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ARRÊT N° /2023
PH
DU 09 FEVRIER 2023
N° RG 21/02430 – N° Portalis DBVR-V-B7F-E3IK
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LONGWY
21/0021
16 août 2021
COUR D’APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE – SECTION 2
APPELANTE :
Madame [M] [J]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représenté par Monsieur [H] [N], défenseur syndical régulièrement muni d’un pouvoir de représentation
INTIMÉE :
Monsieur [A] [F] es qualité de liquidateur amiable de la SARL SIAM RESTAURANT
Demeurant [Adresse 1]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Barbara VASSEUR de la SCP VASSEUR PETIT, avocat au barreau de NANCY substituée par Me Thomas KREMSER, avocat au barreau de BRIEY
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats, sans opposition des parties
Président : WEISSMANN Raphaël
Conseiller : STANEK Stéphane
Greffier : RIVORY Laurène (lors des débats)
Lors du délibéré,
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue en audience publique du 08 Décembre 2022 tenue par WEISSMANN Raphaël, Président, et STANEK Stéphane, Conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, Jean-Baptiste HAQUET, présidents,et Stéphane STANEK, conseiller, dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le 02 Février 2023; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 09 Février 2023 ;
Le 09 Février 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES
Madame [M] [J] a été engagée sous contrat de travail à durée déterminée, par la société S.A.R.L SIAM RESTAURANT à compter du 18 décembre 2019 au 18 janvier 2020, en qualité d’employée polyvalente.
Par avenant du 16 janvier 2020, le contrat de travail à durée déterminée de la salariée a été prolongé jusqu’au 30 juin 2020.
La convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants s’applique au contrat de travail.
Par requête du 23 février 2021, Madame [M] [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Longwy, aux fins :
– de requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,
– de condamnation de la société S.A.R.L SIAM RESTAURANT à lui verser les sommes suivantes :
– 1 539 ,45 euros à titre d’indemnité de requalification,
– 1 539,45 euros à titre d’indemnité pour rupture abusive,
– 1 539,45 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 153,95 euros au titre des congés payés afférents,
– 1 539,45 euros à titre d’indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement,
– 9 236,70 euros pour travail dissimulé,
– 5 000,00 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral et exécution de mauvaise foi du contrat de travail,
– 76,95 euros de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre 10% de congés payés y afférents,
– 600,00 euros de rappel sur pourboires, outre 10% de congés payés y afférents,
– 1 500,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– d’ordonner la remise sous astreinte de ses documents de fin de contrat rectifiés
– de prononcer l’annulation de la sanction du 12 mars 2020.
Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Longwy rendu le 16 août 2021 lequel a :
– requalifié le contrat de travail liant les parties, conclu le 18 décembre 2019, en contrat à durée indéterminée,
– condamné la société S.A.R.L SIAM RESTAURANT à payer à Madame [M] [J] les sommes suivantes :
-1 521,25 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 152,12 euros brut au titre des congés payés sur préavis,
– 76,95 euros brut de rappel de salaire sur heures supplémentaires,
– 7,70 euros brut au titre des congés payés sur rappel de salaire,
– dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 01 mars 2021,
– 1 521,25 euros à titre d’indemnité de requalification
– 500,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,
– ne fait pas droit à la demande d’annulation de la sanction,
– débouté Madame [M] [J] de ses plus amples demandes,
– ordonné à la société S.A.R.L SIAM RESTAURANT de remettre à Madame [M] [J] l’ensemble des documents sollicités rectifiés conformément au présent jugement à savoir, les bulletins de salaire, l’attestation destinée à Pôle Emploi, le reçu pour le solde de tout compte, dans un délai de 45 jours suivant la notification du jugement,
– jugé pas nécessaire d’y adjoindre une astreinte,
– débouté la société S.A.R.L SIAM RESTAURANT de ses demandes reconventionnelles,
– condamné la société S.A.R.L SIAM RESTAURANT aux entiers frais et dépens de l’instance.
Vu l’appel formé par Madame [M] [J] le 08 octobre 2021,
Par conclusions d’incident reçues au greffe de la chambre sociale le 08 avril 2022, Madame [M] [J] a saisi le conseiller de la mise en état aux fins de faire écarter les conclusions et les pièces correspondantes déposées par la société S.A.R.L SIAM RESTAURANT.
