Tentative de conciliation ou de médiation : 20 octobre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/01569

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Tentative de conciliation ou de médiation : 20 octobre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/01569
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ARRÊT DU

20 Octobre 2023

N° 1282/23

N° RG 21/01569 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T43S

OB/AL

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LENS

en date du

28 Septembre 2021

(RG F19/00327 -section )

GROSSE :

Aux avocats

le 20 Octobre 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANTE :

S.A.R.L. BD DEVELOPPEMENT

Z A DES RENARDIERES

[Localité 2]

représentée par Me Stéphane CAMPAGNE, avocat au barreau de BETHUNE

INTIMÉ :

M. [E] [G]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Maud SIEDLECKI, avocat au barreau d’ARRAS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Olivier BECUWE

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Frédéric BURNIER

: CONSEILLER

Isabelle FACON

: CONSEILLER

GREFFIER lors des débats : Angelique AZZOLINI

DÉBATS : à l’audience publique du 26 Septembre 2023

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Olivier BECUWE, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 05 Septembre 2023

EXPOSE DU LITIGE :

La société BD Développement est spécialisée dans la fabrication de flexible hydraulique sur mesure.

Elle constitue une holding du même nom composée de trois salariés et de deux filiales, les sociétés Daber [Localité 2] et Daber [Localité 5].

M. [G] a été engagé le 31 mars 2003 en qualité d’agent itinérant avec un salaire brut de 1 219,59 euros hors prime au sein de la société Daber [Localité 2].

Dans le dernier état de la relation contractuelle, et après de régulières promotions, il avait intégré la holding depuis le 1er mars 2016 et y occupait le poste de directeur adjoint, statut cadre, coefficient C 20 de la classification conventionnelle issue de la convention collective applicable, soit celle, nationale et métropolitaine, des entreprises de la maintenance, distribution et location de matériels agricoles, de travaux publics, de bâtiment, de manutention, de motoculture de plaisance et activités connexes, dite SDLM du 23 avril 2012.

Son salaire mensuel s’élevait alors à la somme de 3 700 euros en brut, outre un avantage en nature à raison d’un véhicule de fonction estimé à 230 euros, ainsi que diverses primes.

Des relations de confiance se sont développées entre le salarié et le dirigeant de la holding.

Il a été envisagé la reprise, par le premier, ainsi que le rachat de la société et de ses filiales, M. [G] apparaissant susceptible de succéder au dirigeant proche de l’âge de la retraite.

Une société civile immobilière a été créée à cette fin.

En septembre 2018, l’épouse de M. [G] a intégré une des filiales en qualité de secrétaire comptable.

En décembre 2018, ce dernier a, en vain, réclamé au dirigeant une augmentation de salaire de 1 500 euros en brut.

A l’issue d’une réunion qui s’est tenue en janvier 2019, la reprise de la société BD développement ne s’est finalement pas faite, chacune des parties en imputant la responsabilité à l’autre.

Plusieurs avertissements ont été infligés à M. [G] les 27 mars, 11 avril et 16 mai 2019 pour des motifs tirés, pour l’essentiel, d’absence injustifiée et d’insubordination.

Etant en arrêt de travail pour des troubles anxieux à compter du 28 mars 2019, le salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail par lettre du 28 mai 2019, celui-ci évoquant, pour l’essentiel, des humiliations, des retraits de fonctions, le non-paiement de ses heures supplémentaires et des sanctions injustifiées.

M. [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Lens de demandes au titre des heures supplémentaires, d’un travail dissimulé, de l’annulation des sanctions, d’un harcèlement moral ainsi que d’une prise d’acte produisant les effets d’un licenciement nul.

Par un jugement du 28 septembre 2021, la juridiction prud’homale a retenu l’existence d’heures supplémentaires à concurrence de la somme de 15 000 euros ainsi que le caractère injustifié des sanctions mais a jugé que la prise d’acte devait produire les effets d’une démission, exclusive toutefois de tout caractère abusif.

Par déclaration du 14 octobre 2021, le salarié a fait appel.

Dans ses conclusions notifiées le 20 janvier 2022, auxquelles il est référé pour l’exposé des moyens, l’appelant réitère ses prétentions initiales et sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il n’y fait pas droit, ce à quoi s’oppose la société BD Développement, par ses conclusions notifiées le 6 avril 2022.

