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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 5
ARRET DU 19 OCTOBRE 2023
(n° 2023/ , 17 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/04842 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDYVW
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Février 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n°
APPELANTE
S.A.S. PROGRAMMATION ANALYSE CONSEIL ‘PAC’
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B 753, ayant pour avocat plaidant Me Philippe MOUGEOTTE, avocat au barreau de LA ROCHELLE
INTIME
Monsieur [C] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, ayant pour avocat plaidant Me Thomas VERDET, avocat au barreau du VAL D’OISE, toque : 111
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 22 juin 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre, Présidente de formation,
Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,
Madame Séverine MOUSSY, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame BRUNET, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier : Madame Philippine QUIL, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente et par Madame Joanna FABBY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [C] [Z] a été engagé par la société Programmation Analyse Conseil (ci-après la société) par un contrat de travail à durée indéterminée du 1er juillet 1997 en qualité d’analyste programmeur, la durée du travail étant fixée à 39 heures. Il occupait en dernier lieu les fonctions de directeur technique, statut cadre.
La société a pour activité la vente de prestations de services informatiques à des sociétés situées en France et en Europe ce qui a conduit M. [Z] à effectuer des déplacements auprès des clients.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du personnel des bureaux d’études techniques des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 17 décembre 1987 dite SYNTEC.
La société occupe à titre habituel moins de onze salariés.
M. [Z] a été placé en arrêt de travail du 15 au 26 décembre 2017, puis de façon continue depuis le 6 janvier 2018. Le 6 octobre 2020, son classement en invalidité de catégorie 2 lui a été notifié.
Par mail du 18 février 2018, M. [Z] a indiqué à son employeur souffrir d’un burn out et lui a demandé des informations portant sur ses bulletins de paie concernant l’absence de coefficient d’emploi, le taux des heures supplémentaires, les repos compensateurs, les temps de déplacement et les frais à l’étranger, une prime de vacances, une prime de fin d’année 2017 et une prime exceptionnelle, ajoutant que son salaire annuel 2017 est inférieur à celui des trois années précédentes et soulignant une absence de participation.
Par lettre du 10 décembre 2018, M. [Z] a indiqué à son employeur que le burn out dont il souffrait était consécutif à ‘ un surmenage imposé du fait de (son) isolement, de (ses) heures de travail et déplacements, en violation des temps de repos et des durées maximales de travail. ‘ Il a affirmé avoir été victime d’un harcèlement moral de sa part pendant son arrêt de travail en le privant de sa rémunération au titre de la prévoyance, en retardant le paiement de ses indemnités journalières de sécurité sociale et en ne répondant pas à ses demandes ce qui selon lui, a aggravé son état de santé. Enfin, il a présenté des réclamations portant notamment sur la durée du travail, sur son salaire, la non-remise de bulletins de paie depuis le mois d’avril 2018, un retard de paiement des indemnités journalières et le non-paiement de la prévoyance, ce pour les années 2015 à 2017.
La société a répondu à ces réclamations par un courrier du 14 janvier 2019 contestant partiellement ses allégations. Elle lui a payé un rappel de salaire de 9 726,85 euros au titre d’une régularisation des salaires pour les années 2016 et 2017.
M. [Z] a saisi le 1er avril 2019 le conseil de prud’hommes de Paris d’une demande de résiliation judiciaire ainsi que de diverses demandes tant salariales pour heures supplémentaires qu’indemnitaires notamment pour dépassement du contingent annuel, des durées maximales de travail et pour non-respect des repos compensateurs.
Le 23 mars 2020, la société a déposé une plainte auprès du procureur de la République de Paris à l’encontre de M. [Z] pour faux et usage de faux puis une plainte avec constitution de partie civile reçue le 9 octobre 2020 par le doyen des juges d’instruction du tribunal judiciaire de Paris à l’encontre de M. [Z] pour des faits de faux et usage de faux, tentative d’escroquerie au jugement.
La société affirme que le contrat de travail communiqué par M. [Z] serait un faux car il comporte une signature qui n’est pas celle du gérant mais une imitation. Elle fait également valoir dans ce cadre que pour justifier ses réclamations de rappel de salaires, M. [Z] s’est introduit dans le système informatique de la société pendant sa période d’arrêt de travail pour impacter des données informatiques modifiant ses plannings a posteriori et donc son temps de travail.