Vu l’ordonnance d’incident rendue le 08 septembre 2022, laquelle a :
– rejeté l’exception de procédure et les fins de non-recevoir,
– fait injonction à la société S.A.R.L SIAM RESTAURANT de communiquer sa pièce 2 en intégralité pour le 21 septembre 2022,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– renvoyé à la mise en état du 19 octobre 2022 pour les éventuelles dernières conclusions de Mme [M] [J],
– laissé à chaque partie la charge de ses dépens au titre du présent incident.
La société S.A.R.L SIAM RESTAURANT a fait l’objet d’une vente le 27 juin 2022, puis d’une dissolution avec désignation d’un liquidateur amiable en la personne de Monsieur [A] [F] le 09 septembre 2022.
Vu l’assignation en intervention forcée signifiée à Monsieur [A] [F] le 10 novembre 2022, qui intervient volontairement à l’instance étant régulièrement représenté,
Vu l’article 455 du code de procédure civile,
Vu les conclusions de Madame [M] [J] reçues au greffe de la chambre sociale le 07 novembre 2022, et celles de la société S.A.R.L SIAM RESTAURANT, prise en la personne de son liquidateur amiable Monsieur [A] [F], déposées sur le RPVA le 27 octobre 2022,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 10 novembre 2022,
Madame [M] [J] demande :
– d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Longwy rendu le 16 août 2021 en ce qu’il a :
– dit ne pas faire droit à la demande d’annulation de sanction notifiée le 12 mars 2020,
– l’a déboutée de ses plus amples demandes :
– indemnité pour rupture abusive de contrat,
– indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement,
– versement des pourboires et congés payés afférents,
-indemnité pour travail dissimulé,
– harcèlement moral
– ne juge pas nécessaire d’adjoindre une astreinte à la condamnation à délivrer les documents de fin de contrat
– de confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
*
Statuant à nouveau :
– de prononcer l’annulation de la sanction injustifiée du 12 mars 2020,
– de condamner la société S.A.R.L SIAM RESTAURANT, prise en la personne de son liquidateur amiable Monsieur [A] [F], à lui verser les sommes suivantes :
– 1 539 ,45 euros à titre d’indemnité de requalification,
– 1 539,45 euros à titre d’indemnité pour rupture abusive,
– 1 539,45 euros à titre d’indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement,
– 600,00 euros de rappel sur pourboires,
– 60,00 euros de congés payés y afférents,
– d’ordonner à la société S.A.R.L SIAM RESTAURANT, prise en la personne de son liquidateur amiable Monsieur [A] [F], de lui remettre l’ensemble des documents sollicités rectifiés à savoir, les bulletins de salaire, l’attestation destinée à Pôle Emploi, le reçu pour le solde de tout compte, sous astreinte de 50,00 euros par jour et document non délivré dans un délai de 15 jours suivant la notification de l’arrêt à venir, la Cour se réservant le droit de liquider l’astreinte,
– de condamner la société S.A.R.L SIAM RESTAURANT, prise en la personne de son liquidateur amiable Monsieur [A] [F], de lui verser les sommes suivantes :
– 9 236,70 euros pour travail dissimulé,
– 5 000,00 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral et exécution de mauvaise foi du contrat de travail,
*
Y ajoutant :
– de condamner la société S.A.R.L SIAM RESTAURANT, prise en la personne de son liquidateur amiable Monsieur [A] [F], à lui verser la somme de 1 500,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de Cour,
– de condamner aux entiers dépens de l’instance.
La société S.A.R.L SIAM RESTAURANT, prise en la personne de son liquidateur amiable Monsieur [A] [F], demande :
– d’infirmer le jugement prononcé le 16 août 2021 condamnant la société S.A.R.L SIAM RESTAURANT, prise en la personne de son liquidateur Monsieur [A] [F], à régler à Madame [M] [J] les sommes suivantes :
-1 521,25 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 152,12 euros brut au titre des congés payés sur préavis,
– 76,95 euros brut de rappel de salaire sur heures supplémentaires,
– 7,70 euros brut au titre des congés payés sur rappel de salaire,
– 1 521,25 euros à titre d’indemnité de requalification
– 500,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– de débouter purement et simplement Madame [M] [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– de condamner Madame [M] [J] à régler à la S.A.R.L SIAM RESTAURANT, prise en la personne de son liquidateur Monsieur [A] [F], les sommes suivantes :
– 2 500,00 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier,
– 201,63 euros pour remboursement des tenues non restituées,
– 2 500,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– d’ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
– de condamner Madame [M] [J] en tous les frais et dépens de l’instance.
