Rupture anticipée : 10 janvier 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 20/01154

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Rupture anticipée : 10 janvier 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 20/01154
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 20/01154 – N° Portalis DBVS-V-B7E-FJR2

Minute n° 23/000001

[P]

C/

S.A.R.L. FRANCE LORRAINE AMBULANCES

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SARREGUEMINES, décision attaquée en date du 30 Juin 2020, enregistrée sous le n° 18/01395

COUR D’APPEL DE METZ

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 10 JANVIER 2023

APPELANTE :

Madame [V] [P]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Stéphane FARAVARI, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

S.A.R.L. FRANCE LORRAINE AMBULANCES,

représentée par son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 20 Octobre 2022 tenue par Mme Claire DUSSAUD, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l’arrêt être rendu le 10 Janvier 2023.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme DUSSAUD,Conseillère

Mme DEVIGNOT, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Indiquant avoir signé le 17 janvier 2017 une convention POEI, préparation opérationnelle à l’emploi individuelle, avec Pole Emploi et la SARL Lorraine Ambulances, Mme [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Forbach d’un litige l’opposant à la SARL France Lorraine ambulances, par requête introductive d’instance déposée le 12 septembre 2017.

Par jugement en date du 26 janvier 2018, le conseil de prud’hommes de Forbach s’est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes de Mme [P] au profit du tribunal de grande instance de Sarreguemines.

Par arrêt du 04 juillet 2018, la cour d’appel de Metz a confirmé le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Forbach du 26 janvier 2018.

Par acte d’huissier du 19 novembre 2018, Mme [P] a fait assigner la SARL France Lorraine ambulances, devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines, aux fins d’obtenir remboursement du solde de sa facture de formation à hauteur de 1 480 euros, ainsi qu’une somme de 21 316,31 euros de dommages-intérêts pour préjudice financier liée à la rupture anticipée du contrat et 1500 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral, outre la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 30 juin 2020, le tribunal judiciaire de Sarreguemines a :

déclaré recevables les demandes de Mme [P] ;

débouté Mme [P] de l’intégralité de ses prétentions ;

condamné Mme [P] aux entiers dépens ;

condamné Mme [P] à payer à la SARL France Lorraine ambulances la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;

Pour déclarer la demande recevable, le tribunal a retenu que le fait que la motivation de l’arrêt de la cour d’appel de Metz apparaissait en contradiction avec l’argumentation de Mme [P] ne saurait être cause d’irrecevabilité de sa demande dès lors où la cour n’a pas statué sur la recevabilité.

Dans un second temps, le tribunal a retenu qu’en l’absence de preuve de l’existence d’une promesse unilatérale d’embauche et en l’absence de caractérisation d’un manquement de la société France Lorraine ambulances à son obligation d’exécution de bonne foi des conventions, il convenait de débouter Mme [P] de l’intégralité de ses prétentions.

Par déclaration enregistrée auprès du greffe de la cour en date du 15 juillet 2020, Mme [P] a interjeté appel de la décision du tribunal judiciaire de Sarreguemines aux fins d’annulation, subsidiairement infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [P] de l’intégralité de ses prétentions tendant à voir condamner la SARL France Lorraine ambulances à lui verser 1 480 euros au titre du remboursement du solde de la formation, 21 316 euros nets de dommages et intérêts pour le préjudice financier lié à la rupture anticipée du contrat, 1 500 € nets de dommages et intérêts pour le préjudice moral, 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, tendant à la condamnation de la SARL France Lorraine ambulances en tous les frais et dépens, en ce qu’il a condamné Mme [P] aux dépens ainsi qu’à payer une somme de 700 euros à la SARL France Lorraine ambulances au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 15 janvier 2021, la SARL France Lorraine ambulances a formé un appel incident.

