Rupture anticipée : 9 février 2023 Cour d’appel de Papeete RG n° 22/00153

·

·

Rupture anticipée : 9 février 2023 Cour d’appel de Papeete RG n° 22/00153
Ce point juridique est utile ?

N° 51

GR

————-

Copies authentiques délivrées à :

– Me Dubau,

– M. [X],

– M. [U],

le 13.02.2023.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D’APPEL DE PAPEETE

Chambre Commerciale

Audience du 9 février 2023

RG 22/00153 ;

Décision déférée à la Cour : arrêt n° 202, rg 17/00200 de la Cour d’Appel de Papeete du 23 mai 2019 ;

Sur requête en reprise d’instance après radiation déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 19 mai 2022 ;

Demanderesse :

La Sarl Taranis, société à responsabilité limitée, au capital de 1 000 000 FCP, inscrite au Rcs de Papeete sous le n° 09 256 B dont le siège social est sis au [Adresse 3], représentée par son gérant : M. [H] [T] [S];

Ayant pour avocat la Selarl Vaiana Tang, Sophie Dubau & Mikael Canevet, représentée par Me Sophie DUBAU, avocat au barreau de Papeete ;

Défendeurs :

M. [D] [X], liquidateur judiciaire de la Société Polynésienne de Ferronnerie et de Couverture (SPFC), [Adresse 1] ;

Non comparant, assigné à personne le 12 mai 2022 ;

M. [B] [U], liquidateur judiciaire de la Sarl PYXIS, [Adresse 2] ;

Non comparant, assigné à personne le 12 mai 2022 ;

Ordonnance de clôture du 28 octobre 2022 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 10 novembre 2022, devant M. RIPOLL, conseiller désigné par l’ordonnance n° 83/OD/PP.CA/21 du premier président de la Cour d’Appel de Papeete en date du 15 décembre 202 pour faire fonction de Président dans le présent dossier, Mme BRENGARD, président de chambre, Mme SZKLARZ, conseiller, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par M. RIPOLL, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES :

Par requête au tribunal mixte de commerce en date du 24 novembre 2014, la SARL PYXIS a exposé avoir signé un accord de coopération le 3 octobre 2011 avec la SARL TARANIS afin de mettre en commun leurs compétences et s’apporter réciproquement assistance et conseil. De son côté, la SARL PYXIS était liée par un accord de partenariat signé le 1er juillet 2010 avec la société SPFC. Jusqu’au cours du premier semestre 2013, les accords ont été parfaitement respectés. À la fin du mois d’août 2013, la SARL PYXIS constatait que la SARL TARANIS avait copié les profils aluminium dont la distribution exclusive lui avait été confiée et que des travaux étaient réalisés par cette société sans la participation de la SARL PYXIS sur le chantier seconde tranche du centre TAMANU à [Localité 5] ainsi que sur le chantier de la Brasserie de [Localité 8]. Pour la SARL PYXIS, cette rupture unilatérale de l’accord de coopération suivie d’actes de concurrence déloyale et parasitaire lui a causé comme à la société SPFC un préjudice dont ces deux sociétés ont demandé réparation. Elles ont demandé la condamnation de la SARL TARANIS à leur payer les sommes de 10 836 618 Fr CFP et 27 213 804 Fr. CFP.

La SARL TARANIS a fait valoir l’inopposabilité du contrat de coopération du 3 octobre 2011 dès lors que ce contrat n’a pas été signé par Monsieur [H] [T] [S] gérant de la société mais par Monsieur [Y] [S] qui n’avait strictement aucune qualité pour représenter valablement la SARL TARANIS. En second lieu, il ne peut lui être reproché d’actes de concurrence déloyale et parasitaire dès lors qu’aucun accord d’exclusivité d’approvisionnement et de pose n’a été conclu par la SARL TARANIS ; si celle-ci s’est adressée d’abord entre fin 2011 et mi 2013 à la société SPFC, elle s’est ensuite approvisionnée en Nouvelle-Zélande ; dans ces conditions, le changement d’un fournisseur par un autre fournisseur n’est pas constitutif d’un acte de concurrence déloyale et parasitaire, d’autant plus que la SARL TARANIS ne s’est jamais approvisionnée auprès de la SARL PYXIS. L’action engagée par la SARL PYXIS et la société SPFC est donc sans fondement et lui cause un préjudice considérable puisqu’elle se trouve assignée pour un mauvais procès et a dû souffrir des interventions intempestives et dénigrantes de Monsieur [V], gérant des deux sociétés précitées, auprès de ses clients, ce qui a entraîné une atteinte considérable à son image.