Par jugement du 4 février 2021 auquel la cour renvoie pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes de Paris a :
– rejeté la demande de sursis à statuer ;
– prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [Z] aux torts exclusifs de la société PAC, prise en la personne de son représentant légal ;
– ordonné à la société PAC, prise en la personne de son représentant légal, de mentionner un solde de 39 jours de congés payés sur le dernier bulletin de paie valant solde de tout compte ;
– condamné la société PAC, prise en la personne de son représentant légal, à verser à M. [Z] les sommes suivantes :
* 4 326,42 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des heures majorées le dimanche de janvier 2016 à décembre 2017,
* 432,64 euros à titre de congés payés afférents,
* 4 403,30 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,
* 18 344,07 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 1 834,40 euros à titre de congés payés afférents,
* 42 717,87 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;
– dit que l’intérêt au taux légal sur ces sommes portera effet à compter de la réception par le défendeur de la convocation à l’audience du bureau de conciliation et d’orientation, soit le 11 avril 2019 ;
– dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière produiront intérêts à compter de la réception par le défendeur de la convocation à l’audience du bureau de conciliation et d’orientation ;
– dit que ces sommes sont exécutoires de droit à titre provisoire ;
– fixé la moyenne des trois derniers mois de salaires à la somme de 6 114,69 euros bruts ;
– condamné la société PAC, prise en la personne de son représentant légal, à verser à M. [Z] les sommes suivantes :
* 1 090,43 euros à titre de dommages et intérêts pour dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires et absence de contrepartie en repos de janvier 2016 à décembre 2017,
* 1 514,89 euros à titre de dommages et intérêts pour dépassement des durées maximales de travail quotidiennes et hebdomadaires de janvier 2016 à décembre 2017,
* 10 057 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du repos quotidien et du repos hebdomadaire de janvier 2016 à décembre 2017,
* 75 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul ;
– dit que l’intérêt au taux légal sur cette somme portera effet à compter de la présente décision ;
– dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt à compter de la présente décision ;
– ordonné à la société PAC, prise en la personne de son représentant légal, de remettre à M. [Z] le bulletin de paie, l’attestation Pôle Emploi, le reçu pour solde de tout compte et le certificat de travail conformes à la décision ;
– condamné la société PAC, prise en la personne de son représentant légal, à verser à M. [Z] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté la société PAC, prise en la personne de son représentant légal, de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dit que M. [Z] est infondé sur le surplus de ses demandes ;
– condamné la société PAC aux dépens.
La société a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 28 mai 2021.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 février 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, elle demande à la cour de :
– infirmer la décision en toutes ses dispositions ;
A titre principal,
– sursoir à statuer en raison de l’existence d’une plainte pénale reçue par le doyen des juges
d’instruction pour laquelle la consignation a été réalisée le 17 juin 2021 ;
A titre infiniment subsidiaire et si par impossible la cour décidait d’examiner l’affaire au fond,
– constater qu’elle a, dès le 14 janvier 2019, régularisé la situation de M. [Z] conformément au planning qu’il avait renseigné lorsqu’il était présent dans l’entreprise ;
– constater que la dégradation de l’état de santé de M. [Z] est due à l’exercice d’une activité parallèle pour le compte exclusif de la société Monssoon Accessorize dont elle n’avait pas connaissance ;
– en conséquence, débouter M. [Z] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et, de toutes ses autres demandes liées à l’exécution du contrat de travail ;
– et le condamner à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 janvier 2023 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, M. [Z] demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
* rejeté la demande de sursis à statuer,
* prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusif de la société PAC,
* ordonné à la société de mentionner un solde rectifié de jours de congés payés sur le dernier bulletin de paie valant solde de tout compte,
* condamné la société à lui verser les sommes suivantes :
– 4 326,42 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des heures majorées le dimanche de janvier 2016 à décembre 2017,
– 432,64 euros à titre de congés payés afférents,
– 4 403,30 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,
– 18 344,07 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 1 834,40 euros à titre de congés payés afférents,
– 42 717,87 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
* dit que l’intérêt au taux légal sur ces sommes portera effet à compter de la réception par le défendeur de la convocation à l’audience du bureau de conciliation et d’orientation, soit le 11 avril 2019,
* dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière produiront intérêts à compter de la réception par le défendeur de la convocation à l’audience du bureau de conciliation et d’orientation,
* dit que ces sommes sont exécutoires de droit à titre provisoire,
* fixé la moyenne des trois derniers mois de salaires à la somme de 6 114,69 euros bruts,
* condamné la société à lui verser les sommes suivantes :
– 1 090,43 euros à titre de dommages et intérêts pour dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires et absence de contrepartie en repos de janvier 2016 à décembre 2017,
– 1 514,89 euros à titre de dommages et intérêts pour dépassement des durées maximales de travail quotidiennes et hebdomadaires de janvier 2016 à décembre 2017,
– 10 057 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du repos quotidien et du repos hebdomadaire de janvier 2016 à décembre 2017,
* condamné la société à lui verser une indemnité pour licenciement nul,
* ordonné à la société de lui remettre le bulletin de paie, l’attestation Pôle Emploi, le reçu pour solde de tout compte et le certificat de travail conformes à la décision,
* débouté la société de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* condamné la société aux dépens ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a :
* limité le solde de congés payés à mentionner sur le dernier bulletin de paie valant solde de tout compte à 39 jours,
* limité le montant de l’indemnité allouée pour licenciement nul à la somme de 75 000 euros,
* dit que l’intérêt au taux légal sur les sommes 1 090,43 euros, 1 514,89 euros, 10 057 euros et 75 000 euros portera effet à compter de sa décision et que les intérêts échus du au moins pour une année entière produiront intérêts à compter de sa décision,
* limité à la somme de 1 000 euros l’indemnité allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* dit qu’il est infondé sur le surplus de ses demandes ;
Et, statuant à nouveau,
– condamner la société à lui verser les sommes suivantes :
* 146 752,56 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul (24 mois),
* à titre subsidiaire, 100 892,38 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (16,5 mois),
* 36 688,14 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat (6 mois),
* 18 344,07 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral (3 mois),
* 912,29 euros à titre de dommages-intérêts pour dépassement du temps normal de trajet lors des déplacements sur les lieux de mission en France de janvier 2016 à décembre 2017,
* 36 688,14 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé (6 mois) ;
– ordonner à la société de mentionner un solde de 43 jours de congés payés sur le dernier bulletin de paie valant solde de tout compte ;
– juger que l’intérêt au taux légal portera effet sur l’intégralité des sommes allouées à compter de la réception par la société de la convocation à l’audience du bureau de conciliation et d’orientation soit le 11 avril 2019, et que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts à compter de la réception par la société de la convocation à l’audience du bureau de conciliation d’orientation ;
– condamner la société à lui remettre, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jours de retard, les documents suivants :
. les bulletins de salaire conformes,
. une attestation Pôle Emploi conforme,
. un reçu pour solde de tout compte conforme,
. un certificat de travail conforme ;
En tout état de cause,
– débouter la société de toutes ses demandes plus amples ou contraires ;
– la condamner à lui verser la somme de 6 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la condamner aux entiers dépens ;
– dire que ceux d’appel seront recouvrés par Maître Audrey Hinoux, SELARL Lexavoue Paris Versailles, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 25 janvier 2023 et l’affaire a été évoquée à l’audience du 2 février 2023.
