Nantes en date du 15 octobre 2019,

‘ Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Nantes en date du 15 octobre 2019 en ce qu’il a :

– jugé que le licenciement prononcé par la SASU EOS FRANCE le 17 novembre 2017 à l’encontre M. [L] pour cause réelle et sérieuse est parfaitement fondé,

– débouté M. [L] de l’intégralité des demandes,

En toute hypothèse,

‘ Débouter M. [L] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

‘ Débouter M. [L] de sa demande visant à bénéficier de l’anatocisme,

‘ Condamner M. [L] à verser à la SASU EOS FRANCE la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

‘ Condamner M. [L] aux entiers dépens dont distraction au profit de l’avocat soussigné aux offres de droit.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 26 janvier 2023.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire :

– Quant à l’application de l’article 954 alinéa 3 du Code de procédure civile :

Il convient de rappeler à titre liminaire que par application de l’article 954, alinéa 3 du Code de procédure civile, la cour ne statuera que sur les prétentions énoncées au dispositif des écritures des parties en cause d’appel, ce que ne sont pas au sens de ces dispositions des demandes visant seulement à ‘dire’ ou ‘constater’ un principe de droit ou une situation de fait, voire ‘juger’ quand ce verbe, utilisé comme synonyme des deux premiers, n’a pour effet que d’insérer dans le dispositif des écritures, des éléments qui en réalité constituent un rappel des moyens développés dans le corps de la discussion.

– Quant à l’absence d’effet dévolutif de l’appel :

Au visa des articles 562 et 901 du Code de procédure civile, la SASU EOS FRANCE entend faire valoir que la déclaration d’appel de M. [Z] [L] ne mentionnant pas les chefs de jugement critiqués, est irrégulière et que n’ayant pas été régularisée dans le délai légal, elle n’a pas permis à l’effet dévolutif d’opérer, de sorte que la cour n’est saisie d’aucune demande.

M. [Z] [L] objecte que l’appel n’est pas irrégulier, que la déclaration d’appel précise bien le chef de jugement critiqué à savoir le caractère bien fondé du licenciement, lequel est indivisible en ce qu’il emporte le débouté de la demande formulée à ce titre.

Aux termes de l’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°’2017-891 du 6 mai 2017, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Ainsi, seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement. Il en résulte que lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas. La déclaration d’appel affectée de ce vice de forme peut être régularisée par une nouvelle déclaration d’appel, dans le délai imparti à l’appelant pour conclure au fond conformément à l’article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile.

Selon l’article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2022-245 du 25 février 2022, d’application immédiate, «’la déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57 et à peine de nullité :

1° La constitution de l’avocat de l’appelant ;

2° L’indication de la décision attaquée ;

3° L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible (‘.) ».

L’article 1er de l’arrêté du 25 février 2022 modifiant l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel, applicable aux instances en cours, a complété l’article 3 de l’arrêté du 20 mai 2020 désormais rédigé comme suit’:

« Le message de données relatif à l’envoi d’un acte de procédure remis par voie électronique est constitué d’un fichier au format XML destiné à faire l’objet d’un traitement automatisé par une application informatique du destinataire.

Lorsque ce fichier est une déclaration d’appel, il comprend obligatoirement les mentions des alinéas 1 à 4 de l’article 901 du code de procédure civile. En cas de contradiction, ces mentions prévalent sur celles mentionnées dans le document fichier au format PDF visé à l’article 4 ».

Cet article dans sa rédaction issue de l’arrêté du 25 février 2022, dispose que :

« Lorsqu’un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document.

Ce document est communiqué sous la forme d’un fichier séparé du fichier visé à l’article 3. Ce document est un fichier au format PDF, produit soit au moyen d’un dispositif de numérisation par scanner si le document à communiquer est établi sur support papier, soit par enregistrement direct au format PDF au moyen de l’outil informatique utilisé pour créer et conserver le document original sous forme numérique ».

Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu’une déclaration d’appel, acte de procédure saisissant la juridiction d’appel et fixant les limites de sa saisine, doit en application de l’article 901 du code de procédure civile et à peine de nullité comporter notamment les chefs du jugement critiqués ; lorsque la communication électronique est imposée, la déclaration d’appel prend la forme d’un fichier XML devant obligatoirement comprendre les mentions des alinéas 1à 4 de l’article 901 du code de procédure civile’; lorsqu’un fichier PDF contenant une annexe est joint à la déclaration d’appel, celle-ci doit renvoyer expressément à ce fichier’; si celui-ci peut désormais contenir les chefs du jugement critiqués indépendamment du nombre de caractères nécessaires, il ne saurait ni contredire les mentions ni régulariser un éventuel défaut de la déclaration d’appel.