SUR CE, LA COUR
Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu’elles ont déposées sur le RPVA, s’agissant de l’employeur le 27 octobre 2022, et en ce qui concerne la salariée le 07 novembre 2022.
Sur la demande d’annulation de la sanction
Mme [M] [J] demande que soit annulée l’avertissement du 12 mars 2020, indiquant réfuter les reproches de l’employeur, et renvoyant à sa pièce 15.
Elle estime que la sanction est par ailleurs disproportionnée.
La société SIAM RESTAURANT ne répond pas à cette demande.
Motivation
Aux termes des dispositions de l’article L1333-1 du code du travail, en cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.
L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.
Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l’espèce, par courrier du 12 mars 2020 (pièce 9 de Mme [M] [J]) la société SIAM RESTAURANT a notifié à la salariée un avertissement pour avoir jeté à la poubelle, volontairement, des couverts, des bouteilles consignées et des serviettes en tissu ; pour avoir fait des erreurs en salle ; pour avoir endommagé du matériel ; pour un comportement jugé inacceptable à l’égard du personnel du restaurant.
Dans son courrier du 14 avril 2020 adressé à l’employeur (pièce 15 de la salariée) Mme [M] [J] conteste les griefs contenus dans la lettre d’avertissement : elle indique qu’elle a placé les couverts après nettoyage « dans le bac blanc prévu à cet effet », « concernant les bouteilles consignées vides, je les déposais sur le bar, et [A] [F], chef de salle s’occupait de les descendre à la cave (…) » ; « Les serviettes en tissu étaient déposées dans un panier prévu pour le nettoyage , et en aucun cas je ne me serais permise de détériorer le matériel du restaurant. » etc.
La société SIAM RESTAURANT ne conclut pas sur ce point, et ne renvoie par définition à aucune pièce tendant à démontrer le bien fondé des griefs contenus dans la lettre d’avertissement.
A défaut pour l’employeur d’établir la réalité des griefs, face à la contestation précise des faits par la salariée, la sanction critiquée sera annulée.
Sur la demande d’indemnité de requalification du CDD en CDI
Mme [M] [J] explique avoir été embauchée pour l’activité normale du restaurant, et ajoute que la création d’une activité nouvelle ne correspond pas à la définition d’accroissement temporaire de l’activité.
La société SIAM RESTAURANT explique que le recours à un CDD est permis en cas de création d’activité.
Motivation
Aux termes des dispositions de l’article 1242-2 du code du travail, sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3 , un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants:
1° Remplacement d’un salarié en cas:
a) D’absence;
b) De passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur;
c) De suspension de son contrat de travail;
d) De départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité social et économique, s’il existe;
e) D’attente de l’entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer;
2° Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise;
3° Emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
Lorsque la durée du contrat de travail est inférieure à un mois, un seul bulletin de paie est émis par l’employeur.
4° Remplacement d’un chef d’entreprise artisanale, industrielle ou commerciale, d’une personne exerçant une profession libérale, de son conjoint participant effectivement à l’activité de l’entreprise à titre professionnel et habituel ou d’un associé non salarié d’une société civile professionnelle, d’une société civile de moyens, d’une société d’exercice libéral ou de toute autre personne morale exerçant une profession libérale;
5° Remplacement du chef d’une exploitation agricole ou d’une entreprise mentionnée aux 1° à 4° de l’article L. 722-1 du code rural et de la pêche maritime, d’un aide familial, d’un associé d’exploitation, ou de leur conjoint mentionné à l’article L. 722-10 du même code dès lors qu’il participe effectivement à l’activité de l’exploitation agricole ou de l’entreprise;
6° Recrutement d’ingénieurs et de cadres, au sens des conventions collectives, en vue de la réalisation d’un objet défini lorsqu’un accord de branche étendu ou, à défaut, un accord d’entreprise le prévoit et qu’il définit:
a) Les nécessités économiques auxquelles ces contrats sont susceptibles d’apporter une réponse adaptée;
b) Les conditions dans lesquelles les salariés sous contrat à durée déterminée à objet défini bénéficient de garanties relatives à l’aide au reclassement, à la validation des acquis de l’expérience, à la priorité de réembauche et à l’accès à la formation professionnelle continue et peuvent, au cours du délai de prévenance, mobiliser les moyens disponibles pour organiser la suite de leur parcours professionnel;
c) Les conditions dans lesquelles les salariés sous contrat à durée déterminée à objet défini ont priorité d’accès aux emplois en contrat à durée indéterminée dans l’entreprise.
