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MINUTE N° 364/22
Copie exécutoire à
– Me Thierry CAHN
– Me Loïc RENAUD
– Me Nadine HEICHELBECH
Le 29.06.2022
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A
ARRET DU 29 Juin 2022
Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 19/05227 – N° Portalis DBVW-V-B7D-HHVH
Décision déférée à la Cour : 15 Novembre 2019 par la Chambre commerciale du Tribunal de grande instance de STRASBOURG
APPELANTS – INTIMES INCIDEMMENT :
(intimés et appelants incidemment dans le dossier joinr RG N° 1A 20/00100)
Monsieur [R] [L] [Adresse 2]
Société SARLU A.C.T.E.M. INDUSTRIE prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
Représentés par Me Thierry CAHN, avocat à la Cour
INTIME – APPELANT INCIDEMMENT :
(appelant et intimé incidemment dans le dossier joint RG N° 1A 20/00100)
Monsieur [U] [N] [Adresse 3]
Représenté par Me Loïc RENAUD de la SELARL ARTHUS, avocat à la Cour
Avocat plaidant : Me DOPPLER, avocat au barreau de STRASBOURG
INTIMEE – APPELANTE INCIDEMMENT :
(intimée et appelante incidemment dans le dossier joint RG N° 1A 20/00100)
S.A.S. EST TUYAUTERIE ET CHAUDRONNERIE INDUSTRIELLE (E.T.C.I.) prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 6]
Représentée par Me Nadine HEICHELBECH, avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 modifié du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Janvier 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, et Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme PANETTA, Présidente de chambre
M. ROUBLOT, Conseiller
Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRET :
– Contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
– signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La société EST TUYAUTERIE ET CHAUDRONNERIE INDUSTRIELLE (ci-après ‘ETCI’) a été créée en septembre 2004 et a pour objet la réalisation d’opérations industrielles ou commerciales dans le domaine de la tuyauterie, chaudronnerie. Des apports ont été faits à parts égales entre quatre associés dont M. [N].
Selon convention du 22 avril 2008, M. [M] a cédé ses parts aux trois autres associés.
M. [N] qui était aussi salarié, a créé la société SV CONSEILS après son départ à la retraite en cours d’été 2009, ce qui lui permettait d’exercer une activité de consultant pour la société ETCI.
M. [L], engagé en qualité de tuyauteur – agent de maîtrise niveau 2 depuis le 18 juin 2007, a démissionné par lettre du 09 septembre 2013. Il a immatriculé au Registre du Commerce et des Sociétés de STRASBOURG la société ACTEM INDUSTRIE, le 10 octobre 2013.
Selon convention de cession de titres du 11 janvier 2014, M. [N] et M. [F], associés, ont cédé sous conditions suspensives devant être réalisées le 15 mars 2014, la totalité de leurs actions de la société ETCI au désormais seul actionnaire, M. [E], pour le prix total de 1 000 000 d’euros. Une convention de garantie était adossée le même jour au contrat principal.
Le 06 mai 2014, la société ETCI a donné mandat à M. [I], agent de recherches privées, aux fins d’enquêter sur M. [N].
Le 02 octobre 2014, une convention de cession de titres par M. [N] et M. [F] a été stipulée au profit de la société financière JZ, représentée par M. [E], pour la somme totale de 1 000 000 d’euros.
Par une ordonnance du 10 novembre 2014, le Président du Tribunal de grande instance de STRASBOURG a ordonné l’intervention d’un huissier aux fins de faire constater un éventuel lien entre la société ACTEM et plusieurs anciens salariés dont M. [N]. Trois anciens employés de la société ETCI travaillaient alors pour la société ACTEM, M. [A], M. [V] et M. [S].
Par ordonnance du 13 novembre 2014, le juge de l’exécution près le Tribunal d’instance de SCHILTIGHEIM a autorisé la société ETCI à pratiquer une saisie conservatoire pour sûreté et conservation de la créance que la société ETCI possède à l’encontre de M. [N], sur le compte CARPA de Me [Y]. La saisie-conservatoire a été effectuée par huissier instrumentaire le 17 novembre 2014.
Selon acte d’huissier du 12 décembre 2014, la société ETCI a fait assigner M. [N], la société ACTEM INDUSTRIE et M. [L] devant la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de STRASBOURG aux fins d’obtenir leur condamnation à réparer le préjudice subi du fait de la concurrence déloyale qu’ils ont exercée.
