Tentative de conciliation ou de médiation : 10 novembre 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/04074

·

·

Tentative de conciliation ou de médiation : 10 novembre 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/04074
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/04074 – N° Portalis DBVH-V-B7F-IHX2

AV

TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES

08 octobre 2021

RG:2020J00199

[N]

S.A.R.L. 3J

C/

[B]

S.A. AUDIT SUD ASSOCIES

Grosse délivrée

le 10 NOVEMBRE 2023

à Me Julie-gaëlle BRUYERE

Me Henri-laurent ISENBERG

Me Jean-michel DIVISIA

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale

ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de NIMES en date du 08 Octobre 2021, N°2020J00199

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,

Madame Claire OUGIER, Conseillère,

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière à la Chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 19 Octobre 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 10 Novembre 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTES :

Madame [G] [N] veuve [M]

née le [Date naissance 3] 1955 à [Localité 12]

[Adresse 10]

[Localité 7]

Représentée par Me Julie-gaëlle BRUYERE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

S.A.R.L. 3J, immatriculée au RCS d’Aubenas sous le n°514 691 476, prise en la personne de son représentant légal, Mme [M], gérante, domiclié ès-qualités audit siège

[Adresse 8]

[Localité 1]

Représentée par Me Julie-gaëlle BRUYERE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉS :

Monsieur [S] [W] [F] [B]

né le [Date naissance 4] 1959 à [Localité 11]

[Adresse 9]

[Localité 6]

Représenté par Me Henri-laurent ISENBERG de la SCP LAICK ISENBERG JULLIEN SAUNIER GARCIA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

S.A. AUDIT SUD ASSOCIES, prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Véronique CHIARINI de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 05 Octobre 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 10 Novembre 2023,par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Vu l’appel interjeté le 10 novembre 2021 par la S.A.R.L. 3J et Madame [G] [N] veuve [M] à l’encontre du jugement prononcé le 8 octobre 2021 par le tribunal de commerce de Nîmes, dans l’instance n°2020J00199,

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 23 juin 2022 par les appelantes, et le bordereau de pièces qui y est annexé,

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 29 mars 2022 par la S.A. Audit Sud Associés, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé,

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 9 mai 2022 par Monsieur [S] [B], intimé, et le bordereau de pièces qui y est annexé,

Vu l’ordonnance du 28 mars 2023 de clôture de la procédure à effet différé au 5 octobre 2023,

Le 1er octobre 2009, les consorts [M] ont créé la SARL 3J ayant pour objet social ‘l’activité professionnelle de loueur en meublé et en général la propriété et l’administration de tous biens immobiliers ainsi que toutes activités connexes ou complémentaires’. Le capital de la société d’un montant de 8 000 euros, était divisé en 80 parts de 100 euros chacune, réparties comme suivant :

Monsieur [Z] [M] : 78 parts

Monsieur [L] [M] : 1 part

Madame [R] [M] : 1 part.

La SARL 3J a confié sa comptabilité à la S.A. Audit Sud pour les exercices 2010, 2011 et 2012 et à Monsieur [S] [B] pour l’exercice 2013.

Monsieur [Z] [M] est décédé le [Date décès 5] 2014.

La SARL 3J a fait l’objet d’une vérification de comptabilité du 12 juin au 7 octobre 2014. L’administration fiscale a effectué le 10 octobre 2014 une proposition de rectification portant sur la taxe sur la valeur ajoutée des années 2011 à 2013, en considérant que cette taxe n’aurait pas du être déduite par la SARL 3J, en ce qui concerne la construction du studio occupé gratuitement par Monsieur [L] [M], pendant les périodes de location, au titre d’un logement de fonction, la déduction étant réservée aux logements de fonction du personnel de gardiennage, de sécurité, ou de surveillance sur les chantiers ou dans les locaux de l’entreprise.

L’administration fiscale a effectué le 30 octobre 2014 une proposition de rectification portant sur les impôts sur les revenus de Madame [G] [N] veuve [M] et de son mari des années 2011 à 2013, aux motifs que le déficit industriel et commercial relatif à l’activité de loueur en meublé ne pouvait être considéré comme professionnel et qu’il n’était pas déductible des autres revenus du foyer fiscal.

Par exploit du 17 novembre 2016, la SARL 3J et Madame [G] [N] veuve [M] ont fait assigner Monsieur [S] [B] et la S.A. Audit Sud devant le tribunal judiciaire d’Alès aux fins de voir engager leur responsabilité.

La SARL 3J et Madame [G] [N] veuve [M] ont saisi le juge de la mise en état d’une demande tendant à ordonner à Monsieur [S] [B] la production de pièces, sous astreinte. Monsieur [S] [B] a soulevé l’irrecevabilité de l’action des demanderesses. Par courrier du 28 août 2017, elles ont saisi le Conseil régional de l’ordre des experts comptables d’une demande de conciliation.

Par ordonnance du 3 octobre 2017, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d’Alès a constaté l’irrecevabilité des demandes formées par la SARL 3J et Madame [G] [N] veuve [M] à l’encontre de Monsieur [S] [B] et de la S.A. Audit Sud, condamné la SARL 3J et Madame [G] [N] veuve [M] à verser à Monsieur [S] [B] la somme de 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné la SARL 3J et Madame [G] [N] veuve [M] aux dépens.

Par exploit du 12 juillet 2018, la SARL 3J et Madame [G] [N] veuve [M] ont fait assigner Monsieur [S] [B] devant le tribunal de commerce d’Aubenas aux fins principales de voir constater qu’il a manqué à son devoir de conseil, que ce manquement a engagé sa responsabilité contractuelle envers la SARL 3J et sa responsabilité extra-contractuelle envers Madame [N], et, en conséquence, le voir condamner à la réparation des préjudices subis constitués de la taxe sur la valeur ajoutée qu’il avait omis de déclarer, des intérêts de retard et des majorations sur l’impôt sur les revenus ainsi que du préjudice moral subi par Madame [G] [N] veuve [M]. Il était également sollicité le remboursement par Monsieur [S] [B] des honoraires qui lui avaient été payés ainsi que le paiement des frais engagés par les demanderesses pour se faire assister durant le redressement fiscal.