En l’espèce, la déclaration d’appel du 14 novembre 2019 est ainsi formulée : ‘appel total du jugement du Conseil de Prud’hommes de Nantes, section activités diverses (départage section), rendu le 15 octobre 2019, RG N°F 18100374 qui a jugé que le licenciement de Monsieur [Z] [L] du 17 novembre 2017 était justifié

A savoir :

– Juger que le licenciement de Monsieur [Z] [L] du 17 novembre 2017 est sans cause réelle et sérieuse

– Condamner la SAS EOS à verser à Monsieur [Z] [L] les sommes suivantes :

‘ 31.454,00 € de dommages et intérêts pour absence de remise des documents de fin de contrat ;

‘ 2.500,00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Et ainsi que l’a relevé le Conseiller de la mise en état, cette déclaration d’appel n’a pas été rectifiée par une nouvelle déclaration d’appel dans le délai imparti à l’appelante pour conclure au fond conformément à l’article 910-4, alinéa 1 du code de procédure civile.

Cependant, la déclaration d’appel litigieuse mentionne que l’appel concerne le seul chef du jugement qui a jugé que son licenciement était justifié, duquel il est résulté que le salarié a été débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sorte que l’objet du litige est indivisible.

En conséquence et nonobstant les observations du Conseiller de la mise en état qui n’engage pas la cour, il appert que l’imperfection de la formulation de la déclaration d’appel qui de surcroît n’a pas été effectuée sous forme électronique comme émanant d’un défenseur syndical, n’a pas pour effet de priver l’appel formé par M. [Z] [L] d’effet dévolutif.

Sur le bien fondé du licenciement :

Pour infirmation et absence de cause réelle et sérieuse, M. [Z] [L] fait valoir que son licenciement relève de la sphère disciplinaire, qu’en conséquence, il y a lieu d’apprécier la prescription des faits invoqués, dont certains sur une longue période et de nombreux éléments factuels évoqués dans les conclusions sans être visés dans la lettre de licenciement.

Sur le fond, le salarié souligne que la procédure a été engagée en octobre, alors qu’il avait été mis en difficulté dans le cadre de ses fonctions de Téléopérateur de recouvrement de créances, qu’il s’est plaint de la dégradation de ses conditions de travail, a déposé une alerte concernant les pressions subies et la différence de traitement dans la distribution des dossiers, outre le fait qu’il se faisait éconduire quand il posait des questions.

En ce qui concerne les événements du mois d’octobre et l’échange avec Mme [A], il est avérée qu’elle s’est trouvée en difficulté pour lui répondre à des questions techniques, au point d’avoir besoin de l’aide de la supérieure, que si on peut lui reprocher d’avoir dit à la salariée qu’elle ne savait rien, il ne peut lui être imputé son départ prématuré le 16 octobre qui résulte du seul désaveu de sa supérieure.

La SASU EOS FRANCE rétorque que M. [Z] [L] a été licencié non pas pour faute mais pour un motif personnel dès lors que son attitude provoquait un trouble objectif dans l’entreprise, de sorte que le licenciement n’est pas disciplinaire, qu’à aucun moment il n’est évoqué la notion de faute dans la lettre de licenciement.

La SASU EOS FRANCE ajoute que M. [Z] [L] met une mauvaise ambiance sur le plateau, qu’il multiplie les incidents, qu’il y a toujours des remontées négatives sur son comportement caractérisant plusieurs griefs dont certains concomitants, qu’il a fait preuve à plusieurs reprises d’emportements avec sa N+1 et lors de l’entretien d’évaluation, que son mode de communication notamment à l’égard des femmes est ingérable, que sa N+2 indique qu’elle ne fait que gérer les difficultés qu’il induit, qu’il a accusé à tort une salariée de harcèlement.

Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

En application des dispositions de l’article L1332-4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut, à lui seul, donner lieu à l’engagement de poursuites disciplinaires au delà de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance ; lorsqu’un fait fautif a eu lieu plus de deux mois avant le déclenchement des poursuites disciplinaires, il appartient à l’employeur de rapporter lui-même la preuve qu’il n’en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l’engagement de la procédure disciplinaire ; mais l’existence de faits commis dans cette période permet l’examen de faits plus anciens relevant du même comportement, reproduits dans la période ;

Par ailleurs, une sanction déjà prononcée fait obstacle au prononcé d’une seconde sanction pour les mêmes faits ; la première peut être rappelée lors d’un licenciement ultérieur, pour conforter les griefs fondant celui-ci, mais ce rappel n’est possible que si elle n’est pas antérieure de plus de trois ans ;

Il résulte notamment de ces principes que seuls les faits dénoncés dans la lettre de licenciement doivent être pris en compte à condition qu’ils ne soient pas antérieurs de plus de deux mois à l’engagement de la procédure, exclusion faite de faits relevant éventuellement du même comportement s’ils n’ont pas été invoqués, exclusion faite plus encore de faits relevant d’un autre comportement, spécialement s’ils sont antérieurs de plus de deux mois

La lettre de licenciement du 17 novembre 2017 qui circonscrit les limites du litige et qui lie le juge, est ainsi rédigée :

[…]

En effet, les faits qui nous ont amenés à envisager votre licenciement sont les suivants :

Depuis près d’un an, nous sommes amenés à constater des remontées très négatives de la part de vos différents encadrants mais encore de certains collaborateurs car vous adoptez une attitude volontairement agressive, empreinte d’insubordination et de malveillance ce que nous ne pouvons plus tolérer. En effet, non seulement votre comportement nuit à la bonne marche du plateau de production du site de [Localité 5] car cela crée un climat délétère mais encore votre mode de communication conflictuelle atteint directement le moral de vos supérieurs hiérarchiques.

