Rupture anticipée : 5 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/01975

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Rupture anticipée : 5 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/01975
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 05 JANVIER 2023

N° 2023/ 017

Rôle N° RG 22/01975

N° Portalis DBVB-V-B7G-BI2WK

S.A.R.L. LA COSTE DISTRIBUTION

C/

S.A.R.L. BLANCHISSERIE 2000

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Pierre-Yves IMPERATORE

Me Emilie SALVADO

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l’exécution d’AIX-EN-PROVENCE en date du 03 Février 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 21/04052.

APPELANTE

S.A.R.L. LA COSTE DISTRIBUTION

immatriculée au RCS d’AIX-EN-PROVENCE sous le n° 493 839 104

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

représentée par Me Pierre-Yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Ornella FITOUSSI de la SELAS CS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Marine CHARPENTIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉE

S.A.R.L. BLANCHISSERIE 2000,

immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le n° 430 014 324

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

représentée et assistée par Me Emilie SALVADO, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 09 Novembre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Janvier 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Janvier 2023.

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure et prétentions des parties :

La société La Coste Distribution, exerçant une activité d’hôtellerie et restauration, concluait avec la société Blanchisserie 2000, deux contrats de prestations de nettoyage et un contrat de location et de blanchissage du linge plat. Le 15 juin 2020, elle était mise en demeure de payer sous 10 jours, les factures pour un montant de 36 619,77 € et 11 069,14 €.

Le 30 juin 2020, le conseil de la société Blanchisserie 2000 notifiait à la société La Coste Distribution, la résiliation à effet au 27 juin 2020, des deux contrats et la mettait en demeure de payer les factures impayées et indemnités de résiliation anticipée.

Une ordonnance du 5 novembre 2020 du juge de l’exécution du TJ d’Aix en Provence autorisait la société Blanchisserie 2000 à pratiquer une saisie conservatoire à l’égard de la société La Coste Distribution aux fins d’avoir garantie du paiement d’une créance évaluée à 241 201,49€.

Le 7 décembre 2020, la société Blanchisserie 2000 faisait procéder à une saisie conservatoire entre les mains de la CRCAM Alpes Provence pour 241 817,26 €, sur des comptes créditeurs de 145 042,52 €. La saisie était dénoncée le 14 décembre 2020 à la société La Coste Distribution puis validée par jugement du 15 juillet 2021 devenu définitif.

Une ordonnance de référé du 6 juillet 2021 du président du tribunal de commerce de Marseille condamnait la société La Coste Distribution à payer à la société Blanchisserie 2000, une provision de 35 591,64 € outre 1000 € pour frais irrépétibles et à supporter les entiers dépens incluant les frais de saisie conservatoire.

Le 24 août 2021, la saisie conservatoire du 7 décembre 2020 était convertie en saisie attribution sur le fondement de l’ordonnance de référé précitée.

Le 22 juillet 2021, le juge de l’exécution du TJ d’Aix en Provence autorisait la société Blanchisserie 2000 à pratiquer une saisie conservatoire à l’égard de la société La Coste Distribution aux fins d’avoir garantie du paiement de la somme de 203 537,70 €.

Le 24 août 2021, la société Blanchisserie 2000 faisait pratiquer une saisie conservatoire entre les mains de la CRCAM Alpes Provence pour un montant de 203 643,87 €, sur des comptes créditeurs de 195 711,88 €. La saisie était dénoncée le 24 août 2021à la société La Coste Distribution.

Le 13 octobre 2021, la société La Coste Distribution faisait assigner la société Blanchisserie 2000 devant le juge de l’exécution du TJ d’Aix en Provence aux fins de mainlevée de la saisie conservatoire précitée et de condamnation à lui payer une somme de 20 000 € de dommages et intérêts outre une indemnité de 5 000 € pour frais irrépétibles.

Par jugement du 3 février 2022, le juge de l’exécution d’Aix en Provence, validait la saisie, rejetait la demande indemnitaire, condamnait la société La Coste distribution à payer une indemnité de 1 500 € pour frais irrépétibles.

Le premier juge retenait une apparence de créance constituée par l’indemnité de résiliation anticipée stipulée dans les contrats liant les parties sur laquelle le juge des référés a seulement dit n’y avoir lieu à référé. Il constatait que si la société La Coste Distribution critiquait l’évolution contentieuse de la relation commerciale, elle ne justifiait pas de démarches amiables alors que la société Blanchisserie 2000 a tenté en vain de recouvrer ses factures impayées.