Par exploit du 20 décembre 2018, la SARL 3J et Madame [G] [N] veuve [M] ont fait assigner la SA Audit Sud Associés à des fins similaires devant le tribunal de commerce de Nîmes.

Par jugement du 18 septembre 2019, le tribunal de commerce de Nîmes a ordonné la radiation de l’affaire pendante devant lui.

Par conclusions du 20 juillet 2020, l’instance a été réinscrite au rôle.

Par jugement du 1er septembre 2020, le tribunal de commerce d’Aubenas a :

-Dit qu’il existait une exception de connexité entre l’instance pendante devant lui et l’action engagée par la SARL 3J et Madame [G] [N] veuve [M] contre la société Audit Sud devant le tribunal de commerce de Nîmes;

-Ordonné le renvoi de la cause et des parties devant le tribunal de commerce de Nîmes pour jonction avec le dossier n°2020J00019.

Par jugement du 8 octobre 2021, le tribunal de commerce de Nîmes, au visa de l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance d’Alès du 3 janvier 2017, définitive, de l’article 122 du code de procédure civile, des articles 2224 et suivants du code civil, a :

-Jugé l’action de la SARL 3J et de Madame [N] [G] veuve [M] irrecevable comme étant prescrite, à l’égard de la SA Audit Sud Associés

-Débouté la SARL 3J et Madame [N] [G] veuve [M] de leurs demandes à l’égard de Monsieur [S] [B] de la SARL FM Consult

-Dit n’y avoir lieu à surseoir à statuer

-Dit n’y avoir lieu à dommages et intérêts, ni à application de l’article 700 du code de procédure civile

-Rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires

-Condamné la SARL 3J et Madame [N] [G] veuve [M] aux dépens de l’instance que le tribunal a liquidés et taxés à la somme de 131,69 euros en ce non compris le coût de la citation introductive d’instance, le coût de la signification de la décision, ainsi que tous autres frais et accessoires.

Le 10 novembre 2021, la SARL 3J et Madame [N] [G] veuve [M] ont interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à surseoir à statuer et rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique, les appelantes demandent à la cour, au visa de l’article 239 bis AB du code général des impôts, du code de déontologie des experts-comptables, des articles 1134 et 1383 anciens du code civil, des articles 1193, 1194, 1240, 1241 nouveaux du code civil, des articles 381 et suivants du code de procédure civile, de :

-Infirmer purement et simplement le jugement du tribunal de commerce du 8 octobre 2021 en ce qu’il a jugé l’action de Madame [N] veuve [M] et de la SARL 3J irrecevable comme étant prescrite;

-Infirmer purement et simplement le jugement du tribunal de commerce du 8 octobre 2021 en ce qu’il a débouté Madame [N] veuve [M] et de la SARL 3J à l’égard de Monsieur [B] et de la SARL FM Consult;

Statuant à nouveau,

-Juger l’action de Madame [M] et de la SARL 3J recevable à l’encontre de la SA Audit Sud comme étant non-prescrite;

-Débouter la SA Audit Sud et Monsieur [B] de leur demande d’irrecevabilité au titre de l’autorité de la chose jugée de l’ordonnance de mise en état du tribunal de grande instance d’Alès du 3 octobre 2017;

Concernant la SA Audit Sud,

-Juger que la SA Audit Sud a manqué à son devoir de conseil et d’information;

-Juger la responsabilité contractuelle de la SA Audit Sud engagée à l’égard de la SARL 3J au regard de ce manquement;

-Juger que le manquement contractuel de la SA Audit Sud à l’égard de la SARL 3J a causé un dommage direct et certain à Madame [M], tiers au contrat;

-Juger la responsabilité extracontractuelle de la SA Audit Sud engagée à l’égard de Madame [M];

-Condamner la SA Audit Sud à payer à la SARL 3J la somme de 4 914 euros au titre du remboursement de la TVA qu’il a omis de déclarer;

-Condamner la SA Audit Sud à payer à Madame [M] la somme de 2 647 euros au titre au titre du remboursement des intérêts de retard et des majorations sur l’impôt sur les revenus;

-Condamner la SA Audit Sud à payer à la SARL 3J et à Madame [M] la somme de 3 093,78 euros au titre des honoraires indus;

-La débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions;

Concernant Monsieur [B],

-Juger que Monsieur [B] a manqué à son devoir de conseil et d’information;

-Juger la responsabilité contractuelle de Monsieur [B] engagée à l’égard de la SARL 3J au regard de ce manquement;

-Juger que le manquement contractuel de Monsieur [B] à l’égard de la SARL 3J a causé un dommage direct et certain à Madame [M], tiers au contrat;

-Juger la responsabilité extracontractuelle de Monsieur [B] engagée à l’égard de Madame [M];

-Condamner Monsieur [B] à payer à la SARL 3J la somme de 7 600 euros au titre du remboursement de la TVA qu’il a omis de déclarer;

-Condamner Monsieur [B] à payer à Madame [M] la somme de 678 euros au titre au titre du remboursement des intérêts de retard et des majorations sur l’impôt sur les revenus;

-Condamner Monsieur [B] à payer à la SARL 3J et à Madame [M] la somme de 3 750,28 euros au titre des honoraires indus

-Débouter Monsieur [B] de ses demandes incidentes, fins et conclusions;

-Juger n’y avoir lieu à sursis à statuer;

-Condamner solidairement la SA Audit Sud et Monsieur [B] à payer à la SARL 3J et à Madame [M] la somme de 8 000 euros au titre des frais engagés pour se faire assister durant le redressement fiscal;

-Condamner solidairement la SA Audit Sud et Monsieur [B] à payer à Madame [M] la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi;

-Condamner solidairement la SA Audit Sud et Monsieur [B] à payer à Madame [M] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens, y compris ceux de première instance et les frais devant le tribunal de commerce.