Le dernier incident que nous déplorons concerne votre Manager, Madame [D] [M] qui a été tellement affectée par votre comportement qu’elle n’a pas pu finir sa journée de travail le lundi 16 octobre 2017. Elle s’est même ouverte auprès d’un délégué du personnel se plaignant de vos agissements et de la souffrance au travail que cela engendrait quotidiennement pour elle, ayant les plus grandes difficultés à vous ‘manager’.

Ainsi, le vendredi 13 octobre 2017, alors que Madame [D] [M] constatait que le plateau de production était particulièrement dissipé, elle est intervenue auprès de l’équipe afin que tout le monde se remette au travail. Suite à cette remarque concernant l’ensemble de l’équipe, vous avez cru devoir provoquer une altercation verbale, en lui répondant de manière particulièrement insolente et surtout en l’humiliant devant tous les collaborateurs présents, lui déclarant haut et fort ‘tu sais rien de toute façon’. Madame [W] [U], Adjoint au Responsable de Production a été contrainte d’intervenir afin de vous calmer.

Précédemment, le 2l septembre 2017, elle n’avait pas pu répondre favorablement à votre demande de changer votre samedi travaillé et vous lui avez alors rétorqué de manière particulièrement insolente ‘je trouve ca débile’.

Ces incidents ne sont pas isolés et malheureusement, d’autres encadrants et collaborateurs ont eu à subir de votre part un comportement de même nature, irrespectueux, déplacé et agressif : Madame [X] [Y], Responsable Qualité; Madame [I] [P], Responsable de Production, Madame [H] [F], Adjoint au Responsable de Production, Monsieur [V] [E], Responsable de l’Exploitation, Madame [J] [G], Directeur des Opérations et du site de [Localité 5].

Cette dernière a d’ailleurs été la première en décembre 2016 à vous alerter sur les remontées négatives vous concernant afin que votre comportement puisse s’améliorer mais en vain… En retour, vous l’avez accusée de ‘harcèlement moral’ et alors que nous avons naturellement déclenché une enquête en présence du CHSCT, vous avez finalement retiré vos accusations particulièrement graves à son encontre.

En tout état de cause, notre enquête qui s’est achevée au mois d’avril 2017 ne révélait aucun acte de harcèlement pas plus qu’un traitement malveillant ou discriminatoire à votre encontre.

Alors que la société vous a alerté sur votre attitude, force est de constater que vous n’avez pas modifié votre comportement et aucune amélioration n’a été constatée bien au contraire.

Lors de votre bilan annuel le 31 mai 2017, vous avez tenu des propos irrespectueux et non professionnels à l’égard de vos encadrants, Madame [P] et Monsieur [E]. Vous avez été totalement fermé à toute discussion sur votre travail alors même qu’il s’agissait pourtant de l’objet de cet entretien. Pire encore, vous avez perdu votre sang froid, vous avez même hurlé sur Monsieur [E] et l’entretien a dû être écourté.

Alors même que vous faites preuve d’insolence envers votre hiérarchie vous tentez à chaque fois de prétendre à un ‘complot’ou encore à un inexistant ‘acharnement’ et ce, croyant dissimuler vos propres manquements.

Vous faites régulièrement preuve d’agressivité à l’égard de Madame [P], à noter une altercation que vous avez eue avec elle le 14 juin 2017 au cours de laquelle vous avez adopté un ton menaçant, qui faisait suite à des envois intempestifs et déplacés de courriels de votre part les 8 et 9 juin 2017. Il apparaît que cette dernière ne peut formuler à votre égard la moindre remarque d’ordre professionnelle sans subir en retour votre hostilité, ce qui n’est pas acceptable. Elle s’est régulièrement plainte de votre attitude particulièrement ‘toxique’ et ne parvient pas exercer sereinement ses missions tant vous faites preuve d’insubordination.

Nous pensions pointant que votre absence de près de 3 mois du 19 juin au 9 septembre 2017, vous aurait permis de revenir dans un meilleur état d’esprit au sein de notre société. Mais nous avons constaté dès votre retour que vous n’aviez pas l’intention de modifier votre attitude.

A votre retour, vous avez demandé à changer de place afin de vous installer auprès des collègues de votre équipe ce qui a été accepté. Depuis lors, vous adoptez dans votre travail une attitude particulièrement désinvolte: vous chantez, blaguez, chuchotez régulièrement avec vos collègues dans le but de les dissiper. Vous semblez en fait défier en permanence votre hiérarchie et par tous les moyens vos supérieurs.

