Tentative de conciliation ou de médiation : 28 septembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/18611

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Tentative de conciliation ou de médiation : 28 septembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/18611
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COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 16

N° RG 21/18611 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CERSX

Nature de l’acte de saisine : Autres saisines de la juridiction à la diligence des parties

Date de l’acte de saisine : 22 Octobre 2021

Date de saisine : 27 Octobre 2021

Nature de l’affaire : Demande en exécution d’un accord de conciliation, d’un accord sur une recommandation de médiateur, d’une sentence arbitrale, ou tendant à sanctionner leur inexécution

Décision attaquée : n° CCI 24931 rendue par le Tribunal arbitral de PARIS 17 le 16 Septembre 2021

Dans l’affaire RG 21/18611 opposant :

– Monsieur [F] [N] [B],

– Monsieur [W] [N] [X],

représentés par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : C2477 – N° du dossier 2167292 et assistés par Me Fanny ROCABOY, de la SELARL ALDEBARAN, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : Z11

Demandeurs à l’incident et au recours

à

Société CHINA COMMUNICATIONS CONSTRUCTION COMPANY LTD agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal ou statutaire domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018 – N° du dossier 41624 et assistée de Me Christophe VON KRAUSE, du cabinet WHITE & CASE LLP, avocat laidant du barreau de PARIS, toque : J 002

Défenderesse à l’incident et au recours

En présence de :

– Monsieur [L], [O] [P], non constitué

– Monsieur [E], [A] [S], non constitué

– Monsieur [G], [H] [U], non constitué

– Société CHINA COMMUNICATION COMPANY ALGERIE (‘ CCCC ALGERIE  ) Société par action de droit algérien, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège, non constituée

Défendeurs au recours

Daniel BARLOW, magistrat en charge de la mise en état,

Assisté de Najma EL FARISSI, greffière,

rend la présente :

ORDONNANCE SUR INCIDENT

DEVANT LE MAGISTRAT CHARGÉ DE LA MISE EN ÉTAT

(non numérotée , 5 pages)

I/ Faits et procédure

1. La cour est saisie d’un recours en annulation contre une sentence partielle sur la compétence et les exceptions de procédure rendue à [Localité 1], le 16 Septembre 2021, sous l’égide de la Chambre de commerce internationale, dans une affaire n° 24931/DDA/AZO opposant la société de droit chinois China Communications Construction Compagny Ltd (ci-après : « CCCC Ltd ») à MM. [F] [N], [W] [N], [L] [O], [E] [A] et [G] [H], tous ressortissants de nationalité algérienne (ci-après : « les actionnaires algériens »).

2. Le différend à l’origine de cette sentence porte sur l’exécution d’un pacte d’actionnaires signé à Pékin le 24 février 2012 par les actionnaires présents ou représentés de la société CCCC Algérie, constituée par CCCC Ldt avec MM. [F] [N], [L] [O] et [E] [A] afin de permettre d’exercer ses activités en Algérie.

3. Ce pacte a pour objet de « définir les modalités de fonctionnement de la société et les droits et obligations de chacun des Actionnaires dans le cadre de leur participation au capital de la société ». Il est régi par le droit algérien et comporte, sous son article 16.2, une clause compromissoire ainsi rédigée :

« Tout différend qui naîtra de l’interprétation, de l’exécution, ou des suites, ou conséquences, du Pacte sera réglé de manière amiable entre les Actionnaires, selon les principes de bonne foi et de recherche d’efficacité du Pacte. Tout litige qui ne pourra être ainsi solutionné sera soumis à la Cour International d’Arbitrage de Paris. »

4. MM. [W] [N] et [G] [H] sont entrés dans le capital de la société CCCC Algérie en 2013.

5. Un différend est né entre les actionnaires algériens et les actionnaires chinois de CCCC Algérie au sujet du respect par CCCC Ltd de l’obligation, stipulée par le pacte, selon laquelle « tous les appels d’offre auxquels [CCCC Ltd] souhaiterait répondre en Algérie doivent être soumissionnés par CCCC Algérie ».

6. Les tentatives de résolution amiable ayant échoué, les actionnaires algériens ont engagé une procédure devant les juridictions algériennes contre CCCC Ltd et certaines de ses filiales.

7. CCCC Ltd a soulevé l’incompétence du juge algérien en se prévalant de la clause compromissoire insérée dans le pacte d’associés.

8. Par jugement avant dire droit du 8 juillet 2019, le tribunal de Bir Mourad Rais s’est déclaré compétent et a désigné un expert afin d’évaluer les préjudices allégués. Il a notamment considéré que la clause d’arbitrage était nulle au regard du droit algérien. Cette décision sera confirmée par un jugement du même tribunal du 15 mars 2021.

9. CCCC Ltd a engagé une procédure d’arbitrage sur le fondement de la clause insérée dans la pacte d’associés, le 29 novembre 2019.