Au soutien de leurs prétentions, les appelantes font valoir dans un premier temps que le juge de la mise en état a statué sur l’irrecevabilité des demandes formulées au stade de l’incident émanant des demanderesses, incident qui ne visait que Monsieur [S] [B], aux fins de voir produire des pièces sous astreinte. Il n’avait été formulé au stade de la mise en état aucune demande à l’encontre de la S.A. Audit Sud. Lorsque la situation a évolué et que la décision antérieure a été prise sur un fondement juridique qui s’est modifié postérieurement, l’autorité de la chose jugée ne peut plus être opposée. En outre, avant l’entrée en vigueur de la réforme sur la procédure civile de 2019, le tribunal était seul compétent pour connaître des fins de non-recevoir. Le juge de la mise en état ne pouvait trancher ces questions préalables sans excéder ses pouvoirs. Le dispositif de l’ordonnance de mise en état 3 octobre 2017 ne précise pas sur quel fondement l’irrecevabilité est prononcée, de sorte qu’il y a lieu de considérer que l’irrecevabilité retenue par le juge de la mise en état, éteignant l’instance, est relative à l’exception d’incompétence. D’autre part, les demandes formulées au sein de la mise en état n’avaient trait qu’à la production de pièces et non au fond du dossier. L’irrecevabilité des demandes à l’encontre de la S.A. Audit Sud ne portait que sur la demande de production de pièces, les conclusions d’incident ne lui ayant pas été signifiées.

En tout état de cause, les fins de non-recevoir énoncées par le juge de la mise en état dans sa motivation notamment la méconnaissance d’une clause de conciliation préalable, sont régularisables au visa de l’article 126 du code de procédure civile, tant que la prescription n’est pas acquise. C’est pourquoi suite à la décision du juge de la mise en état, la SARL 3J et Madame [G] [N] veuve [M] ont saisi la chambre régionale des experts-comptables d’une médiation qui a échoué, puis ont introduit des instances au fond devant le tribunal de commerce de Nîmes et le tribunal de commerce d’Aubenas.

Les appelantes soutiennent ensuite que l’action intentée contre la SA Audit Sud Associés n’est pas prescrite en ce qu’elles n’ont découvert la faute des experts-comptables que le 10 octobre 2014, date à laquelle est intervenue la proposition de redressement fiscal. C’est donc à compter de cette date qu’elles se sont aperçu qu’elles n’avaient pas reçu les conseils adaptés à leur situation. De plus, elles ont saisi l’ordre régional des experts-comptables par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 août 2017, situation qui a perduré jusqu’au 2 novembre 2017, suspendant ainsi la prescription. Elles avaient donc jusqu’au mois de décembre 2019 pour assigner les intimés.

Sur le fond, la SARL 3J et Madame [N] veuve [M] reprochent à la SA Audit Sud de ne pas avoir respecté son obligation d’information et de conseil puisqu’elle aurait du s’assurer auprès de son client du montant de ses autres revenus pour vérifier si les recettes annuelles tirées de l’activité de loueur de meublés excédaient les revenus du foyer fiscal et si les conditions de la défiscalisation prévue par l’article 239 bis AB du code général des impôts étaient réunies. L’absence du report des déficits des exercices précédents a également posé problème quant aux déclarations que souhaitait faire le nouvel expert-comptable. Enfin, la SA Audit Sud n’a jamais fait signer de lettre de mission à la SARL 3J et échoue à démontrer en quoi consistait sa mission.

Il est indifférent que Monsieur [S] [B] n’ait pas été à l’origine du montage fiscal. Les obligations déontologiques de l’expert comptable lui imposent de donner son avis sans égard aux souhaits de son client et si besoin de prononcer des réserves. Monsieur [S] [B] aurait du vérifier que la situation fiscale correspondait bien à la situation réelle et que les déclarations qu’il effectuait respectaient les articles du code général des impôts. Cet expert comptable ne peut se décharger de ses obligations contractuelles en rejetant les fautes sur la S.A. Audit Sud du fait de l’indépendance des exercices comptables et du principe de continuité d’exploitation. En outre, il aurait dû savoir qu’en déclarant la SARL comme loueur meublé professionnel tout en ne déclarant pas la TVA, il l’exposait à un redressement fiscal.

Enfin, les experts-comptables ont tous deux manqué à leur obligation de déclaration de TVA, de sorte que leurs responsabilités contractuelles peuvent être engagées à ce titre. La S.A. Audit Sud a établi les contrats de travail de Monsieur [L] [M] et les bulletins de paie mentionnant l’avantage logement dans le salaire puis la même somme en reprise. Elle ne pouvait ignorer la règle selon laquelle la mise à disposition du logement d’immeuble consentie à titre gratuit n’est pas une opération située dans le champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée, défini par l’article 256 I du code général des impôts et que l’option prévue à l’article 260-2° n’est pas applicable. Il relevait de la lettre de mission de Monsieur [S] [B] de formaliser un contrat de travail, ce qui n’a pas été fait. L’erreur comptable flagrante commise par la S.A. Audit Sud a été reprise par Monsieur [S] [B] qui n’a pas jugé bon de la rectifier.

Madame [N] veuve [M] soutient que le manquement contractuel des experts comptables à l’égard de la SARL 3J constitue une faute délictuelle à son égard en tant que tiers au contrat. Elle a subi du fait de ce manquement un préjudice engageant la responsabilité extra-contractuelle des intimés. En effet, il a résulté du redressement fiscal de la SARL 3J un redressement sur les revenus personnels de Madame [M]. De plus, elle a dû verser le montant de la TVA rappelée par le trésor public sur ses fonds personnels puisque la société ne générait pas suffisamment de chiffre pour régulariser cette situation. Ainsi, la SARL 3J et Madame [M] ont chacune subi un préjudice financier, tandis que cette dernière a en plus subi un préjudice moral du fait qu’elle s’est retrouvée seule face à un redressement fiscal important après le décès de son mari.