Il caractérisait le péril dans le recouvrement de la créance par l’existence de plusieurs factures impayées malgré diverses relances et propositions d’échéancier, les difficultés d’exécution du second contrat étant concomitantes à la création d’une filiale avec transfert de l’activité restauration dont le prix de cession de 1 926 602 € n’a été payé que par création d’une dette.

Le jugement était notifié par voie postale à la société La Coste Distribution, signataire d’un accusé de réception du 4 février 2022, qui en interjetait appel par déclaration du 9 février 2022 mentionnant l’intégralité des chefs du dispositif du jugement déféré.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 17 mars 2022, auxquelles il sera renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société La Coste Distribution demande à la cour de :

– infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

– prononcer la rétractation de l’ordonnance du 22 juillet 2021 et ordonner la mainlevée immédiate de la saisie conservatoire du 24 août 2021,

– condamner la société Blanchisserie 2000 à lui payer la somme de 20 000 € de dommages et intérêts,

– condamner la société Blanchisserie 2000 à lui payer une indemnité de 5 000 € pour frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens distraits au profit de la Selarl Lexavoué, Aix en Provence, avocats aux offres de droit.

Elle invoque l’absence de créance fondée en son principe aux motifs que :

– la dette est née partiellement pendant la période de protection du 12 mars au 23 juin 2020 et composée uniquement de pénalités calculées sur la base de mois de cette période,

– les factures émises pendant la période de confinement ne sont pas dues en l’absence de prestation exécutée,

– l’indemnité de résiliation de 203 210,88 € est calculée sur la base des factures émises pendant la période de protection et son montant est excessif, disproportionné par rapport à la dette initiale de 37 990 € payée à ce jour,

– le juge des référés du tribunal de commerce a considéré que l’indemnité précitée n’était pas due.

Elle conteste tout péril dans le recouvrement de la prétendue créance aux motifs que :

– la contestation d’une facture ne suffit pas à caractériser un risque de non-recouvrement,

– la cession de sa branche d’activité de restauration résulte d’une restructuration interne du groupe La Coste, opérée contre un prix de cession payé de 1 926 602 €,

– elle n’éprouve aucune difficulté financière, les comptes saisis étant créditeurs de 145 052 €, le 7 décembre 2020, et de 195 711 €, le 22 août 2021.

Elle fonde sa demande de dommages et intérêts sur l’abus de saisie caractérisé par un acharnement procédural en faisant délivrer, le jour de la conversion de la première saisie conservatoire en saisie attribution, une seconde saisie conservatoire la privant de sa trésorerie pendant huit mois.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 23 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société Blanchisserie 2 000 demande à la cour de :

– confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

– y ajoutant, condamner la société La Coste Distribution à lui payer une indemnité de 5 000 € pour frais irrépétibles ainsi que les entiers dépens d’appel.

Elle invoque une créance fondée en son principe et rappelle le caractère suffisant d’une apparence de créance aux motifs que :

– l’exigibilité de sa créance est une question qui relève de la compétence du juge du fond,

– 90 % de la dette est née avant la crise sanitaire dont 37 990 € de factures impayées non contestables, la résiliation a pris effet le 27 juin 2020, la pénalité a été liquidée à 196 459 € conformément aux stipulations contractuelles,

– le délai imparti pour exécuter la mise en demeure expirait le 27 juin 2020 de sorte que la clause résolutoire a produit ses effets après l’échéance de la période de protection fixée au 23 juin 2020.

Elle invoque un recouvrement menacé de sa créance caractérisé par :

– le défaut de paiement de ses factures par la société la Coste Distribution, à compter de décembre 2018, un solde débiteur de plus de 10 000 € suite à quatre paiements partiels et de 35 248 € en février 2020,

– l’absence, de production d’un document certifié par son comptable, de dépôt de ses comptes annuels 2020 et 2021,

– la cession de sa branche d’activité restauration devenue une coquille vide et le défaut de justificatif du paiement du prix de cession.

Elle conteste tout abus de saisie et à titre subsidiaire le défaut de preuve de l’existence du préjudice allégué par l’appelante.

L’instruction de la procédure était close par ordonnance du 11 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la demande principale de mainlevée de la saisie conservatoire :

L’article L 511-1 du code des procédures civiles d’exécution, dispose que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge, l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.

– Sur l’existence d’une créance fondée en son principe,

Il résulte des pièces versées au débat que les parties étaient liées par deux contrats de location et d’entretien de vêtements de travail, à effet aux 1er février 2018 et 9 juillet 2019.