S’agissant de la question de l’opposabilité du contrat de coopération du 3 octobre 2011, les demanderesses ont soutenu que Monsieur [Y] [S], frère de Monsieur [H] [T] [S], a toujours occupé des responsabilités au sein de la société TARANIS, ainsi de nombreux courriels ont été échangés entre lui et le gérant des sociétés PYXIS et SPFC, démontrant qu’il prenait une part active à la vie de la société, de sorte qu’il peut être considéré comme un gérant de fait. La SARL TARANIS a considéré que le comportement de Monsieur [Y] [S] ne permettait nullement de croire qu’il aurait eu la qualité de gérant et en tout état de cause qu’il appartient au cocontractant de vérifier les pouvoirs de la personne qui signe au nom d’une société commerciale et d’apporter la preuve des circonstances propres à justifier la légitimité de sa croyance au pouvoir dont se prévalait le signataire sans qualité. Or en l’espèce, les sociétés demanderesses n’apportent pas la preuve de telles circonstances.

Par jugement rendu le 31 mars 2017, le tribunal mixte de commerce de Papeete a :

Condamné la SARL TARANIS à payer à la SARL PYXIS la somme de 10 836 618 Fr CFP ;

Condamné la SARL TARANIS à payer à la société SPFC la somme de 27 213 804 Fr. CFP ;

Condamné la SARL TARANIS à payer à la SARL PYXIS et à la société SPFC la somme de 165 000 francs CFP au titre de l’article 407 du code de procédure civile ;

Condamné la SARL TARANIS aux dépens dont distraction au profit de Maître Aurélie REYNAUD, avocate.

La SARL TARANIS a relevé appel par requête enregistrée au greffe le 12 juillet 2017,

La SARL PYXIS a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal mixte de commerce de Papeete du 9 avril 2018. M. [U] représentant des créanciers a été assigné le 18 juillet 2018.

M. [A] [X] a été assigné le même jour ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SPFC.

Par arrêt rendu le 23 mai 2019, la cour a ordonné la radiation de l’affaire en raison de l’interruption de l’instance en l’absence de conclusions du liquidateur de la société SPFC et de pièces de celle-ci.

La société TARANIS a repris l’instance par requête enregistrée au greffe le 19 mai 2022. Elle demande de :

Infirmer le jugement entrepris ;

Débouter les sociétés PYXIS et SPFC de leurs demandes ;

Les condamner in solidum à lui payer la somme de 2 000 000 F CFP à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et la somme de 500 000 F CFP au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens avec distraction.

M. [B] [U] assigné à sa personne ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL PYXIS et M. [D] [X] assigné à sa personne ès qualités de liquidateur judiciaire de la SOCIÉTÉ POLYNÉSIENNE DE FERRONNERIE ET DE COUVERTURE (SPFC) n’ont pas conclu malgré injonction.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 octobre 2022.

Il est répondu dans les motifs aux moyens et arguments des parties, aux écritures desquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L’appel a été interjeté dans les formes et délais légaux. Il est recevable, ainsi que la reprise d’instance sur radiation, les actions des sociétés PYXIS et SPFC intimées étant exercées par leurs liquidateurs judiciaires (C. com., art. 622-3). La production de pièces a été régularisée.