Votre réaction. lors de l’entretien préalable avec [V] [E] ne nous a laissé aucun espoir sur une quelconque amélioration de la situation, au contraire… Vous avez nié la totalité des faits qui vous sont reprochés. Face aux exemples factuels cités par [V] [E] pour illustrer votre agressivité, votre attitude conflictuelle et d’insubordination, vous avez rétorqué que ce n’était que notre interprétation. Vous n’y voyez aucune attitude déplacée.

Vos explications données lors de l’entretien du 26 octobre dernier non seulement ne nous ont pas convaincus, mais nous confirment que vous ne souhaitez pas changer d’attitude.

Nous nous voyons donc dans l’obligation de vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse en raison de votre attitude intolérable et qui relève d’une insubordination manifeste et d’une agressivité que nous ne pouvons laisser perdurer compte tenu de la multiplication des incidents et ce, quelque soit l’encadrant qui tente de vous ‘manager’. Par ce comportement inadmissible, vous êtes à l’origine d’un climat de tension au sein de plateau de production qui nuit à l’activité de l’entreprise et impacte le moral de nos collaborateurs.

[…]

– Quant au motif du licenciement :

En droit, le licenciement pour motif personnel non disciplinaire recouvre trois situations précises : le licenciement pour absences répétées ou absence prolongée pour cause de maladie perturbant l’entreprise et nécessitant le remplacement du salarié, le licenciement pour insuffisance professionnelle et le licenciement pour trouble objectif caractérisé dans l’entreprise.

En revanche, le licenciement disciplinaire sanctionne un comportement fautif et la qualification de faute, qu’elle soit qualifiée de grave ou non par l’employeur, doit constituer un manquement du salarié à ses obligations professionnelles.

En l’espèce, les faits énoncés dans la lettre de licenciement, y compris ceux du 13 octobre 2017, ne peuvent correspondre au sens de la distinction ci-dessus rappelée, à un motif personnel caractérisé par un trouble objectif dans l’entreprise.

En effet, au delà des faits du 13 octobre 2017, il ressort de la lettre de licenciement qu’il est imputé au salarié qu’après avoir été informé en décembre 2016 des remontées négatives sur son comportement par sa supérieure hiérarchique, il l’a accusée de harcèlement, d’avoir lors de son bilan annuel le 31 mai 2017, tenu des propos irrespectueux et non professionnels à l’égard de ses encadrants, régulièrement fait preuve d’agressivité à l’égard de sa supérieure, notamment une altercation avec elle le 14 juin 2017 au cours de laquelle il a adopté un ton menaçant, faisant suite à des envois intempestifs et déplacés de courriels de sa part les 8 et 9 juin 2017, d’avoir rétorqué le 2l septembre 2017, à sa supérieure qui n’avait pas pu répondre favorablement à sa demande de changer son samedi travaillé, de manière particulièrement insolente “je trouve ca débile”, outre l’adoption dans son travail depuis son retour d’arrêt maladie d’une attitude particulièrement désinvolte: ‘vous chantez, blaguez, chuchotez régulièrement avec vos collègues dans le but de les dissiper’.

Nonobstant les effets du comportement de M. [Z] [L] sur le fonctionnement ou la sérénité du plateau au sein duquel il travaillait, il n’en demeure pas moins que les griefs imputés au salarié correspondent à comportements fautifs dans l’entreprise, les premiers juges ayant à juste titre retenu que le salarié se voyait reprocher la récurrence d’une ‘insubordination manifeste et d’une agressivité’ la circonstance que la lettre de licenciement n’évoque ni une faute ni a fortiori une faute grave étant dénuée de portée, le juge ayant l’obligation de qualifier juridiquement les faits qui lui sont soumis.

Le licenciement étant disciplinaire, le salarié peut invoquer la prescription des faits rappelés dans la lettre de licenciement.

En ce qui concerne les faits du 13 octobre 2017, l’examen comparatif des courriels de Mme [U] des 13 et 17 octobre 2017 concernant la justification et de la teneur de son intervention met en évidence, comme le souligne l’appelant, une singulière différence en ce que le courriel du 13 octobre 2017 rapporte de manière neutre et objective ces circonstances et le contenu de l’échange entre Mme [U] et M. [Z] [L], alors que le courriel du 17 octobre 2017 ajoute des informations plus subjectives concernant la justification de son intervention, en précisant en particulier ‘qu’elle est intervenue car le ton montait, que M. [Z] [L] était très agressif avec [D] et évoque la violence de l’échange, en indiquant que M. [Z] [L] a tenu des propos incorrects, inacceptables et remis en cause le travail de ‘[D]’, l’intéressée pouvant être discréditée aux yeux de l’équipe.

Mme [U] indique par ailleurs, qu’elle a demandé à M. [Z] [L] de venir dans son bureau, alors qu’il demandait à rester sur le plateau.

