Rupture anticipée : 19 janvier 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/02248

·

·

Rupture anticipée : 19 janvier 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/02248
Ce point juridique est utile ?

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 19/01/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/02248 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TSKX

Jugement (N° 20/07414) rendu le 30 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Lille

Ordonnance (N° 329/21) rendue le 12 octobre 2021 par la cour d’appel de Douai

APPELANTE

SASU [K] International, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

ayant son siège social, [Adresse 3]

SELAS MJS Partners représentée par Me [G] [Z], nommé à cette fonction suivant jugement rendu par ple tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 06 septembre 2021, ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société [K] International.

ayant son siège social, [Adresse 2]

Assignée en intervention forcée le 12 octobre 2021

représentées par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistées de Me Thomas Obajtek, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

INTIMÉE

Société civile Erica, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

ayant son siège social, [Adresse 1]

représentée par Me Guillaume Boureux, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l’audience publique du 08 novembre 2022 tenue par Agnès Fallenot magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Samuel Vitse, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 6 septembre 2022

****

FAITS ET PROCEDURE

La SCI Erica, gérée par Madame [X] [K], est propriétaire d’un immeuble à usage industriel, situé à [Adresse 1].

La société Les Manufactures [K] y exerçait une activité de fabrication de moquettes. Placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 22 octobre 2018, elle a vu ses actifs et activités cédés à la société de droit belge De Poortere deco suivant jugement du 12 avril 2019. Celle-ci s’est substituée la SAS [K] international.

Le bail commercial n’ayant pas été repris, un bail dérogatoire a été conclu entre la société [K] international et la société Erica pour une durée de 24 mois, moyennant un loyer annuel hors taxes de 54 000 euros, par acte sous seing privé du 10 avril 2019.

La société [K] international arguant que sa compagnie d’assurance refusait de couvrir les risques liés à son exploitation en raison de l’état du bâtiment, les parties ont signé, les 10 et 22 juillet 2020, un protocole d’accord valant transaction au sens des articles 2044 et suivants et 2052 du code civil, prévoyant la résiliation anticipée du bail, la société [K] international s’engageant à quitter les lieux le 31 juillet 2020 au plus tard, et à payer à la société Erica, pour solde de tout compte, la somme de 16 200 euros couvrant « l’ensemble des postes susceptibles d’être dus par le preneur au bailleur tant au titre de l’exécution du contrat que des conséquences liées à la résiliation (notamment, loyers, charges, travaux, dégradations…) ». Aux termes de l’article 3.3 dudit protocole, le preneur s’est engagé à « libérer les lieux des éléments dits « encombrants » (machines, meubles…) », le bailleur acceptant en revanche qu’il laisse dans les locaux « les éléments non encombrants (archives, papiers de comptabilité…) » à raison de la destruction à terme du bâtiment. Les parties ont prévu « un tour des lieux » pour convenir de la nature de ces éléments.

Par courrier recommandé du 27 octobre 2020, la société Erica a mis la société [K] international en demeure de lui restituer les clés du bâtiment, de débarrasser intégralement le site dans les 72 heures et de lui régler la somme de 16 200 euros représentant les échéances d’août à octobre 2020. Elle a joint à ce courrier un devis d’évacuation des déchets laissés sur place estimant leur volume à 28 bennes de 15 m3, pour un coût de 43 800 euros.

Un procès-verbal de constat d’huissier a été dressé contradictoirement le 3 novembre 2020.

Par requête déposée le 24 novembre 2020, la société Erica a sollicité l’autorisation de faire assigner la société [K] international à jour fixe aux fins d’expulsion et d’enlèvement des meubles, laquelle lui a été donnée par ordonnance du 26 novembre 2020.

Par jugement rendu le 30 mars 2021, le tribunal judiciaire de Lille a statué en ces termes :

« DÉCLARE la SC ERICA irrecevable en ses nouvelles demandes comprises dans la note en délibéré signifiée le 08 février 2021,

DÉBOUTE la SC ERICA de sa demande en expulsion de la société [K] INTERNATIONAL,

DÉBOUTE la SC ERICA de sa demande tendant à contraindre la société [K] INTERNATIONAL de terminer l’enlèvement des encombrants au sens du protocole d’accord,

CONDAMNE la société [K] INTERNATIONAL à payer à la SC ERICA la somme de VINGT QUATRE MILLE EUROS (24.000€) TTC avec intérêts au taux légal à compter du 02 décembre 2020, au titre de l’enlèvement des encombrants au sens du protocole d’accord,

FIXE le montant de l’indemnité d’occupation des locaux sis [Adresse 1], due par la société [K] INTERNATIONAL à la SC ERICA, à la somme de DEUX MILLE SEPT CENTS EUROS (2.700€) par mois entre le 1er août 2020 et le 03 février 2021,

CONDAMNE la société [K] INTERNATIONAL à payer à la SC ERICA le montant de cette indemnité d’occupation, augmenté des intérêts au taux légal à compter du 02 décembre 2020,

DÉBOUTE la société [K] INTERNATIONAL de l’intégralité de ses demandes,

CONDAMNE la société [K] INTERNATIONAL à payer à la SC ERICA la somme de QUATRE MILLE EUROS (4.000€) au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNE la société [K] INTERNATIONAL aux entiers dépens, en ce compris le coût des procès verbaux d’huissier au titre de l’ensemble des constats opérés,

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire à titre provisoire de plein droit,

REJETTE toutes demandes, fins et prétentions, plus amples ou contraires, des parties.

Par déclaration du 19 avril 2021, la société [K] International a relevé appel de cette décision en ce qu’elle a :

« – Condamné la société [K] INTERNATIONAL à payer à la SC ERICA la somme de 24.000 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2020, au titre de l’enlèvement des encombrants au sens du protocole d’accord,

– Fixé le montant de l’indemnité d’occupation des locaux sis [Adresse 1], due par la société [K] INTERNATIONAL à la SC ERICA, à la somme de 2.700 euros par mois entre le 1er août 2020 et le 03 février 2021,

– Condamné la société [K] INTERNATIONAL à payer à la SC ERICA le montant de cette indemnité d’occupation, augmenté des intérêts au taux légal à compter du 02 décembre 2020,

– Débouté la société [K] INTERNATIONAL de l’intégralité de ses demandes,

– Condamné la société [K] INTERNATIONAL à payer à la SC ERICA la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du CPC,

– Condamné la société [K] INTERNATIONAL aux entiers dépens, en ce compris le coût des procès verbaux d’huissier au titre de l’ensemble des constats opérés,

– Rejeté toutes demandes, fins et prétentions, plus amples ou contraires, de la société [K] INTERNATIONAL ».

Par jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole du 6 septembre 2021, la société [K] international a été placée en liquidation judiciaire, la Selas MJS Partners étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

La société Erica a déclaré sa créance en date du 8 octobre 2021 à hauteur de 90 570,82 euros à titre chirographaire échu, avec intérêts au taux légal, se décomposant comme suit :

– 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance ;

– 856,82 euros au titre des dépens de première instance ;

– 37 752 euros au titre du coût de l’évacuation des encombrants hors archives papier, avec intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2020 ;

– 32 400 euros au titre des indemnités d’occupation, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

– 4 924 euros au titre de la taxe foncière de l’année 2021, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

– 5 400 euros au titre de la durée d’évacuation des encombrants, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

– 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile d’appel ;

– 238 euros au titre des dépens d’appel.

La société MJS Partners, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [K] international, est régulièrement intervenue à la procédure.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions régularisées par le RPVA le 6 janvier 2022, la société [K] international et la société MJS Partners, ès qualités, demandent à la cour de :

« A titre principal :

– Confirmer le Jugement entrepris en ce qu’il a :

o Déclaré la SC ERICA irrecevable en ses nouvelles demandes comprises dans la note en délibéré signifiée le 08 février 2021 ;

o Débouté la SC ERICA de sa demande en expulsion de la société [K] INTERNATIONAL ;

o En tout état de cause, donner acte à la SC ERICA de sa renonciation quant à ladite demande d’expulsion ;

o Débouté la SC ERICA de sa demande tendant à contraindre la société [K] INTERNATIONAL de terminer l’enlèvement des encombrants au sens du protocole d’accord.

– Infirmer le jugement entrepris en ses autres dispositions et notamment en ce qu’il a :

o Condamné la société [K] INTERNATIONAL à payer à la SC ERICA la somme de 24.000 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2020, au titre de l’enlèvement des encombrants au sens du protocole d’accord ;

o Fixé le montant de l’indemnité d’occupation des locaux sis [Adresse 1], due par la société [K] INTERNATIONAL à la SC ERICA, à la somme de 2.700 euros par mois entre le 1er août 2020 et le 03 février 2021 ;

o Condamné la société [K] INTERNATIONAL à payer à la SC ERICA le montant de cette indemnité d’occupation, augmenté des intérêts au taux légal à compter du 02 décembre 2020 ;

o Débouté la société [K] INTERNATIONAL de l’intégralité de ses demandes ;

o Condamné la société [K] INTERNATIONAL à payer à la SC ERICA la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du CPC ;

o Condamné la société [K] INTERNATIONAL aux entiers dépens, en ce compris le coût des procès verbaux d’huissier au titre de l’ensemble des constats opérés ;

o Rejeté toutes demandes, fins et prétentions, plus amples ou contraires, de la société [K] INTERNATIONAL.

En conséquence, statuant à nouveau :

– Débouter la société civile ERICA de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions et de son appel incident.

En tout état de cause :

– Condamner la société Civile ERICA à verser à la SELAS MJS PARTNERS, ès qualités de liquidateur de la société [K] INTERNATIONAL la somme de 5.000,00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– La condamner aux entiers frais et dépens tant de première instance que d’appel ».

Les appelants font valoir que la demande d’expulsion ne peut manifestement prospérer, le site n’étant plus occupé. Les premiers juges ne s’y sont pas trompés. En réalité, cette demande ne présente, pour la société Erica, qu’un objectif spéculatif résultant de sa demande d’une indemnité d’occupation à compter du mois d’août 2020, strictement égale au loyer qui avait été consenti pendant le bail dérogatoire, soit 5 400 euros TTC par mois. Il convient cependant de rappeler que la vocation d’une indemnité d’occupation est de réparer le préjudice subi par le propriétaire du fait d’une occupation sans droit ni titre.

Or, de l’aveu même de la société Erica, celle-ci n’a nullement l’intention de relouer le local puisqu’elle a pour objectif de la vendre à la société Les Dunes de Flandres, en vue de sa destruction. La société [K] international avait quitté les lieux dès la fin du mois de juillet 2020 et il ne peut être considéré que la remise d’un jeu de clés le 3 février 2021 a marqué la fin de l’occupation.

En outre, contrairement à ce que soutient la société Erica, la société preneuse a parfaitement exécuté les obligations qui étaient à sa charge dans le cadre du protocole d’accord et évacué les éléments dits « encombrants ». Elle a multiplié les opérations d’enlèvement, dans un souci d’apaisement. Aucune condamnation à son encontre n’est donc justifiée.

Par conclusions régularisées par le RPVA le 8 mars 2022, la société Erica demande à la cour de :

« Vu les articles 1104 et suivants du Code civil,

Vu les pièces, vu le protocole,

Vu la restitution des clés le 3 février 2020 et l’état d’encombrement du local,

Vu la liquidation judiciaire de [K] INTERNATIONAL,

(…)

A titre principal :

CONFIRMER le jugement du Tribunal judiciaire de LILLE du 30 mars 2021 en ce qu’il a :

– Débouté la société [K] INTERNATIONAL de l’intégralité de ses demandes ;

– Condamné la société [K] INTERNATIONAL à payer à la SCI ERICA la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– Condamné la société [K] INTERNATIONAL aux entiers dépens, en ce compris le coût des procès-verbaux d’huissier au titre de l’ensemble des constats opérés.

– Condamné la société [K] INTERNATIONAL à payer à la SCI ERICA une indemnité avec intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2020, au titre de l’enlèvement des encombrants au sens du protocole d’accord, sauf à en augmenter le montant ;

– Condamné la société [K] INTERNATIONAL à payer à la SCI ERICA une indemnité avec intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2020, au titre de l’occupation jusqu’au 03/02/2021, sauf à en augmenter le montant.

INFIRMER le jugement du Tribunal judiciaire de LILLE du 30 mars 2021 en ce qu’il a :

– Limité la condamnation de la société [K] INTERNATIONAL à la somme de 24.000 € TTC avec intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2020, au titre de l’enlèvement des encombrants au sens du protocole d’accord ;

– Fixé le montant de l’indemnité d’occupation des locaux sis, [Adresse 1], due par la société [K] INTERNATIONAL à la SCI ERICA, à la somme de 2.700 € par mois entre le 1er août 2020 et le 3 février 2021.

Statuant à nouveau, et y ajoutant il est demandé à la Cour d’appel de DOUAI de :

– ADMETTRE et FIXER les créances suivantes de la SCI ERICA au passif de la liquidation judiciaire de la société [K] INTERNATIONAL à titre échu et chirographaire pour un montant cumulé de 90.570,82 € correspondant à :

o 4.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile de première instance ;

o 856,82 € au titre des dépens de première instance ;

o 37.752 € au titre du coût de l’évacuation des encombrants hors archives papier ;

o 32.400 € au titre des indemnités d’occupation ;

o 4.924 € au titre de la taxe foncière de l’année 2021 ;

o 5.400 € au titre de la durée d’évacuation des encombrants, ;

o 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile d’appel ;

o 238 € au titre des dépens d’appel.

En tout état de cause :

– DEBOUTER la société [K] INTERNATIONAL et MJS PARTNERS prise en la personne de Me [Z] es qualité de ses demandes, fins et conclusions ;

– CONDAMNER la SELAS MJS Partners, ès qualités, à verser à la SCI ERICA la somme de 5.000 € au titre de ses frais irrépétibles d’appel ; et ce, à titre de frais privilégiés.

– CONDAMNER la SELAS MJS Partners, ès qualités, aux dépens d’appel et ce, à titre de frais privilégiés. ».

La bailleresse explique qu’à l’issue des plaidoiries de première instance, elle a renoncé à sa demande d’expulsion par note en délibéré signifiée le 8 février 2021, la société [K] international ayant restitué les jeux de clés en sa possession à la date du 3 février 2021. Le tribunal l’ayant déclarée irrecevable en ses nouvelles demandes, il s’est prononcé sur cette demande d’expulsion en la rejetant dans le dispositif de son jugement. Elle n’a cause d’opposition à une confirmation de ce chef.

Elle soutient en revanche que l’appréciation du tribunal est erronée au sujet de la classification des encombrants et du coût que représente leur évacuation. Elle plaide que ce ne sont pas uniquement les objets volumineux qui doivent être considérés comme encombrants mais tout ce qui est dans le local, à l’exception des papiers. Elle a versé aux débats un devis pour leur évacuation, ce qui représente la somme de 37 752 euros TTC

Contrairement à ce que soutient la société [K] international, elle avait encore en sa possession des clés qu’elle n’a remises que le 3 février 2021, et c’est donc bien cette date qui doit être retenue pour arrêter l’occupation des lieux. Toutefois, une indemnité est due également pendant la durée d’évacuation des encombrants, en ce qu’elle indemnise le propriétaire privé de la jouissance de son bien. Des pourparlers sont en cours avec la société Les Dunes de Flandres, promoteur. Ce dernier atteste que la libération des biens est une condition de l’acquisition de l’immeuble.

La société Erica a dû prendre en charge le règlement de la taxe foncière, alors qu’en principe, elle devait vendre l’immeuble au promoteur. En 2020, elle s’est élevée à 4 924 euros. La société [K] international doit être condamnée à cette somme au titre du préjudice subi par la bailleresse.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 6 septembre 2022.

SUR CE

I ‘ Sur l’étendue de la dévolution

Aux termes de l’article 562 du code de procédure civile, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

En conséquence, la cour n’est pas saisie des chefs du jugement querellé ayant :

-déclaré la société Erica irrecevable en ses nouvelles demandes comprises dans la note en délibéré signifiée le 8 février 2021,

-débouté la société Erica de sa demande en expulsion de la société [K] international,

-débouté la société Erica de sa demande tendant à contraindre la société [K] international de terminer l’enlèvement des encombrants au sens du protocole d’accord.

Il ne sera donc pas répondu aux développements sur ces sujets figurant dans les conclusions des parties.

Par ailleurs, la société [K] international n’a développé aucun argument à l’appui de son appel du chef du jugement l’ayant déboutée de toutes ses demandes, lesquelles consistaient en une demande de renvoi et de médiation. Celui-ci ne peut qu’être confirmé.

II ‘ Sur les demandes de fixation au passif de la procédure collective de la société [K] international

Aux termes de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

Aux termes de l’article L. 622-7 I. du code de commerce, le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception du paiement par compensation de créances connexes.

Aux termes de l’article L. 622-21 I. du code de commerce, le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L. 622-17 et tendant :

1° A la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ;

2° A la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent.

Aux termes de l’article L. 622-22 du code de commerce, sous réserve des dispositions de l’article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu’à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l’administrateur ou le commissaire à l’exécution du plan nommé en application de l’article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

Aux termes de l’article L. 622-24 du code de commerce, à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d’Etat. La déclaration des créances doit être faite alors même qu’elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n’est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d’une évaluation.

Il résulte de ces dispositions que la cour ne peut se prononcer sur les demandes de la société Erica que dans les limites de sa déclaration de créance.

Aux termes des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.

1) Sur l’enlèvement des éléments encombrants

Il ressort des procès-verbaux contradictoires de constat d’huissier en date des 3 novembre 2020 et 3 février 2021 qu’en dépit de ses dénégations répétées, empreintes d’une totale mauvaise foi, la société [K] international n’a pas respecté les engagements qu’elle avait pris par l’effet du protocole d’accord signé les 10 et 22 juillet 2020, notamment en vidant les locaux des déchets encombrants.

A la date du 3 novembre 2020, il a ainsi été constaté que l’immeuble était toujours « rempli d’une quantité importante d’objets mobiliers : tant métalliques que informatiques, cartons, meubles de bureau, photocopieurs, imprimantes, papiers destinés aux machines de création de moquettes et tapis (‘) », ce dont attestent à suffisance les photographies annexées à son procès-verbal par l’huissier. Deux ferrailleurs rencontrés sur place, se disant mandatés par la société [K] international « pour procéder à l’évacuation des éléments métalliques mais également d’autres éléments présents à l’intérieur de l’immeuble », ont alors estimé le délai nécessaire pour évacuer les locaux de quatre à cinq semaines.

À la date du 3 février 2021, demeuraient pour autant toujours dans les lieux des palettes en bois, des caisses de rangement métalliques, des bidons métalliques et en plastique, des tôles ondulées, des rouleaux de tissu, des fers à béton, des tuiles, des pierres, un vieux métier à tisser, des tubes cartonnés, des tuyaux, des éléments de mobilier (bancs, tables, étagères, chaises, porte, armoires, caissons à tiroirs, table, établi) et morceaux de meubles, une imprimante et du petit matériel informatique, des plaques, bobines, paniers, cordes, outils, cartes perforées, papiers, classeurs, déchets divers…

La société Erica est donc parfaitement fondée à solliciter des dommages et intérêts au titre de l’enlèvement des encombrants au sens du protocole d’accord.

Cette dernière produit aux débats un devis établi le 3 février 2021 par la société MT bois s’élevant à 33 960 euros HT, soit 40 752 euros TTC, se décomposant comme suit :

-6 500 euros HT au titre de l’évacuation de déchets mobiliers bois et autres déchets bois sur l’ensemble des bâtiments ;

-9 500 euros HT au titre de l’évacuation de déchets DIB lourds (plaques en carton perforées rouleaux de moquette) ;

-3 500 euros HT au titre de l’évacuation de déchets DIB (plastiques, cartons souillés, bidons plastiques etc.) sur l’ensemble des bâtiments ;

-2 500 euros HT au titre de l’évacuation des archives, déchets DIB dans les bureaux et le grenier ;

-1 560 euros HT au titre de l’évacuation d’environ 15 fûts de produits polluants ;

-10 400 euros HT au titre des engins utilisés (chariot élévateur, mini-pelle avec pince de tri, dumper) et de la main-d”uvre (4 employés).

La comparaison de ce devis avec les constatations de l’huissier en date du 3 février 2021 justifie de soustraire de la somme à allouer à la société Erica le poste correspondant à l’évacuation des archives et déchets DIB dans les bureaux et le grenier, dont il sera retenu qu’il entre dans la catégorie des éléments non encombrants au sens du protocole d’accord. En revanche, il sera considéré que tous les autres postes entrent dans la catégorie des éléments encombrants au sens dudit protocole, compte tenu de leur volume et/ou de leur nature nécessitant un tri spécifique.

La société [K] international est donc déclarée redevable envers la société Erica de la somme de 31 460 euros HT, soit 37 752 euros TTC au titre de l’enlèvement des déchets à sa charge.

Cette somme sera fixée au passif de sa procédure collective, à titre chirographaire échu, avec intérêts au taux légal à compter du 3 février 2021.

La décision entreprise sera réformée de ce chef.

2) Sur les indemnités d’occupation

Il ressort du procès-verbal contradictoire de constat d’huissier en date du 3 février 2021 qu’en dépit de ses dénégations répétées, également empreintes d’une totale mauvaise foi, la société [K] international était toujours à cette date en possession de clés des locaux pris à bail, dont elle n’a d’ailleurs restitué que deux jeux, sans s’inquiéter de récupérer ceux restant en possession de ses salariés, comme en atteste Monsieur [T] [D].

Dans la mesure où elle s’était engagée à quitter les lieux au plus tard le 31 juillet 2020, elle est incontestablement redevable envers la société Erica d’une indemnité d’occupation égale au loyer qu’elle aurait payé si le bail n’avait pas été résilié, soit la somme de 5 400 euros TTC pendant 7 mois.

L’argument selon lequel les locaux n’avaient pas vocation à être de nouveau donnés à bail est inopérant, la propriétaire n’ayant pas pu disposer de son bien, alors qu’elle justifie d’un projet de vente conditionné à « la libération des lieux de toute occupation (personnes, mobiliers, objets, déchets », selon attestation de la société Les Dunes de Flandres du 23 novembre 2020.

Il sera en conséquence fait droit à la demande de la société Erica de voir fixer au passif de sa procédure collective la somme de 37 800 euros (32 400 euros au titre des indemnités d’occupation + 5 400 euros « au titre de la durée d’évacuation des encombrants »), avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

La décision entreprise sera réformée de ce chef.

3) Sur la taxe foncière

Le bail dérogatoire conclu entre la société Erica et la société [K] international ne met à la charge de la locataire que la taxe d’enlèvement des ordures ménagères et la taxe de balayage.

La société propriétaire ne saurait se prévaloir du projet d’acquisition de l’immeuble pour solliciter que la société [K] international soit condamnée à l’indemniser du montant de la taxe foncière pour l’année 2020, alors que le vendeur, propriétaire au 1er janvier, reste redevable de la taxe foncière pour l’année.

Elle doit en conséquence être déboutée de sa demande de fixation au passif de la procédure collective de la somme de 4 924 euros.

III ‘ Sur les demandes accessoires

1) Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

L’issue du litige justifie de condamner la société MJS Partners, ès qualités, aux dépens d’appel, et de fixer à la procédure collective de la société [K] international la somme non contestée de 856,82 euros au titre des dépens de première instance. La décision entreprise sera réformée de ce chef.

2) Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

La société MJS Partners, ès qualités, sera en outre condamnée à verser à la société Erica la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel, et déboutée de sa propre demande de ce chef.

Il sera fixé à la procédure collective de la société [K] international la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance. La décision entreprise sera réformée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de la dévolution,

Infirme le jugement rendu le 30 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Lille Métropole, sauf en ce qu’il a débouté la société [K] international de toutes ses demandes ;

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

Fixe les créances de la société Erica au passif de la procédure collective de la société [K] international, à titre chirographaire échu, à :

-37 752 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 février 2021, à titre de dommages et intérêts pour l’enlèvement des déchets encombrants restés dans les locaux pris à bail ;

-37 800 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, au titre des indemnités d’occupation dues ;

– 4 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;

– 856,82 euros au titre des dépens de première instance ;

Déboute la société Erica de sa demande au titre des taxes foncières 2020 ;

Condamne la société MJS Partners, ès qualités, à payer à la société Erica la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel ;

Déboute la société MJS Partners, ès qualités, de sa propre demande au titre de ses frais irrépétibles ;

Condamne la société MJS Partners, ès qualités, aux dépens d’appel.

Le greffier Le président

Marlène Tocco Samuel Vitse

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x