Selon ordonnance du 13 octobre 2015 et suite à saisine par M. [N], le juge des référés du Tribunal de grande instance de STRASBOURG a dit n’y avoir lieu à rétractation de l’ordonnance du 10 novembre 2014.
Selon jugement du 11 octobre 2016, le juge de l’exécution, suite à assignation par M. [N], a débouté ce dernier de sa demande de faire déclarer irrecevable les demandes de la société ETCI, de mainlevée de la saisie conservatoire et d’indemnisation de son préjudice.
Par conclusions d’incident de mise en état en date du 25 février 2016, la société ACTEM et M. [L] ont sollicité que la société ETCI soit enjointe de produire des éléments chiffrés s’agissant de son activité, à savoir, les bilans et comptes de résultats des années 2013 à 2015. Selon ordonnance du 09 février 2018, le juge de la mise en état a rejeté les demandes.
Par jugement du 15 novembre 2019, le Tribunal de grande instance de STRASBOURG a déclaré la demande de la société EST TUYAUTERIE ET CHAUDRONNERIE INDUSTRIELLE recevable, a condamné M. [N] à payer à la société ETCI la somme de 200 000 euros à titre d’indemnisation du préjudice subi du fait de sa violation de la clause de non-concurrence à laquelle il était tenu, a condamné la société ACTEM INDUSTRIE à payer à la société ETCI la somme de 150 000 euros à titre d’indemnisation du préjudice subi du fait de sa participation à la violation par M. [N] de sa clause de non-concurrence, a condamné in solidum M. [N], la société ACTEM INDUSTRIE et M. [L] au paiement de la somme de 250 000 euros à titre d’indemnisation du préjudice tiré des investissements détournés, a dit que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2014, a ordonné la capitalisation des intérêts, a débouté la société ETCI de ses demandes d’indemnisation du fait de la perte de chiffre d’affaire, a débouté la société ETCI de sa demande d’indemnisation de son préjudice moral, a débouté la société ETCI de sa demande de condamnation avec astreinte de M. [N], la société ACTEM INDUSTRIE et M. [L] in solidum et de M. [N] seul, a débouté la société ETCI de sa demande d’ordonnance de publication de la présente décision, a dit n’y avoir lieu à autoriser la société ETCI à porter à la connaissance de sa clientèle le contenu du jugement à intervenir, a condamné M. [N], la société ACTEM INDUSTRIE et M. [L] in solidum aux entiers dépens de l’instance en ce inclus ceux de la procédure préalable d’ordonnance sur requête en conservation de preuve, a débouté M. [N], la société ACTEM INDUSTRIE et M. [L] de leurs demandes fondées sur l’article 700 du CPC, a condamné M. [N], la société ACTEM INDUSTRIE et M. [L] in solidum à payer à la société ETCI la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du CPC, a ordonné l’exécution provisoire.
Par déclaration faite au greffe le 03 décembre 2019, la société ACTEM et M. [L] ont interjeté appel de cette décision.
Par déclaration faite au greffe le 03 mars 2020, la société ETCI s’est constituée intimée.
Par déclaration faite au greffe le 04 mars 2020, M. [N] s’est constitué intimé.
Par acte d’huissier du 27 décembre 2019, M. [N] a fait assigner la société ETCI à l’effet d’obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du 15 novembre 2019.
Par acte d’huissier du 25 février 2020, la société ACTEM et M. [L] ont fait assigner la société ETCI à l’effet d’obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du 15 novembre 2019.
Par une ordonnance de référé du 27 mai 2020, la Cour d’appel de COLMAR a ordonné le sursis à exécution du jugement rendu le 15 novembre 2019 par la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de STRASBOURG, a condamné la société ETCI aux dépens de la présente procédure, a dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du CPC au profit tant de M. [N] que de la société ETCI.
Par une ordonnance de référé du 24 juillet 2020, la Cour d’appel de COLMAR a débouté la société ACTEM INDUSTRIE et M. [L] de leur demande présentée afin d’obtenir le sursis à exécution du jugement rendu le 15 novembre 2019, a condamné la société ACTEM INDUSTRIE et M. [L] aux dépens de la présente procédure, a dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du CPC au profit de la société ETCI.
Par une ordonnance de jonction du 26 février 2021, les affaires n°RG 1A 20/00100 et n° RG 1A 19/05227 ont été jointes sous ce dernier numéro.