Le jugement dont appel a retenu que :

-Sur l’opposabilité du contrat de coopération du 3 octobre 2011 :

-C’est avec une particulière mauvaise foi que la SARL TARANIS affirme tout ignorer de la conclusion de l’accord de coopération du 3 octobre 2011, alors que : les deux sociétés sont en relation d’affaires depuis décembre 2011 jusqu’à octobre 2012 au moins ; elle a par ailleurs eu recours aux services de la SARL PYXIS, dont le gérant M. [E] [V] est le même que celui de la société SPFC, à cinq reprises entre décembre 2011 et octobre 2012 aux fins de mission d’étude sur des chantiers de pose de panneaux photovoltaïques (conclusions du 15 mai 2015 page trois). Si M. [Y] [S] n’était pas le gérant de la SARL TARANIS, il apparaissait occuper des fonctions de responsabilité qui engageaient son entreprise. Les échanges de courriels produits par la demanderesse pièce jointe 10 suffisent à démontrer que M. [Y] [S], interlocuteur unique de la SARL PYXIS, pouvait clairement apparaître investi de fonctions de direction ou de gérance. En outre, sa très proche parenté avec le réel gérant ajoute à cette apparence. Et il est constant que le droit commercial réserve une place éminente à l’apparence.

-Il est établi qu’à aucun moment et sous aucune forme, la SARL TARANIS n’a envisagé de démentir ou sanctionner le comportement de M. [Y] [S] lequel, à en croire les conclusions de la société défenderesse, s’est comporté comme investi de fonctions de direction ou de gérance, alors qu’il n’en avait pas le droit. Pour sa part, la SARL PYXIS ne pouvait suspecter une quelconque man’uvre dolosive de la part de M. [Y] [S] qui était son interlocuteur unique pour le compte de la SARL TARANIS, avec laquelle elle a entretenu des relations d’affaires de 2011 à fin août 2013. D’ailleurs l’accord de coopération litigieux est signé par une personne qui se présente comme M. [H] [T] [S], agissant en qualité de gérant.

-Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que l’accord de coopération du 3 octobre 2011 est opposable à la SARL TARANIS.

-Sur le montant du préjudice :

-Il est établi et d’ailleurs non contesté par la SARL TARANIS elle-même, que celle-ci n’a pas respecté les obligations de l’accord de coopération du 3 octobre 2011, en se servant des dessins des structures profils aluminium que la société INDUS avait réservés à la SARL PYXIS pour réaliser des chantiers seule. Le tribunal considère en effet que, faute de justifier l’origine des matériels, dont elle prétend qu’elle les a achetés en Nouvelle-Zélande mais sans produire quelque justification que ce soit, la SARL TARANIS a fait usage de matériels proposés jusqu’alors par la SARL PYXIS dont elle a fait réaliser des copies, se livrant ainsi à une concurrence déloyale.

-Cette faute a occasionné un préjudice pour la SARL PYXIS et pour la société SPFC. Le tribunal retient le montant des préjudices tels que justifiés par les demanderesses ; il s’ensuit que la SARL TARANIS sera condamnée à leur payer les sommes de 10 836 618 Fr CFP et 27 213 804 Fr. CFP.

Les moyens d’appel de la société TARANIS sont : le contrat de coopération du 3 octobre 2011 lui est inopposable car il a été signé sans délégation par le frère du représentant légal de la société PYXIS et celui-ci n’avait pas l’apparence d’un gérant de fait; il n’existait pas de relations d’affaires entre les deux sociétés ; il n’a pas été commis d’acte de concurrence déloyale et l’utilisation de contrefaçons ou de fournitures détournées est contestée ; il est de jurisprudence constante qu’en l’absence de tout droit privatif, le seul fait de commercialiser des produits identiques à ceux distribués par un concurrent ou de les copier n’est pas fautif ; les préjudices retenus par le tribunal ne sont pas justifiés et manifestement exorbitants ; il n’existe pas de faute délictuelle ; la société TARANIS demande la réparation du préjudice que lui a causé cette procédure abusive.

Sur quoi :

Les sociétés PYXIS et SPFC ont exercé contre la société TARANIS une action en responsabilité contractuelle pour rupture unilatérale d’un contrat de coopération du 3 octobre 2011, et une action en concurrence déloyale par suite d’agissements postérieurs à cette rupture. Le jugement entrepris a indemnisé globalement les préjudices qu’il a retenus en être résulté.