10. Les actionnaires algériens ont soulevé l’incompétence du tribunal arbitral.

11. Par sentence du 16 septembre 2021, ce dernier a statué en ces termes :

« – Dit et juge n’y avoir lieu à se prononcer, à ce stade de la procédure, sur l’intérêt à agir de la société CHINA COMMUNICATIONS CONSTRUCTION COMPANY LTD ;

– Dit et juge que, par l’article 16.2 du Pacte d’associés du 24 février 2012, la société CHINA COMMUNICATIONS CONSTRUCTION COMPANY LTD. ainsi que MM. [F] [N] [B], [W] [N] [X] et [G] [H] [U] sont convenus de soumettre les différends relatifs audit Pacte d’associés à l’arbitrage de la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale ;

– Dit et juge que la clause d’arbitrage du Pacte d’associés est valide et applicable au présent litige ;

– Dit et juge que le Tribunal arbitral est compétence pour trancher le différent qui oppose la Demanderesse et les Défendeurs ;

– Dit et juge n’y avoir lieu à surseoir à statuer ;

– Ordonne à MM. [F] [N] [B], [L] [O] [P], [E] [A] [S], [W] [N] [X] et [G] [H] [U] de prendre les mesures nécessaires afin de se désister de l’action et de l’instance pendantes devant les juridictions algériennes et plus généralement de cesser à l’encontre de la société CHINA COMMUNICATIONS CONSTRUCTION COMPANY LTD. toutes actions judiciaires en Algérie en lien avec le Pacte d’associés du 24 février 2012 ;

– Dit et juge que MM. [F] [N] [B], [L] [O] [P], [E] [A] [S], [W] [N] [X] et [G] [H] [U] devront payer conjointement et solidairement à la société CHINA COMMUNICATIONS CONSTRUCTION COMPANY LTD. La somme de 965 344, 77 USD au titre des frais exposés pour sa défense relative à la phase sur la compétence et les exceptions de procédure, augmentée des intérêts au taux légal français (taux simple), à l’issue d’une période de 30 jours à compter de la notification de la présente Sentence jusqu’au complet paiement ;

– Dit que les autres frais et coûts sont réservés ;

– Rejette toutes autres demandes des parties en lien avec la présente Sentence partielle ;

– Ordonne l’exécution provisoire de ladite Sentence partielle. »

12. MM. [F] [N] et [W] [N] ont formé un recours en annulation contre cette sentence devant la cour de céans le 22 octobre 2021.

13. Par jugement du 30 mai 2022, le tribunal de Bir Mourad Rais a confirmé les différents jugements avant dire droit du 8 juillet 2019 et 15 mars 2021, et condamné CCCC Ltd et ses filiales algériennes au paiement, au bénéfice des actionnaires algériens, d’une somme de 9,6 milliards de dinars algériens.

14. Par un arrêt du 1er février 2023, la cour d’appel d’Alger a infirmé ce jugement en considérant que les juridictions algériennes avaient été saisies par les actionnaires algériens en violation de la clause compromissoire stipulée par le pacte d’associés.

15. Cette décision a fait l’objet d’un pourvoi en cassation et d’un recours en rétractation, respectivement introduits par M. [W] [N] et [F] [N]. Ces procédures sont actuellement pendantes devant les juridictions algériennes.

16. En 2021 et 2022, M. [F] [N] a introduit des plaintes pénales devant les juridictions françaises pour faux et tentative d’escroquerie au jugement. Il a déposé une plainte devant le procureur de la République près le tribunal de Bir Mourad Rais le 30 janvier 2023 pour faux en écriture privée et usage de faux.

17. Le 26 juin 2023, MM. [W] [N] et [F] [N] ont saisi le magistrat chargé de la mise en état d’une demande de sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure pénale conduite en Algérie et du recours en rétractation précité.

18. Les parties ont été entendues lors de l’audience d’incident du 14 septembre 2023.

II/ Prétentions des parties

19. Aux termes de leurs conclusions d’incident, notifiées par voie électronique le 26 juin 2023, MM. [F] [N] et [W] [N] demandent au magistrat chargé de la mise en état, au visa des articles 377 et suivants et de l’article 1520 du code de procédure civile, de bien vouloir :

– Surseoir à statuer dans l’attente d’une décision définitive rendue dans le cadre de la procédure pénale en cours en Algérie initiée à la suite du dépôt de plainte pour faux et usage de faux de Monsieur [F] [N] le 30 janvier 2021 et visant la société CCCC Ltd ainsi que Messieurs [L] [O] et [E] [A] ;

– Surseoir à statuer dans l’attente d’une décision irrévocable dans le cadre des deux procédures en cours à l’encontre de l’arrêt rendu le 1er février 2023 par la Cour d’appel d’Alger, dont la rétractation initiée le 18 juin 2023 par Monsieur [F] [N].

– Réserver l’article 700 du code de procédure civile ;

– Réserver les dépens de l’instance.