L’article L1245-1 du même code sanctionne le recours à un CDD hors des cas permis par la loi, par la requalification du contrat de travail en CDI.
L’article L1245-2 dispose que lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s’applique sans préjudice de l’application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.
En l’espèce, le contrat de travail litigieux mentionne comme motif de recours : « l’accroissement temporaire d’activité et de la période des fêtes » ; il a été conclu le 18 décembre 2019.
Par sa pièce 4 (impression de la page d’accueil du site internet de la société SIAM RESTAURANT) Mme [M] [J] démontre que le restaurant a été ouvert le 10 décembre 2019, soit 8 jours avant son embauche, ce qui établit que son embauche sur le poste d’employée polyvalente correspondait à l’activité normale et permanente du restaurant, qui débutait son activité.
La société SIAM RESTAURANT fait simplement valoir que l’ouverture d’une activité entre dans la définition du surcroît d’activité.
La simple création d’une entreprise ne répondant pas à la définition de l’accroissement d’activité comme cas de recours au CDD, l’embauche de Mme [M] [J] en CDD n’était pas possible.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a requalifié le CDD de Mme [M] [J] en CDI.
Il sera également confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à payer une indemnité de requalification de 1521,25 euros, la société SIAM RESTAURANT ne motivant pas sa demande de débouté, et l’appelante n’ayant pas fait appel du quantum.
Sur la demande d’indemnité pour rupture abusive du contrat de travail
Mme [M] [J] demande la condamnation de l’employeur à une indemnité pour rupture abusive du contrat de travail, du fait de la requalification en CDI.
La société SIAM RESTAURANT ne conclut pas sur ce point.
Motivation
Le contrat de travail de Mme [M] [J] a été requalifié en CDI.
La société SIAM RESTAURANT ne soutient pas une démission de la salariée, ni une rupture conventionnelle du CDI.
En conséquence, la rupture, qui dans les faits est intervenue, ainsi que cela ressort des écritures des parties, devait être formalisée par un licenciement, ouvrant droit, en l’absence de motif de licenciement, à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La société SIAM RESTAURANT ne discutant pas à titre subsidiaire le quantum de la demande, elle sera condamnée à payer à ce titre à Mme [M] [J] 1539,45 euros, le jugement étant réformé en ce qu’il a débouté l’appelante de sa prétention.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité compensatrice de congés payés.
Sur la demande au titre d’une irrégularité de la procédure de licenciement
Mme [M] [J] fait valoir qu’elle n’a pas pu être assistée par un conseiller à l’occasion de la rupture du contrat de travail, et soutient que cette indemnité se cumule avec l’indemnité pour rupture abusive.
La société SIAM RESTAURANT affirme que cette indemnité ne se cumule pas avec l’indemnité pour rupture abusive.
Motivation
L’indemnité pour non respect de la procédure de licenciement ne pouvant se cumuler avec l’indemnité pour rupture abusive du contrat de travail, Mme [M] [J] sera déboutée de sa demande à ce titre; le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la demande au titre des pourboires
Mme [M] [J] explique qu’il y avait dans le restaurant une tirelire pour les pourboires, et que l’employeur ne les a pas répartis.
Elle indique être légitime, en l’absence de tout élément contraire, à estimer le montant des pourboires à 200 euros par mois, ce qui équivaut à 10 euros par jour.
La société SIAM RESTAURANT fait valoir que rien n’est prévu dans le contrat de travail en ce qui concerne des pourboires, que la salariée conservait les pourboires sans jamais vouloir les centraliser, et a refusé de signer les feuilles de pourboires.