La société conteste notamment l’existence d’heures supplémentaires et insiste sur le caractère justifié des avertissements et abusif de la démission.

Une médiation a été proposée mais a été refusée.

MOTIVATION :

La cour observe que les parties ont abondamment conclu et produisent de très nombreuses pièces.

Le litige est profondément factuel et la cour rappelle qu’elle n’a pas à spécialement s’expliquer sur la force probante des éléments de preuve qu’elle décide de retenir ou d’écarter.

La cour déplore, par ailleurs, le fait que la motivation du jugement déféré soit aussi courte dans une affaire où de nombreux griefs ont pourtant été soutenus.

Le litige se présente dans un contexte particulier compte tenu de la nature des relations qui existaient entre les parties.

1°/ Sur les heures supplémentaires :

M. [G] produit divers décomptes et courriels électroniques avec l’horaire d’envoi.

Il réclame le paiement d’heures supplémentaires sur la base des horaires d’ouverture de 8 heures à 12 heures 30 et de 13 heures 30 à 17 heures 30.

Il en déduit qu’il a accompli 8 heures 30 de travail journalier pour 42 heures 30 par semaine, ce qui dépasse la durée légale laquelle apparaît avoir été celle contractuellement prévue ou, à tout le moins, celle à concurrence de laquelle M. [G] a été rémunéré.

Est également produite l’attestation d’un collègue (pièce n° 8 de la société) qui a déclaré que le dirigeant avait interdit à M. [G] d’accomplir des heures supplémentaires, ce dont ce dernier déduit que l’existence même d’heures supplémentaires aurait, par là même, été constatée.

Ces éléments sont, indépendamment de leur pleine valeur probante et de leur pertinence sur le fond, suffisamment précis, dans leur ensemble, au sens de l’article L.3171-4 du code du travail, pour permettre à l’employeur d’y répondre.

C’est toutefois à juste titre que ce dernier verse aux débats les copies d’écran des archives des fichiers de pointage de 2016 à 2019 (pièces n° 17 à 19).

Le dirigeant enregistrait chaque année sur un serveur les pointages établis par l’ensemble des collaborateurs pour éviter toute contestation.

Il ressort de ces documents que l’appelant apparaît n’avoir pas travaillé aux horaires revendiqués par lui, étant ajouté que la société BD Développement justifie, par l’attestation du chef de centre d’une des filiales (pièce n° 16), que la présence de M. [G] aux heures d’ouverture n’était ni systématique ni, comme la cour le déduit par voie de conséquence, nécessaire.

Le témoignage du collègue (la pièce n° 8 précitée) le confirme indirectement.

M. [G] conteste non pas la légalité de ces relevés, dont il a pu ne pas être informé, mais leur fiabilité.

Toutefois, aucune raison ne commande de mettre en cause, en lui-même, le relevé informatique qui n’a fait qu’enregistrer les horaires.

En outre, M. [G] se prévaut invariablement des mêmes horaires alors qu’il est justifié par l’employeur, au moyen de nombreux tickets de paiement de cartes bancaires (pièces n° 20 à 58), qu’il n’était pas toujours à son poste de travail sur ces plages horaires et se livrait à diverses tâches non assimilées, en elles-mêmes, à du temps de travail effectif (approvisionnement en carburant du véhicule de fonction, repas, hôtel, achats divers).

Le contenu des courriers électroniques (pièces n° 63 à 65 du salarié) n’est pas probant quant à la réalité d’un travail effectif supplémentaire pas plus, par voie de conséquence, que les heures d’envoi, étant ajouté que la pièce n° 8 de la société, dont se prévaut pourtant M. [G], se comprend comme marquant tout simplement l’interdiction d’accomplir des heures supplémentaires.

En conséquence, et sans devoir suivre les parties dans le détail de leur argumentation, la cour estime, dans l’exercice de son pouvoir souverain, que M. [G] ne peut se prévaloir de l’accomplissement d’heures supplémentaires.

Le jugement qui accorde un rappel de salaire de ce chef sera infirmé.

2°/ Sur le travail dissimulé :

Il résulte de ce qui précède que cette demande n’est pas fondée.

Le jugement sera confirmé.