Par conclusions déposées le 09 juin 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, l’appelante Mme [P] demande à la cour de :

recevoir l’appel de Mme [P], le dire bien fondé ;

infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [P] de l’ensemble de ses demandes, en ce qu’il a condamné Mme [P] aux dépens ainsi qu’à payer une somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau :

Vu l’article 1104 du code civil,

condamner la SARL France Lorraine ambulances à verser à Mme [P] ;

1 480 euros au titre de remboursement du solde de la formation ;

21 316,31 euros net de dommages et intérêts pour le préjudice financier lié à la rupture anticipée du contrat ;

1 500 euros net de dommages et intérêts pour le préjudice moral ;

2 500 euros net au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance

rejeter l’appel incident de la SARL France Lorraine ambulances, le dire mal fondé ;

condamner la SARL France Lorraine ambulances en tous les frais et dépens d’instance et d’appel ainsi qu’à payer à Mme [P] une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’inopposabilité du différend opposant M. [M] et les époux [D] à la relation contractuelle entre la SARL France Lorraine ambulances et Mme [P], l’appelante fait valoir que les prétentions de l’intimée tendant à fait croire que c’est Mme [P] qui aurait mis fin à la formation en s’appuyant sur un courrier de M. [M], beau-père de Mme [P], n’est pas recevable puisque le courrier produit aux débats est un courrier antérieur à la formation et est relatif à un litige opposant en privé M. [M] et les époux [D]. L’appelante expose par ailleurs que le second courrier produit aux débats par l’intimée, également antérieur au début de sa formation, entre M. [M] et les époux [D] ne saurait être recevable puisqu’il est resté sans réponse et que la formation a finalement été signée par la suite de sorte que le litige de M. [M] et les époux [D] n’a eu aucune influence sur l’accord de formation. Mme [P] fait valoir qu’elle n’est ni l’auteur, ni la signataire de ces courriers et ne peut y être associée et qu’ils ont été échangés entre des personnes étrangères à la relation contractuelle entre Mme [P], la SARL Ambulance [D] et Pôle Emploi.

Sur le caractère abusif de la rupture du contrat, l’appelante fait valoir que la formation a été interrompue abusivement par l’intimée puisqu’il était prévu au contrat de POEI qu’en cas d’incidents entre l’employeur et le stagiaire, il appartenait à l’employeur d’organiser une rencontre à laquelle aurait participé un représentant de Pôle Emploi de sorte que la résiliation du contrat est abusive. Mme [P] soutient que l’employeur a mis fin à sa formation en raison de problèmes « extra-professionnels », dus au litige opposant les époux [D] à son beau-père M. [M] visant à l’implantation d’un garage sur un terrain appartenant à M. [M]. L’appelante estime qu’elle n’a commis aucune faute de nature à justifier la résiliation du contrat POEI de sorte que n’ayant pas à pâtir de ranc’urs personnelles de Mme [D] à l’encontre de sa famille, elle s’estime bien fondée à réclamer l’indemnisation de son préjudice sur le fondement de l’article 1104 du code civil qui dispose que les contrats doivent être exécutés de bonne foi.

Sur la demande du paiement du solde de la formation, l’appelante expose que compte tenu de la résiliation sans préavis de l’employeur, elle a dû payer le solde de la formation à hauteur de 1 480 euros, que ce solde ne doit pas être supporté par la salariée qui n’est pas à l’origine de la rupture de sorte qu’elle sollicite la condamnation de l’intimée à l’indemniser.

Sur la demande en dommages et intérêts, l’appelante fait valoir que la POEI contenait une promesse d’embauche ferme de 12 mois en CDD au poste de chauffeur de taxi sauf en cas d’incident imputable au stagiaire, et qu’en résiliant abusivement et prématurément la formation pour une cause étrangère à l’attitude de Mme [P], l’employeur a commis une faute l’obligeant à indemnisation. L’appelante estime que son préjudice consistant en l’absence d’embauche sur une durée de 12 mois doit être évalué à la somme de 21 316,31 euros prenant en compte l’indemnisation compensatrice de congés payés et l’indemnité de fin de contrat. L’appelante ajoute avoir subi un préjudice moral compte tenu de la brutalité de la rupture de son contrat qui sera évalué à la somme de 1 500 euros.