Motivation
Aux termes des dispositions de l’article L3244-1 du code du travail, dans tous les établissements commerciaux où existe la pratique du pourboire, toutes les perceptions faites «pour le service» par l’employeur sous forme de pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients ou autrement, ainsi que toutes sommes remises volontairement par les clients pour le service entre les mains de l’employeur, ou centralisées par lui, sont intégralement versées au personnel en contact avec la clientèle et à qui celle-ci avait coutume de les remettre directement.
Mme [M] [J] justifie par ses pièces 27-1 (attestation de Mme [W] [U]), 27-5 (attestation de Mme [L] [U]), 27-09 (attestation de Mme [T] [D]) et 27-12 (attestation de Mme [Y] [P]) que les pourboires étaient laissés dans une tirelire située sur le bar de l’établissement.
Il est dès lors démontré que les pourboires étaient centralisés.
La société SIAM RESTAURANT, qui ne renvoie à aucune pièce dans ses écritures, verse aux débats en pièce 6 une « fiche de répartition de pourboire » qui ne comprend qu’une ligne du 03 mars 2020, indiquant un montant de 42 ,35 euros, et la mention « refus » dans la case destinée à la signature de la salariée.
Cette pièce ne concerne que cette date, alors que le contrat de travail a débuté le 18 décembre.
Cette pièce est insuffisante à établir que l’employeur a satisfait aux obligations résultant de l’article L3244-1 précité.
Dans ces conditions, il sera fait droit à la demande, en ce compris celle au titre de l’indemnité de congés payés afférents.
Sur la demande au titre d’heures supplémentaires
Mme [M] [J] fait valoir que la pièce 29 de l’employeur est falsifiée ; elle indique produire son agenda en pièce 23, et un décompte récapitulatif en pièce 22.
La société SIAM RESTAURANT indique produire aux débats, mais sans préciser de numéro de pièce, un planning contresigné par la salariée, démontrant que toutes les heures supplémentaires ont été payées.
Motivation
L’article L. 3171-4 du code du travail dispose qu’ en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction.
Il ressort de cette règle que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties mais que le salarié doit appuyer sa demande en paiement d’heures supplémentaires par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.
Mme [M] [J] produit en pièce 22 un tableau détaillant ses horaires de travail du 14 janvier 2020 au 15 février 2020, et le décompte des heures supplémentaires effectuées, et en pièce 23 son agenda indiquant ses horaires de travail.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre.
La société SIAM RESTAURANT produit en pièce 2 trois tableaux de relevé d’heures de travail, signés par la salariée, sur la période allant du 18 décembre (2019) au 31 décembre (2019), puis du 1er février 2020 au 18 mars 2020, étant précisé qu’à compter du 04 mars la salariée apparaît comme absente sur les relevés de l’employeur.
Le tableau sur lequel se base Mme [M] [J] en pièce 22 porte sur la période du 14 janvier 2020 au 15 février 2020 ; les feuilles de présence produites par l’employeur en pièce 2 ne concernent donc qu’une partie de la période de réclamation de Mme [M] [J] (pour la période du 14 janvier 2020 au 31 janvier 2020, l’employeur ne produit aucun justificatif).
Dans ces conditions, l’employeur ne justifie pas des heures de travail de la salariée et de ce qu’elle aurait été remplie de ses droits.
Il sera en conséquence fait droit à la demande de Mme [M] [J], et le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé
Mme [M] [J] fait valoir, au soutien de sa demande, que l’employeur s’est abstenu de mentionner les heures supplémentaires et les pourboires sur ses bulletins de paie.
La société SIAM RESTAURANT ne répond pas sur ce point.
Motivation
Aux termes de l’article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur:
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10 , relatif à la déclaration préalable à l’embauche;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures» de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Mme [M] [J] renvoie à des courriers de réclamation envoyés à l’employeur (en pièces 8, 15 et 17) abordant plusieurs questions, dont la réclamation au titre d’heures supplémentaires, sans préciser ni volume horaire ni dates.
Ces seuls éléments n’établissent pas le caractère intentionnel de l’omission.
Mme [M] [J] sera donc déboutée de sa demande à ce titre.
Sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral
Aux termes des dispositions de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l’article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3, le salarié présente des faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce, Mme [M] [J] explique qu’à partir du moment où elle a réclamé le paiement des heures supplémentaires et des pourboires, elle va subir un harcèlement de la part de son employeur :
– fin février, il tente de lui extorquer une rupture du CDD d’un commun accord
– le 3 mars, il lui ordonne de faire le décompte de la cuisine, et lui ordonne de ne s’occuper que de la plonge
– l’après-midi même, son médecin constate un état anxio-dépressif réactionnel
– les repas fournis par l’employeur sont invariablement constitués de riz et de poulet, sans boisson, sans produit laitier, sans fruits ni légumes ; ils ne satisfont pas aux normes nutritionnelles ; son médecin constatera son amaigrissement
– demandant à son employeur le 15 mars les modalités de sa reprise de poste après arrêt de travail, elle n’aura une réponse que le 20 mars
– le 27 mars, elle reçoit une lettre recommandée de l’avocat de son employeur, employant un ton menaçant,
– son employeur dépose plainte contre elle ; elle est entendue par les services de police.
Elle indique que ce comportement de son employeur provoque chez elle un état d’anxiété conduisant à un arrêt de travail et à une prise en charge médicale.
Mme [M] [J] produit :
– en pièce 6 un document, non signé, intitulé « avenant de résiliation anticipée du contrat de travail à durée déterminée d’un commun accord » entre elle et la société SIAM RESTAURANT, daté du 22 février 2020
– en pièces 27-1 à 27-22, des attestations de clients qui indiquent qu’elle servait en salle
– en pièces 7, un avis d’arrêt de travail du 03 mars 2020, ne précisant pas la durée de l’arrêt, indiquant « état anxiodépressif réactionnel, amaigrissement » et une ordonnance du même jour lui prescrivant notamment « sertraline » et « alprazolam », surlignés par l’appelante
– en pièces 26 des photographies de plats sous vide de poulet et riz
– en pièce 10 un mail du 15 mars 2020 adressé à son employeur pour lui demander si elle doit se présenter au restaurant le 18 ; elle précise que si ce n’est pas le cas il doit, comme l’a indiqué le Premier ministre, la signaler auprès des Assedics pour bénéficier du chômage partiel
– en pièce 11, sa relance par mail du 17 mars 2020
– en pièce 12, son mail du 18 mars 2020 à l’employeur, lui expliquant que, sans réponse de sa part, elle s’est rendue au restaurant et a trouvé porte close
– en pièce 13, une attestation de Mme [I] [O] du 18 mars 2020, expliquant que l’appelante s’est présentée sur son lieu de travail à 11heures et que l’établissement était fermé
– en pièce 14, le courrier reçu de son employeur daté du 17 mars 2020, lui expliquant être contraint de déposer une demande de chômage partiel pour l’ensemble du personnel à compter du 18 mars 2020, en raison de la propagation du virus Covid-19 et de ce que l’entreprise n’est pas autorisée à l’exploitation totale
– en pièce 18, l’attestation de M. [Z] [E] du 02 juin 2020 indiquant que la salariée s’est présentée sur son lieu de travail mais que l’établissement était fermé
– en pièce 19, un mail qu’elle a adressé à l’employeur le 02 juin 2020, lui demandant la date de réouverture du restaurant
– en pièce 21, le mail de l’employeur du 02 juin 2020 lui indiquant que l’ensemble du personnel demeurait au chômage partiel jusqu’au 30 juin 2020
– en pièce 16, un courrier de l’avocat de la société SIAM RESTAURANT, daté du 27 avril 2020, la mettant en demeure de cesser son dénigrement envers l’entreprise, et lui indiquant avoir conseillé à l’employeur de déposer une plainte pénale à son encontre
– en pièce 28, un « avis de classement à auteur » qui lui est adressée par le Procureur de la République de val de Briey le 25 juin 2020, les faits visés étant : « injure publique, diffamation publique, discrimination, exploitation de personnes vulnérables, dénonciation calomnieuse »
– en pièces 24, son arrêt de travail précité du 03 mars 2020, son ordonnance précitée du même jour, une autre ordonnance du 17 mars 2020, un certificat médical du 27 avril 2020, indiquant qu’ « elle présente un état dépressif marqué avec perte de poids, qu’elle dit réactionnel à un conflit professionnel », une ordonnance du 02 juin 2020, une ordonnance médicale du 08 juin 2020, un certificat médical du 08 juin 2020, indiquant qu’elle « déclare qu’elle présente des troubles anxieux avec oppressions thoraciques et palpitations et insomnies » ; un autre certificat médical du 19 juin 2020, du même médecin, indiquant la même chose ; un autre certificat médical du 02 juillet 2020, du même médecin, indiquant la même chose.