La distorsion entre ces deux courriels, associée au fait qu’il est reproché au salarié d’avoir rétorqué à Mme [M] ‘tu ne sais rien de toute façon’ alors que Mme [U] évoque dans son courriel du 17 un échange sur les ‘déballes’, non autrement évoqué que dans un courriel de Mme [P] du 16 octobre 2017 imputant en partie la complication du climat social sur le plateau de production du site de [Localité 5] au retour de M. [Z] [L] et à l’absence de changement de son état d’esprit, en soulignant que ‘la situation devient angoissante et m’impacte fortement, que ce soit durant mon temps de travail et en dehors de mon temps de travail. La situation, vous l’aurez compris, n’est pas tenable’, ne permet pas d’accorder au deuxième courriel dramatisant le récit de l’altercation, une valeur probante suffisante.

Cependant, il résulte des courriels de Mme [B] du 18 octobre 2017, relatant les circonstances de l’altercation entre M. [Z] [L] et Mme [M] à la suite de l’intervention de cette dernière demandant aux salariés du plateau d’être moins dissipés, que les propos tenus par M. [Z] [L] à son égard étaient empreints d’agressivité et étaient de nature à remettre en cause ses compétences en présence de l’ensemble des salariés du plateau, la tentative alléguée de la rabaisser relevant effectivement d’une interprétation subjective de Mme [B].

Les développements qui précèdent ne permettent toutefois pas de retenir le grief tel que formulé dans la lettre de licenciement. En effet, il ne peut être soutenu que ‘Suite à cette remarque concernant l’ensemble de l’équipe, vous avez cru devoir provoquer une altercation verbale, en lui répondant de manière particulièrement insolente et surtout en l’humiliant devant tous les collaborateurs présents, lui déclarant haut et fort “tu sais rien de toute façon”.’ ni même que ‘Madame [W] [U], Adjoint au Responsable de Production a été contrainte d’intervenir afin de vous calmer.’ dès lors qu’il est établi qu’à la suite de l’intervention de Mme [M], M. [Z] [L] l’a interrogée sur une question d’ordre technique concernant un taux de recouvrement et que c’est en réaction à son incapacité à lui apporter une réponse qu’il lui a dit que ‘tu ne sais rien de toute façon’ et que Mme [U] a invité M. [Z] [L] qui était resté assis à son poste de travail à le suivre dans son bureau pour lui communiquer cette information et non pas parce que le ton montait.

Il n’en demeure pas moins que le comportement de M. [Z] [L] à l’encontre de Mme [M] revêt un caractère fautif, que le grief est établi à ce titre et que par conséquent, l’employeur est fondé à lui opposer les faits de même nature, antérieurs à plus de deux mois.

Ainsi, l’employeur est fondé à invoquer :

– la tenue des propos irrespectueux et non professionnels à l’égard de ses encadrants lors de son bilan annuel le 31 mai 2017,

– une altercation avec sa supérieure le 14 juin 2017 au cours de laquelle il aurait adopté un ton menaçant,

– le fait d’avoir rétorqué le 2l septembre 2017, de manière particulièrement insolente “je trouve ça débile”,

mais pas le fait d’avoir adopté dans son travail depuis son retour d’arrêt maladie une attitude particulièrement désinvolte ou d’avoir mis en cause de sa supérieure hiérarchique, accusée de harcèlement et de discrimination, étant relevé que lors de l’enquête, M. [Z] [L] a retiré immédiatement cette accusation et qu’il ne résulte pas des éléments produits que l’enquête ait véritablement porté sur la discrimination telle qu’évoquée par le salarié qui invoque plus une différence de traitement dans la répartition des dossiers qui lui sont attribués.

En ce qui concerne les propos irrespectueux et non professionnels tenus à l’égard de ses encadrants lors de son bilan annuel le 31 mai 2017, la pièce 22 produite par l’employeur mentionne en page de garde d’une part le ressenti de ses supérieurs (M. [V] [E] et [I] [P]) soulignant la qualité de ses résultats individuels, les accusations de harcèlement moral et l’expression par l’intéressé de ses points de vue, avec une mise en garde sur la limite à ne pas dépasser mais également le ressenti du salarié sur la période, dans les termes suivants : ‘une année monstrueuse à titre personnel et professionnel – un cauchemar vécu- A tenté de nous alerté- l’entreprise a nié ce malaise et a inversé les rôles- Malgré cela, j’ai tenu le cap avec d’excellents résultats- j’estime que la relation a été entachée par des agressions subies- je maintiens un traitement de discrimination et de traitement anormal à mon égard’

Page 3 du bilan, le salarié au titre de sa vision sur la productivité et R/O pour le mois de juin 2016 : ‘mois qui s’explique par les annulations car un bon nombre de NP (14 NP) avec une semaine de présence’ et face à la référence à son R/O de 129,7% (pour une moyenne des seniors à 102%) assortie du commentaire ‘de très belles performances ! Je te félicite’, indique ‘Belles performances vue l’année que j’ai subie moralement,’ et page 4 sur les taux de transformation soulignant une progression de près de 9 points, indique ‘pas d’intérêts de rentrer dans le détail des indicateurs’.