Enfin, concernant le non-respect du contradictoire soulevé par les intimés, les appelantes énoncent qu’aucune procédure devant le tribunal administratif n’a été introduite, eu égard au conseil de la société FIDAL et au peu de chance de succès que cette action induisait.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, la SA Audit Sud Associés, intimée, demande à la cour de :

I. Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 8 octobre 2021 et, par substitution de motifs, juger l’action irrecevable par application de l’article 122 du code de procédure civile en l’état de l’autorité de la chose jugée consécutive à l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance d’Alès du 3 octobre 2017, définitive

II. Confirmer le jugement ayant jugé l’action de la SARL 3J et de Madame [N] veuve [M] irrecevable par application des articles 2224 et suivants du code civil, comme étant prescrite

III. Subsidiairement,

-Juger l’action engagée par Madame veuve [M] irrecevable par application de l’article 122 du code de procédure civile pour défaut de qualité et d’intérêt à agir

-Juger l’action de la SARL 3J et de Madame [N] veuve [M] infondée

Tenant la carence en pièces produites par les appelantes sur les multiples procédures à l’encontre de la Direction Générale des Finances Publiques,

-Surseoir à statuer dans l’attente de l’obtention des décisions de justice les opposant à la Direction Générale des Finances Publiques;

V. Très subsidiairement,

-Juger que les trois critères de responsabilité ne sont nullement réunis

-Débouter tant la SARL 3J que Madame [N] veuve [M] de toutes leurs demandes, fins et conclusions

VI. En tout état de cause,

-Condamner les appelantes solidairement à payer à la concluante la somme de 3 600 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

-Condamner les appelantes solidairement aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, l’intimée indique, tout d’abord, que les parties demanderesses ont engagé une action totalement identique à son encontre devant le tribunal de grande instance d’Alès. Or, le juge de la mise en état de cette juridiction a rendu le 3 octobre 2017 une ordonnance constatant l’irrecevabilité des demandes de la SARL 3J et de Madame [N] veuve [M]. Ainsi, cette décision qui lui a été signifiée le 31 octobre 2017 est revêtue de l’autorité de la chose jugée, de sorte qu’elle lie les parties et les tribunaux qui ne peuvent trancher le même litige. Le tribunal de commerce de Nîmes a donc jugé à bon droit que la chose jugée de cette ordonnance constituait une fin de non-recevoir.

Par la suite, la SA Audit Sud Associés soutient que l’action engagée à son encontre est prescrite. En effet, les appelantes l’ont faite assigner devant le tribunal de commerce de Nîmes par exploit du 20 décembre 2018. Toutefois, elle a été déchargée de sa mission par courrier de la SARL 3J du 29 mars 2013 et le cabinet [S] [B] a sollicité la prise en charge de la comptabilité à compter du 1er janvier 2013 par courrier du 24 avril 2013. La prescription extinctive de 5 ans a commencé à courir à compter de la fin des travaux de l’expert-comptable ; les appelantes auraient donc dû introduire leur action avant le 24 avril 2018, de sorte que l’assignation du 20 décembre 2018 est tardive. Enfin, la procédure introduite devant le tribunal de grande instance d’Alès, ayant donné lieu à une décision d’irrecevabilité, n’est pas interruptive du délai de prescription.

La SA Audit Sud Associés fait également valoir que l’action de Madame [N] veuve [M] est irrecevable à son encontre en ce qu’elle n’a jamais été en charge des déclarations d’impôt sur le revenu de Monsieur [M] et de son épouse. Ainsi, aucun lien contractuel n’a jamais existé entre l’expert comptable et Madame [N] qui ne justifie donc d’aucune qualité et d’aucun intérêt à agir à l’encontre de l’expert-comptable.

Subsidiairement, l’intimée soutient qu’en sa qualité d’expert-comptable, elle est tenue à une obligation de moyens et non de résultat, ayant pour corollaire le devoir de coopération et d’information du client. Une telle information trouve donc ses limites dans la participation de ce dernier à son propre dommage. En outre, l’expert comptable n’a pas à répondre des fautes commises dans l’accomplissement de diligences qui ne lui appartenaient pas. Enfin, la responsabilité d’un expert comptable ne se présume pas. Or, les trois critères nécessaires pour engager une telle responsabilité, que sont la faute, le préjudice et le lien de causalité, ne sont pas démontrés par les appelantes.

Très subsidiairement, la S.A. Audit Sud rétorque qu’elle n’avait pas la charge des déclarations des revenus du foyer fiscal de Monsieur et Madame [M] et n’avait pas connaissance de la nature de leurs revenus. En outre, elle était tenue par le caractère professionnel de l’objet social des statuts et n’avait pas d’autre information portée à sa connaissance sur la SARL 3J. De ce fait, les déclarations fiscales établies correspondaient à l’activité déclarée. Par ailleurs, la SA Audit Sud Associés n’a jamais été informée de l’occupation d’un logement par Monsieur [L] [M] au-delà de son temps de travail, de sorte que la récupération de l’ensemble de la TVA de l’immeuble ne peut constituer une faute pouvant lui être reprochée. Dès lors, sa responsabilité ne peut être engagée.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, Monsieur [S] [B], intimé, demande à la cour de :

Tenant la décision rendue par le tribunal de commerce d’Aubenas le 1er septembre 2020 retenant l’exception de connexité et renvoyant l’action diligentée contre Monsieur [B] devant le tribunal de commerce de Nîmes,

Tenant l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nîmes du 3 octobre 2019 ayant déclaré irrecevable l’action diligentée par la Société 3 J et Madame [N] à l’encontre de Monsieur [S] [B] et de la société FM Consult,

-Déclarer irrecevable l’action engagée;

A titre subsidiaire :

Tenant la jonction des procédures opposant les mêmes demanderesses à la Société Audi Sud,

Tenant l’action diligentée par la Société 3J et Madame [G] [N] à l’encontre de Monsieur [S] [B], FM Consult et de la société Audit Sud,

Tenant les pièces versées à l’appui de telles demandes, les demandes de communication auxquelles il n’a pas été satisfait, le refus d’informer la juridiction,

Tenant les informations obtenues latéralement et la décision rendue par le tribunal de commerce de Nîmes le 18 septembre 2019, prononçant la radiation de la procédure diligentée à l’encontre de la Société Audi Sud, jugement rendu dont la communication a été refusée par la Société 3J et Madame [N] [M], faussant bien entendu la totalité du débat instauré devant le tribunal de commerce d’Aubenas,

Tenant l’historique de la création de la société 3 J, la présence constante de M. [Z] [M], époux de Madame [M], gérant quasiment monopolistique de la société 3 J,

-Constater que la SARL 3 J revendiquait la qualité de loueur professionnel, sous une forme commerciale