Les parties ayant donné leur accord pour entrer en voie de médiation, par arrêt du 16 février 2013, la cour a notamment ordonné une mesure de médiation et a dit que l’affaire serait rappelée à l’audience du 22 juin 2023.
Par lettre reçue par voie électronique le 22 juin 2023, M. [Z] a indiqué à la cour qu’il avait été mis fin à la mesure de médiation et lui a demandé de statuer dans le cadre du présent litige.
L’affaire a été appelée à l’audience du 22 juin 2023 et mise en délibéré.
Par lettre reçue par voie électronique le 26 juin 2023, la société a confirmé qu’il avait été mis un terme à la mesure de médiation, les parties n’étant pas parvenues à se rapprocher.
MOTIVATION
Sur le sursis à statuer
La société sollicite qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la plainte avec constitution de partie civile pour des faits de faux et usage de faux, tentative d’escroquerie au jugement pour laquelle elle justifie avoir consigné la somme fixée par le doyen des juges d’instruction. Elle fait valoir que la signature apposée sur le contrat de travail produit aux débats par le salarié est un faux dans la mesure où elle ne correspond pas à celle du gérant. Elle ajoute que M. [Z] s’est introduit frauduleusement en 2018 dans le système informatique afin d’ajouter dans le logiciel qui génère les plannings, des temps de travail concernant les années 2015 à 2017 qui n’y figuraient pas auparavant.
M. [Z] soutient qu’il ne doit pas être sursis à statuer dans la mesure où aucune des dispositions du contrat de travail n’est contestée et où il ne s’appuie pas sur les plannings argués de faux pour soutenir ses réclamations mais sur des copies d’écran de son agenda partagé qui ont été éditées en janvier 2018 soit avant les modifications apportées dans le logiciel de planning. A ce titre, il reconnaît avoir porté en mars 2018 sur cet agenda des mentions qui n’y figuraient pas mais il conteste s’être introduit frauduleusement dans le logiciel dans la mesure où il a utilisé ses identifiants et où il a seulement mis à jour ses temps de déplacement. Il fait valoir que l’issue de la plainte pénale n’a pas d’incidence sur le litige prud’homal et en déduit qu’il n’y a pas lieu de sursoir à statuer.
Aux termes de l’article 378 du code de procédure civile, la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine.
Les stipulations du contrat de travail produit au débats et argué de faux par la société, ne sont pas critiquées dans le cadre du présent litige. Les plannings versés aux débats par M. [Z] ne sont pas ceux annexés à la plainte avec constitution de partie civile déposée par la société et leur sont antérieurs comme démontré par leur date d’édition de janvier 2018.
Il en résulte que l’issue de la plainte pénale n’a pas d’incidence sur le litige prud’homal en cours de sorte qu’il n’y a pas lieu de surseoir à statuer.
La décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.
Sur les heures supplémentaires et le travail le dimanche de janvier 2016 à décembre 2017
La société soutient qu’en sa qualité de cadre, M. [Z] bénéficiait d’une totale autonomie et qu’il renseignait lui-même les plannings à sa disposition, les feuilles de paie étant établies en conséquence. Elle fait valoir qu’elle a régularisé sa situation en lui payant la somme de 8 015,05 euros nets à titre de rappel de salaire sur la base des plannings qu’il avait renseignés antérieurement à son départ de l’entreprise, ce à la suite de sa réclamation du 10 décembre 2018.
M. [Z] soutient qu’il a effectué des heures supplémentaires que l’employeur n’a pas régularisées en totalité soit en ne les payant pas soit en les majorant de manière erronée. Il fait valoir qu’il convient de considérer comme un temps de travail effectif son temps de trajet entre son domicile et son lieu de travail à l’étranger. Il ajoute que les heures effectuées le dimanche doivent être payées avec une majoration de 100%, cette majoration se cumulant avec celle relative aux heures supplémentaires.