3°/ Sur les avertissements :

A – Sur l’avertissement du 27 mars 2019 :

La lettre d’avertissement est ainsi libellée :

« Je fais suite à notre entrevue du 26 mars 2019. Je vous ai demandé la raison de votre absence du jeudi 14 après-midi et du vendredi 15 mars 2019.

Vous n’avez formulé aucune réponse, aucune excuse.

Je vous ai proposé de poser des congés payés afin de régler le litige. Vous avez refusé cette possibilité. En conséquence, cette absence est injustifiée.

Votre conduite m’entraîne à vous infliger un avertissement ».

C’est à juste titre que le salarié soutient, d’une part, qu’il a été en partie sanctionné pour l’échec dans la cession et la reprise de la société BD Développement, soit pour des faits extérieurs à sa qualité de salarié dont il n’est d’ailleurs pas démontré qu’ils lui soient imputables et, d’autre part, qu’il n’était pas en absence injustifiée dès lors qu’il avait posé une demande au titre de la réduction du temps de travail (RTT) comme il s’en était expliqué auprès de l’employeur le 25 mars 2019 (pièce n° 32).

Dans ces conditions, l’avertissement pour de tels faits, le premier en près de 16 ans de carrière au sein de la société, était disproportionné.

Il sera ajouté au jugement qui a examiné la demande d’annulation dans ses motifs mais n’a pas statué dans son dispositif.

B – Sur l’avertissement du 11 avril 2019 :

La lettre d’avertissement est ainsi libellée :

« Voici presque point par point la réponse à votre courrier recommandé du 1er avril.

Je suis au regret, une nouvelle fois, de préciser que la cession du groupe n’est plus d’actualité.

Vous aviez fomenté d’acquérir BD Développement sans aucun apport.

En fin 2017, début 2018, vous étiez sur un projet de construction à [Localité 4] et vous aviez l’ambition d’accueillir Daber [Localité 2], mais aussi de louer à d’autres sociétés une partie de ce local.

En fin 2018, vous m’avez amené, pour avis, voir un autre local à [Localité 6]. Je ne pouvais absolument pas penser que ces projets pouvaient se faire sans apport. Vous m’avez trompé et cela à plusieurs reprises. À ce jour je n’ai plus confiance en vous.

Dans un relationnel patron cadre, cela est très fâcheux.

Contrairement à vos allégations, ce n’est pas moi qui ai brusquement changé d’avis.

À ce jour, vous n’avez aucun contrat de travail écrit au sein de BD Développement.

Face à vos attitudes et depuis l’avortement de la cession, je vous ai proposé de me rédiger votre contrat.

Vous conviendrez que cela entre dans les tâches d’un adjoint.

Votre réponse fut que vous en étiez incapable. En l’état, vous n’avez aucune attribution.

Vous avez une rémunération garantie et un titre. Il n’existe aucun rapport, aucun texte qui peut vous faire prévaloir d’attributions précises.

BD Développement est une très petite entreprise de quatre salariés. Les postes de chacun ne peuvent pas être figés. Un directeur et un patron peuvent être amenés à faire le travail de subalternes.

A votre changement de société en mars 2016, vous avez exigé de conserver votre ancienneté.

Ce détail lie votre activité actuelle à votre ancien contrat de travail au sein de la société Daber. Votre situation professionnelle envieuse, vous la devez uniquement à mon entêtement.

Vous avez bénéficié de toutes les formations possibles, de mon côté je vous ai appris beaucoup de choses.

Je peux vous dire que votre situation actuelle, c’est à moi que vous la devez et aux chéquiers de mes sociétés. Je vous ai demandé de me justifier une dépense de 60,00 euros en août 2018. Je n’ai toujours pas de réponse. À l’époque, vous étiez venu me chercher un chèque.

Je pense que cette dépense était liée à vos activités au sein de votre association IDM.

Il n’en demeure pas moins que vous me deviez un justificatif pour notre comptabilité.

J’ai refusé vos congés du mois d’avril, car avant votre demande de congés, je vous avais confié la formation de deux salariés. Dans ces conditions, prendre une semaine de congés pendant cette formation est une véritable provocation. Les congés doivent se planifier afin d’assurer un bon partage entre le travail et la vie familiale.