-Enjoindre aux appelantes de verser toutes les pièces et analyses qui ont présidé aux contacts avec l’administration fiscale

Retenant que Monsieur [B] et la Société FM Consult n’ont jamais été mandatés afin de valider les déclarations fiscales personnelles de la famille [M],

-Rejeter toute demande au titre d’une éventuelle responsabilité quasi délictuelle

Tenant le rappel factuel effectué qui démontre que les appelantes considèrent que les manquements fondateurs du préjudice allégué, qu’elles ne démontrent pas d’ailleurs, incombent à la Société Audit Sud,

Tenant l’absence de relation contractuelle entre Monsieur [S] [B] et Madame [G] [N] veuve [M],

Tenant le refus de communiquer et l’opacité entretenue par les demanderesses sur la réalité de la situation, leur refus de justifier la quasi-totalité des postes dont elles demandent indemnités,

-Constater que le remboursement de TVA incomberait, ainsi que l’affirment les demanderesses, au Cabinet Audit Sud, tout comme le remboursement d’intérêts de retard et majorations d’impôts;

-Confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a déclaré irrecevables et mal fondées les demandes présentées par les appelantes qu’il n’est nullement démontré le principe d’un redressement fiscal;

Tenant le versement tardif de pièces justifiant l’intervention du cabinet Fidal qui s’était contenté de soulever une nullité de forme, rapidement rejetée par l’Administration fiscale, rejet non contesté par la Société 3J et Madame [N] veuve [M],

Tenant les honoraires versés à la société Fidal, bien loin des sommes réclamées à ce titre dans le cadre de l’acte introductif d’instance,

-Rejeter toute demande de ce chef;

-Rejeter tout autant toute demande au titre d’une prétendue résistance abusive de Monsieur [S] [B] et de FM Consult lesquels n’ont évidemment pas à payer amendes, intérêts de retard ou majorations dont il n’est ni démontré ni la réalité, ni le quantum, ni l’exécution par les demanderesses

-Rejeter la demande de répétition d’honoraires qu’on prétendrait indue correspondant aux prestations effectuées par Monsieur [S] [B] au profit de la seule société 3J

-Rejeter toute demande de condamnation au titre d’un préjudice moral et d’application de l’article 700 du code de procédure civile

Accueillant la demande reconventionnelle présentée par Monsieur [S] [B],

Tenant la multiplication des procédures mal fondées, vides de sens, dans lesquelles les pièces ne sont pas régulièrement communiquées,

-Condamner la société 3J et Madame [G] [N] veuve [M] solidairement à verser à Monsieur [S] [B] la somme de 8 000 euros de dommages-intérêts pour atteinte portée pour préjudice moral du fait des accusations portées dans le cadre de l’exercice de ses activités professionnelles;

-Condamner les mêmes à verser à Monsieur [S] [B] la somme de 4 000 euros par application de l’Article 700 du code de procédure civile

-Les condamner aux entiers dépens de la présente instance, tant de première instance qu’en cause d’appel.

Monsieur [S] [B] fait valoir que l’irrecevabilité des demandes dirigées par la SARL 3J et Madame [G] [N] veuve [M] à son encontre a été constatée le 3 octobre 2017 par le juge de la mise en état par application de l’article 122 du code de procédure civile. Cette décision concernait bien la SARL 3J, Madame [G] [N] veuve [M] et la S.A. Audit Sud. L’irrecevabilité n’est pas régularisable et la demande se heurte à l’autorité de la chose jugée.

Monsieur [S] [B] soutient également que l’action engagée par la SARL 3J et Madame [N] est irrecevable en ce que ces dernières ont manqué de verser aux débats des pièces pourtant indispensables, vidant de sa substance la possibilité pour les appelantes de rechercher une quelconque responsabilité à l’encontre des experts-comptables.

Au surplus, les demanderesses allèguent un préjudice qu’elles ne justifient pas alors même que les intimés ont à de nombreuses reprises sollicité la communication des dites pièces pour comprendre les fautes qui leur étaient reprochées.

De plus, Monsieur [S] [B] prétend que sa responsabilité ne peut être engagée en ce que les manquements allégués par les appelantes visent des circonstances antérieures à son intervention. En effet, lorsqu’il a pris en charge la présentation des déclarations fiscales de la société, celle-ci lui a été imposée par des choix antérieurs et par des modalités pratiques arrêtées par Monsieur [Z] [M] de son vivant sur lesquels il n’avait aucune maîtrise. Ainsi, à l’époque de son intervention, il n’avait pas la possibilité d’alerter Monsieur [M] sur un éventuel redressement qu’entraînerait le choix d’un régime fiscal qui avait été effectué antérieurement à son arrivée comme expert-comptable de la société. Il ne peut donc voir sa responsabilité recherchée au-delà de ce qui lui avait été confié dans le cadre de sa mission qui n’a jamais inclus les déclarations personnelles des associés. Corrélativement, l’absence de faute contractuelle vis-à-vis de la société 3J exclut nécessairement le principe et l’opposabilité d’une responsabilité quasi-délictuelle prétendue par Madame [M].

Monsieur [S] [B] indique que, lors du contrôle fiscal, il est intervenu pour minimiser les effets du redressement envisagé et a permis à la SARL 3J de réaliser de substantielles économies.

Concernant les sommes demandées par les appelantes, il ne pourra être condamné à verser celle de 5 000 euros au titre des frais engagés par la SARL 3J et Madame [N] pour se faire assister durant un redressement fiscal, assistance dont on ne sait pas si elle a eu lieu puisqu’aucune pièce justificative n’est versée. De même, la demande de condamnation à la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par Madame [N] n’est justifiée par aucun élément.

Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

MOTIFS

1) Sur la recevabilité des demandes

Par exploit du 17 novembre 2016, la SARL 3J et Madame [G] [N] veuve [M] ont fait assigner Monsieur [S] [B] et la S.A. Audit Sud devant le tribunal judiciaire d’Alès aux fins de les voir condamner à réparer leurs préjudices.

La SARL 3J et Madame [G] [N] veuve [M] ont saisi le juge de la mise en état d’une demande tendant à ordonner à Monsieur [S] [B] la production de pièces, sous astreinte.