20. Aux termes de leurs conclusions en réponse sur l’incident, notifiées par voie électronique le 4 septembre 2023, la société CCCC Ltd demande au conseiller de la mise en état de bien vouloir :

– Débouter MM. [F] [N] et [W] [N] de leur demande de sursis à statuer ;

– Condamner MM. [F] [N] et [W] [N] à CCCC Ltd la somme de 20 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; et

– Condamner MM. [F] [N] et [W] [N] aux entiers dépens.

III/ Moyens des parties

21. MM. [F] [N] et [W] [N] font valoir, au soutien de leur demande de sursis à statuer, que :

– la procédure pénale conduite en Algérie est susceptible d’avoir une incidence sur le présent recours en annulation dès lors qu’elle a notamment pour objet de démontrer que le procès verbal du 21 février 2012, qu’invoque CCCC Ltd pour justifier du consentement à l’arbitrage de M. [F], est un faux ;

– les investigations récentes de la police judiciaire algérienne synthétisées dans le rapport du 25 mai 2023 ont convaincu procureur de la République de Bir Mourad Rais de requérir l’ouverture d’une information judiciaire ;

– ce rapport de synthèse démontre que M. [F] [N] n’a jamais consenti au pacte prétendument signé à Pékin le 24 février 2012 et que le procès-verbal du 21 février 2012 censé matérialiser son consentement est un faux ;

– il est nécessaire d’attendre l’issue du recours en rétractation de l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Alger le 1er février 2023, cette cour ayant fondé sa décision sur les éléments visés par la procédure pénale et notamment sur le postulat selon lequel M. [F] [N] aurait été valablement signé le pacte d’associés du 24 février 2012 de sorte qu’il serait tenu par la clause compromissoire qu’il stipule.

22. La société CCCC Ltd réplique que :

– l’issue de la procédure pénale n’est pas susceptible d’exercer une influence sur la décision qui sera rendue par la cour de céans dès lors que le procès-verbal du 21 février 2012 a été écarté des débats par le tribunal arbitral, son authenticité étant sans incidence sur l’issue du présent recours en annulation ;

– M. [F] [N] ne conteste pas dans sa plainte pénale l’authenticité du pacte dont il s’est constamment prévalu ;

– l’issue du recours en rétractation est sans incidence sur la décision qui sera rendue par la cour, le maintien de l’arrêt n’étant pertinent ni pour apprécier la compétence du tribunal arbitral, ni pour juger de la conformité de la sentence à l’ordre public international ;

– la demande de sursis à statuer est dilatoire et vise exclusivement à entraver l’exécution de la sentence partielle.

IV/ Motifs de la décision

23. En vertu des articles 377 et suivants du code de procédure civile, la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine. Elle ne dessaisit pas le juge. L’instance se poursuit à l’expiration du sursis, à l’initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d’ordonner, s’il y a lieu, un nouveau sursis.

24. Hors le cas où cette mesure est prévue par la loi, le juge apprécie de manière discrétionnaire l’opportunité du sursis à statuer, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.

25. Selon le troisième alinéa de l’article 4 du code de procédure pénale, la mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.

26. En l’espèce, la procédure pénale invoquée par les appelants au soutien de leur demande de sursis trouve son origine dans une plainte pour faux et usage de faux relative à un procès-verbal du conseil d’administration de la société CCCC Algérie du 21 février 2012.

27. Or, l’examen de la sentence querellée fait apparaître (par. 91) que le tribunal arbitral ne s’est pas fondé sur ce document pour apprécier sa compétence ratione personae.

28. La bonne administration de la justice ne saurait dès lors commander qu’il soit sursi à statuer de ce chef.

29. L’existence d’un recours en rétractation contre l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Alger du 1er février 2023 ne peut d’avantage justifier le sursis. La sentence arbitrale internationale, qui n’est rattachée à aucun ordre juridique étatique, constitue en effet une décision de justice internationale dont la régularité est examinée au regard des règles applicables dans le pays où sa reconnaissance et son exécution sont demandées. Les décisions des juridictions algériennes, dont aucune n’est revêtue de l’exequatur en France, sont dès lors sans incidence sur le recours dont la cour est saisie dans la présente instance.

30. Il y a lieu, dans ces conditions, de rejeter la demande de sursis à statuer.

31. MM. [F] [N] et [W] [N], qui succombent en leurs prétentions, seront condamnés à payer à la société CCCC Ltd la somme de 8 000,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

32. Ils supporteront la charge des dépens liés au présent incident de procédure.

V/ Dispositif

Par ces motifs, le magistrat chargé de la mise en état :

1) Rejette la demande de sursis à statuer ;

2) Condamne in solidum MM. [F] [N] et [W] [N] à payer à la société CCCC Ltd la somme de huit mille euros (8 000,00 €) en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

3) Condamne in solidum MM. [F] [N] et [W] [N] aux dépens de l’incident.

Ordonnance rendue par Daniel BARLOW, magistrat en charge de la mise en état assisté de Najma EL FARISSI, greffière présente lors du prononcé de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Paris, le 28 Septembre 2023

La greffière, Le magistrat en charge de la mise en état,

Copie au dossier

Copie aux avocats

 


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