Rupture anticipée : 23 octobre 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/01133

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Rupture anticipée : 23 octobre 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/01133
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MINUTE N° 23/377

Copie exécutoire à :

– Me Christine BOUDET

– Me Dominique HARNIST

Le 24.10.23

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 23 Octobre 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 3 A N° RG 22/01133 – N° Portalis DBVW-V-B7G-HZOK

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 20 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Strasbourg

APPELANTE :

S.A.S. GRENKE LOCATION

Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Christine BOUDET, avocat au barreau de COLMAR

INTIMÉE :

S.A.R.L. DES HOSPICES prise en la personne de son représentant légal –

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Dominique HARNIST, avocat au barreau de COLMAR

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 26 juin 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme MARTINO, Présidente de chambre

Mme FABREGUETTES, Conseiller

M. LAETHIER, Vice-Président placé

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme SCHIRMANN

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées

dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Annie MARTINO, président et Mme Anne HOUSER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par un premier contrat n° 083-21421 signé le 28 mai 2015, la Sas Grenke Location a consenti à la Sarl des Hospices la location longue durée d’un matériel de surveillance à usage professionnel (cinq caméras, un écran, un DVR et un boîtier sécurisé), moyennant paiement de soixante loyers mensuels de 226,80 euros TTC.

Par un second contrat n° 083-22162 signé le 16 juillet 2015, la Sas Grenke Location a consenti à la Sarl des Hospices la location longue durée d’un nouveau matériel de surveillance à usage professionnel (un dôme motorisé, un DVR, un écran et un boîtier sécurisé), moyennant paiement de soixante loyers mensuels de 129,60 euros TTC.

Le matériel a été livré et installé par la société Digital Services Technology.

Le 20 février 2017, M. [W] [J], gérant de la Sarl des Hospices, a déposé plainte au commissariat de police de [Localité 5] pour le vol avec effraction d’une box internet de marque orange et un enregistreur de caméra avec disque dur.

Le 8 mars 2017, M. [J] a complété une déclaration de sinistre en mentionnant, au titre des matériels sinistrés, le boîtier sécurisé AR0005 et le DVR AR0091 du contrat n° 083-22162.

Par courrier du 10 mars 2017, la société Grenke Location a accusé réception de la déclaration de sinistre et sollicité l’envoi du devis de remplacement du matériel.

Le devis, d’un montant de 1 306,80 euros TTC, a été établi le 27 mars 2017 par la société Digital Services Technology et accepté le 29 mars 2017 par la Sarl des Hospices.

Le 29 mars 2017, le devis accepté a été transmis à la société Grenke Location, à l’attention de M. [Z] [M].

Par courrier du 2 janvier 2018, la Sarl des Hospices a procédé à la résiliation du contrat n° 083-21421.

Par lettres recommandées avec avis de réception du 12 avril 2018, la Sas Grenke Location a mis en demeure la Sarl des Hospices de procéder, sous peine de résiliation des contrats, à la régularisation d’un arriéré de 800,99 euros au titre du contrat n° 083-021421 et 474,85 euros au titre du contrat n° 083-022162.

Par lettres recommandées avec avis de réception du 18 mai 2018, la Sas Grenke Location a procédé à la résiliation des deux contrats de location, à défaut de régularisation des loyers impayés.

Par acte du 25 juin 2020, la Sas Grenke Location a fait assigner la Sarl des Hospices devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Strasbourg, aux fins d’obtenir sa condamnation au paiement de :

En ce qui concerne le contrat n° 83-022162 :

– la somme de 576 euros au titre des loyers échus et la somme de 5,78 euros au titre des intérêts déjà courus,

– la somme de 2 808 euros au titre de l’indemnité de résiliation,

– la somme de 40 euros au titre des frais de recouvrement.

S’agissant du contrat n° 83-021421 :

– la somme 1 008 euros au titre des loyers échus et la somme de 10,11 euros au titre des intérêts déjà courus,

– la somme de 4 536 euros au titre de l’indemnité de résiliation,

– la somme de 40 euros au titre des frais de recouvrement.