Page 6 du bilan, face aux remarques concernant le taux d’annulation qualifié de trop haut par sa hiérarchie, M. [Z] [L] indique ‘il serait intéressant de connaître la part de dossiers remis en paiement.’

A la dernière page face à la rubrique concernant les axes d’amélioration soulignant sa difficulté à contenir son mécontentement sur certains dossiers, à rapidement se laisser piéger dans la surenchère avec son interlocuteur, dans le cadre de laquelle sa hiérarchie lui rappelle qu’il a été alerté et reçu à plusieurs reprises suite à ses débordements, qu’en réponse à ses explications concernant les contextes difficiles induisant des dépassements de limites, il lui est demandé d’anticiper pour ne pas se mettre en danger et ne pas mettre en danger l’entreprise, que son agressivité avec les clients débiteurs n’est pas acceptable, qu’il s’agit d’un sujet sur lequel il a été alerté et qui perdure, M. [Z] [L] répond ‘ je prends en compte les remarques faites sur les dossiers à risque depuis l’entretien avec [X] [Y] – Pour le dossier 5988219 : pas de menace, constat partagé par GILE qui met en avant les jugements de valeur que je n’interprète pas comme tels’

Sous le cadre de l’entretien, il est noté ‘Nous convenons de stopper le point à ce stade – Nous le reprendrons en septembre dans un climat apaisé’.

Au regard des propos de M. [Z] [L] tels que rapportés dans ce compte rendu d’entretien signé des deux encadrants qui l’ont conduit et de M. [Z] [L] et par conséquent contradictoire, il n’est constaté par la cour dans ce compte rendu, aucun propos irrespectueux et non professionnels tenus à l’égard de ses encadrants et ce, nonobstant la référence au résultat de l’enquête concernant les accusations de harcèlement évoquées en début d’entretien et à l’égard de laquelle sa hiérarchie indique ne pas avoir à revenir dessus en particulier.

Il sera relevé que le complément de bilan adressé le 1er juin 2017 (deux mois après l’entretien) par Mme [P] à M. [V] [E], souligne qu’au cours de l’entretien ‘[Z] a été très agressif’ qu’il a fait preuve d’un manque de respect à l’égard ‘d'[V] et de moi-même’ et rappelle des éléments de contexte ne figurant pas dans le compte rendu, en particulier ceux en rapport avec le sentiment de l’intéressé de faire l’objet d’un traitement particulier et partant de sa difficulté ou de son refus de s’inscrire dans la démarche d’évaluation, revenant systématiquement sur les facteurs de sa souffrance au travail et de son absence de prise en compte par l’employeur.

Par courriel du 9 juin 2017, M. [V] [E] confirme l’agressivité de M. [Z] [L] et sa fermeture à l’échange mais rajoute des éléments non rapportés ni par le bilan contradictoire ni par le courriel de Mme [P], en indiquant que le salarié lui aurait dit ‘avec ce courrier, tu m’as craché à la gueule’, ‘Vous vous êtes ligués contre moi’, ‘Vous avez comploté contre moi’.

M. [E] confirme certes que M. [Z] [L] est monté dans les tours mais en précisant qu’il est allé jusqu’à lui hurler dessus, ce qui ne ressort pas du courriel de Mme [P] et qu’il a fallu qu’il le menace de quitter l’entretien pour qu’il se calme, alors qu’il précise plus avant qu’il a été convenu que les conditions n’étaient pas réunies pour le bon déroulement de ce point, qu’il conviendrait de se revoir en septembre.

Or, il ressort effectivement des observations finales de M. [E] que les conditions n’étaient pas réunies pour le bon déroulement de ce point, l’organisation d’un tel entretien mené par une formation atypique composée par deux membres élevés de sa hiérarchie dans le contexte particulier faisant suite à l’enquête concernant les accusations de harcèlement et de discrimination, sans permettre à M. [Z] [L] de s’exprimer sur son mal-être, ne pouvait qu’aggraver le ressenti de l’intéressé.

Outre le fait que les propos rapportés par M. [E] ci-dessus rappelés n’ont pas été consignés contradictoirement, il ne peut être soutenu qu’ils caractérisent en soi des propos irrespectueux et non professionnels tenus à l’égard de ses encadrants mais tout au plus un mode d’expression inapproprié dans le cadre d’un entretien d’évaluation, sans pour autant revêtir un caractère fautif, a fortiori dans les circonstances rapportées.

Sur le grief relatif à l’altercation avec sa supérieure le 14 juin 2017 au cours de laquelle il aurait adopté un ton menaçant, concernant deux courriels des 8 et 9 juin 2017, il doit être relevé que les deux courriels concernés ont été adressés par M. [Z] [L] à Mme [P] pour lui rapporter les propos tenus sur le plateau par des gestionnaires qu’il considérait constitutifs de jugements de valeur.