Sur le jugement entrepris, l’appelante fait valoir que c’est à tort que le tribunal a considéré que Mme [P] avait entamé une autre formation durant le POEI convenu avec France Lorraine ambulances.

L’appelante expose également que la rupture du contrat n’est pas intervenue d’un commun accord entre les parties, qu’elle s’est vue refuser l’accès au centre de formation Altmeier le 05 avril 2017 au motif que Mme [D] aurait tout arrêté, que la pièce co-signée par Mme [P] et l’employeur ne visait que le document « Surseoir à la rencontre tripartite » de sorte que cela ne vaut en aucun cas acquiescement de Mme [P] sur une quelconque rupture, que les allégations de l’employeur relatives aux parents de Mme [P] sont sans intérêts, qu’elle n’est pas restée dans l’entreprise jusqu’au 26 avril 2017 comme l’avance l’intimée et enfin que la SARL France Lorraine ambulances ne justifie d’aucun motif pour mettre fin à la convention, aucun incident de stage, aucun motif réel et sérieux imputable à la personne de Mme [P].

Par conclusions déposées le 09 mai 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, l’intimée la SARL France Lorraine ambulances demande à la cour de :

rejeter l’appel de Mme [P] ;

infirmer le jugement rendu le 30 janvier 2020 ;

constater et dire et juger que Mme [P] n’a pas attrait aux débats la société Pôle Emploi, cosignataire du contrat POEI et de la lettre de rupture de celui-ci ;

déclarer Mme [P] irrecevable en ses demandes ;

Subsidiairement,

constater et dire et juger que la rupture du contrat POEI est intervenue de manière concertée entre la société France Lorraine ambulances et Mme [P] et Pôle Emploi ;

constater et dire et juger que le contrat POEI signé le 17 janvier 2017 par la société France Lorraine ambulances n’était pas une promesse unilatérale d’embauche mais un simple processus de recrutement ;

confirmer le jugement du 30 juin 2020 par substitution ou adoption de motifs ;

En tout état de cause,

déclarer Mme [P] irrecevable et subsidiairement mal fondée en l’ensemble de ses demandes, fins, conclusions, moyens et prétentions ;

condamner Mme [P] aux entiers frais et dépens d’instance et d’appel ;

la condamner à payer à la société France Lorraine ambulances une somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur la critique relative à la rupture, l’intimée fait valoir que le contrat avait pour objet la réalisation d’une préparation opérationnelle à l’emploi individuel en vue de recruter un stagiaire sur une offre déposée préalablement auprès de Pôle Emploi et à cette fin de former un stagiaire, de sorte que le contrat ne peut être qualifié de promesse unilatérale d’embauche ainsi que le soutient Mme [P]. L’intimée expose que le seul engagement de l’employeur était de réserver jusqu’à la fin du stage l’offre d’emploi déposée auprès de Pôle Emploi, et qu’il s’engageait à conclure un contrat de travail avec le stagiaire ayant atteint le niveau requis.

S’agissant de la rupture par commun accord, la société France Lorraine ambulances fait valoir que Mme [P] s’est rendue dans les locaux de Pôle Emploi afin de signer le document matérialisant la rupture de sa formation au sein de la société en date du 26 avril 2017, date jusqu’à laquelle elle était encore dans l’entreprise, et que Mme [P] n’a pas été forcée à signer ce document de sorte que la rupture est bien intervenue d’un commun accord entre les parties. L’intimée expose que Mme [P] avait signé dès le 05 avril 2017 une convention de formation professionnelle avec la société Altmeier soit 22 jours avant la signature de la rupture de la formation chez France Lorraine ambulances de sorte qu’elle n’avait aucunement l’intention de rester au sein de la société France Lorraine ambulances pour terminer sa formation.