Outre la condamnation au paiement des intérêts conventionnels au taux légal majoré de 5 points à compter du 18 mai 2018, la restitution du matériel sous astreinte de 15 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision, la condamnation au paiement d’une somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux frais et dépens de l’instance.

La Sas Grenke Location a fait valoir que la société des Hospices n’était pas fondée à se prévaloir d’une exception d’inexécution, la déclaration de sinistre du locataire ayant été opérée le 8 mars 2017 alors que le vol est intervenu le 19 février 2017, que les conditions générales prévoient que la déclaration de sinistre doit être transmise au plus tard deux jours ouvrés après le sinistre et qu’une déclaration de sinistre tardive ne donne pas lieu à indemnisation. Elle a soutenu que le devis a été transmis tardivement par le locataire et qu’il a été orienté sur un fax qui ne correspond pas aux services gestionnaires des sinistres.

La Sarl des Hospices a conclu au rejet des prétentions de la société Grenke Location et a demandé au tribunal, à titre principal, de prononcer la résiliation des contrats de location au 2 janvier 2018. Subsidiairement, elle a demandé de limiter sa condamnation au paiement d’une somme de 1 584 euros, correspondant aux 4 mois de loyer impayés échus, et de réduire la clause pénale à un euro. Le locataire a également sollicité l’octroi de délais de paiement dans la limite de deux années, outre la condamnation de la société Grenke Location au paiement d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La Sarl des Hospice a fait valoir que la société Grenke Location n’a jamais instruit le dossier de sinistre suite à la transmission du devis de remplacement le 29 mars 2017 et qu’elle a gravement manqué à ses obligations contractuelles en ne remplaçant pas le matériel loué. Elle a soutenu que la tardiveté de la déclaration ne lui est pas imputable, étant dans l’attente de la transmission du formulaire dédié à la déclaration de son sinistre, et qu’en tout état de cause, la société Grenke Location a sollicité un devis de remplacement sans faire état d’un retard.

Par jugement contradictoire du 20 janvier 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Strasbourg a :

– débouté la Sas Grenke Location de toutes ses demandes,

– dit que la Sarl des Hospices tiendra à disposition de la Sas Grenke Location les matériels subsistants pour reprise, aux frais de cette dernière, pendant une période de six mois maximum suivant la signification de la présente décision,

– condamné la Sas Grenke Location à payer à la Sarl des Hospices la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la Sas Grenke Location aux frais et dépens de l’instance,

– rappelé que le jugement est exécutoire par provision en toutes ses dispositions.

Pour statuer ainsi, le juge a retenu que la société Grenke Location a manqué à ses obligations contractuelles et que la société des Hospices était fondée à opposer l’exception d’inexécution et à prononcer la résiliation des contrats. Il a relevé que le délai de deux jours ouvrés prévu par les conditions générales pour la déclaration du sinistre n’est pas prévu à peine de déchéance du droit à indemnisation et que la société Grenke Location n’a jamais donné son accord suite à la transmission du devis par fax alors que le locataire ne pouvait procéder à la commande effective du matériel de remplacement visé au devis sans l’aval du bailleur.

La Sas Grenke Location a interjeté appel à l’encontre de ce jugement par déclaration adressée au greffe par voie électronique le 18 mars 2022.