Il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Aux termes de l’article 70. G de la convention collective applicable concernant les déplacements hors de France métropolitaine, les délais de route sont les délais nécessaires pour se rendre du lieu de résidence habituelle au lieu de mission, et vice versa par les moyens de transport choisis et agréés par l’employeur. Le salarié qui use d’une voie ou de moyens de transport moins rapides que ceux agréés par l’employeur ne peut prétendre de ce fait à des délais de route plus longs. Si le salarié use d’une voie ou de moyens plus rapides, il continue à bénéficier, en plus de la durée du congé proprement dit, des délais qui auraient été nécessaires avec l’usage de la voie ou des moyens choisis par l’employeur. Les délais de route ne pourront venir en déduction des congés. Ils seront rémunérés comme temps de travail, suivant des modalités à préciser dans l’ordre de mission.
Selon l’article 35-3 de cette convention collective, dans les entreprises entrant dans le champ professionnel d’application de la présente convention collective nationale à l’exception de celles relevant des codes NAF 748 J, 923 D et 703 D, auxquelles s’applique l’accord national du 5 juillet 2001, et uniquement pour les salariés dont le temps de travail est décompté selon les modalités ‘ standard ‘ et ‘ réalisation de missions ‘ au sens du chapitre II, articles 2 et 3, de l’accord national du 22 juin 1999 sur la durée du travail, les heures ainsi effectuées sont rémunérées avec une majoration de 100 %, indépendamment des majorations résultant des heures supplémentaires éventuelles pour les salariés dont le décompte du temps de travail est en heures, ou des TEA pour les salariés bénéficiant d’une convention de forfait hebdomadaire en heures.
M. [Z] soutient qu’il lui est dû la somme de 5 491,60 euros au titre de l’année 2016, celle de 2 506,73 euros au titre de l’année 2017, dont il déduit les sommes perçues de la part de la société dans le cadre de sa réclamation du mois de décembre 2018. Il indique s’appuyer sur les documents qu’il lui a alors adressés. Ces documents sont des relevés d’heures de travail effectués par semaine, retranscrits dans un tableau établi pour chaque mois, incluant les heures de déplacement à l’étranger et les heures de travail le dimanche. M. [Z] produit en outre des justificatifs de ses déplacements à l’étranger.
Ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
La société produit également des tableaux qu’elle a adressés au salarié au moment du paiement du rappel de salaire afférent aux heures supplémentaires. Elle verse également aux débats des tableaux d’analyse des horaires de trajet déclarés par le salarié. Elle conteste les heures d’arrivée du salarié sur le lieu de la mission sur le territoire national ou de son retour à son domicile notamment sur six jours en considérant qu’il est parvenu sur site ou chez lui plus tôt qu’il ne l’indique.
La cour constate que les temps de trajet en France ne sont pas inclus dans le calcul des heures supplémentaires, M. [Z] sollicitant une indemnisation à ce titre de manière distincte et indiquant que ce temps de trajet ne doit pas être considéré comme un temps de travail effectif.
Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, la cour a la conviction que M. [Z] a effectué des heures supplémentaires en ce compris le dimanche, au cours de la période considérée à hauteur de 7 998,33 euros. Déduction faite de la somme de 3 671,90 euros réglée par la société au mois de janvier 2019 à la suite de la réclamation du salarié, il lui reste dû à ce titre la somme de 4 326,42 euros dans la limite de la demande formulée, au paiement de laquelle la société sera condamnée outre la somme de 432,64 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférents.
La décision des premiers juges sera confirmée sur ces chefs de demande.
Sur les dommages et intérêts pour dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires et absence de contrepartie en repos de janvier 2016 à décembre 2017
La société reprend ses moyens antérieurs quant à l’autonomie de M. [Z] et à la régularisation de sa situation postérieurement à ses réclamations.
M. [Z] fait valoir que le contingent d’heures supplémentaires fixé à 220 heures a été dépassé au cours de la période considérée et qu’il doit percevoir à ce titre des dommages et intérêts correspondant à la contrepartie en repos et à l’indemnité compensatrice de congés payés afférents.
Il résulte de l’article 6.2 de la convention collective applicable que pour les cadres, le contingent réglementaire s’applique soit conformément aux dispositions de l’article D. 3121-24 du code du travail, un contingent de 220 heures. Par application des dispositions de l’article L. 3121-33 du code du travail, les heures de travail accomplies au-delà de ce contingent ouvrent droit à une contrepartie obligatoire en repos de 50%, l’entreprise employant moins de vingt salariés.
Compte-tenu du nombre d’heures effectuées au-delà du contingent annuel, c’est à juste titre que les premiers juges ont alloué à M. [Z] la somme de 1 090,43 euros à titre de dommages et intérêts pour dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires et absence de contrepartie en repos de janvier 2016 à décembre 2017, déduction faite de la somme de 3 844,24 euros payée par la société à ce titre au mois de janvier 2019 à la suite de la réclamation du salarié.
La décision des premiers juges sera confirmée sur ce chef de demande.
Sur les dommages et intérêts pour dépassement des durées maximales de travail quotidiennes et hebdomadaires de janvier 2016 à décembre 2017
La société reprend ses moyens antérieurs quant à l’autonomie de M. [Z] et à la régularisation de sa situation postérieurement à ses réclamations.