Sur la procédure de rupture, l’intimée estime que Pôle Emploi n’aurait jamais apposé sa signature si la démarche avait été irrégulière contrairement à ce que soutient Mme [P] d’autant qu’elle a apposé sa signature sur le document pour « sursoit à la rencontre tripartite considérant les relations interpersonnelles et extra-professionnelles dans ce dossier ». Elle soutient que la procédure de rupture a été respectée et que si Mme [P] formule des griefs à l’égard de Pôle Emploi elle aurait dû l’attraire aux débats.

Sur le litige opposant M. et Mme [D] à M. [M], l’intimée fait valoir que les époux [D] disposent d’une personnalité morale distincte de celle de la société France Lorraine ambulances et que si les dires de Mme [P] étaient vrais cette dernière n’aurait pas demandé une formation auprès de la société France Lorraine ambulances.

Sur le préjudice allégué par Mme [P], l’intimée expose qu’elle a été embauché à la suite de sa formation par la société Jussieu Secours à [Localité 4], et en conclut qu’elle n’a subi aucun préjudice lié à la rupture du contrat de formation puisqu’elle a pu la poursuivre au sein d’une autre entité et que cela a débouché sur un emploi.

Subsidiairement sur la demande en remboursement de la somme de 1480 euros, l’intimée fait valoir que Mme [P] n’a pas démontré en première instance, et ne démontre pas à hauteur de cour, avoir réellement supporté le solde de la formation, en ce qu’elle ne prouve pas que l’OPCA aurait refusé de la prendre en charge. L’intimée expose que Mme [P] ne justifie ni de l’encaissement du chèque ni d’un refus de l’OPCA de lui rembourser les fonds qu’elle aurait réglés le cas échéant d’autant que l’intimée produit aux débats des courriels échangés entre les parties confirmant que la formation de Mme [P] au sein de l’entreprise Altemeier a été acceptée par l’OPCA transport.

Sur les dommages et intérêts, l’intimée estime que Mme [P] a volontairement renoncé à ce contrat de formation en signant la rupture conjointe et que le contrat ne promettait pas une promesse d’embauche et ne prévoyait pas d’obligation d’embauche de sorte que l’employeur pouvait tout à fait refuser la stagiaire notamment si elle n’atteignait pas le niveau requis. L’intimée rappelle que Mme [P] a pu poursuivre sa formation dans une autre société et a été ensuite employée par cette société de sorte qu’elle a bien perçu les salaires dus par son employeur. L’intimée fait donc valoir que Mme [P] n’a pas subi de préjudice financier et ne produit aucune pièce démontrant un quelconque préjudice moral de sorte que ses demandes sont infondées et devront être rejetées.

La procédure a été clôturée le 08 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur la recevabilité

Les causes d’irrecevabilité sont régies par les articles 122 à 126 du code de procédure civile.

Selon l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Le fait que Mme [P] n’ait pas assigné Pôle Emploi, organisme signataire de la convention POEI, ne prive pas Mme [P] du droit d’agir en justice contre la SARL France Lorraine Ambulances et n’est pas une cause d’irrecevabilité de ses demandes au sens de l’article 122 du code de procédure civile.

Le jugement est confirmé en ce qu’il déclare la demande recevable.

II- Au fond

Sur la qualification du contrat conclu par les parties

Conformément à l’article L. 6326-1 du code du travail, dans sa version en vigueur à la date de signature de la convention conclue par les parties, la préparation opérationnelle à l’emploi individuelle permet à un demandeur d’emploi (…) de bénéficier d’une formation nécessaire à l’acquisition des compétences requises pour occuper un emploi correspondant à une offre déposée par une entreprise auprès de l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1(soit Pôle Emploi). L’offre d’emploi est située dans la zone géographique privilégiée définie par le projet personnalisé d’accès à l’emploi du demandeur d’emploi. A l’issue de la formation, qui est dispensée préalablement à l’entrée dans l’entreprise, le contrat de travail qui peut être conclu par l’employeur et le demandeur d’emploi est un contrat à durée indéterminée, un contrat de professionnalisation d’une durée minimale de douze mois, un contrat d’apprentissage ou un contrat à durée déterminée d’une durée minimale de douze mois.