Par leurs dernières conclusions du 31 août 2020, reçues au greffe le 19 février 2021, auxquelles était joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif, qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, M. [L] et la société ACTEM demandent à la Cour de recevoir l’appel, de rejeter l’appel incident, d’infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau, de déclarer la demande irrecevable à l’encontre de la société ACTEM et de M. [L], de rejeter en tout état de cause toute demande à leur encontre, de rejeter l’applicabilité des articles 1145, 1382 et 1383 ancien du Code civil, de rejeter toute autre prétention, de condamner la société ETCI aux entiers dépens des deux instances ainsi qu’au versement d’un montant de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC outre les entiers dépens des deux instances.
Au soutien de leurs prétentions, M. [L] et la société ACTEM affirment, que la cession de parts sociales passée sous conditions suspensives le 11 janvier 2014 comportait une convention de garantie indissociable de la cession, que l’opération n’engageait que Messieurs [F] et [N], que la cession a été réputée caduque faute de lever des conditions suspensives, qu’une autre convention a été signée le 02 octobre 2014, qu’aucune autre convention de garantie n’a été souscrite au profit de la société FINANCIERE JZ, que la convention de garantie du 11 janvier 2014 est devenue sans objet, que la société ACTEM n’a absolument pas participé à ces conventions, que la caducité de la promesse de cession de parts sociales a entraîné la caducité de la clause de non-concurrence.
M. [L] et la société ACTEM soutiennent qu’aucun élément stratégique ou significatif n’a été remis à la société ACTEM, que la partie adverse connaissait parfaitement la situation avant même de signer les nouveaux actes de cession, que la charge de la preuve incombe à la société ETCI, que les salariés étaient libres de toute clause de non-concurrence et n’étaient tenus que par une simple obligation de discrétion, que la saisie-conservatoire a permis à la société ETCI de connaître les conditions de vente pratiquées par son concurrent, qu’il n’y a aucune preuve de perte réelle de chiffre d’affaires de la société ETCI, qu’aucune concurrence déloyale ou parasitaire n’a été effectuée à l’encontre de la société ETCI.
Par ses dernières conclusions du 25 mai 2021, auxquelles était joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif, qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, la société ETCI demande à la Cour de débouter la société ACTEM et M. [L] de leurs appels et de les déclarer irrecevables, de débouter M. [N] de son appel et de le déclarer irrecevable, de confirmer le jugement en partie, d’infirmer le jugement entrepris en partie, statuant à nouveau, de juger que la société ACTEM, M. [N] et M. [L] se sont livrés à des actes de concurrence déloyale et parasitaire au détriment de la société ETCI, de les condamner in solidum à réparer le préjudice subi, de les condamner in solidum à supporter les entiers frais et dépens des deux instances y compris de l’enquête privée, de la
procédure préalable d’ordonnance sur requête en conservation de preuve dont les frais et honoraires des huissiers et d’expert judiciaire et à payer in solidum une somme de 15 000 euros hors taxes plus la TVA par application de l’article 700 du CPC, d’ordonner la capitalisation des intérêts et dire qu’ils porteront intérêts au même taux dès qu’ils seront dus pour une année entière.
Au soutien de ses prétentions, la société ETCI affirme, sur la responsabilité des appelants, que M. [N] a pris divers engagements notamment une obligation de non concurrence en contrepartie du paiement de la somme de 500 000 euros selon la convention de garantie du 11 janvier 2014, que la convention a été signée par M. [N] et ses termes sont sans ambiguïtés, que la clause de non-concurrence est une stipulation pour autrui pure et simple, que la garantie de passif est un acte juridique mais aussi un fait juridique opposable aux tiers et par les tiers aux cocontractants.
Sur l’absence de caducité des actes du 11 janvier 2014, la société ETCI soutient que les premiers juges ont statué sur l’absence de caducité des actes du 11 janvier 2014, que le 02 octobre 2014 les parties ont signé un acte réitératif de leur consentement, que l’acte du 11 janvier 2014 ne prévoit aucune sanction au titre de l’absence de la levée des conditions suspensives comme une caducité, qu’il ressort de la jurisprudence récente que les parties peuvent ne pas avoir voulu attacher au dépassement du délai la caducité de leur accord, que les éléments essentiels de la cession demeurent inchangés.
