CIV. 1
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 novembre 2019
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 926 F-D
Pourvoi n° E 18-18.292
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par la société Aquasea Yachting LP, dont le siège est […] (Ile de Man),
contre l’arrêt rendu le 23 novembre 2017 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (2e chambre), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société Steamship Mutual Underwriting association limited, dont le siège est […] (Royaume-Uni),
2°/ à la société Seasecure, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] ,
3°/ à la société Somecassur, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] ,
défenderesses à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 1er octobre 2019, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Acquaviva, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Berthomier, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Acquaviva, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Aquasea Yachting LP, de Me Le Prado, avocat des sociétés Seasecure et Somecassur, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Steamship Mutual Underwriting association limited, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 novembre 2017), que, le 25 mai 2011, la société de droit de l’île de Man Aquasea Yachting, armateur du navire […], a souscrit, par l’entremise de la société Seasecure dont le siège est situé à […], une garantie dite « protection and indemnity » auprès du « P and I Club » Steamship Mutual Underwriting, société de droit britannique (le Club) destinée, notamment, à garantir les membres d’équipage ; que la société Somecassur a été désignée comme courtier d’assurance par le certificat d’entrée ; que, le 5 août 2011, l’un des membres de l’équipage du navire a été blessé accidentellement par le déclenchement de l’hélice du moteur du hors-bord de l’annexe ; qu’après avoir pris en charge les frais médicaux, de rapatriement et d’assistance, ainsi que les salaires dus à la victime en exécution de son contrat de travail, le Club a refusé de l’indemniser de son préjudice professionnel ; que la société Aquasea Yachting a assigné le Club ainsi que les sociétés Seasecure et Somecassur devant le tribunal de commerce de Marseille en remboursement de la somme de 100 000 euros versée à son salarié à ce titre, en exécution d’un protocole d’accord ; que le Club a décliné la compétence de la juridiction étatique en application de la clause compromissoire stipulée au contrat d’assurance ;
Attendu que la société Aquasea Yachting fait grief à l’arrêt d’accueillir cette exception et de renvoyer les parties à mieux se pouvoir, alors, selon le moyen :
1°/ que l’action directe dont dispose un salarié à l’encontre de l’assureur de son employeur est étrangère aux relations contractuelles nouées entre l’assureur et cet employeur ; que dans l’hypothèse où, après avoir indemnisé le salarié, l’employeur agit exclusivement sur le fondement des droits du salarié, dans lesquels il a été subrogé, il se trouve dans la même situation que le salarié ; que par suite, si même l’assureur et l’employeur ont conclu une convention d’arbitrage, elle est manifestement inapplicable ; qu’en refusant de l’admettre, quand la question ne suscitait aucune difficulté, les juges du fond ont violé les articles 1448 et 1465 du code de procédure civile, ensemble le principe compétence-compétence ;
2°/ que, quelle que la soit la configuration de l’instance, les parties ont la maîtrise exclusive de la demande et de son fondement ; que l’hésitation quant à la compétence de l’arbitre ne pourrait venir, dans une configuration telle que celle de l’espèce, que de l’équivoque quant au point de savoir si l’employeur a agi en vertu des droits qu’il tient du contrat d’assurance ou exclusivement par subrogation dans les droits du salarié nés de l’action directe de ce dernier ; qu’aucune hésitation n’existe en l’espèce dans la mesure où le demandeur a précisé qu’il n’entendait agir que par subrogation dans les droits de son salarié ; qu’en décidant le contraire, les juges du fond ont violé le principe dispositif et l’article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l’arrêt constate, d’abord, que le contrat d’assurance stipule qu’en cas de différend ou litige quel qu’il soit, entre ou affectant un Membre et le Club et concernant l’assurance accordée par le Club dans les Règles ou tous montants dus par le Club au Membre ou par le Membre au Club, ce différend ou litige devra être soumis en première instance à une décision des Administrateurs et que si le Membre souhaite contester la décision des Administrateurs rendue dans le cadre de leur jugement, alors le différend ou litige sera soumis à un arbitrage à Londres, à moins que les Gérants (pour le compte du Club), à leur entière discrétion, ne décident que le différend ou litige sera soumis à la Haute Cour de Justice ; qu’il relève, ensuite, que cette clause vise tous les différends sans distinction opposant un Membre au Club et concernant l’assurance accordée par celui-ci ; qu’après avoir énoncé que la nullité ou l’inapplicabilité manifeste de la convention d’arbitrage, seule de nature à faire obstacle à la compétence prioritaire de l’arbitre pour statuer sur sa propre compétence, doit pouvoir être constatée lors d’un examen sommaire par le juge étatique, tout contrôle substantiel et approfondi étant exclu, il retient, enfin, que le fait que la société Aquasea Yachting se prétende subrogée dans les droits de la victime n’est pas de nature à écarter la clause compromissoire ; que, de ces énonciations et constatations, la cour d’appel a exactement déduit, sans méconnaître les termes du litige, que la convention d’arbitrage n’était pas manifestement inapplicable, de sorte que la juridiction étatique n’était pas compétente pour connaître du litige ; que le moyen n’est pas fondé ;