L’article L. 6326-2 du code du travail, dans sa version applicable en la cause, indique que dans le cadre de la préparation opérationnelle à l’emploi, la formation est financée par l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1(soit Pôle Emploi). Le fonds mentionné à l’article L. 6332-18 et l’organisme collecteur paritaire agréé (OPCA) dont relève l’entreprise concernée peuvent contribuer au financement du coût pédagogique et des frais annexes de la formation. L’entreprise, en concertation avec (Pôle Emploi) et avec l’organisme collecteur paritaire agréé dont elle relève, définit les compétences que le demandeur d’emploi acquiert au cours de la formation pour occuper l’emploi proposé.

Par ailleurs, conformément à l’article 1124 du code civil, la promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.

En l’espèce, il ressort de la pièce n° 1 de la SARL France Lorraine Ambulances, qu’une convention Préparation opérationnelle à l’emploi individuelle (POEI) a été signée le 17 janvier 2017 par celle-ci qui a apposé son cachet dans la partie réservée à « l’employeur », et a été signée le même jour, le 17 janvier 2017 par Mme [V] [P] dans la partie « stagiaire », puis le 18 janvier 2017 par le Centre de Formation des Conducteurs Routiers de la Moselle Altmeier (CFCRM) [Adresse 2], qui a apposé son cachet dans la partie « l’organisme de formation », et que cette convention a été signée à une date non précisée par Pôle emploi, et enfin le 13 février 2017 par l’OPCA Transports, Organisme Paritaire Collecteur Agréé (cf Conditions particulières, page 6).

Il est à noter qu’en préambule des conditions particulières l’employeur est aussi désigné comme l’Etablissement « [D] Ambulances », ayant un numéro de siret identique à celui de la SARL France Lorraine Ambulances, et qu’il est constant que Mme [H] [D] est gérante de celle-ci.

Une date d’embauche prévue a été fixée au 01.06.2017, sous la forme d’un CDD de 12 mois (cf Conditions particulières, page 4).

Il est précisé en page 5 de la convention, dans les conditions particulières, que l’employeur s’engage à réaliser ou à faire réaliser à la stagiaire le plan de formation au métier de chauffeur de taxi, du 02 mars 2017 au 10 mai 2017. Il est également indiqué en page 6, que la formation devait être réalisée par un organisme de formation externe à l’entreprise, le CFCRM Altmeier, et que l’aide financière relative à la POE Individuelle devait être versée directement entre les mains de celui-ci par Pole Emploi à hauteur de 2520 euros ainsi que par l’OPCA à hauteur de 630 euros.

Il est indiqué en outre dans les conditions générales de la convention POEI, à l’article 1 que Pole emploi et l’OPCA confient à l’employeur la réalisation d’une POEI en vue de recruter un stagiaire sur une offre d’emploi déposée préalablement auprès de Pôle Emploi, et à cette fin de former un stagiaire. Il est ajouté à l’article 4.1 des conditions générales que l’employeur est tenu de prendre toutes dispositions utiles pour que le stage atteigne les résultats énoncés à l’article 1, et qu’il demeure seul responsable vis-à-vis de Pôle emploi de l’exécution du stage.

L’article 4.3 des conditions générales précise qu’en cas d’incidents entre l’employeur et le stagiaire, l’une ou l’autre des parties en informe Pôle Emploi, qu’il appartient alors à l’employeur d’organiser une rencontre à laquelle participe un représentant de Pôle emploi, et qu’une exclusion temporaire ou définitive ne peut être prononcée par l’employeur à l’encontre du stagiaire sans l’avis préalable de Pôle emploi et sur motif légitime, après réunion entre les parties.

Enfin il est mentionné à l’article 4.6 des conditions générales que l’employeur s’engage à réserver jusqu’à la date de fin de stage l’offre d’emploi déposée à Pôle emploi, et à l’article 4.7 que l’employeur s’engage à conclure un contrat de travail avec le stagiaire ayant atteint le niveau requis.