Les faits avérés produits par Mme [M] [J], pris dans leur ensemble, ainsi que les pièces médicales qu’elle fournit, font présumer l’existence d’une situation de harcèlement.
La société SIAM RESTAURANT ne conclut pas sur le harcèlement moral et ne produit donc aucun élément démontrant que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et sont justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Compte tenu des éléments de l’espèce, il sera fait droit à la demande à hauteur de 800 euros.
Sur la demande de remboursement des tenues de travail
La société SIAM RESTAURANT fait valoir que la salariée s’est abstenue de restituer ses tenues alors qu’elles lui avaient été réclamées à plusieurs reprises.
Mme [M] [J] fait valoir qu’elle n’a jamais porté les tenues proposées par l’employeur, qui n’étaient pas à sa taille, et qu’elle lui a restitué tout de suite ; elle ajoute que l’intimé ne justifie pas du montant réclamé à ce titre.
Motivation
La société SIAM RESTAURANT ne vise dans ses conclusions aucune pièce, tendant à démontrer le grief qu’il invoque et le préjudice qu’il allègue, alors que les dispositions de l’article 954 alinéa 1 du code de procédure civile le lui imposent, et qu’il n’appartient pas à la cour, en l’absence de ces renvois à des pièces, de vérifier dans les pièces de la société SIAM RESTAURANT quelles sont celles qui seraient susceptibles de justifier de ses prétentions.
Dans ces conditions, la société SIAM RESTAURANT sera déboutée de sa demande.
Sur la demande de dommages et intérêts pour troubles financier et moral
La société SIAM RESTAURANT expose avoir déposé une plainte pénale dès lors que Mme [M] [J] ne cessait de se répandre en calomnies, injures et menaces à l’égard de son ancien employeur et notamment via les réseaux sociaux.
Mme [M] [J] fait valoir que la plainte pénale a été classée sans suite ; elle conteste la pertinence des éléments avancés par l’intimé, notamment les certificats médicaux.
Motivation
La société SIAM RESTAURANT ne vise dans ses conclusions aucune pièce, tendant à démontrer le grief qu’il invoque et le préjudice qu’il allègue, alors que les dispositions de l’article 954 alinéa 1 du code de procédure civile le lui imposent, et qu’il n’appartient pas à la cour, en l’absence de ces renvois à des pièces, de vérifier dans les pièces de la société SIAM RESTAURANT quelles sont celles qui seraient susceptibles de justifier de ses prétentions.
Dans ces conditions, la société SIAM RESTAURANT sera déboutée de sa demande.
Sur la demande relative aux documents de fin de contrat
En application des articles L1234-19 et R1234-9 du Code du travail, il sera fait droit à la demande, à l’exception de la demande d’astreinte, celle-ci n’apparaissant pas justifiée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant à l’instance, la société SIAM RESTAURANT sera condamné aux dépens, ainsi qu’à la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
Infirme, dans les limites de l’appel, le jugement du conseil de prud’hommes de Longwy rendu le 16 août 2021 en ce qu’il a débouté Mme [M] [J] de :
– sa demande d’annulation de la sanction,
– sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral
– sa demande au titre des pourboires ;
Le confirme pour le surplus ;
statuant à nouveau, dans ces limites,
Condamne la société SIAM RESTAURANT, prise en la personne de son liquidateur amiable M. [A] [F], à payer à Mme [M] [J] :
– 800 euros (huit cents euros) à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral
– 600 euros (six cents euros) de rappel de pourboires
– 60 euros (soixante euros) à titre d’indemnité de congés payés sur pourboires ;
Annule l’avertissement du 12 mars 2020 adressé par l’employeur à Mme [M] [J] ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
y ajoutant,
Condamne la société SIAM RESTAURANT, prise en la personne de son liquidateur amiable M. [A] [F] à payer à Mme [M] [J] 500 euros (cinq cents euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société SIAM RESTAURANT, prise en la personne de son liquidateur amiable M. [A] [F], aux dépens.
Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE
Minute en quinze pages