Cependant, s’il ressort du courriel de Mme [P] qui avait pris l’initiative de recevoir M. [Z] [L] pour lui indiquer que le contenu de ces courriels était inappropriés tant sur le fond que sur la forme, que le sujet avait déjà été évoqué lors du point et qu’il n’y avait pas lieu d’y revenir alors que le salarié estimait avoir fait l’objet d’une remarque à ce titre dans le cadre de son évaluation, il appert que l’intéressé a indiqué à Mme [P] qu’il souhaitait qu’elle le regarde dans les yeux quand elle lui dirait qu’il ne s’agissait pas de jugement de valeur, ce à quoi Mme [P] lui a indiqué qu’elle se sentait agressée, qu’il s’agissait d’un manque de respect.

Un tel échange quand bien même il témoigne effectivement d’une perte de considération du salarié à l’égard de sa hiérarchie, n’en constitue pas pour autant une altercation telle que rapportée dans la lettre de licenciement et ne peut revêtir un caractère fautif, nonobstant le ressenti de Mme [P] à ce titre, étant observé que la phrase attribuée à M. [Z] [L] était une réaction à la réponse de Mme [P] selon laquelle il n’avait qu’à le faire, à l’affirmation selon laquelle il lui adresserait un mail global à ce titre.

Le grief formulé à ce titre ne peut par conséquent être imputé à faute à M. [Z] [L].

En ce qui concerne le fait d’avoir rétorqué le 2l septembre 2017, de manière particulièrement insolente “je trouve ça débile’ à Mme [M] qui lui aurait refusé un changement de samedi au motif qu’il ne resterait pas suffisamment d’encadrants sur le plateau, M. [Z] [L] conteste avoir tenu de tels propos, indiquant avoir seulement fait part de son étonnement et de son incompréhension dans la mesure où il avait déjà constaté la présence d’un seul encadrant.

Il doit être observé que si l’employeur rappelle dans ces écritures des rappels à l’ordre ou des sanctions antérieures de plus de trois ans et des faits non visés dans la lettre de licenciement pour caractériser le comportement de M. [Z] [L], il ne développe aucun élément concernant le propos du 21 septembre 2017 qu’il lui attribue, de sorte que ce grief ne peut être retenu à l’égard du salarié.

Pour le surplus, au titre des autres faits rapportés de manière globale concernant d’autres encadrants et collaborateurs qui auraient eu à subir de sa part un comportement de même nature, irrespectueux, déplacé et agressif sans qu’ils soient détaillés ou datés dans la lettre de licenciement, en particulier celui concernant Mme [H] [F], Adjoint au Responsable de Production qui s’est manifestement sentie blessée par le courriel reçu de la part de M. [Z] [L] auquel elle venait d’annoncer qu’il serait reçu après la pause méridienne pour écouter un échange téléphonique entre lui et un client, il ressort également de ce courriel que les circonstances dans lesquelles lui a été communiquée cette information par Mme [F] sans lui communiquer le numéro de dossier concerné l’a placé dans une situation de panique.

Si cette réaction de M. [Z] [L] témoigne d’une susceptibilité exacerbée et de nature à affecter son interlocutrice qui avait pris la peine de venir le prévenir en partant déjeuner, il n’en demeure pas moins que pour étonnant que soit son mode de communication avec cette collègue, son contenu ne peut être qualifié d’agressif et ce, nonobstant le rappel des valeurs ayant cours au sein de la société.

Enfin, les développements de l’employeur concernant le mal être de Mme [K] qu’elle impute à l’esprit négatif de M. [Z] [L] dans le cadre de son entretien d’évaluation le 30 novembre 2017, au point d’établir un lien entre cette proximité et son arrêt de travail, il doit être relevé que la salariée a été placée en arrêt de travail le 9 octobre 2017, que M. [Z] [L] avait été en arrêt de travail du 17 juin au 11 septembre 2017 et qu’il résulte des écritures de l’employeur qu’à son retour, il a été fait droit à sa demande de changement de place, d’ailleurs figurée de la place 26 à la place 77 sur le plan produit au débat par la SASU EOS FRANCE, étant relevé qu’il lui est d’ailleurs reproché de plutôt dissiper son entourage professionnel depuis son retour.

Même en retenant le grief concernant son attitude particulièrement désinvolte caractérisée par le fait de chanter, blaguer, chuchoter régulièrement avec ses collègues et celui tenant au comportement adopté par M. [Z] [L] à l’encontre de Mme [M], il doit être considéré au regard de l’ancienneté du salarié, de ses qualités professionnelles reconnues et du mal être résultant de ses conditions de travail, dont il alertait sa hiérarchie dès 2016, que le licenciement intervenu dans ces conditions est manifestement disproportionné, l’employeur disposant d’une échelle de sanctions qui auraient du lui permettre de sanctionner plus tôt et de manière plus adaptée le salarié.