Depuis plusieurs mois, vous aussi, vous m’humiliez en partant chaque soir, sans me dire au revoir, sans me faire votre rapport, car vous êtes incapables de me faire un compte-rendu écrit, tout cela sur la pointe des pieds et bien avant l’ensemble du personnel qui part à la fermeture des locaux.

C’est un comportement irrespectueux, raison pour laquelle je vous afflige un second avertissement.

Vous devez comprendre que le patron ce n’est pas vous. Vous me devez le respect chaque jour même si cela n’a jamais fait partie de vos qualités. Les respects et les regrets ne sont pas uniquement les mots des formules de politesse au bas d’un courrier mais aussi de qualificatifs d’actes et de comportements du quotidien.

Concernant votre téléphone, en votre absence, nous avons rencontré des problèmes de mot de passe avec les boîtes Gmail. Les codes de déverrouillage arrivant sur votre portable, j’ai donc pris l’initiative de pouvoir récupérer ces codes. Concernant vos accès, ils ne sont pas coupés.

N’ayant plus confiance en vous, j’ai pris des décisions de vous enlever les informations sensibles et inutiles pour votre travail. À ce jour, je n’ai reçu aucune demande de votre part pour avoir l’accès à des informations utiles dans vos tâches.

Vous semblez faire le rapprochement entre mon attitude de ces dernières semaines et votre état de santé actuel. J’ai le regret de vous dire que cela est encore une nouvelle fois un mensonge.

J’ai votre mail du 1er décembre 2018 où vous affirmez ressentir un mal-être. Dans ce mail vous me demandez une augmentation de 35 % de votre brut pour asseoir votre train de vie et vous m’expliquez ne plus avoir les moyens d’assumer les fêtes familiales en raison de choix privés.

Encore une fois, vous me prenez pour le premier des imbéciles et vous n’abuserez personne.

Concernant vos heures supplémentaires, je vous confirme avoir l’ensemble de vos pointages réalisés par vous-même. Il n’y a aucune heure supplémentaire dans ces pointages. En osant affirmer le contraire, vous trahissez une nouvelle fois notre relationnel.

J’ose espérer que les heures consacrées à vos projets personnels utopiques et irrationnels ne font pas partie de vos heures de travail dans votre pointage.

À votre retour, je serai vigilant sur votre attitude et sur la qualité de votre travail. J’attends de vous une conduite exemplaire. Je ne tolérerai aucune incartade.

Vous me remettrez par mail, chaque jour, un rapport de vos activités, de vos impressions et de l’ensemble des informations que vous jugerez utiles de me transmettre.

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de nos salutations distinguées. »

Il résulte de cette longue lettre que l’employeur reproche, en réalité, à son salarié un ‘comportement irrespectueux’ de façon assez générale et sans que des pièces probantes viennent objectiver ses reproches.

Il sera ajouté au jugement qui a examiné la demande d’annulation dans ses motifs mais n’a pas statué dans son dispositif.

C – Sur l’avertissement du 16 mai 2019 :

La lettre d’avertissement est libellée :

« Monsieur,

Voici la réponse à vos courriers recommandés les 27 avril et 4 mai.

Je vous confirme votre de deuxième avertissement du 11 avril 2019.

Jusqu’à votre arrêt travail, vous quittiez la société chaque jour en omettant de me saluer afin de masquer l’heure réelle de votre départ et cela bien avant les événements de décembre 2018.

En ce qui concerne le harcèlement, je suis au regret de vous signifier que le harcèlement est subi par votre direction qui vit sous la menace de vos courriers recommandés. Je ne fais que répondre à ces courriers. C’est vous qui est l’instigateur de mes réponses.

Contrairement à vous, je ne vous ai pas mis en demeure et je n’ai pas critiqué votre travail.

Dans votre courrier du 27 avril, vous m’accusez de menteur. Je cherche encore vos arguments.

Pour votre intervention au capital de la SCI Daber, vous transformez un cadeau en fardeau.

Je ne vous ai jamais obligé à être actionnaire. Concernant l’autofinancement de la SCI, je tiens à préciser qu’il n’est pas assuré car le crédit immobilier fut obtenu sur une période de quinze ans alors que l’amortissement du bâtiment est beaucoup plus long. Les apports seront consommés dans les deux ans ensuite les actionnaires devront refaire des apports.