M. [Z] fait valoir qu’il a travaillé à de nombreuses reprises au-delà de la durée maximale du travail et il considère que les heures effectuées au-delà de cette limite doivent donner lieu à dommages et intérêts correspondant à la rémunération de ces heures.
Aux termes des dispositions combinées des articles L. 3121-20 et L. 3121-22 du code du travail, au cours d’une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures et la durée hebdomadaire de travail calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives ne peut dépasser quarante-quatre heures, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3121-23 à L. 3121-25.
Il incombe à l’employeur de démontrer qu’il a respecté ces durées maximales.
En l’espèce, il est établi que le temps de travail hebdomadaire de M. [Z] a dépassé quarante-huit heures à treize reprises sur la période considérée et qu’il n’a pas excédé quarante-quatre heures par périodes de douze semaines.
Si comme le soutient à juste titre M. [Z], le dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail lui a créé un préjudice, il appartient au juge d’évaluer le montant des dommages et intérêts de nature à le réparer intégralement.
Afin de chiffrer sa demande, M. [Z] prend en compte la somme de 2 210,72 euros déjà payée par la société à la suite de sa réclamation à ce titre et sollicite en plus la somme de 1 514,89 euros.
La cour retient que compte tenu de la fréquence du dépassement de la durée hebdomadaire du travail, c’est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société à lui payer la somme de 1 514,89 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’il a subi.
La décision des premiers juges sera confirmée sur ce chef de demande.
Sur les dommages et intérêts pour non-respect du repos quotidien et du repos hebdomadaire de janvier 2016 à décembre 2017
La société reprend ses moyens antérieurs quant à l’autonomie de M. [Z] et à la régularisation de sa situation postérieurement à ses réclamations.
M. [Z] considère également que les heures effectuées au-delà des durées maximales doivent donner lieu à des dommages et intérêts correspondant à la rémunération de ces heures.
Aux termes de l’article L. 3132-1 du code du travail, il est interdit de faire travailler un salarié plus de six jours par semaine et aux termes de l’article L. 3121-18 du même code, la durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peux excéder dix heures.
Selon l’article L. 3132-2 du même code, le repos hebdomadaire a une durée minimale de vingt -quatre heures consécutives auxquelles s’ajoutent les heures consécutives de repos quotidien.
Conformément aux dispositions de l’article L. 3131-1 du code du travail, tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée minimale de onze heures consécutives.
Par application des dispositions de l’article L. 3132-3 du même code, dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche.
Il est établi par les tableaux produits que M. [Z] n’a pas bénéficié d’un repos hebdomadaire de vingt-quatre heures consécutives à onze reprises sur la période considérée et qu’il a travaillé à vingt et une reprises le dimanche.
Il a subi de ce chef un préjudice qui sera indemnisé par l’allocation de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du repos quotidien et du repos hebdomadaire.
La décision des premiers juges sera infirmée sur ce chef de demande.
Sur le calcul erroné des indemnités de congés payés
M. [Z] soutient que l’employeur devait appliquer la méthode du dixième pour calculer ses congés payés et qu’il a appliqué celle du maintien du salaire qui lui était moins favorable.
Il produit à ce titre un tableau et ses bulletins de paie.
La société verse aux débats sa réponse aux réclamations de M. [Z] à laquelle est annexé un tableau.
L’article L. 3141-22 du code du travail dans sa rédaction antérieure au 10 août 2016 et l’article L. 3141-24 du code du travail dans sa rédaction postérieure à cette date disposent que le congé annuel prévu à l’article L. 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence. Ils ajoutent que pour la détermination de la rémunération brute totale, il est tenu compte de l’indemnité de congé de l’année précédente, des indemnités afférentes à la contrepartie obligatoire sous forme de repos, des périodes assimilées à un temps de travail qui sont considérées comme ayant donné lieu à rémunération en fonction de l’horaire de travail de l’établissement.Toutefois, cette indemnité ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler. Cette rémunération, sous réserve du respect des dispositions légales, est calculée en fonction du salaire gagné dû pour la période précédant le congé et de la durée du travail effectif de l’établissement.
Le tableau produit par la société montre qu’elle a payé les congés payés selon la règle du maintien du salaire sur la base d’un travail de huit heures par jour qui prend donc en compte les heures supplémentaires structurelles de la 35ème à la 39ème heure mais pas les heures supplémentaires accomplies par le salarié au-delà régulièrement qui figurent d’ailleurs fréquemment sur ses bulletins de salaire et qu’elle aurait dû intégrer à sa base de comparaison.
Sur la base de la règle du 10ème qui était plus favorable au salarié, la cour retient en conséquence, qu’il lui est dû la somme de 4 403,30 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés pour la période du mois de janvier 2016 au mois de décembre 2017.
La décision des premiers juges sera confirmée sur ce chef de demande.
Sur les dommages-intérêts pour dépassement du temps normal de trajet lors des déplacements sur les lieux de mission en France de janvier 2016 à décembre 2017
M. [Z] soutient que le temps de trajet entre son domicile et le lieu d’exécution du contrat de travail excédant le temps de trajet normal entre son domicile et le lieu habituel de travail, ouvre droit à une contrepartie en repos ou financière. Il sollicite à ce titre des dommages et intérêts correspondant à 50% de son taux horaire.