Monsieur [S] [B] a fait valoir devant le juge de la mise en état que la SARL 3J et Madame [G] [N] veuve [M] ne justifiaient pas avoir régulièrement notifié leurs conclusions d’incident à la S.A. Audit Sud et a conclu au rejet de la demande présentée au vu de la grave atteinte au principe du contradictoire. Monsieur [S] [B] a également soulevé l’irrecevabilité de l’action diligentée par la SARL 3J et Madame [G] [N] veuve [M], la relation contractuelle entre les parties devant impérativement, préalablement à toute saisine d’une juridiction, faire l’objet d’une tentative de conciliation devant le président du conseil régional de l’ordre des experts-comptables. Au surplus, Monsieur [S] [B] a demandé au juge de la mise en état de se déclarer territorialement incompétent en l’état de la clause compromissoire désignant comme juridiction compétent le tribunal de commerce d’Aubenas.

Par ordonnance du 3 octobre 2017, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d’Alès a constaté l’irrecevabilité des demandes formées par la SARL 3J et Madame [G] [N] veuve [M] à l’encontre de Monsieur [S] [B] et de la S.A. Audit Sud, condamné la SARL 3J et Madame [G] [N] veuve [M] à verser à Monsieur [S] [B] la somme de 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné la SARL 3J et Madame [G] [N] veuve [M] aux dépens.

Aux termes de l’article 1355 du code civil, l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Un jugement a autorité de la chose jugée dès son prononcé, même s’il comporte une erreur susceptible, ou non, de faire l’objet d’une rectification par une voie de recours ( 2e civ., 7 janvier 1981). Il en est ainsi même en cas de violation d’une règle d’ordre public (2e Civ., 25 octobre 2007, pourvoi n° 06-19.151).

L’irrégularité dont peut être entachée une décision judiciaire, celle-ci eut-elle même statué extra ou ultra petita, ne saurait faire obstacle à ce que cette décision acquière l’autorité de la chose jugée (1ère Civ., 3 novembre 1966).

Seul le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, entré en vigueur le 1er janvier 2020, a donné compétence au juge de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir. Il s’en suit que le juge de la mise en état du tribunal de grande instance d’Alès n’avait pas le pouvoir de trancher les fins de non-recevoir, l’article 771 du code de procédure civile dans ses dispositions alors en vigueur ne le prévoyant pas. Cela n’entache pas pour autant l’autorité de la chose jugée qui a pu s’attacher à cette décision de justice.

L’article 775 ancien du code de procédure civile applicable lorsque le juge de la mise en état a statué disposait que les ordonnances du juge de la mise en état n’avaient pas, au principal, l’autorité de la chose jugée à l’exception de celles statuant sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l’instance.

Ainsi, il doit être considéré que l’ordonnance du 3 octobre 2017, qui constate l’irrecevabilité des demandes formées par la SARL 3J et Madame [G] [N] veuve [M] à l’encontre de Monsieur [S] [B] et de la S.A. Audit Sud, est revêtue de l’autorité de la chose jugée.

Le juge de la mise en état n’a pas précisé, dans le dispositif de sa décision, que les demandes dont il constatait l’irrecevabilité étaient uniquement celles relatives à la production de pièces sollicitées par la SARL 3J et Madame [G] [N] veuve [M]. Il a d’ailleurs condamné ces dernières aux dépens, sans non plus les limiter à ceux de l’incident. Il en résulte que c’est bien l’irrecevabilité des demandes au fond présentées par la SARL 3J et Madame [G] [N] veuve [M] qui a été prononcée, à la requête de Monsieur [S] [B] qui avait signifié des conclusions responsives sur incident. Cette décision d’irrecevabilité a mis fin à l’instance pendante au fond devant le tribunal de grande instance d’Alès.

Sur la recevabilité des demandes dirigées à l’encontre de la S.A. Audit Sud

S’agissant de la S.A. Audit Sud, dans les motifs de sa décision, le juge de la mise en état a tout d’abord relevé que les conclusions d’incident de la SARL 3J et de Madame [G] [N] veuve [M] n’avaient pas été signifiées à cette défenderesse et que le principe du contradictoire n’avait pas été respecté de sorte que les demandes formées à son égard n’étaient pas recevables; il ne pouvait s’agir alors que des demandes de production de pièces formées par la SARL 3J et Madame [G] [N] veuve [M], au demeurant seulement dirigées à l’encontre de Monsieur [S] [B].

Toutefois, le juge de la mise en état a ensuite indiqué que, par ailleurs, la SARL 3J et Madame [G] [N] veuve [M] ne versaient aucune pièce permettant d’établir un lien contractuel avec la S.A. Audit Sud et que leur intérêt à agir à l’encontre de cette dernière n’était, en conséquence, pas démontré. Les demandes auxquelles il était alors fait référence ne pouvaient qu’être les prétentions au fond dirigées par la SARL 3J et Madame [G] [N] veuve [M] à l’encontre de la S.A. Audit Sud.

La SARL 3J et Madame [G] [N] veuve [M] font valoir qu’elles démontrent, dans le cadre de la présente instance, leur intérêt à agir.

La production d’une pièce nouvelle ou le présentation d’un nouveau moyen de preuve n’est pas de nature à empêcher une nouvelle demande de se heurter à l’autorité de la chose jugée d’une première décision (Com., 29 janvier 1985).

Madame [G] [N] veuve [M] avait invoqué devant le tribunal de grande instance d’Alès le défaut d’information et de conseil de la S.A. Audit Sud engageant sa responsabilité contractuelle. Si elle a changé son fondement juridique devant le tribunal de commerce, c’est toujours la même faute contractuelle à l’égard de la SARL 3J dont elle se prévaut, à l’appui de sa demande en responsabilité quasi-délictuelle, suite au dommage direct et certain qui en serait résulté pour le tiers au contrat qu’elle reconnaît être.

La seule différence de fondement juridique entre deux demandes ayant le même objet est insuffisante à écarter la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée (1ère Civ., 12 avril 2012, n°11-14.123)

L’autorité de la chose jugée s’oppose donc à ce que la SARL 3J et Madame [G] [N] veuve [M] soient déclarées recevables en leur action dirigée à l’encontre de la S.A. Audit Sud. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la recevabilité des demandes dirigées à l’encontre de Monsieur [S] [B]

S’agissant de Monsieur [S] [B], le juge de la mise en état a relevé que la SARL 3J et Madame [G] [N] veuve [M] n’avaient pas effectué les démarches amiables stipulées au contrat avant la saisine de la juridiction.