Je vous confirme également que vous avez élaboré un plan de reprise du groupe Daber sans apport et uniquement avec vos conseillers. Sans vous en rendre compte, vous confirmez ce fait dans votre lettre du 27 avril.

À la lecture de votre courrier du 27 avril, j’ai découvert votre refus d’intégrer la société BD Développement. Pourtant depuis plus de trois ans, vous recevez des fiches de paie de cette société et à aucun moment vous n’avez protesté ou contesté ce fait. Je réfute l’ensemble de vos propos relatifs à la signature d’un hypothétique contrat qui devait être rédigé par vos soins.

Ensuite, vous contestez mon pouvoir de direction. Pour cette raison, je vous inflige un troisième avertissement.

Il est impératif de vous redire qu’une société est dirigée par son patron et les salariés doivent appliquer les directives. Vous ne pouvez pas contester mes décisions qui sont prises dans l’intérêt de la société.

Le changement des conditions de travail peut être imposé par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction. Votre refus constitue une faute que je peux éventuellement sanctionner pour faute grave.

Dans votre courrier du 4 mai, vous continuez à contester mon pouvoir de direction. En effet, j’ai le droit de vous rappeler que je suis le seul juge pour l’entretien des véhicules.

En étant souffrant, vous avez pris contact avec un fournisseur sans mon autorisation.

Je vous rappelle que le 27 avril, vous déclarez ne pas avoir l’autorisation de valider les achats.

Pour les dates d’échéance des documents en votre possession, je pense que vous avez les capacités à lire leur date de validité.

Dois-je vous rappeler votre fonction au sein de BD Développement ‘

Vous pouvez prendre rendez-vous afin de retirer contre décharge des formulaires de frais et l’attestation d’assurance reçue après votre arrêt travail. »

La lettre d’avertissement est, là encore, assez générale quant au grief qui est, en réalité, ‘la contestation du pouvoir de direction’.

Ce reproche n’apparaît pas davantage reposer sur des pièces précises qui caractériseraient de tels faits.

Il sera ajouté au jugement qui a examiné la demande d’annulation dans ses motifs mais n’a pas statué dans son dispositif.

4°/ Sur les dommages-intérêts au titre de l’annulation des sanctions :

Compte tenu du nombre de sanctions annulées, des motifs employés à tort par l’employeur et de la déduction sur le bulletin de salaire de la prétendue absence injustifiée, il sera accordé à M. [G] la somme de 600 euros en réparation de son préjudice moral et financier.

Le jugement sera infirmé.

5°/ Sur le harcèlement moral :

La lettre de prise d’acte est ainsi libellée :

« Je suis au regret de devoir prendre acte de la rupture de mon contrat de travail en raison des faits graves et répétés que vous avez commis à mon encontre.

Salarié de votre entreprise depuis le 31 mars 2003, je subis depuis quelques mois un changement de comportement de votre part portant gravement atteinte à mon état de santé, ayant nécessité une prescription médicale dès le mois de janvier et ayant conduit à un arrêt de travail depuis le 28 mars 2019.

Après avoir sollicité en vain et par trois fois un entretien avec vous en décembre 2018, pour toute réponse, vous avez multiplié les agressions à mon encontre.

Vous m’avez spolié de toutes mes attributions de directeur, m’avez supprimé mes accès informatiques, coupé mon téléphone, m’avez humilié en public et m’avez affecté à des tâches subalternes prétextant qu’il ne s’agissait que d’une modification de mes « conditions de travail » alors que j’ai vécu une véritable rétrogradation, etc’

Vous m’avez refusé de prendre mes congés en même temps que mon épouse, salariée de l’entreprise, contrairement aux dispositions de l’article L 3141-14 du Code du travail.

Vous n’avez pas donné suite à ma demande de paiement d’heures supplémentaires alors que vous n’ignorez pas les nombreuses heures effectuées.

Je vous ai mis en demeure par courriers recommandés à plusieurs reprises de me rétablir dans mes droits.

Pour toute réponse, vous m’avez adressé trois avertissements injustifiés pendant mon arrêt de travail, confirmant votre pression à mon encontre alors que mon état de santé fragilisé par votre comportement nécessitait le repos.