Sur la rupture contractuelle :

Au vu des pièces produites, la chronologie du litige est la suivante :

-Le 5 mars 2009, un contrat intitulé accord de coopération et de distribution est conclu entre les sociétés INDUS, dont le siège est à [Localité 4], représentée par [F] [V], et PYXIS, dont le siège est à [Localité 6], représentée par [E] [V]. Il a pour objet de mettre en place un partenariat commercial entre la société INDUS spécialisée dans les études de structure aluminium et la société PYXIS spécialisée dans la pose de charpente métallique. Il comprend une concession à la société PYXIS de la distribution exclusive en Polynésie française des produits et services conçus par la société INDUS.

-Le 1er juillet 2010, un contrat intitulé convention de partenariat est conclu entre la SARL PYXIS représentée par [E] [V] et la SARL SPFC également représentée par celui-ci. La société SPFC est spécialisée dans la pose de charpentes. L’accord prévoit un partenariat commercial et la fourniture par PYXIS des cadres aluminium destinés à recevoir des générateurs solaires.

-Le 14 septembre 2011, [Y] [S], du service stock et logistique de l’entreprise CAROVOG-BÂTIR, adresse à [H] [T] [S] «les accords de partenariat que nous sommes en train de mettre en place avec la société PYXIS» (en pièces jointes : accord de coopération et de distribution [Y] [S] PYXIS, accord de coopération et de distribution TARANIS PYXIS, Polynésie-[Y] [S] [V] [E] accord de non-divulgation).

-Le 3 octobre 2011, un contrat intitulé accord de coopération est conclu entre la SARL PYXIS représentée par [E] [V] et la SARL TARANIS représentée par [H] [T] [S]. La société TARANIS est spécialisée dans le domaine des générateurs photovoltaïques en Polynésie française. L’accord prévoit une assistance technique et commerciale réciproque et une rémunération des affaires apportées par

PYXIS à TARANIS. La société PYXIS met à la disposition de la société TARANIS son savoir-faire et son carnet de clientèle. La société TARANIS s’engage à s’approvisionner par préférence chez la société PYXIS pour la fourniture et la pose des structures aluminium de ses générateurs.

-Le 23 août 2013, la société INDUS demande à la société PYXIS de poursuivre en contrefaçon l’un des clients de celle-ci qui procédait à la fabrication de copies d’un profil de support de panneau solaire conçu par INDUS et distribué par PYXIS.

-La SARL PYXIS a fait dresser constat le 7 septembre 2013 que les profilés métalliques installés par la société TARANIS lors de la deuxième tranche des travaux sur la toiture du centre commercial Tamanu à [Localité 5] sont identiques à ceux posés par la société PYXIS lors de la première tranche.

-Le 9 septembre 2013, [Y] [S] écrit à [E] [V] (SPFC) qui lui reproche d’avoir fait intervenir une autre entreprise sur le chantier d’un snack qu’il s’agissait seulement de traiter une urgence.

-Le 9 septembre 2013, [E] [V] répond à [Y] [S] : «Ayant constaté la fin de pose du chantier ‘Snack Rosa’ par une société tierce, et donc la rupture unilatérale et brutale, de votre part, du contrat de chantier vous liant à notre société SPFC, nous vous prions de trouver en pièce jointe notre facture finale».

-Le 10 septembre 2013, [E] [V] écrit à [Y] [S] : « Je suis surpris que tu fasses référence à nos contrats, tes associés m’ayant indiqué pour leur part qu’ils n’en avaient pas connaissance. »

-La SARL PYXIS a fait dresser constat le 15 novembre 2013 que plusieurs profilés en aluminium posés par la société TARANIS sur la toiture de l’usine de la BRASSERIE DE [Localité 8] à [Localité 7] correspondent à ceux fabriqués par la société INDUS dont PYXIS est distributeur exclusif.