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 13 décembre 2022, la Sas Grenke Location demande à la cour de :

– déclarer l’appel bien fondé,

en conséquence,

– infirmer la décision entreprise,

statuant à nouveau,

s’agissant du contrat n° 83-022162 :

– condamner la Sarl des Hospices à payer à la Sas Grenke Location la somme de 576 euros TTC au titre des loyers échus et la somme de 5,78 euros au titre des intérêts déjà courus,

– la condamner à payer à la société Grenke Location la somme de 2 808 euros au titre de l’indemnité de résiliation,

– la condamner à payer à la société Grenke Location la somme de 40 euros TTC, au titre des frais de recouvrement,

s’agissant du contrat n° 83-021421 :

– condamner la Sarl des Hospices à payer à la Sas Grenke Location la somme de 1 008 euros TTC au titre des loyers échus et la somme de 10,11 euros au titre des intérêts déjà courus,

– la condamner à payer à la société Grenke Location la somme de 4 536 euros au titre de l’indemnité de résiliation,

– la condamner à payer à la société Grenke Location la somme de 40 euros TTC, au titre des frais de recouvrement,

en tout état de cause,

– assortir les condamnations à intervenir des intérêts con- ventionnels au taux légal majoré de 5 points, courant à compter des sommations en date du 18 mai 2018,

– condamner la partie défenderesse à restituer à la partie demanderesse, à l’adresse visée dans les lettres de résiliation (Grenke Location Sas, 2 avenue de l’énergie à Bischeim) et à ses seuls frais, le matériel de télésurveillance, comprenant des caméras, dôme motorisé, enregistreurs et accessoires, selon facture visée en annexe 2 des présentes et ce sous astreinte de 15 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

– débouter la Sarl des Hospices de l’ensemble de ses moyens, fins et prétentions y compris de son appel incident,

– condamner encore la société défenderesse à payer à la Sas Grenke Location la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel.

La société Grenke Location soutient que le vol dont a été victime le locataire concerne une partie du matériel visé par le contrat 83-022162, de sorte que seul ce contrat pouvait être résilié et en aucun cas le contrat 83-021421.

L’appelante fait valoir qu’aucun élément du dossier ne permet de retenir que le bailleur a été avisé du vol avant le 8 mars 2017 et que faute pour le locataire d’avoir respecté le délai prévu dans les conditions générales pour effectuer la déclaration de sinistre, il ne pouvait solliciter le remplacement du matériel volé.

Elle affirme que le devis de la société des Hospices a été transmis sur un fax qui ne correspond pas aux services gestionnaires des sinistres et que les travaux de remplacement n’ont pas été entrepris par le locataire alors que la prise en charge des frais de remplacement suppose une réparation préalable par le locataire.

La société Grenke Location indique qu’en vertu des dispositions contractuelles, il appartient au locataire de procéder au retour du matériel et que l’indemnité de résiliation anticipée n’est pas excessive car elle a vocation à indemniser le bailleur de la perte financière liée à la non-exécution complète du contrat de location par le locataire.

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 6 janvier 2023, la Sarl des Hospices demande à la cour de :

– déclarer l’appel de la Sas Grenke Location mal fondé,

– l’en débouter ainsi que de l’intégralité de ses fins, moyens et conclusions,

en conséquence,

– confirmer le jugement rendu le 20 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Strasbourg, en ce qu’il a :

‘ débouté la Sas Grenke Location de toutes ses demandes,

‘ dit que la Sarl des Hospices tiendra à disposition de la Sas Grenke Location les matériels subsistants pour reprise, aux frais de cette dernière, pendant une durée maximum de six mois suivant la signification,

‘ condamné la Sas Grenke Location à payer à la Sarl des Hospices la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ condamné la Sas Grenke Location aux dépens,

subsidiairement,

– recevoir la Sarl des Hospices en ses demandes à l’égard de la Sas Grenke Location,

– l’en déclarer bien fondé,

en conséquence, si la cour devait infirmer la décision attaquée, modérer la demande de la Sas Grenke Location à une somme représentant les loyers échus impayés de février 2018 au 18 mai 2018 pour les deux contrats soit la somme totale de 1.584 euros ; réduire la clause pénale à 1 euro,

– faire droit à la demande de délais de paiement de la concluante selon un échéancier réparti sur deux ans en application de l’article 1343-5 du code civil,

en tout état de cause,

– dire et juger qu’il appartiendra à la Sas Grenke Location de se déplacer pour récupérer son matériel,

– condamner la Sas Grenke Location à payer à la Sarl des Hospices la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la Sas Grenke Location en tous les dépens.