Il ressort des clauses du contrat précité que les parties ont conclu une convention POEI, qui ne devait déboucher sur un emploi que si l’employeur ne prononçait pas d’exclusion du stage pour motif légitime dans les conditions prévues à l’article 4.3, et si le stagiaire avait atteint le niveau requis. La convention conclue par les parties ne contient pas de promesse d’embauche au sens de l’article 1224 du code civil, puisqu’il n’a pas été accordé à la stagiaire le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat pour la formation duquel ne manquerait que son consentement.

Sur la résiliation anticipée du contrat

Conformément à l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Selon l’article 1193 du code civil, les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise.

L’article 1212 du code civil impose aux parties à un contrat conclu pour une durée déterminée, à l’exécuter jusqu’à son terme.

Toutefois il résulte de l’article 1193 du code civil que les parties peuvent révoquer le contrat à durée déterminée par anticipation d’un commun accord.

Mme [P] produit un devis de formation édité à son intention par la SAS CFCRM Altmeier le 10 janvier 2017 pour un montant total de 3150 euros pour 315 heures de formation. Le nombre d’heures et le prix total de la formation objet de ce devis correspondent à ceux prévus dans la convention POEI qui a été signée par la suite. Il résulte des termes de la convention POEI précitée que la SARL France Lorraine Ambulances ne s’est pas engagée à payer la formation au métier de chauffeur de taxi pour Mme [P], et que seuls Pôle Emploi et l’OPCA s’y étaient engagés.

Le Bilan POEI signé par les parties à la fin du mois d’avril 2017 indique que Mme [P] a réalisé dans le cadre de la convention POEI 168 heures sur la formation de 315 heures prévue.

Mme [P] produit un second devis édité le 05.04.2017 à son intention par la SAS CFCRM Altmeier, d’un montant de 1480 euros pour 148 heures de formation au certificat de capacité Taxi, indiquant : « restant dû formation CCP Taxi suite a rupture du contrat POE avec les ambulances [D]. Solde financement perso ».

S’il ressort de ce document que la SAS CFCRM Altmeier avait été alors avisée que la convention POEI était résiliée, ni le motif de la rupture, ni l’identité de la ou des parties à l’origine de cette rupture ne sont précisés, ni celle de la personne en ayant avisé le centre de formation.

En outre il ressort de la pièce 8 de l’appelante que Mme [P] a signé seule, le 05 avril 2017, une convention de formation professionnelle avec la SAS CFCRM Altmeier, au prix de 1480 euros, pour la période de formation restante du 05 avril 2017 au 10 mai 2017, en acceptant le devis.

Par mail du 4 avril 2017 Mme [P] avait demandé à Mme [F] de Pôle Emploi si elle pouvait encore « trouver un patron pour le reste de la formation » et Mme [F] lui a répondu par la négative.

Il est avéré que Mme [P] a effectué une partie de la formation dans le cadre de la POEI, auprès du formateur externe, le CFCRM Altmeier, puis qu’elle a poursuivi cette formation auprès du même centre, en dehors de la convention POEI, après avoir conclu un contrat directement avec le CFCRM Altmeier. Cependant Mme [P] ne démontre pas que la SARL France Lorraine Ambulances aurait résilié unilatéralement la convention POEI ainsi qu’elle le prétend.

En effet, en premier lieu Mme [P] ne produit aucun document ou lettre émanant de la SARL France Lorraine Ambulances manifestant une intention de résilier unilatéralement, de sa seule initiative, la convention POEI avant ou après le 5 avril 2017.