Il produit aux débats un tableau récapitulatif.
La société conteste six temps de trajet.
Il résulte des dispositions de l’article L. 3121-4 du code du travail que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail n’entraîne aucune perte de salaire.
Il résulte des tableaux produits par le salarié qu’il n’a pas intégré ces heures de trajet dans le calcul des heures supplémentaires.
Au vu des pièces produites par les deux parties afférentes au temps de trajet en France au cours de la période du mois de janvier 2016 au mois de décembre 2017, la cour retient qu’à de nombreuses reprises, M. [Z] a effectué des trajets entre son domicile et son lieu de travail excédant son temps de trajet normal et ne coïncidant pas avec son horaire de travail ce qui lui ouvre droit à une contrepartie financière fixée à 590,08 euros.
La société sera condamnée au paiement ce cette somme.
La décision des premiers juges sera infirmée sur ce chef de demande.
Sur le manquement à l’obligation de sécurité
A titre liminaire, la cour constate que les premiers juges ont omis de statuer sur cette demande.
M. [Z] soutient que la société a manqué à son obligation de prévention. Il invoque à ce titre les infractions aux règles de repos quotidien et hebdomadaire, le non-respect de la durée maximale de travail, quotidienne et hebdomadaire, l’absence de contrepartie obligatoire en repos, le fait de le faire travailler pendant ses congés payés, le fait de l’avoir soumis à des déplacements sans tenir compte des temps afférents, l’absence de suivi de la charge de travail, l’absence de dispositif de prévention en matière de santé malgré la connaissance d’une importante charge de travail, l’absence d’organisation de toute visite médicale, l’absence d’entretien d’évaluation ou d’entretien professionnel, l’absence de prise en compte de ses difficultés lorsqu’il a présenté des signes d’épuisement courant 2017 avant son burn out. Il fait valoir que ces violations ont installé un stress, une pression, une fatigue et un épuisement professionnel à l’origine de son burn out ce qui l’a contraint à suivre un traitement psychiatrique lourd et une psychothérapie, toujours en cours. Il souligne qu’il est toujours en arrêt de travail et qu’il a été reconnu en état d’invalidité.
La société soutient qu’elle n’est pas responsable de la dégradation de l’état de santé du salarié mais que celle-ci est en lien avec l’activité qu’il a développée au cours de l’année 2017 pour la société Monsoon Accessorize à son insu. Elle fait valoir que cette société était une cliente auprès de laquelle M. [Z] intervenait mais qu’il a créé une adresse mail Monsoon Accessorize, qu’il s’est attribué un titre et a travaillé pour le compte de cette société.
Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Conformément aux dispositions des articles R. 4624-10 et R. 4624-16 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige, M. [Z] aurait dû bénéficier d’une visite médicale d’embauche puis d’examens périodiques.
Il appartient à l’employeur de justifier avoir rempli ces obligations ce qu’il ne fait pas.
En outre, comme la cour l’a retenu précédemment, il n’a pas respecté les règles en matière de durée du travail ce qui a un fort impact sur la santé des salariés.
La société qui ne conteste d’ailleurs pas ses manquements, ne peut comme elle tente de le faire soutenir que l’origine de la dégradation de l’état de santé de M. [Z] n’est pas sa surcharge de travail en l’absence de tout suivi médical mais sa collaboration avec la société Monsoon Accessorize alors qu’il est intervenu auprès de cette société dans le cadre de son travail au sein de la société PAC et qu’il appartenait à cette dernière si elle considérait sa collaboration en son sein comme excessive ou n’entrant pas dans le cadre de ses missions d’intervenir pour y mettre un terme. A ce titre, M. [Z] démontre que la société avait connaissance de ses activités par la production de mails de mars et octobre 2016 puis de décembre 2017.
La cour constate que M. [Z] justifie de la dégradation de son état de santé par ses arrêts de travail qui mentionnent notamment ‘ syndrome anxieux nécessitant anxiolytique et psychothérapie ‘, ‘ syndrome dépressif sous traitement ‘, ‘ épisode dépressif majeur ‘, par des notes d’honoraires de consultation auprès d’un psychologue, par des prescriptions médicales, par une lettre et un certificat de psychologues et un courrier de son médecin.
M. [Z] caractérise ainsi son préjudice qui sera indemnisé par l’allocation de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité.
Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral
A titre liminaire, la cour constate que les premiers juges ont omis de statuer sur cette demande.
M. [Z] invoque à ce titre un harcèlement moral et une discrimination.
A l’appui de ses allégations de harcèlement moral et de discrimination, M. [Z] expose avoir été sollicité à plusieurs reprises pendant ses congés, avoir subi une diminution de sa prime annuelle en décembre 2017 sans explication et sans entretien annuel d’évaluation, cette diminution lui paraissant avoir pour seule explication son burn out et ses mails précédents, le refus de son employeur de répondre à ses demandes relatives aux heures supplémentaires et à sa rémunération, la rétention pendant de nombreux mois des indemnités versées par la prévoyance, le refus de l’employeur de lui adresser ses bulletins de paie, des retards dans le paiement des salaires et la remise des bulletins de paie, l’absence de transmission des documents de fin de contrat après le jugement du conseil de prud’hommes.