La Sarl des Hospices fait valoir que les deux contrats portent sur la surveillance d’un seul et même site et que l’exécution de ces contrats est liée.

Elle soutient qu’elle a respecté l’ensemble de la procédure exigée par le bailleur suite au vol avec effraction dont elle a été victime mais que la société Grenke Location n’a jamais instruit le dossier et a gravement manqué à ses obligations contractuelles en ne remplaçant pas le matériel objet des contrats de location et d’assurance, ce qui a justifié la cessation du paiement des loyers à compter du mois de février 2018.

L’intimée affirme qu’elle a interrogé la société Grenke Location à la suite du vol et que le bailleur lui a transmis un formulaire aux fins de déclaration de son sinistre. Elle précise que la tardiveté alléguée de la déclaration ne lui est pas imputable et qu’en tout état de cause, aucune remarque ne lui a été formulée sur ce point par le bailleur qui lui a simplement demandé, par courrier du 10 mars

2017, de fournir un devis de remplacement. Elle ajoute qu’en cas de refus de garantie, il appartenait à la société Grenke Location de la prévenir immédiatement.

La Sarl des Hospices indique qu’elle a accepté le devis de remplacement de la société DST puis l’a transmis au bailleur par télécopie le 29 mars 2017 et que le bailleur, qui ne lui a pas transmis l’adresse électronique ou le numéro de télécopie du service dédié, n’est pas fondé à soutenir que la télécopie a été mal orientée.

Elle précise également que la société Grenke Location ne produit pas le contrat d’assurance, ni la déclaration de sinistre auprès de l’assureur, ni même que l’assureur lui aurait opposé un refus de garantie.

Pour l’exposé complet des prétentions et moyens de l’appelante, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée le 10 janvier 2023.

L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 26 juin 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. Sur la résiliation des contrats de location :

– Sur le contrat de location n° 083-21421 :

En vertu des dispositions de l’article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.

En application de ce texte, une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne.

La preuve de l’exception d’inexécution est à la charge de la partie qui l’invoque et doit être suffisamment grave pour justifier le non paiement de la prestation dont l’inexécution est invoquée.

En l’espèce, la Sarl des Hospices soutient que le bailleur a gravement manqué à ses obligations contractuelles en ne remplaçant pas le matériel objet des contrats de location et d’assurance, à la suite du vol avec effraction dont elle a été victime.

Cependant, il convient de relever que le vol avec effraction dont a été victime la Sarl des Hospices porte exclusivement sur le matériel afférent au contrat n° 083-22162, la déclaration de sinistre effectué le 8 mars 2017 par M. [J], gérant, faisant exclusivement référence à ce contrat.

Le premier juge n’a pas opéré de distinction entre les deux contrats conclus, retenant que la société des Hospices était fondée à opposer à la société Grenke Location l’exception d’inexécution et à prononcer la résiliation des contrats.

Pourtant, l’exception d’inexécution ne peut concerner que le contrat n° 083-22162 et non le contrat n° 083-21421 dont le matériel n’a pas été dérobé.

Aucun élément du dossier ne permet de retenir, comme le soutient la Sarl des Hospices, que l’exécution des deux contrats était liée et il n’est pas démontré que le matériel, objet de ces contrats, ne pouvait fonctionner qu’ensemble.

Par conséquent, la Sarl des Hospices n’est pas fondée à invoquer l’exception d’inexécution pour le contrat n° 083-21421 et c’est à tort qu’elle a suspendu le paiement des loyers à compter du mois de février 2018.

Il en résulte que le contrat a été valablement résilié par la société Grenke Location le 18 mai 2018, après mise en demeure du 12 avril 2018.

– Sur le contrat de location n° 083-22162 :

Il est constant qu’une partie du matériel (boîtier sécurisé et enregistreur numérique DVR) afférent au contrat de location n° 083-22162 a fait l’objet d’un vol avec effraction le 19 février 2017, ce qui a conduit M. [J], gérant, à déposer plainte au commissariat de [Localité 5] le 20 février 2017.