Suite à une mise en demeure le 15 juin 2020 de payer sous dix jours les sommes de 36 619,77 € et 11 069,14 € au titre de factures énumérées, une lettre recommandée du 30 juillet 2020 prononçait la résiliation des deux contrats précités avec effet au 27 juin 2020 et mise en demeure de payer sous huitaine notamment les factures impayées et des indemnités contractuelles de résiliation anticipée du contrat du 9 juillet 2019 de 196 456, 50 € et du contrat du 1er février 2018 de 4 797 € et 1 953 €.

Une ordonnance de référé du 6 juillet 2021 condamne la société La Coste Distribution à payer à la société Blanchisserie 2000, la somme de 35 591,64 € (résultant de 10 factures dont une facture émise le 30 septembre 2018 et sept émises entre septembre 2019 et le 29 février 2020, soit avant la période de protection sanitaire). Elle revêt donc un caractère difficilement contestable et est de nature à fonder la résiliation des deux contrats précités.

De plus, le montant des indemnités de résiliation (196 456,50 €, 4 797 €, 1 953 €) résulte de la mise en oeuvre des modalités de calcul stipulées aux contrats de prestation de service (articles 7.1 et 5.4 du contrat à effet au 1er février 2018 et indemnité de résiliation stipulée sous le titre ‘ rupture du contrat ‘ du contrat du 9 juillet 2019 ) et non contestées. Enfin, seul le juge du fond peut en apprécier l’éventuel caractère excessif ou disproportionné et prononcer leur réduction.

Il s’en déduit que la société Blanchisserie justifie d’une apparence de créance pour un montant de 203 537,70 €.

– Sur l’existence d’un péril dans le recouvrement de la créance

Il n’y a pas lieu de présumer l’intention de la société La Coste Distribution d’organiser son insolvabilité en procédant à une cession partielle de son activité restauration. La seule restructuration interne avec cession partielle d’activité, publiée les 25 et 26 novembre 2019, ne peut constituer cette preuve. Il convient donc d’examiner la capacité financière de l’appelante en fonction des éléments de preuve produits et actualisés.

Le non-paiement des factures précitées, à l’origine du présent contentieux et payées à ce jour, ne suffit pas en soi à établir un péril dans le recouvrement de la créance évaluée à 237 537 € en l’absence de preuve établie des difficultés financières de la société La Coste Distribution.

En effet, les procès-verbaux de saisie conservatoire établissent que ses comptes bancaires présentaient un solde créditeur de 145 052 €, le 7 décembre 2020, de 195 711 €, le 24 août 2021, après saisie attribution pour un montant d’environ 38 000 €, soit une trésorerie générée d’environ 88 000 € sur une période de huit mois.

Par ailleurs, la Sarl La Coste Distribution produit la situation comptable de l’Eurl La Coste Distribution de l’année 2021, autre forme juridique d’une Sarl à associé unique, dont aucune pièce versée au débat ne permet de remettre en cause la sincérité.

Ce document établit, au titre de l’exercice comptable du 1er janvier au 31 décembre 2021, un excédant brut d’exploitation de 291 096,94 €, un résultat d’exploitation positif de 468 232 € et un résultat de l’exercice positif de 415 346 €.

Les résultats financiers de la société La Coste Distribution ne permettent donc pas de caractériser un péril dans le recouvrement des indemnités de résiliation contractuelles d’un montant total d’environ 200 000 € sous réserve de leur réduction prononcée par le juge du fond.

Par conséquent, la mainlevée de la saisie conservatoire du 24 août 2021 sera ordonnée.

Sur les demandes accessoires,

La société La Coste Distribution a été privée de l’usage de sa trésorerie pendant plus d’un an, mais il lui appartenait également de payer les dix factures restées impayées entre septembre 2019 et avril 2020, sa défaillance a donc été à l’origine de la saisie contestée. Seuls l’évolution du litige et les résultats d’activité au 31 décembre 2021 permettent de considérer que le péril dans le recouvrement de la créance n’est pas caractérisé. En l’absence d’abus résultant de la délivrance de la saisie conservatoire contestée, la demande de dommages et intérêts n’est pas fondée et sera rejetée.

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit des parties.

La société Blanchisserie 2000, partie perdante, supportera les entiers dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant après débats en audience publique et en avoir délibéré, conformément à la loi, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

STATUANT à nouveau et y ajoutant,

ORDONNE la mainlevée de la saisie conservatoire du 24 août 2021,

REJETTE la demande de dommage et intérêts,

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Blanchisserie 2000 aux entiers dépens de première instance et d’appel, ceux d’appel distraits au profit de la Selarl Lexavoué Aix en Provence, avocats aux offres de droit.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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