Mon contrat de travail est donc rompu immédiatement et à vos torts exclusifs et je vous informe de mon intention de saisir le Conseil de prud’hommes pour faire valoir mes droits. »

Il résulte de cette lettre et des conclusions de l’appelant que ce dernier invoque, à l’appui de sa demande au titre d’un harcèlement moral, les griefs qui seront examinés ci-après.

M. [G] produit également aux débats diverses pièces médicales attestant d’une prise en charge médicamenteuse au titre de troubles anxieux ayant engendré un arrêt de travail à compter du 28 mars 2019 (pièces n° 41 à 46).

A – le non-paiement d’heures supplémentaires :

Il résulte des développements qui précèdent que ces faits ne sont pas établis.

B – le travail dissimulé :

Il résulte des développements qui précèdent que ces faits ne sont pas établis.

C – la notification de trois avertissements sur une courte période :

Il résulte de ce qui précède que ces faits sont avérés.

La relation contractuelle s’est déroulée de bonne façon pendant près de 16 ans et, soudainement, à la suite de l’échec des négociations pour la reprise de la société BD Développement et d’une demande concomitante d’augmentation de son salaire, M. [G] a reçu plusieurs avertissements en l’espace de quelques semaines.

Deux avertissements l’ont été alors qu’il était déjà en arrêt de travail depuis un certain temps.

D – la virulence des propos de l’employeur à l’occasion des avertissements :

L’échec de la reprise a été, à l’évidence, très mal vécue par le dirigeant de la société BD Développement.

Il résulte des lettres d’avertissement qu’il en a été fort marri et qu’au-delà, il a usé de termes inappropriés.

Par exemple, lorsqu’il met clairement en doute les capacités intellectuelles de M. [G] dans la lettre du 16 mai 2019 : ‘Pour les dates d’échéance des documents en votre possession, je pense que vous avez les capacités à lire leur date de validité.’

De même, lorsqu’à l’occasion des avertissements des 11 avril et 16 mai 2019, l’employeur dénie presque à M. [G] sa qualité de salarié à cause de l’inexistence d’un contrat de travail écrit, menaçant finalement ce dernier de le contraindre à évoluer dans une sorte de zone de non-droit.

De tels propos apparaissent vexants.

E – la suppression des outils professionnels, et notamment la carte bancaire :

Ce fait est reconnu par l’employeur dans la lettre d’avertissement du 16 mai 2019.

Il n’est pas contesté que M. [G] disposait jusque-là de la carte bancaire de la société et que, brutalement, le dirigeant de la société intimée la lui a supprimée en le contraignant à remplir des formulaires de remboursement de frais.

F – la suppression du téléphone et de ses accès :

Il résulte de la lettre d’avertissement du 11 avril 2019 que ces faits sont établis, l’employeur le reconnaissant, ce qui apparaît, au surplus, attesté par la pièce n° 24 de M. [G] relative à la mise hors service de son téléphone portable professionnel et à la suppression des accès.

G – le verrouillage et la suppression des accès informatiques :

Contrairement à ce que soutient M. [G], ce fait ne résulte pas de la lettre d’avertissement du 11 avril 2019.

Aucune pièce probante n’est, par ailleurs, produite aux débats par le salarié pour démontrer l’existence de ce fait.

H – le refus des congés payés pour la période du 8 au 13 avril 2019 :

En mars 2018, l’employeur a refusé d’accéder à la demande du salarié.

Il s’est agi du premier refus en près de 16 ans de carrière.

I – l’obligation nouvelle d’effectuer un pointage et un rapport d’activité quotidien :

Ce fait est d’abord démontré par le courrier électronique du 16 janvier 2019 adressé au salarié par l’employeur (pièce n° 17) :

« Merci de me préparer dans Word, l’avenant de ton contrat de travail qui précisera par un semainier tes horaires de travail journalier.

Merci de me préparer un modèle de fiche de pointage hebdomadaire avec les horaires de chaque jour un emplacement signature, l’activité succincte de chaque jour et enfin une grande case observations.

Il te faudra dorénavant remplir cette feuille chaque semaine.

Pour la poursuite de nos relations, il est nécessaire d’avoir ses feuilles depuis l’origine du contrat, je ne veux pas tomber dans le piège du rappel des heures supplémentaires.»