Sur la violation de la clause de non-concurrence signée par M. [N], la société ETCI affirme que les articles 1134 et 1147 du Code civil traitent des conséquences de la violation de l’obligation de non-concurrence, que M. [N] était gérant de fait et travaillait au sein de la société ACTEM violant l’obligation de non-concurrence, que M. [N] a utilisé au profit d’ACTEM les informations recueillies au service de la société ETCI causant un préjudice commercial et financier à l’entreprise, que la société ACTEM s’est rendue complice de la violation de l’obligation de non-concurrence dont elle avait connaissance.
Sur la réparation du préjudice, la société ETCI fait valoir que la société ACTEM a réalisé un chiffre d’affaire extrêmement important dès son premier exercice uniquement avec les clients détournés de la société ETCI, que M. [N] a permis à la société ACTEM de réaliser un chiffre d’affaire de 2 437 108 euros de février à novembre 2014 sur une courte période de 10 mois, que la perte de marge brute est de 1 037 128 euros pour la société ETCI.
Sur les agissements de concurrence déloyale et de parasitisme, la société ETCI soutient qu’il y a eu dénigrement de la société ETCI et captation de clientèle, qu’il a été retrouvé par l’expert informatique des fichiers en lien avec des clients de la société ETCI, que la société ETCI a été pillée de son capital technique et de ses acteurs qualifiés, qu’il y a eu intention de nuire de la part de M. [L], que la société ACTEM a tiré profit des efforts et investissements de son concurrent en s’appropriant une équipe opérationnelle à la rentabilité quasi immédiate, que la simultanéité des départs est révélatrice d’une concertation du nouvel employeur et des salariés, que le fait que les salariés débauchés n’aient pas été tenus à une clause de non-concurrence ne suffit pas à ôter aux agissements commis leur caractère fautif, qu’il y a eu désorganisation et déstabilisation de l’entreprise, que la société ACTEM a utilisé frauduleusement les fichiers de la société ETCI, que le transfert de données a été massif, qu’il ressort du rapport d’expertise que le logiciel de bureautique utilisé par la société ACTEM était celui de la société ETCI.
Sur la réparation du préjudice subi, la société ETCI affirme qu’il y a eu une perte du chiffre d’affaires via le détournement de clientèle, qu’une chute drastique du chiffre d’affaire est constatée à compter de 2014 à savoir un chiffre d’exploitation de 88 954 euros, que la perte de marge brute s’élève à 1 037 128 euros, qu’il existe un préjudice moral du fait de la désorganisation de la société suite au départ de trois salariés.
Par ses dernières conclusions du 27 juillet 2021, auxquelles était joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif, qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, M. [N] demande à la Cour de déclarer l’appel recevable, d’infirmer le jugement rendu le 15 novembre 2019 en partie, statuant à nouveau, de déclarer irrecevables les demandes de la société ETCI à son encontre au motif de son absence d’intérêt et de qualité à agir, sur l’appel incident de la société ETCI, de le rejeter comme étant mal fondé, de débouter la société ETCI de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions, en tout état de cause, de condamner la société ETCI à lui payer une indemnité de 8 000 euros en application de l’article 700 du CPC, de condamner la société ETCI à supporter les entiers frais et dépens de l’instance en ce compris ceux de première instance.
Au soutien de ses prétentions, M. [N] affirme, sur le défaut de droit d’agir de la société ETCI, que selon les articles 31 et 32 du CPC la société ETCI n’a pas de droit d’agir, que la société ETCI n’était partie dans aucun des actes.
Sur la clause de non-concurrence, M. [N] soutient que la clause n’était pas applicable durant la période s’écoulant entre les deux actes, qu’en statuant ainsi le premier juge a gravement dénaturé les termes des conventions, que la convention de cession du 11 janvier 2014 est devenue caduque à compter du 15 mars 2014, que les conditions suspensives n’ont pas été réalisées dans les délais, que M. [N] n’était lié par aucune obligation de non-concurrence vis-à-vis de la société FINANCIERE JZ et de la société ETCI, que la demande n’est pas fondée.
Sur l’absence de violation d’une quelconque clause de non-concurrence, M. [N] soutient que le seul fait que M. [N] ait eu des contacts avec son ancien collègue dont l’activité est similaire à celle de la société ETCI ne permet pas d’établir une quelconque concurrence déloyale.