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l’article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 applicable en la cause, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, il appartient au candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou au salarié de présenter des éléments de faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, a
ucun salarié ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire notamment en matière de rémunération en raison de son état de santé.
L’article L. 1134-1 du même code dispose que lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance de ces dispositions, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
A titre liminaire, la cour constate que l’absence de remise de documents de fin de contrat en exécution du jugement ne peut pas être constitutif de faits de harcèlement moral, la résiliation du contrat de travail ayant été prononcée par le conseil de prud’hommes de sorte que ces faits sont postérieurs à la rupture du contrat de travail.
A l’appui de la baisse de sa prime, M. [Z] produit un tableau reprenant l’évolution de celle-ci et montrant une baisse en décembre 2017. Il verse également aux débats un mail du 4 décembre 2017 démontrant qu’il est à bout.
A l’appui des interventions de son employeur pendant ses congés payés, il verse aux débats quatre mails très antérieurs (2009, 2011, 2012, 2013) et un mail du 22 juillet 2017 débutant par ‘ désolé de vous embêter pendant vos vacances, qui j’espère se passent pour le mieux. ‘
S’agissant d’une absence de réponse de l’employeur à ses demandes relatives à sa rémunération, M. [Z] produit un mail du 18 février 2018 de sa part demandant des explications à l’employeur, un mail de relance du 16 mars 2018, un mail du 3 décembre 2018 par lequel il reproche à l’employeur de ne pas lui avoir adressé les bulletins de salaire et la prévoyance depuis avril 2018.
S’agissant des indemnités journalières, il produit des mails de l’organisme de prévoyance et un relevé de compte. La dégradation de l’état de santé de M. [Z] est avéré comme indiqué précédemment.
Ces éléments de faits pris dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’un harcèlement.
La diminution de la prime concommittante à la dégradation de l’état de santé du salarié laisse supposer l’existence d’une discrimination.
Au vu de ces éléments, il incombe à la société de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et d’une discrimination et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et à toute discrimination.
La société reconnaît qu’elle a pu ponctuellement demander des informations au salarié pendant ses congés. Elle ne présente aucun élément quant à la diminution de la prime et elle n’explique pas pourquoi elle n’a pas répondu aux sollicitations du salarié. S’agissant de la prévoyance, elle affirme que M. [Z] avait perçu et son salaire et les indemnités de prévoyance mais ne vise dans ses écritures aucun document à ce titre.
En conséquence, la cour retient qu’elle ne justifie pas que les faits invoqués par le salarié sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Dès lors, M. [Z] a été victime d’un harcèlement moral et d’une discrimination sans qu’il soit besoin d’examiner d’autres moyens.
Il a subi à ce titre un préjudice qui sera indemnisé par l’allocation de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.
Sur la résiliation du contrat de travail
La société soutient qu’elle a régularisé la situation du salarié le 14 janvier 2019 et que la dégradation de son état de santé est due à son travail dans la société Monsoon Accessorize.
M. [Z] soutient que les manquement de l’employeur concernant la durée du travail ainsi que le harcèlement et la discrimination outre le manquement à l’obligation de sécurité, sont suffisamment graves pour justifier le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur.
En application de l’article 1184, devenu 1224 du code civil, le salarié peut demander la résiliation de son contrat de travail en cas de manquements de son employeur à ses obligations. Il appartient au salarié de rapporter la preuve des manquements invoqués. Le juge apprécie si la gravité des manquements justifie la résiliation du contrat. Le manquement suffisamment grave est celui qui empêche la poursuite du contrat. Dans ce cas, la résiliation du contrat produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Pour apprécier la gravité des manquements reprochés à l’employeur, le juge prend en compte l’ensemble des événements survenus jusqu’à l’audience ou jusqu’à la rupture du contrat de travail si celle-ci est antérieure.
En l’espèce, la cour a retenu précédemment que l’employeur a manqué à ses obligations en matière de sécurité, de prévention, de réglementation de la durée du travail et a commis des faits de harcèlement moral et de discrimination. L’employeur n’a régularisé que très partiellement cette situation.
Ces manquements sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
En conséquence, c’est à juste titre que les premiers juges ont prononcé la résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur
Par application des dispositions de l’article L. 1152-3 du code du travail, la rupture du contrat de travail étant en lien avec le harcèlement moral, cette résiliation produit les effets d’un licenciement nul.
La décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.
Sur les conséquences de la résiliation du contrat de travail
Aux termes de l’article L. 1235-3-1 du même code dans sa rédaction applicable au litige, l’article L. 1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont notamment afférentes à des faits de harcèlement moral.
M. [Z] soutient que son salaire doit être fixé à 6 114,69 euros alors que la société considère qu’il doit être fixé à 5 734,31 euros.
Au vu des bulletins de salaire de l’année 2017 et du tableau établi par M. [Z] récapitulant les sommes qui lui sont dues au titre des heures supplémentaires retenues par la cour en observant que les dommages et intérêts ne doivent pas être intégrés et que la prime exceptionnelle de 3 000 euros payée en décembre 2017 est selon M. [Z] (pièce 58) une prime de caractère annuel, la moyenne des trois derniers mois s’établit à 5 364,69 euros alors que la moyenne des douze derniers mois de salaire est de 5 734,88 euros.