-Le 30 septembre 2014, le cabinet d’expertise comptable FIDUPAC, missionné par les sociétés PYXIS et SPFC pour estimer leurs manques à gagner du fait de l’utilisation par la société TARANIS de profilés brevetés INDUS après la rupture unilatérale par celle-ci de son accord de collaboration, a conclu, sur la base de 10 687 ML (mètres linéaires) de supports contrefaits selon l’estimation donnée par PYXIS et SPFC, aux préjudices suivants :

Manque à gagner PYXIS (fourniture) : 10 836 618 F CFP,

Manque à gagner SPFC (fourniture) : 5 044 264 F CFP,

Manque à gagner SPFC (pose) : 22 169 540 F CFP,

Total : 38 050 422 F CFP.

Sur quoi :

Il n’est pas contesté que l’accord de coopération du 3 octobre 2011 n’a pas été signé par le gérant de la société TARANIS, [H] [T] [S], mais par le frère de ce dernier, [Y] [S], qui n’avait pas de fonctions dans cette société.

Cet accord n’en est pas moins opposable à la société TARANIS, car le courrier électronique d'[Y] [S] du 14 septembre 2011 qui l’inclut en pièces jointes (SPFC PJ C16) a été adressé par lui à deux cogérants de la société TARANIS, [H] [S] et [Y] [R], qui ne l’ont pas dénoncé.

Au contraire, la société TARANIS conclut et justifie par des factures qu’elle a travaillé sur plusieurs chantiers avec la société SPFC entre octobre 2011 et mars 2013, et qu’elle a fait appel à cinq reprises à la société PYXIS pour des missions d’études de pose de panneaux photovoltaïques.

Et c’est bien [H] [T] [S] qui, dans un courrier électronique du 11 juin 2012 (SPFC PJ C11), a demandé de mettre à jour les informations concernant la société TARANIS dans la base de données SPFC.

Cela étant, il n’est pas justifié de l’existence d’un contrat comportant des clauses d’exclusivité entre les sociétés TARANIS et SPFC, peu important que cette dernière ait le même dirigeant que la société PYXIS, [E] [V].

Or, c’est en qualité de gérant de SPFC que [E] [V] a notifié le 9 septembre 2013 à [Y] et [H] [T] [S] la prise d’acte de la rupture unilatérale et brutale par ceux-ci d’un contrat de chantier, et non d’un accord de coopération.

Les demandes de la société SPFC pour cause de rupture d’un accord de coopération ne sont donc pas fondées.

Aux termes de l’accord de coopération du 3 octobre 2011, la société TARANIS s’est notamment engagée envers la société PYXIS à :

-s’approvisionner auprès de celle-ci, à conditions de prix et de qualité égale, en structures d’aluminium nécessaires à la mise par PYXIS, à conditions de prix et de qualité égale ;

-ne pas faire la promotion de produits concurrents.

Ce contrat a prévu une faculté de résiliation anticipée en cas de manquement d’une partie à ses obligations à défaut de solution amiable, un mois après une mise en demeure.

La société PYXIS ne justifie pas avoir mis en oeuvre cette clause résolutoire, ni avoir sommé la société TARANIS de respecter ses obligations contractuelles à son égard. Sa demande de réparation du préjudice causé par la rupture contractuelle n’est donc pas justifiée.

Sur la concurrence déloyale :

L’action en concurrence déloyale est une action en responsabilité civile. Les sociétés PYXIS et SPFC doivent rapporter la preuve que la société TARANIS a commis une faute qui leur a causé un préjudice. Elles doivent aussi prouver l’existence d’un rapport concurrentiel sur le même marché en raison de leurs activités respectives et de celles de la société TARANIS, ou bien d’agissements parasitaires de celle-ci.

Les activités de ces entreprises étaient les suivantes :

PYXIS : distribution exclusive en Polynésie française des produits et services conçus par la société INDUS ; études ;

SPFC : pose de charpentes et profils métalliques ;

TARANIS : installation de générateurs photovoltaïques.

Les accords entre ces sociétés reposent sur une complémentarité de leurs activités. Ils visent la même clientèle en Polynésie, celle qui demande la conception et l’installation de structures métalliques sur des toitures et des panneaux photovoltaïques.