Il n’y a pas autorité de la chose jugée lorsqu’un fait ou un acte postérieur à la décision dont l’autorité est invoquée modifie la situation antérieurement reconnue en justice et la cause de la demande (Civ.1ère, 22 octobre 2002).

En l’espèce, il importe peu que la procédure de conciliation ait mise en oeuvre par la saisine du conseil régional de l’ordre des experts-comptables de Montpellier, au cours de l’instance introduite devant le tribunal de grande instance d’Alès ; il convient de constater que la tentative de règlement amiable du litige a été engagée puis a été interrompue ou s’est soldée par un échec avant la saisine du tribunal de commerce. Cette circonstance nouvelle prive la décision du juge de la mise en état du tribunal de grande instance d’Alès de l’autorité de la chose jugée à l’égard de la demande dont il était saisi.

Cependant, le juge de la mise en état a également et, par ailleurs, constaté que Madame [G] [N] veuve [M] ne démontrait pas l’existence d’un lien contractuel avec Monsieur [S] [B] de sorte que son intérêt à agir n’était pas établi.

L’irrecevabilité a donc été prononcée tant au motif tiré de l’absence de mise en oeuvre d’une procédure préalable de conciliation qu’au motif de l’absence d’intérêt à agir de Madame [G] [N] veuve [M].

Il s’en suit que la fin de non-recevoir tirée de l’absence d’intérêt à agir de Madame [G] [N] veuve [M] n’étant pas régularisable, elle se heurte à l’autorité de la chose jugée de l’ordonnance du 3 octobre 2017.

Madame [G] [N] veuve [M] sera, par conséquent, déclarée irrecevable en son action dirigée à l’encontre de Monsieur [S] [B].

En revanche, l’absence d’intérêt à agir de la SARL 3J à l’encontre de Monsieur [S] [B] n’a pas été relevée par le juge de la mise en état. L’irrecevabilité n’a donc été constatée qu’au seul motif tiré de l’absence de mise en oeuvre d’une procédure préalable de conciliation, motif qui a disparu. Par conséquent, il convient de déclarer la SARL 3J recevable en son action à l’égard de Monsieur [S] [B].

2) Sur la responsabilité de Monsieur [S] [B]

Seules les demandes de la SARL 3J sont donc recevables à l’égard de Monsieur [S] [B], à l’exclusion de celles de Madame [G] [N] veuve [M].

La SARL 3J justifie, suite à la proposition de rectification du 10 octobre 2014, avoir répondu à l’administration fiscale par courrier du 8 décembre 2014, puis, avoir formé une réclamation le 10 février 2016 après l’avis de mise en recouvrement du 15 septembre 2015 lui réclamant le paiement de la somme de 12 514 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée pour les années 2011 à 2013. Par courrier du 18 janvier 2017, l’administration fiscale a rejeté sa réclamation.

La SARL 3J verse également au débat l’autre avis de mise en recouvrement du 10 février 2016 concernant les intérêts de retard d’un montant de 1 101 euros. Par courrier du 4 décembre 2017, la SARL 3J a sollicité la remise à titre gracieux des dits intérêts de retard. Elle ne sollicite d’ailleurs pas le remboursement de cette somme de 1 101 euros dans le dispositif de ses dernières écritures.

Le cabinet Fidal a précisé, dans un courriel du 4 septembre 2019, ne pas avoir été mandaté par la SARL 3J et Madame [G] [N] veuve [M] pour poursuivre le contentieux fiscal devant le tribunal administratif, compte-tenu du caractère très incertain des chances de succès de ce contentieux et du coût généré par une telle procédure.

Il résulte de l’avis d’opéré produit que Madame [G] [N] veuve [M] a réglé le 25 mai 2016 la somme de 12 514 euros pour le compte de la SARL 3J dont 7 600 euros se rapportant à l’exercice 2013.

L’article 155 du décret n°2012-432 du 30 mars 2012 prévoit que dans la mise en ‘uvre de chacune de leurs missions, les professionnels de l’expertise comptable sont tenus vis-à-vis de leur client ou adhérent à un devoir d’information et de conseil, qu’ils remplissent dans le respect des textes en vigueur.

A la lecture de la lettre de mission du 22 avril 2013, il apparaît qu’il entrait dans les attributions de Monsieur [S] [B] de procéder à la présentation des comptes de la SARL 3J, d’effectuer des travaux liés à la tenue de la comptabilité, d’intervenir en matière fiscale et en matière sociale. Monsieur [S] [B] était notamment chargé du contrôle de taxe sur la valeur ajoutée, à savoir, rapprochement comptabilité/bases déclarées en lien avec l’intervention fiscale impliquant l’établissement des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée. De même, Monsieur [S] [B] avait pour mission d’établir les bulletins de paie de sorte qu’il avait nécessairement connaissance de la mise à disposition gratuite d’un logement au bénéfice de Monsieur [L] [M], l’avantage de 74,20 euros faisant l’objet d’une reprise du même montant sur les bulletins de paie de ce dernier.

La lettre de mission du 22 avril 2013 précise qu’elle ne constitue ni un audit ni un examen limité des comptes de la SARL 3J et que les travaux à mettre en oeuvre ont pour objectif de permettre à l’expert comptable d’exprimer une opinion sur la cohérence et la vraisemblance des comptes pris dans leur ensemble et d’attester de leur régularité en la forme au regard du référentiel comptable applicable au secteur d’activité.

L’expert-comptable ne pouvait ignorer que si, en vertu de l’article 205 de l’annexe II du code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu’un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction, le coefficient d’admission est nul lorsque le bien ou le service est relatif à la fourniture à titre gratuit du logement des dirigeants ou du personnel de l’entreprise, à l’exception de celui du personnel de gardiennage, de sécurité, ou de surveillance sur les chantiers ou dans les locaux de l’entreprise.