Il est également établi que M. [J] a effectué une déclaration de sinistre auprès de la société Grenke Location le 8 mars 2017, les produits loués étant couverts par le contrat cadre d’assurance dommages du bailleur aux frais du locataire.

Par courrier du 10 mars 2017, le bailleur a sollicité du locataire la communication du devis de remplacement du matériel.

Le devis établi par la société Digital Services Technology, d’un montant de 1 306,80 euros TTC, a été adressé par M. [J] à la société Grenke Location par télécopie du 29 mars 2017.

Cependant, malgré l’envoi de ce devis, la société Grenke Location n’a pas donné son accord pour le remplacement du matériel et elle ne justifie d’aucune démarche entreprise en ce sens alors que les

loyers ont continué à être prélevés jusqu’au mois de janvier 2018 inclus, le locataire les ayant ensuite suspendus à compter du mois de février 2018.

Il résulte également de courriels échangés entre les parties au mois de février 2018 que le devis de remplacement du matériel a de nouveau été adressée au bailleur, à sa demande, le 27 février 2018, sans pour autant susciter de réaction de sa part.

Aucun élément du dossier ne permet d’expliquer l’inertie de la société Grenke Location suite à la réception du devis de remplacement le 29 mars 2017.

Cette inertie constitue une violation manifeste de l’article 9 des conditions générales liant les parties qui prévoit que si le locataire ne fait pas usage de son droit de résiliation à la suite du vol du matériel loué, le bailleur a l’obligation, dans un délai raisonnable, de remplacer le matériel aux frais du locataire.

L’appelante n’est pas fondée à reprocher au locataire le non-respect du délai de 2 jours ouvrés pour la déclaration du sinistre, prévu par les conditions générales, dès lors que les dispositions contractuelles ne prévoient aucune sanction en cas de non-respect de ce délai et qu’elle a accusé réception de la déclaration de sinistre par courrier du 10 mars 2017 sans formuler la moindre observation à ce propos, sollicitant simplement l’envoi d’un devis de remplacement du matériel pour permettre l’instruction du dossier.

Par ailleurs, si le devis n’a pas été transmis sur un fax du service gestionnaire du sinistre, il n’est pas contesté qu’il a bien été adressé à la société Grenke Location (fax : 01 58 22 25 78), à l’attention de M. [Z] [M], et le locataire produit le rapport de contrôle de transmission qui permet d’établir que le fax a bien été réceptionné par son destinataire.

Ces éléments suffisent à démontrer que le devis a bien été adressé à la société Grenke Location sans qu’une logique d’organisation interne des services ne puisse être opposée au locataire.

Enfin, la société Grenke Location ne saurait reprocher à la société des Hospices de ne pas avoir entrepris les travaux de remplacement alors qu’elle a sollicité un devis de remplacement pour permettre l’examen du sinistre déclaré, que ce devis lui a été effectivement adressé par le locataire mais qu’elle ne justifie pas avoir validé le devis transmis, ni communiqué la moindre information au locataire concernant l’examen et le suivi de son dossier.

Il en résulte que la preuve est rapportée d’un manquement de la société Grenke Location à ses obligations contractuelles et que ce manquement est suffisamment grave pour justifier la suspension

du paiement des loyers à compter du mois de février 2018 et la résiliation du contrat aux torts du bailleur, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société Grenke Location de ses demandes de condamnation au titre du contrat n° 083-22162.

II. Sur les conséquences de la résiliation du contrat n° 083-21421:

– Sur les loyers impayés :

En vertu de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré d’une obligation doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, la société des Hospices ne justifie pas du paiement des loyers de février à mai 2018 pour un montant total de 1 008 euros.

Par conséquent, il convient de la condamner au paiement de cette somme.

– Sur l’indemnité de résiliation :

Aux termes de l’article 1231-5 du code civil le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la clause pénale lorsqu’elle est manifestement dérisoire ou excessive.