Il est prouvé par les constats d’huissier des 7 septembre et 15 novembre 2013 que des profilés en aluminium identiques à ceux fabriqués par la société INDUS et à ceux installés par la société PYXIS ont été posés sur les chantiers de la BRASSERIE DE [Localité 8] et du centre TAMANU.

La société TARANIS ne conteste pas avoir opéré ces chantiers. Mais elle conteste avoir utilisé des contrefaçons des profilés aluminium commercialisés par la société PYXIS. Elle soutient s’être approvisionnée auprès de la société SPFC et de fournisseurs en Nouvelle-Zélande sur des spécifications dont elle justifie. Elle ajoute que le type de profilés utilisé par PYXIS n’est pas particulièrement original, et que la simple copie d’un procédé d’un concurrent qui n’est pas protégé par un droit de propriété intellectuel n’est pas fautive.

La preuve n’est pas rapportée que la société TARANIS ait commis une faute caractérisant une concurrence déloyale en utilisant sur ses chantiers des structures métalliques conçues par la société INDUS ou qui auraient été des contrefaçons de celles-ci.

TARANIS produit des factures d’achat de ces matériaux auprès de SPFC, laquelle se fournissait chez PYXIS, distributeur exclusif d’INDUS.

Dans son courrier à PYXIS du 23 août 2013, la société INDUS n’indique pas le nom du «client» de celle-ci auquel est imputée une contrefaçon, et elle ne dénonce celle-ci qu’au visa de photographies qui, dans les mauvaises reproductions qui sont produites (PJ PYXIS 7), ne permettent pas à la cour de constater la contrefaçon.

La concurrence déloyale n’est pas davantage prouvée par le rapport FIDUPAC précité, puisque celui-ci s’est basé sur les seuls éléments fournis par PYXIS et SPFC, notamment quant à la quantité de profilés sur laquelle est calculé un manque à gagner. Les chantiers qui auraient été réalisés selon elles par TARANIS avec des supports contrefaits (Shell [Localité 5], SM Tamanu, Brasserie de [Localité 8], Faa’a Matériaux, Blue Banana, Taua King, Sodimec, Te Noha) n’ont pas été examinés par l’expert.

Aucun élément ne permet de retenir que les données sur lesquelles TARANIS a fait, selon elle, procéder à des fabrications de structures métalliques en Nouvelle-Zélande sont celles des produits sur lesquels la société INDUS détient un droit privatif. Les droits de propriété intellectuelle de la société INDUS ne sont au demeurant pas non plus justifiés.

Le jugement entrepris sera par conséquent infirmé.

La société TARANIS ne rapporte pas la preuve que les sociétés PYXIS et SPFC ont fait dégénérer en abus leur droit d’agir en justice, alors qu’il existait des contestations sérieuses sur l’existence et la nature des relations contractuelles entre les parties, et l’indice d’utilisation par TARANIS de structures métalliques pouvant être détournées ou contrefaisantes, ce que l’instance n’a pas permis de prouver.

L’équité ne commande pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française devant le tribunal ni devant la cour. La partie qui succombe est condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;

En la forme, déclare l’appel et la reprise d’instance après radiation recevables ;

Au fond, confirme le jugement entrepris en ce qu’il a implicitement débouté la SARL TARANIS de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

L’infirme pour le surplus et statuant à nouveau :

Déboute la SARL PYXIS représentée par son liquidateur judiciaire M. [B] [U] et la SARL SPFC représentée par son liquidateur judiciaire M. [D] [X] de toutes leurs demandes ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française devant le tribunal ni devant la cour ;

Rejette toute autre demande ;

Met à la charge de la SARL PYXIS représentée par son liquidateur judiciaire M. [B] [U] et de la SARL SPFC représentée par son liquidateur judiciaire M. [D] [X] les dépens de première instance et d’appel, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 409 du code de procédure civile de la Polynésie française.

Prononcé à Papeete, le 9 février 2023.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : G. RIPOLL

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x