En conséquence, la cour retient que le salaire moyen de M. [Z] était de 5 734,88 euros.
Dès lors, par application des dispositions de l’article 4.2 de la convention collective applicable, il est dû à M. [Z] la somme de 17 204,64 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre celle de 1 720,46 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférents.
La décision des premiers juges sera infirmée sur ce chef de demande.
Il lui est dû également la somme de 42 717,87 euros à titre d’indemnité de licenciement dans la limite de sa demande.
Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [Z], de son âge au moment de la rupture, 48 ans, de son ancienneté, 23 ans, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, étant précisé qu’il ne justifie pas de sa situation par rapport à l’emploi, c’est à juste titre que les premiers juges lui ont alloué la somme de 75 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul.
La décision des premiers juges sera confirmée sur ces deux chefs de demande.
Sur l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
M. [Z] soutient que la société a dissimulé son emploi.
Selon l’article L. 8221-5 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
La cour constate que la société a mentionné sur les bulletins de salaire régulièrement les heures supplémentaires effectuées en grand nombre par le salarié, que le rappel de salaire au paiement duquel la société est condamnée dans le cadre du présent litige correspond à des erreurs dans la majoration de ces heures et au paiement de quelques autres notamment en relation avec les déplacements à l’étranger.
Elle en déduit que l’intention de dissimulation requise n’est pas démontrée.
Dès lors, M. [Z] sera débouté de sa demande au titre d’une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
La décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.
Sur la rectification des jours de congés acquis mentionnés sur le bulletin de janvier 2019
M. [Z] soutient que la mention des jours de congés acquis au mois de janvier 2019 est erronée car il en a acquis 43 et que seuls 33,5 jours sont mentionnés.
La cour constate que sur le bulletin de décembre 2018, M. [Z] a acquis 53,5 jours de congés.
Aucune explication n’est donnée par la société sur la diminution des jours de congé, aucune prise de congé n’étant mentionnée sur le bulletin de paie du mois de janvier 2019.
Dès lors, il y a lieu d’ordonner à la société de mentionner un solde de 43 jours de congés payés sur le dernier bulletin de paie valant solde de tout compte.
La décision des premiers juges sera infirmée sur ce chef de demande.
Sur le cours des intérêts
En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation soit le 11 avril 2019 et les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter de la décision qui les prononce, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du même code.
Sur la remise des documents
Il sera ordonné à la société Programmation Analyse Conseil de remettre à M. [C] [Z] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail, un bulletin de salaire et un reçu pour solde de tout compte conformes à la présente décision sans qu’il y ait lieu à prononcer une astreinte.
Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive
Dans le corps de ses conclusions, la société sollicite des dommages et intérêts pour procédure abusive mais cette demande ne figure pas dans le dispositif de ses conclusions de sorte que la cour n’en est pas saisie par application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Partie perdante, la société sera condamnée au paiement des dépens exposés en cause d’appel. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a mis les dépens à sa charge. Les dépens d’appel seront recouvrés par Maître Audrey Hinoux, SELARL Lexavoue Paris Versailles, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La société sera condamnée à payer à M. [Z] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel, la décision des premiers juges étant confirmée à ce titre. Elle sera déboutée de sa demande sur ce fondement, la décision des premiers juges étant confirmée.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Dit n’y avoir lieu à surseoir à statuer,
Confirme le jugement dans la limite de sa saisine sauf en ce qui concerne le montant de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité compensatrice de congés payés afférents, le montant des dommages et intérêts pour non-respect du repos quotidien et du repos hebdomadaire, en ce qu’il a débouté M. [C] [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour dépassement du temps normal de trajet lors des déplacements sur les lieux de mission en France de janvier 2016 à décembre 2017 et en ce qui concerne la rectification des jours de congés,
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la société Programmation Analyse Conseil à payer à M. [C] [Z] les sommes suivantes :
– 17 204,64 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 1 720,46 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférents,
avec intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Programmation Analyse Conseil de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes soit le 11 avril 2019 et capitalisation de ceux-ci dès lors qu’ils seront dus pour une année entière ;
Condamne la société Programmation Analyse Conseil à verser à M. [C] [Z] les sommes de :
– 590,08 euros à titre de dommages et intérêts pour dépassement du temps normal de trajet lors des déplacements sur les lieux de mission en France de janvier 2016 à décembre 2017 ;
– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du repos quotidien et du repos hebdomadaire ;
– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
– 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,
avec intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce et capitalisation de ceux-ci dès lors qu’ils seront dus pour une année entière,
Ordonne à la société Programmation Analyse Conseil de remettre à M. [C] [Z] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail, un bulletin de salaire valant reçu pour solde de tout compte conformes à la présente décision notamment en précisant un solde de quarante trois jours de congés payés,
Dit n’y avoir lieu à astreinte,
Condamne la société Programmation Analyse Conseil à payer à M. [C] [Z] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne la société Programmation Analyse Conseil aux dépens, les dépens d’appel étant recouvrés par Maître Audrey Hinoux, SELARL Lexavoue Paris Versailles, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE