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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 56B
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 26 JANVIER 2023
N° RG 21/00883 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UJ3C
AFFAIRE :
S.A.S. AMABIS
C/
S.A.S. WE YOU GROUP
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Mars 2020 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 1
N° RG : 2018F01644
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Anne-Laure WIART
Me Xavier DECLOUX
TC NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SIX JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.S. AMABIS
RCS Nanterre n° 409 015 724
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Anne-Laure WIART, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : T 437 et Me Mathieu DUCROCQ, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
S.A.S. WEYOU GROUP
RCS Nanterre n° 489 070 755
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Xavier DECLOUX, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 315 et Me Fanny VIGIER et Me Pierre-Randolph DUFAU de la SELAS PRD Avocats, Plaidants, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : C1355
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 01 Décembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François THOMAS, Président,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS Amabis est une société de services informatiques spécialisée dans le traitement des données.
La SAS Weyou Group (ci-après Weyou) organise des salons professionnels, dont celui intitulé « Customer Relationship et Marketing Meetings » (ci-après CRMM) qui se tient à [Localité 4].
Le 21 septembre 2017, les sociétés Weyou et Amabis ont conclu un premier contrat, portant sur la participation de cette dernière à l’édition 2017 du CRMM.
Le 10 novembre 2017, la société Weyou a adressé à la société Amabis une proposition de contrat de « rebooking » pour l’édition 2018 du CRMM, portant sur la somme de 21.360€ TTC. Le 21 novembre 2017, ce contrat lui a été retourné signé par M. [F] [G], directeur commercial de la société Amabis.
Postérieurement, les parties ont conclu deux autres contrats – l’un le 7 décembre 2017 et l’autre le 27 avril 2018 – qui ont été honorés tant par la société Amabis que par la société Weyou.
Le 26 avril 2018, la société Weyou a facturé à la société Amabis la prestation afférente au CRMM 2018 et demandé le paiement de la somme de 10.680 € TTC. Le 3 juillet 2018, M. [C] [L], président de la société Amabis, a répondu qu’il considérait comme nul et non avenu le contrat signé le 21 novembre 2017, du fait de l’absence de pouvoir de M. [G], directeur commercial, pour signer un tel document.
Par courrier recommandé du 17 juillet 2018, la société Weyou a réitéré sa demande de paiement et rappelé les conditions de désistement telles que prévues au contrat. La société Amabis a maintenu son refus.
Le 30 août 2018, la société Weyou a mis vainement en demeure la société Amabis de lui régler la facture litigieuse.
Par acte du 28 septembre 2018, la société Weyou a assigné la société Amabis devant le tribunal de commerce de Nanterre en paiement de la somme de 21.360 € TTC.
Par jugement contradictoire du 4 mars 2020, le tribunal de commerce de Nanterre a :
– Condamné la SAS Amabis à payer la somme de 17.800 €, avec intérêts de retard au taux légal à compter du 17 juillet 2018 ;
– Débouté la SAS Weyou Group de sa demande de condamner la SAS Amabis à lui payer 5.500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné la SAS Amabis à payer à la SAS Weyou Group la somme de 40 € au titre des frais de recouvrement,
– Débouté la SAS Amabis de toutes ses demandes,
– Ordonné l’exécution provisoire,
– Condamné la SAS Amabis aux entiers dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 10 février 2021 et enregistrée le 11 février 2021, la société Amabis a interjeté appel du jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 3 novembre 2021, la société Amabis demande à la cour de :
– Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce le 4 mars 2021 ;
Le réformant,
– Constater que le contrat dont se prévaut la société Weyou Group est nul en raison du défaut de pouvoir de son signataire ;
– Débouter purement et simplement la société Weyou Group de sa demande de paiement de la somme de 21.360 € TTC ;
Subsidiairement,
– Constater la caducité du contrat litigieux,
– Débouter purement et simplement la société Weyou Group de sa demande de paiement de la somme de 21.360 € TTC ;
Très subsidiairement,
– Constater que l’article 6 du Règlement dont se prévaut la société Weyou Group est une clause pénale ;
– Réduire le montant demandé par la société Weyou Group au titre de la clause pénale à un montant de 1 euro ;
Infiniment subsidiairement, dans l’hypothèse où la cour devait confirmer la décision entreprise,
– Confirmer le jugement du tribunal de commerce en ce qu’il a exclu la TVA des demandes formées par la société Weyou Group ;
Et en tout état de cause,
– Condamner la société Weyou Group au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la société Weyou Group aux entiers dépens de l’instance.
Par dernières conclusions notifiées le 26 janvier 2022, la société Weyou Group demande à la cour de :
– Débouter la société Amabis de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
A titre principal et incident,
– Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre en ce qu’il a qualifié la condamnation prononcée en une indemnité exclusive de TVA résultant d’une clause pénale ;
– Condamner la société Amabis à payer à la société Weyou Group la somme de 21.360€ TTC en application du contrat au titre de la clause de dédit avec intérêts de retard au taux légal à compter du 17 juillet 2018 ;
– Subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu’il a fixé le montant des sommes dues par la société Amabis à 17.800 €, avec intérêts de retard au taux légal à compter du 17 juillet 2018, ainsi qu’à la somme de 40 € au titre des frais de recouvrement ;
Sur l’article 700 du code de procédure civile,
– Infirmer le jugement rendu en ce qu’il a débouté la société Weyou Group de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
En conséquence,
– Condamner la société Amabis à payer à la société Weyou Group la somme de 5.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance ;
– Condamner la société Amabis au paiement de la somme de 4.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel outre les dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 29 septembre 2022.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la nullité du contrat du 21 novembre 2017
La société Amabis prétend que le contrat signé le 21 novembre 2017 par son directeur commercial, M. [G], est nul faute d’avoir été valablement formé, en raison du défaut de « qualité » de son signataire. Elle énonce qu’en tant que mandataire social, M. [C] [L] était seul habilité à engager la société, que M. [G] n’avait aucunement l’apparence de disposer d’un quelconque pouvoir de représentation pour conclure un contrat de cette importance ; qu’aucune circonstance ne permettait à la société Weyou de déroger aux vérifications de la qualité et des pouvoirs du signataire du contrat ; que bien au contraire, de très nombreux éléments du dossier (absence de toute mention du nom de M. [G] sur l’extrait Kbis de la société, absence de précédents contrats signés par lui pour le compte d’Amabis, son recrutement très récent que la société Weyou ne pouvait ignorer) – éléments qui n’ont pas été repris par les premiers juges – imposaient pourtant à l’intimée de procéder à cette vérification, sauf à faire preuve d’imprudence ; qu’il n’existait aucune relation d’affaires entre les parties, le seul contrat signé par elles, quelques semaines avant, l’ayant été par M. [L] pour un salon organisé en novembre 2017.
Elle fait valoir que M. [L] n’a pas été associé à la signature du contrat litigieux ; qu’il ne figurait même pas en copie du seul courriel échangé entre les parties relativement à la signature dudit contrat ; qu’à réception de la facture dont le paiement est réclamé, il l’a immédiatement contestée oralement avant de la contester par courrier du 3 juillet 2018. Elle souligne la brutalité du comportement de la société Weyou, qui a refusé toute discussion, et ce alors que la société Amabis lui a proposé une conciliation sous l’égide du tribunal de commerce de Nanterre.
L’intimée répond que le contrat est pleinement valide et opposable à la société Amabis dès lors que la société Weyou a légitimement cru en la réalité des pouvoirs de M. [G] tant en raison des circonstances entourant la conclusion dudit contrat qu’en raison du comportement et des déclarations du directeur commercial d’Amabis, qui était son principal interlocuteur. Elle fait valoir qu’en l’espace de sept mois, entre le 21 septembre 2017 et le 27 avril 2018, l’appelante a signé successivement pas moins de quatre contrats de participation à des salons, qui ont été négociés et signés dans les mêmes conditions, la date de facturation s’expliquant, suivant les cas, par l’imminence de la tenue du salon ou encore par la nature du contrat, dit de « rebooking » lorsqu’il est conclu à l’issue d’une première participation et dont l’avantage tarifaire pour l’exposant justifie qu’une date limite de l’offre privilégiée soit fixée pour sa signature.
Elle expose que la facture n°ME180014, d’un montant de 21.360 € TTC, a été émise le 26 avril 2018, soit 5 mois après la conclusion du contrat litigieux, conformément à ce qui était convenu, et qu’il a fallu attendre plus de 7 mois après ladite conclusion pour que la société Amabis conteste la validité du contrat en invoquant la prétendue absence de pouvoir de M. [G], qui n’a pourtant pas été soulevée à l’égard du contrat que ce dernier a signé le 7 décembre 2017, dans des circonstances identiques, soit au vu et su des cadres dirigeants d’Amabis. Elle relève que rien n’empêche le représentant légal d’une société commerciale de déléguer certains de ses pouvoirs comme il est d’ailleurs habituel de le faire en présence d’un directeur commercial, dont la fonction même est de signer des contrats commerciaux au nom et pour le compte de la société.
*****
Selon l’article 1103 du code civil, « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».
L’article 1128 de ce code énonce que « Sont nécessaires à la validité d’un contrat :
1° Le consentement des parties ;
2° Leur capacité de contracter ;
3° Un contenu licite et certain. »
En l’espèce, la société Amabis prétend que son représentant légal, M. [L], était seul habilité à engager la société, et qu’il n’existait aucun indice permettant à la société Weyou de considérer, en vertu de la théorie du mandat apparent, que M. [G] pouvait, le 21 novembre 2017, valablement signer le contrat objet du litige. Elle soulève en conséquence la nullité de ce contrat.
Il sera rappelé qu’aux termes de l’article 1156 du code civil :
« L’acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté, sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des déclarations du représenté.
Lorsqu’il ignorait que l’acte était accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs, le tiers contractant peut en invoquer la nullité.
L’inopposabilité comme la nullité de l’acte ne peuvent plus être invoquées dès lors que le représenté l’a ratifié. »
lI est constant que le mandant peut être engagé sur le fondement d’un mandat apparent, même en l’absence d’une faute susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers à l’étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs.
Il résulte des éléments versés aux débats que le 21 septembre 2017, les sociétés Weyou et Amabis ont signé un premier contrat concernant la participation d’Amabis au salon CRMM qui s’est déroulé les 8 et 9 novembre 2017. Ce contrat a été signé par le gérant d’Amabis (immatriculée sous la forme d’une SARL à l’époque des faits), M. [L].
A l’issue du salon CRMM 2017, auquel avait participé M. [G], engagé par la société Amabis comme directeur commercial au mois de septembre 2017, la société Weyou lui a proposé, le 10 novembre 2017, de réserver un stand pour le salon CRMM de l’année suivante, prévu les 6, 7 et 8 novembre 2018, et elle lui a adressé un « contrat de rebooking » valable jusqu’au 24 novembre 2017, ce qui permettait à la société Amabis de bénéficier des mêmes tarifs que ceux appliqués à l’édition 2017. La société Weyou justifie d’échanges de courriels le 20 novembre 2017 entre sa directrice salon, Mme [X] [V], et M. [G], sachant que le directeur marketing d’Amabis, M. [H] [B], était en copie de ces messages. A la suite d’une relance de Mme [V] le 21 novembre 2017, M. [G] a renvoyé le contrat complété, signé de sa main et revêtu du cachet de la société Amabis, en indiquant dans son courriel : « Nous verrons ensemble au printemps prochain les conditions précises de notre intervention l’année prochaine : Nbre agendas, options etc (…) ». La société Weyou fait opportunément observer qu’outre M. [B], directeur du marketing, étaient en copie de ce courriel d’envoi Mme [W] [T], responsable commerciale, et M. [R] [M], directeur BU CRM, qui sera nommé directeur général d’Amabis le mois suivant.
Ainsi, la société Weyou pouvait légitimement croire que la conclusion du contrat résultait d’une décision concertée de l’équipe dirigeante de la société Amabis de participer au salon CRMM 2018 et que M. [G], principal interlocuteur de la société prestataire, était habilité à signer ce contrat en sa qualité de directeur commercial.
D’ailleurs, l’argument de la société Amabis selon lequel son gérant, M. [L], était seul habilité à engager la société ne peut être considéré comme pertinent dès lors que le 7 décembre 2017, M. [G] a signé avec la société Weyou un contrat de participation au salon e-marketing qui devait se tenir à [Localité 6] les 10, 11 et 12 avril 2018, sans que cela ne pose la moindre difficulté à la société Amabis, qui a réglé la facture d’un montant de 18.316,80 € TTC.
L’appelante prétend que les conditions dans lesquelles ce contrat a été négocié puis signé divergeaient sensiblement. Elle ne peut cependant tout à la fois soutenir dans un cas, que son directeur commercial avait le pouvoir d’engager la société et dans l’autre, que seul son représentant légal en avait le pouvoir, sachant que les prestations et les sommes en jeu étaient équivalentes.
Dans ces conditions, la société Weyou est fondée à invoquer le mandat apparent de M. [G] pour signer le contrat conclu le 21 novembre 2017 qui n’encourt pas la nullité.
Sur la caducité du contrat du 21 novembre 2017
La société Amabis prétend à titre subsidiaire que le contrat signé le 21 novembre 2017 par M. [G] est caduc faute pour la société Weyou d’avoir donné son accord définitif sur les termes de ce contrat. Elle indique que rien dans le dossier n’indique qu’une quelconque réponse positive lui a été adressée quant à sa participation à l’édition 2018 du salon CRMM, jusqu’à l’envoi d’une simple facture datée du 26 avril 2018, reçue plus probablement en mai et prévoyant le paiement dès réception de 10.680 €. Elle avance qu’en ne sollicitant pas le paiement de la première échéance de 10.680 € à la signature du contrat, la société Weyou évitait ainsi d’avoir à demander le paiement d’un montant qui n’aurait pu être approuvé que par le détenteur du chéquier de la société, à savoir son représentant légal, M. [L], qui n’a jamais été associé à la signature du contrat, et ce tandis que les autres contrats signés avant et après le 21 novembre 2017 ont fait l’objet de facturations immédiates.
La société Weyou s’oppose à la demande de caducité et fait valoir en réplique que son acceptation de la participation de l’appelante au salon CRMM 2018 a doublement été constatée puisqu’elle a immédiatement répondu à la société Amabis dès la réception du contrat de « rebooking » et confirmé son accord, qu’en outre elle lui a adressé de façon différée, comme annoncé, la facture n°ME180014 établie le 26 avril 2018, que l’appelante ne conteste pas avoir reçue. Elle souligne qu’un accord ferme et définitif a bien été conclu entre les parties, l’objet du contrat portant sur la location d’un stand de 12 m² sur le salon Customer Relationship & Marketing Meetings se tenant du 6 au 8 novembre 2018 au Palais des Festivals et des Congrès de Cannes, en contrepartie d’un prix négocié et déterminé de 21.360 € TTC.
*****
Au soutien de sa demande subsidiaire de caducité, la société Amabis se prévaut des dispositions de l’article 4 du Règlement du salon selon lesquelles « L’acceptation de la participation est constatée par la réponse de l’organisateur au participant. Cette réponse peut consister en une facture adressée au participant ».
Comme indiqué précédemment, la proposition de « contrat de rebooking » adressée le 10 novembre 2017 par Mme [V] était valable jusqu’au 24 novembre 2017. Le 21 novembre 2017, cette dernière a relancé M. [G] qui, le même jour, lui a renvoyé le contrat signé. Mme [V] en a immédiatement accusé réception par courriel en réponse en indiquant en particulier « nous verrons pour une augmentation éventuelle de votre participation en mai/juin ».
Il ne peut donc être raisonnablement soutenu, comme le fait la société Amabis, que la société Weyou n’a pas répondu de façon positive à sa demande de participation, jusqu’à l’envoi d’une simple facture datée du 26 avril 2018.
Il convient au surplus de relever que la signature du « contrat de rebooking » par M. [G] faisait suite à une proposition de Mme [V], directrice salon, qui écrivait dans son courriel d’envoi du 10 novembre 2017 : « (…) Nos tarifs vont augmenter, nous vous proposons donc de rebooker dès maintenant votre présence sur les Customer Relationship ‘ Marketing Meetings 2018 afin de ne pas subir cette augmentation. Aucun règlement [ne] vous sera demandé avant mai 2018. (…) je souhaite savoir avant vendredi 17 novembre, si vous souhaitez rebooker ou non, afin de pouvoir valider votre emplacement sur le plan ou le libérer. La date limite pour renvoyer votre contrat ci-joint est le vendredi 24 novembre. (…) J’espère que vous serez parmi nous en 2018 avec encore de plus beaux profils et de beaux projets. (…) Je vous demande juste de me répondre quant à votre souhait de reparticiper en 2018 avant vendredi 17 novembre. Veuillez trouver ci-joint votre contrat de rebooking à me renvoyer par mail complété, signé et tamponné.»
Il ne pouvait donc y avoir aucune équivoque sur l’acceptation de la participation de la société Amabis à l’édition 2018 du salon CRMM. L’envoi de la facture afférente quelques mois plus tard, fin avril 2018, était conforme à ce qui avait été annoncé et se conçoit aisément s’agissant d’un contrat de réservation conclu près d’un an avant la tenue du salon.
Il en résulte que le contrat conclu le 21 novembre 2017 n’est pas non plus caduc et qu’il peut être valablement opposé à la société Amabis qui, en signant le contrat, a accepté le Règlement du salon joint en annexe, lequel précisait notamment en son article 3 que l’envoi d’une demande de participation constitue « un engagement ferme et irrévocable de payer l’intégralité du prix de la location du stand et/ou chambre et des frais annexes ».
Sur la nature de la clause prévue à l’article 6 du Règlement Weyou
Très subsidiairement, la société Amabis demande à la cour de minorer le montant dû par elle au titre de la clause prévue à l’article 6 du Règlement annexé au contrat litigieux, pour le réduire à 1 €, compte tenu de l’absence de toute certitude du préjudice allégué par la société Weyou. Elle considère que ladite clause, qui fixe une indemnité égale au prix dû en cas d’exécution du contrat, s’analyse non en une clause de dédit, comme le prétend l’intimée, mais en une clause pénale, compte tenu de sa fonction comminatoire.
Elle ajoute, à titre infiniment subsidiaire, que l’indemnité dont la société Weyou réclame le paiement ne peut pas être soumise à la TVA, dès lors que la demande formée par l’intimée n’a pas pour objet le paiement d’une somme due en exécution d’une prestation de service ou d’une livraison de biens mais l’application d’une clause de résiliation anticipée.
La société Weyou se prévaut d’une créance, certaine et exigible d’un montant de 21.360 € TTC résultant de l’engagement ferme et irrévocable de l’exposant de payer l’intégralité du prix convenu. Elle souligne que les conditions générales de participation, et en particulier de désistement, étaient parfaitement connues de la société Amabis, qui avait participé à plusieurs salons.
Elle sollicite, dans le cadre d’un appel incident, l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a retenu que l’article 6 du Règlement du salon constituait une clause pénale et que la somme due au titre de cette clause n’était pas soumise à la TVA. Elle soutient que l’article 6 n’a pas pour objet de réparer le préjudice subi par l’organisateur du salon, lequel ne serait d’ailleurs que partiellement couvert par ce montant du fait du désistement, ni de dissuader le co-contractant de ne pas exécuter le contrat, mais que cette clause n’a qu’une fonction compensatrice, d’où son intitulé « retrait » et non « inexécution/sanctions ». Elle en déduit qu’il s’agit d’une clause de dédit. Elle précise que la créance litigieuse est bien inscrite au bilan de la société Weyou et comprend la TVA collectée mentionnée sur la facture, cette TVA devant être reversée une fois recouvrée, de sorte que la société Amabis doit être condamnée à payer l’intégralité de la créance, toutes taxes comprises.
Pour le cas où la cour retiendrait la qualification de clause pénale, l’intimée demande de voir confirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé que le montant de la créance n’a pas lieu d’être réduit. Elle invoque de nombreux préjudices en cascade et souligne le désistement particulièrement tardif de la société Amabis, trois mois avant l’ouverture du salon.
*****
La clause pénale, qui a pour but d’assurer l’exécution d’une convention et qui sanctionne l’inexécution fautive de cette obligation par le versement de dommages-intérêts, se distingue de la faculté de dédit qui permet à une partie de se libérer de son engagement moyennant le paiement d’une somme convenue. À la différence d’une clause de dédit, le montant d’une clause pénale est susceptible de modération par le juge.
En l’espèce, l’article 6 intitulé ‘Retrait’ du Règlement annexé au contrat litigieux stipule que :
« En cas de désistement ou en cas de non-occupation du stand et/ ou chambre pour une cause quelconque, les sommes versées et/ou restant dues partiellement ou totalement au titre de la location du stand et/ou chambre, sont acquises à l’organisateur même en cas de relocation à un autre participant (…) ».
Cette clause, qui prévoit en cas de retrait une indemnité dont le montant est équivalent au prix dû en cas d’exécution du contrat, présente un caractère comminatoire en ce qu’elle a pour objet de contraindre le participant à exécuter le contrat. Elle a donc le caractère d’une clause pénale susceptible d’être modifiée par le juge, comme l’a justement retenu le tribunal de commerce de Nanterre.
Les premiers juges méritent également d’être suivis en ce qu’ils ont considéré que le montant dû au titre de la clause pénale n’avait cependant pas lieu d’être réduit, au regard du préjudice subi par la société Weyou à la suite du désistement tardif de la société Amabis.
La cour observe en revanche qu’au titre du « contrat de rebooking » conclu le 21 novembre 2017, la société Weyou aurait dû percevoir la somme de 21.360 € TTC, incluant la TVA collectée mentionnée sur la facture établie le 26 avril 2018, à charge pour la société organisatrice de reverser la TVA aux services fiscaux.
Or, l’article 6 du Règlement précise bien que « les sommes versées et/ou restant dues partiellement ou totalement (…) sont acquises à l’organisateur ».
Il convient dès lors de retenir, par infirmation du jugement entrepris, que la société Amabis est contractuellement tenue au paiement de la somme de 21.360 €, correspondant au montant de la prestation TVA incluse, au titre de la clause pénale. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris à concurrence de 17.800 € et à compter du présent arrêt pour le surplus.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
La société Amabis, condamnée à paiement, supportera les dépens exposés en appel.
Elle sera en outre condamnée à verser à la société Weyou une indemnité de 4.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement rendu le 4 mars 2020 par le tribunal de commerce de Nanterre en ce qu’il a condamné la société Amabis à payer la somme de 17.800 € ;
LE CONFIRME pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE la société Amabis à verser à la société Weyou Group la somme de 21.360 €, avec intérêts de retard au taux légal à compter du jugement à concurrence de 17.800 € et à compter du présent arrêt pour le surplus ;
CONDAMNE la société Amabis aux dépens ;
CONDAMNE la société Amabis à verser à la société Weyou Group la somme de 4.500 € au titre de l’article 700 du code procédure civile ;
DÉBOUTE la société Amabis de sa demande de ce chef.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,