L’existence de ce fait est, ensuite, prouvée par l’obligation de rapport quotidien confirmée dans la lettre d’avertissement du 11 avril 2019.

J – la suppression des missions :

En l’absence de fiche de poste et de définition conventionnelle de la fonction de directeur adjoint, il ne saurait être dressé une liste des missions relevant du salarié de sorte que l’appréciation de leur suppression effective apparaît impossible.

M. [G] n’élève pas de grief précis sur l’absence de fiche de poste dont il imputerait la responsabilité au dirigeant.

La cour relève, en outre, que le grief principal du salarié est d’avoir été contraint de former des techniciens itinérants.

Cette mission revêt une certaine importance et ne saurait être vue comme valant rétrogradation, et cela d’autant moins que la société BD Développement est de petite taille.

Il résulte de ce qui précède que sont établis les faits C -, D -, E -, F -, H – et I -.

Pris dans leur ensemble, et dans le contexte, ils sont laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral.

Il incombe à l’employeur de démontrer que ses agissements sont étrangers à tout harcèlement et justifiés par des éléments objectifs.

S’agissant des faits H -, relatifs au refus de congés, l’épouse de M. [G] a bien eu ses congés, comme d’autres salariés.

L’employeur invoque la nécessité de former des techniciens nouvellement embauchés.

Selon M. [G], un collègue avait déjà rempli cette tâche et aurait pu continuer à le faire.

Ce collègue avait toutefois également demandé ses congés pour cette période (pièces n° 27 et 71).

Nonobstant l’article L.3141-16 du code du travail qui ne pose qu’une obligation de prise en compte de la situation familiale dans la fixation de l’ordre des congés, sans droit acquis, l’employeur, qui devait disposer de personnel pour former ses nouveaux salariés, a pu, dans l’exercice de son pouvoir de direction, refuser à M. [G] ses congés pour l’affecter à cette mission.

En revanche, les faits C-, D-, E -, F – et I – n’apparaissent obéir à aucune justification ainsi qu’il ressort des développements précédents.

M. [G] a été brutalement sanctionné, de façon non motivée, sur une courte période de temps, destinataire, par ailleurs, de propos inadaptés et même vexants de la part de l’employeur puis soudainement dépossédé de la carte bancaire dont il avait un usage constant jusque-là.

Il a finalement été astreint à des rapports d’activité quotidiens ainsi qu’à des pointages directement auprès du dirigeant, une première dans la relation contractuelle que rien ne laissait présager, nonobstant sa qualité de directeur adjoint.

Ces faits ont revêtu une incidence sur la santé du salarié.

Le dirigeant allègue implicitement d’une forme de perte de confiance, notion assez subjective, à la suite de la tentative avortée de reprise de la société BD Développement alors qu’il s’agit de faits sans lien avec la qualité de salarié de M. [G] et dont l’imputabilité à celui-ci est, par ailleurs, tout à fait incertaine.

Il s’ensuit que l’appelant a été victime d’un harcèlement moral.

Il sera ajouté au jugement qui n’a pas statué.

6°/ Sur les dommages-intérêts au titre du harcèlement moral :

Il sera accordé à M. [G] la somme de 1 000 euros, étant ajouté que le juge prud’homal est compétent pour l’indemniser, ce préjudice ayant en effet été subi au cours de la relation contractuelle sans prise en charge au titre de la Sécurité sociale.

Il sera ajouté au jugement qui n’a pas statué.

7°/ Sur la nullité de la rupture :

Il résulte des développements qui précèdent que le harcèlement moral dont a été victime M. [G] a été directement à l’origine de la prise d’acte de sorte que celle-ci doit produire les effets d’un licenciement nul.

Le jugement qui rejette la demande de ce chef sera infirmé.

8°/ Sur les dommages-intérêts au titre de la rupture :

Conformément à l’article L.1235-3-1 du code du travail, M. [G] a droit à des dommages-intérêts d’un montant minimum de six mois de salaire.

Le salaire de référence s’élève à la somme de 4 463,46 euros en brut selon les bulletins de paie et la pièce n° 66.

Celui-ci a retrouvé un travail sous la forme d’un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 3 juin 2019 auprès d’un autre employeur (pièce n° 67), en l’occurrence chef de centre, statut non-cadre avec un salaire brut mensuel de 3 500 euros.