En l’occurrence, l’expert-comptable, au vu de la mention ’employé polyvalent’ figurant sur les bulletins de paie de Monsieur [L] [M] qu’il était chargé d’établir ne pouvait ignorer que ce dernier n’était pas strictement chargé de la sécurité ou de la surveillance des locaux de la SARL 3J.

Si l’erreur commise en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée n’est pas du fait de Monsieur [S] [B], les exercices comptables sont indépendants de sorte qu’il n’était pas inéluctable de reproduire l’anomalie des années précédentes en ce qui concerne l’exercice 2013. Il appartenait à l’expert comptable d’attirer l’attention de sa cliente sur les irrégularités constatées en matière de taxe sur la valeur ajoutée dans le cadre de sa mission et de la mettre en garde sur les risques en découlant. Il incombait également à l’expert comptable de présenter à sa cliente les différentes possibilités offertes en matière fiscale, sociale ou financière et de la guider dans ses choix, ce d’autant plus qu’en l’espèce, les contrats de travail de Monsieur [L] [M] étaient saisonniers et qu’ils étaient renouvelés chaque année. Ainsi s’il pouvait être délicat de revenir sur les choix antérieurs en ce qui concerne la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, il était tout à fait envisageable de faire payer un loyer à Monsieur [L] [M] au titre de l’année 2013 et de mettre ainsi fin à la mise à disposition gratuite du logement.

En l’espèce, Monsieur [S] [B] ne démontre pas avoir porté à la connaissance du dirigeant de la SARL 3J la non conformité aux dispositions fiscales applicables de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée opérée sur le logement occupé par Monsieur [L] [M] et l’avoir alerté au sujet du redressement fiscal qu’il encourrait.

L’expert-comptable ne saurait être déchargé de son obligation d’information et de conseil par les compétences personnelles de son client (Com., 31 mars 2009, n°06-20.724). Il est donc indifférent que Monsieur [Z] [M] ait été un homme d’affaires avisé.

La SARL 3J a communiqué les propositions de rectification effectuées par l’administration fiscale suite à la vérification de la comptabilité ainsi que le courrier du 18 janvier 2017 de rejet par cette dernière des réclamations présentées. La dissimulation du fondement, de la nature et de la portée des redressements fiscaux envisagés n’est donc pas avérée.

La SARL 3J n’avait nullement l’obligation de tenter de diminuer son préjudice en introduisant un recours juridictionnel devant le tribunal administratif pour contester la rectification opérée par l’administration fiscale. Il n’est donc pas nécessaire d’ordonner aux demanderesses de verser les pièces et analyses qui ont présidé aux contacts avec l’administration fiscale et notamment l’analyse juridique effectuée par le cabinet Fidal.

Si le manquement de Monsieur [S] [B] à son devoir d’information et de conseil est caractérisé, le paiement de l’impôt dont la SARL 3J aurait du s’acquitter ne constitue pas en lui-même un préjudice découlant de la faute commise.

La SARL 3J ne forme pas de demande de dommages-intérêts en lien avec les manquements éventuellement commis par Monsieur [S] [B] dans l’exercice de la mission, tels que ceux relevés par la société KPMG en ce qui concerne l’absence de report des déficits des exercices précédents et la non transmission des pièces comptables.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement critiqué en ce qu’il a débouté la SARL 3J de sa demande à l’encontre de Monsieur [S] [B].

Le remboursement des honoraires de l’expert comptable

Les honoraires ne présentent pas de caractère indu dès lors qu’ils sont la contrepartie des prestations accomplies par l’expert comptable. Le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu’il a débouté la SARL 3J de cette demande à l’encontre de Monsieur [S] [B].

Le remboursement des frais engagés pour se faire assister durant le redressement fiscal

Les factures de la société Fidal qui sont versées au débat font état d’honoraires de 1 200 euros TTC et de frais de déplacement de 273,43 euros TTC. A défaut d’autre justificatif, il sera fait droit partiellement à la demande en dommages-intérêts à hauteur de la somme de 1 473,43 euros au titre des frais engagés pour se faire assister durant le redressement fiscal qui n’auraient pas été exposés, sans la faute commise par Monsieur [S] [B].

Le jugement déféré sera ainsi infirmé en ce qu’il a débouté la SARL 3J de sa demande à ce titre.

3) Sur les demandes reconventionnelles de Monsieur [S] [B]

Eu égard aux manquements commis par Monsieur [S] [B] dans l’exercice de ses fonctions, la SARL 3J et Madame [G] [N] veuve [M] n’ont pas agi de mauvaise foi, avec l’intention de nuire ou avec légèreté blâmable en recherchant sa responsabilité. La demande en dommages-intérêts pour atteinte au préjudice moral du fait des accusations portées dans le cadre de l’exercice des activités professionnelles de l’expert comptable sera rejetée, en l’absence d’abus de procédure caractérisé.

4) Sur les frais du procès

Les appelantes qui succombent dans l’essentiel de leurs prétentions seront condamnées in solidum aux dépens de l’instance d’appel.

L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur des intimés.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu’il a jugé recevable l’action de Madame [G] [N] veuve [M] à l’égard de Monsieur [S] [B], débouté Madame [G] [N] veuve [M] de ses demandes à l’égard de Monsieur [S] [B] et débouté la SARL 3J de sa demande à l’encontre de Monsieur [S] [B] au titre des frais engagés pour se faire assister durant le redressement fiscal

L’infirme sur le surplus des dispositions soumises à la cour

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déclare irrecevable l’action de Madame [G] [N] veuve [M] à l’égard de Monsieur [S] [B]

Condamne Monsieur [S] [B] à verser à la SARL 3J la somme de 1 473,43 euros au titre des frais engagés pour se faire assister durant le redressement fiscal

Déboute la SARL 3J du surplus de sa demande au titre des frais engagés pour se faire assister durant le redressement fiscal

Y ajoutant,

Déboute Monsieur [S] [B] de sa demande en dommages-intérêts à l’encontre de la SARL 3J et de Madame [G] [N] veuve [M]

Condamne in solidum la SARL 3J et Madame [G] [N] veuve [M] aux entiers dépens d’appel,

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Arrêt signé par la présidente et par la greffiere.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x