Il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que le licenciement de M. [Z] [L] intervenu dans ces conditions est dénué de cause réelle et sérieuse, le jugement entrepris étant infirmé de ce chef.

Sur les conséquences de la rupture :

– Quant à la conventionnalité de l’article L.1235-3 du Code du travail :

Au visa des dispositions conventionnelles et d’un certain nombre de décisions de conseils de prud’hommes, M. [Z] [L] invoque la non conventionnalité des plafonds d’indemnisation institués par l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 sans pour autant reprendre cette demande dans le dispositif de ses écritures, sa demande d’indemnisation étant de surcroît fixée au maximum dudit barème.

En outre, en droit français, si le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise. Lorsque la réintégration est refusée par l’une ou l’autre des parties, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur dans les limites de montants minimaux et maximaux. Le barème prévu par l’article L. 1235-3 du Code du travail est écarté en cas de nullité du licenciement, par application des dispositions de l’article L.1235-3-1 du même code. Il s’en déduit que les dispositions de l’article L. 1235-3 du Code du travail, qui fixent un barème applicable à la détermination par le juge du montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT.

– Quant aux conséquences indemnitaires :

M. [Z] [L] entend faire valoir que pour évaluer son préjudice, la cour doit prendre en compte l’attitude déloyale de son employeur et de la dégradation de son état de santé en lien avec ses conditions de travail, qu’il a été en arrêt pendant dix jours en 2016 pour syndrome anxiodépressif puis du 19 juin au 19 septembre 2017, que l’employeur a laissé ses courriels sans réponse, que le processus de déstabilisation s’est accentué quand la société va apprendre sa volonté de figurer sur les listes des candidats aux élections de décembre 2018, qu’il était candidat à la nomination en tant que Conseiller du salarié avant le 31 octobre 2017, que ses contacts avec le délégué syndical soient considérés comme suspects.

M. [Z] [L] ajoute qu’il a été demandeur d’emploi pendant un an et que divorcé, il a une pension alimentaire à verser, qu’après une embauche en contrat à durée déterminée le 1er avril 2019, il a été embauché en contrat à durée indéterminée en septembre 2019.

La SASU EOS FRANCE soutient que M. [Z] [L] réclame le maximum du barème applicable, sans toutefois invoquer la moindre justification de son préjudice mis à part une inscription à Pôle emploi, qu’il a retrouvé du travail mais ne produit rien à ce titre et aucun élément sur le plan médical, sachant qu’il a quitté l’entreprise avec 14.000 € à titre d’indemnité de licenciement

Compte tenu de l’effectif du personnel de l’entreprise, de la perte d’une ancienneté de 15 ans pour un salarié âgé de plus de 42 ans ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à son égard, ainsi que cela résulte des pièces produites et des débats qui démontrent que l’intéressé a retrouvé un travail dès avril 2019, en qualité de chargé de recouvrement pour une rémunération mensuel de 2.600 €, il lui sera alloué, en application de l’article L. 1235-3 du Code du travail, L. 1235-5 du Code du travail dans sa rédaction postérieure à l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 une somme de 28.000 € net à titre de dommages-intérêts, étant relevé que les arguments qu’il développe pour caractériser son préjudice concernent l’exécution déloyale du contrat de travail au titre de laquelle il ne formule aucune demande et ne concernent pas les conséquences de la rupture ;

Sur la capitalisation des intérêts :

En application de l’article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu’elle est régulièrement demandée ; il doit être fait droit à cette demande’;

Sur le remboursement ASSEDIC

En application de l’article L.1235-4 du Code du travail, dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées

Les conditions d’application de l’article L 1235-4 du Code du travail étant réunies en l’espèce, le remboursement des indemnités de chômage par l’employeur fautif, est de droit ; ce remboursement sera ordonné tel qu’il est dit au dispositif ;

Sur l’article 700 du Code de procédure civile

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la société appelante qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser le salarié intimé des frais irrépétibles qu’il a pu exposer pour assurer leur défense en cause d’appel.

* * *

*

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

JUGE que la déclaration d’appel du 14 novembre 2019 de M. [Z] [L] n’a pas privé son appel de son effet dévolutif,

INFIRME le jugement entrepris,

et statuant à nouveau,

CONDAMNE la SASU EOS FRANCE à verser à M. [Z] [L] la somme de 28.000 € net à titre de dommages et intérêts,

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes, à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts,

CONDAMNE la SASU EOS FRANCE à payer à M. [Z] [L] 2.500 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

DÉBOUTE la SASU EOS FRANCE de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,

ORDONNE le remboursement par la SASU EOS FRANCE à l’organisme social concerné des indemnités de chômage payées à M. [Z] [L] dans les limites de quatre mois en application de l’article L 1235-4 du code du travail.

CONDAMNE la SASU EOS FRANCE aux entiers dépens de première instance et d’appel,

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.

 


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