Au regard de l’ancienneté de M. [G], de sa rémunération, de sa qualification et de sa situation personnelle et professionnelle, il lui sera octroyé la somme de 27 000 euros.

Le jugement qui rejette la demande de ce chef sera infirmé.

9°/ Sur l’indemnité légale de licenciement :

L’article 3.42 de la convention collective renvoie aux dispositions légales en vigueur, soit l’article R.1234-2 du code du travail.

Il est, en conséquence, dû la somme de : (4 463,46 x 1/4) x 10 ans + (4 463,46 x 1/3) x 6,166 ans = 20 333,54 euros.

Le jugement qui rejette la demande de ce chef sera infirmé.

10°/ Sur le préavis, outre congés payés :

L’article 3.41 donne droit au cadre à un préavis de 3 mois.

Il est, en conséquence, dû la somme de : 4 463,46 x 3 = 13 390,38 euros, outre congés payés afférents.

Le jugement qui rejette la demande de ce chef sera infirmé.

11°/ Sur le point de départ des intérêts :

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il fait courir les intérêts au taux légal à compter du jour de la demande pour les sommes de nature salariale alors qu’ils ne peuvent courir, pour ces sommes, qu’à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation.

12°/ Sur la sanction de l’article L.1235-4 du code du travail :

Il n’y a pas lieu à prononcer cette sanction au regard des effectifs de l’entreprise.

13°/ Sur la demande reconventionnelle au titre d’une démission abusive :

Il résulte des développements qui précède que la prise d’acte étant fondée, cette demande ne peut qu’être rejetée.

Le jugement sera confirmé.

14°/ Sur la demande reconventionnelle au titre de la restitution des sommes versées dans le cadre de l’exécution provisoire attachée au jugement déféré :

Il résulte des développements qui précède que la prise d’acte étant fondée, cette demande ne peut qu’être rejetée.

15°/ Sur les frais irrépétibles de première instance :

Le jugement qui a accorde la somme de 1 000 euros à M. [G] sera infirmé.

Il apparaît équitable de lui octroyer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

16°/ Sur les frais irrépétibles d’appel :

Il sera équitable de condamner la société BD Développement, qui sera déboutée de ce chef ayant succombé au fond, à payer à l’appelant la somme de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS :

la cour d’appel, statuant publiquement, contradictoirement et après en voir délibéré conformément à la loi :

– confirme le jugement déféré, mais seulement en ce qu’il ‘déboute M. [G] de sa demande au titre du travail dissimulé, en ce qu’il déboute la société BD Développement de ses demandes, en ce qu’il dit être exécutoire à titre provisoire dans la limite maximum de neuf mois de salaires selon l’article R.1454-28 du code du travail, précise que conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal à compter de son prononcé pour les sommes n’étant pas de nature salariale’ ;

– l’infirme pour le surplus et statuant à nouveau ainsi qu’y ajoutant sur les demandes non tranchées ;

* rejette la demande en paiement d’heures supplémentaires invoquées ;

* prononce l’annulation des avertissements infligés à M. [G] les 27 mars, 11 avril et 16 mai 2019 ;

* condamne la société BD Développement à lui payer la somme de 600 euros de ce chef à titre de dommages-intérêts ;

* dit que la société BD Développement a commis un harcèlement moral à l’encontre de M. [G] ;

* la condamne à lui payer la somme de 1 000 euros de ce chef à titre de dommages-intérêts ;

* juge que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement nul ;

* condamne la société BD Développement à payer à M. [G] la somme de 27 000 euros de ce chef à titre de dommages-intérêts ;

* la condamne, par ailleurs, à payer à M. [G] la somme de 20 333,54 euros au titre de l’indemnité légale et celle de 13 390,38 euros au titre du préavis, outre congés payés afférents de 1 339,04 euros ;

* rappelle que le point de départ des intérêts légaux sur les sommes de nature salariale court à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation ;

* précise que les condamnations s’entendent déduction à faire des cotisations applicables;

* condamne la société BD Développement à payer à M. [G] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;

* rejette le surplus des prétentions ;

* condamne la société BD Développement aux dépens d’appel.

LE GREFFIER

Annie LESIEUR

LE PRESIDENT

Olivier BECUWE

 


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