En second lieu la SARL France Lorraine Ambulances conteste formellement avoir réceptionné la lettre datée du 4 avril 2017 émanant de Mme [P] produite initialement en pièce 14 par celle-ci, et qui est à nouveau produite, sous un autre format en pièce 21. Alors que la SARL France Lorraine Ambulances souligne que les lettres du 4 avril 2017, à l’intention de Mme [F] de Pôle Emploi et de la SARL Ambulance [D], ont une mise en page différente de celles à nouveau produites en pièces 18 et 21, et qu’en outre les pièces 13 et 14 comportent en bas de page les mentions « page 6 de 14 » et « page 7 de 14 » à la différente des pièces 18 et 21, Mme [P] ne s’explique pas sur ces différences de présentation, se contentant d’indiquer que la numérotation des pages correspond à l’envoi des pièces à son avocat, et qu’elle n’a trafiqué aucun courrier.

De même la SARL France Lorraine Ambulances conteste formellement avoir réceptionné la lettre datée du 24 avril 2017 émanant de Mme [P], et souligne qu’un premier format de la lettre a été produit en pièce 17, et débute par « Lettre 2 », et qu’un format différent en a été produit en pièce 19 par Mme [P], qui notamment ne comporte pas la mention « lettre 2 ».

En l’état, compte tenu de ces divergences inexpliquées de mise en page et de mentions figurant dans les lettres produites deux fois par Mme [P], le contenu des lettres adressées par Mme [P] à la SARL France Lorraine Ambulances ainsi qu’à Mme [F] de Pole Emploi en avril 2017 n’est pas formellement établi.

En revanche dans sa lettre adressée à la SARL Ambulances [D] Mme [V] [P] indique uniquement « je suis surprise par la rupture unilatérale du contrat à mi-parcours pendant la formation de taxi (‘) par la présente je vous demande de me communiquer le motif de rupture de cette formation » (pièce 21 de l’appelante).

En outre et surtout dans sa lettre datée du 04 avril 2017 adressée à Mme [T] [F] de Pôle emploi, Mme [P] indique : « je suis surpris par la rupture en date du 4 avril unilatérale du contrat du fait des Ambulances [D] ; Je n’ai pas été informé de cette rupture ni par les Ambulances [D], ni par Pôle emploi avec qui je suis lié contractuellement jusqu’au terme de ma formation, qui devait mener sur un emploi en CDD ». Il en résulte expressément que Mme [P] n’a nullement été avisée par la gérante de la SARL France Lorraine Ambulances, Mme [D], d’une intention de résilier unilatéralement la convention POEI.

Par ailleurs il ressort d’une lettre du 19 janvier 2017, envoyée par M. [S] [M], beau-père de Mme [P] à Mme [D], gérante de la SARL France Lorraine Ambulances, et à son mari, qu’un litige annexe opposait ceux-ci, et que M. [M] avait alors précisé à la gérante de la SARL France Lorraine Ambulances : « ma fille ne fera pas avec vous cette convention de stage pour une formation taxi qui ne vous coûtait pas un centime, car pris en charge par différents organismes (OPCA et pole emploi). Par contre à moi cette formation me coûtera 3150 euros qu’importe. Nous ne voulons ma fille et moi être redevable de quoi que ce soit envers vous ».

Cette lettre est datée du 19 janvier 2017, soit 2 jours après la signature de la convention de la POEI par Mme [P] et par la gérante de la SARL France Lorraine Ambulances. Il est certain que Mme [P] a néanmoins débuté et suivi une partie de la formation de chauffeur de taxi dans le cadre de la convention POEI conclue par les parties, à hauteur de 168 heures, avant de la finir en dehors du cadre de cette convention. Toutefois il n’est pas démontré par Mme [P] que la SARL France Lorraine Ambulances aurait refusé qu’elle accède au centre de formation, ce d’autant plus que ce centre est externe à la SARL France Lorraine Ambulances, et que cette société ne finançait pas la formation. En outre il ressort expressément de la lettre du 19 janvier 2017 de M. [M] que le litige personnel entre celui-ci et le couple [D] était susceptible d’avoir des répercussions sur l’intention de Mme [P] de poursuivre l’exécution de la convention de POEI avec la SARL France Lorraine Ambulances.