En l’espèce, l’indemnité de résiliation de 4 536 euros, correspon- -dant aux loyers à échoir jusqu’au terme initialement prévu du contrat, prévue par l’article 11 des conditions générales du contrat, s’analyse en une clause pénale susceptible de modération dans les conditions fixées à l’article 1231-5 du code civil.

Cette indemnité de résiliation, en tant que limitée aux loyers restant dus jusqu’au terme du contrat, n’apparaît pas manifestement excessive dès lors qu’elle replace le bailleur dans la situation qui avait été sienne à défaut de défaillance du locataire.

Par conséquent, il convient de condamner le locataire au paiement de la somme de 4 536 euros au titre de l’indemnité de résiliation.

– Sur les frais de recouvrement :

Selon l’article L 441-10 du code de commerce, tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l’égard du créancier, d’une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret.

Le décret n° 2012-1115 du 2 octobre 2012 fixe le montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement à 40 euros.

Par ailleurs, l’article 17 des conditions générales du contrat prévoit l’application d’une indemnité forfaitaire de recouvrement de 40 euros TTC.

Par conséquent, il convient de condamner la société des Hospices à payer la somme de 40 euros au titre des frais de recouvrement.

Sur les intérêts :

Les condamnations prononcées contre la Sarl des Hospices, d’un montant total de 5 584 euros, seront augmentées des intérêts au taux légal majoré de cinq points, courant à compter de la sommation de payer du 12 avril 2018, conformément à l’article 17 des conditions générales du contrat.

III. Sur la restitution du matériel :

Selon l’article 13.3 des conditions générales, au terme du contrat qu’elle qu’en soit la cause, le locataire doit procéder à la restitution du matériel à ses frais et à ses risques.

Au vu de ces dispositions contractuelles, il appartenait à la société des Hospices de procéder à la restitution du matériel à ses frais, de sorte qu’il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il a dit que la société Grenke Location devra faire enlever le matériel à ses frais et, statuant à nouveau, de condamner le locataire à restituer le matériel loué au titre des contrats n° 083-21421 et n° 083-22162 (pour ce contrat, le matériel restant qui n’a pas été dérobé) sous astreinte de 15 euros par jour de retard, à compter de l’expiration du délai d’un mois à compter du présent arrêt et pour une durée de soixante jours.

IV. Sur les délais de paiement :

En l’absence de toute précision de l’intimée sur sa situation financière actuelle, l’opportunité de lui accorder des délais de paiement ne peut être appréciée, de sorte que sa demande sur ce point sera rejetée.

V. Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront infirmées.

Chacune des parties conservera la charge de ses dépens de première instance et d’appel.

Pour des motifs d’équité, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre partie.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement rendu le 20 janvier 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Strasbourg, sauf en ce qu’il a débouté la société Grenke Location de ses demandes de condamnation au titre du contrat n° 083-22162,

Statuant à nouveau des chefs de demande infirmés,

REJETTE l’exception d’inexécution invoquée par la Sarl des Hospices au titre du contrat n° 083-21421,

CONDAMNE la Sarl des Hospices à payer à la Sas Grenke Location, au titre du contrat n° 083-21421, la somme totale de 5 584 euros, augmentée des intérêts au taux légal majoré de cinq points, courant à compter de la sommation de payer du 12 avril 2018,

CONDAMNE la Sarl des Hospices à restituer le matériel loué au titre des contrats n° 083-21421 et n° 083-22162 (pour ce contrat, le matériel restant qui n’a pas été dérobé) sous astreinte de 15 euros par jour de retard, à compter de l’expiration du délai d’un mois à compter du présent arrêt et pour une durée de soixante jours,

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

DIT que chacune des parties conservera la charge de ses dépens de première instance,

y ajoutant,

REJETTE la demande de délais de paiement,

REJETTE les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

DIT que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d’appel.

La Greffière La Présidente

 


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