De plus dans le document intitulé « Bilan POEI », signé fin avril par les parties et le 04 mai 2017 par Pôle Emploi, il n’a été mentionné aucun motif de non embauche, dans l’espace prévu à cet effet, dans la partie « n’a pas donné lieu à recrutement », alors que la case « autre motif » a été cochée, et il n’a pas non plus été précisé si le défaut d’embauche était à l’initiative de l’employeur ou de la stagiaire. Il y a en revanche été indiqué comme commentaire : « surseoir à la rencontre tripartite, considérant les relations interpersonnelles et extra professionnelles dans ce dossier ». À la lecture de ce document les relations entre les parties étaient tellement tendues qu’aucune rencontre tripartite entre elles et Pole Emploi n’était alors envisageable dans l’immédiat, de sorte qu’une relation de travail entre les parties ne l’était pas non plus.

Mme [T] [F], de Pôle Emploi Grand Est, a précisé par mail du 26 avril 2017 à Mme [H] [D], gérante de la SARL France Lorraine Ambulances, que « Mme [P] ayant décidé de poursuivre sa formation, réalisée en dehors de vos locaux puisqu’au sein du centre de formation, il était convenu avec le centre que je passe rencontrer Mme [P] afin qu’elle signe le bilan le 07, dans la mesure où le souhait d’être libéré de tout engagement vis-à-vis de votre entreprise émanait de la famille de la stagiaire et que vous n’avez fait qu’accéder à sa demande. » (pièce 5 de l’intimée), ce qui confirme les dires de la SARL France Lorraine Ambulances, et ce qui est corroboré par la lettre du 19 janvier 2017 de M. [M].

Enfin dans une lettre du 4 mai 2017 du 4 mai 2017 M. [X], Directeur de l’agence Pole Emploi, indique à Mme [P] : « certains évènements nouveaux, liés à des situations interpersonnelles qui dépassent de loin le caractère professionnel, conduisent aujourd’hui l’employeur à reconsidérer son intention de vous embaucher et vous engage vous dans une procédure devant les tribunaux à son encontre ». Il s’agit d’un résumé succinct de l’état des relations entre les parties, émanant du Directeur de l’agence qui n’indique pas avoir été témoin direct de celles-ci. Au demeurant M. [X] estime que certains éléments nouveaux « conduisent aujourd’hui l’employeur à reconsidérer son intention de vous embaucher », mais il n’est pas établi que la SARL France Lorraine Ambulances aurait abusivement rompu la formation de Mme [P] le 04 avril 2017 ainsi qu’elle le soutient, ni que la société aurait résilié abusivement et unilatéralement la convention. M. [X] précise en outre que Pôle emploi et l’OPCA ont maintenu leurs engagements financiers jusqu’au bout.

En définitive il n’est pas démontré par Mme [P] que la convention POEI a été rompue de manière fautive et unilatérale par la SARL France Lorraine Ambulances. Il résulte de l’ensemble des pièces produites que la convention POEI n’a pas été suivie jusqu’à son terme en raison d’un commun accord entre les parties, ayant conduit Mme [P] à signer une convention directement avec le CFCRM Altmeier le 05 avril 2017, et ayant conduit les parties à signer fin avril 2017 un bilan POEI mentionnant que le stage ne donnerait pas lieu à recrutement, pour un motif non précisé.

Le contrat ayant été résilié d’un commun accord entre les parties, la SARL France Lorraine Ambulances est dispensée de son exécution jusqu’à son terme.

Les demandes en dommages-intérêt formées par Mme [P] ne sont pas fondées.

Le jugement est confirmé par substitution de motifs.

III- Sur les dépens et l’indemnité prévue par l’article 700 du code de procédure civile

Les dispositions du jugement statuant sur les dépens et indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance sont confirmées.

Succombant en ses prétentions, Mme [V] [P] est condamnée aux dépens de la procédure d’appel et à payer à la SARL France Lorraine Ambulances la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [V] [P] aux dépens de la procédure d’appel ;

Condamne Mme [V] [P] à payer à la SARL France Lorraine Ambulances la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.

La Greffière La Présidente de chambre

 


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