Sur l’absence de concurrence déloyale et parasitaire, M. [N] affirme qu’il n’avait aucune qualité dans la société ACTEM, que la société ETCI ne démontre rien, qu’aucune faute de la société ACTEM ou de Messieurs [L] et [N] n’est établie.
A titre subsidiaire, sur l’évaluation forfaitaire du prétendu préjudice subi par la société ETCI, M. [N] fait valoir que la jurisprudence considère que l’évaluation du préjudice ne peut pas être forfaitaire, qu’il n’y a pas de préjudice économique de la société ETCI, que la société ETCI n’a produit aucun document concret constatant le préjudice allégué, que la juridiction n’a pas tenu compte des manquements et dissimulations de la société ETCI, que le montant annoncé n’est pas étayé.
Sur l’appel incident de la société ETCI, M. [N] affirme qu’il n’existe pas de préjudice tiré de la perte de chiffre d’affaires, qu’il n’y a pas de démonstration de captation de clientèle ni de son personnel qualifié, qu’il n’y a pas de préjudice tiré d’investissements détournés, qu’il n’existe pas de préjudice moral, que le préjudice moral ne saurait être évalué forfaitairement, que la demande de la société ETCI est fantaisiste et abusive, que la demande d’astreinte et de publication de la décision doit être rejetée car mal fondée et excessive.
La Cour se référera aux dernières conclusions des parties pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 22 novembre 2021.
L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 10 Janvier 2022.
MOTIFS DE LA DECISION :
Il est constant que selon convention de cession de titres du 11 janvier 2014, M. [N] et M. [F], associés, ont cédé sous conditions suspensives devant être réalisées le 15 mars 2014, la totalité de leurs actions de la société ETCI au désormais seul actionnaire, M. [E], pour le prix total de 1 000 000 d’euros. Une convention de garantie était adossée le même jour au contrat principal.
Cette convention de garantie prévoit dans son article 4.3 que ‘LES GARANTS à titre personnel, s’interdisent, tant pour eux-mêmes que pour toute société dont ils seraient directement ou indirectement associés, de participer, directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit et sous quelque forme que ce soit, notamment par acquisition ou prise de participation, à toutes activités de même nature que celles de la SOCIETE ou susceptibles de les concurrencer.
Les dispositions du présent paragraphe seront applicables aux GARANTS, pris individuellement, à leurs épouses et à leurs héritiers, sur l’ensemble de la région ALSACE (départements 67 et 68), pendant une durée non réductible de CINQ ans à compter de la cession des titres.’
Si la société ETCI n’est pas signataire de la convention de garantie, cette disposition constitue une stipulation pour autrui et dans ces conditions la société ETCI peut se prévaloir de cette stipulation et dispose d’un intérêt à agir pour invoquer le respect de la clause de non concurrence.
La convention de cession de parts sociales intervenue le 11 Janvier 2014 a été passée sous la condition suspensive de l’obtention d’un prêt qui devait être réalisée avant le 15 Mars 2014 et prévoyait que la clause de non-concurrence s’appliquerait à compter de la cession des titres, c’est à dire à compter du transfert de la propriété des titres à leur acquéreur.
Or, cette condition suspensive n’a pas été réalisée.
Le 02 octobre 2014, une autre convention de cession de titres est intervenue entre M. [N] et M. [F] et la société financière JZ, représentée par M. [E], pour la somme totale de 1 000 000 d’euros et les parties ont décidé que la convention de garantie rédigée est indissociable de la première convention, était annexée et devenue indissociable de la deuxième convention de cession de parts sociales.
Dans cette convention, les parties cédantes et cessionnaire ont indiqué que la convention signée le 11 Janvier 2014, était devenue caduque dans l”EXPOSE PREALABLE’.
Monsieur [N] et Monsieur [F] soutiennent que la première convention était caduque alors que la société ETCI affirme que la caducité de la première convention ne peut pas être retenue dès lors que cette sanction n’a pas été prévue dans la convention.
Or, lorsque la réalisation d’une condition suspensive est enfermée dans un délai et qu’à la date prévue pour la réalisation de cette condition, cette condition n’est pas réalisée, alors la promesse est caduque sans qu’il soit nécessaire que cette caducité soit expressément prévue dans la convention.
En conséquence, la convention de cession d’action en date du 11 Janvier 2014 est devenue caduque.
La convention de garantie indissociable de cette convention doit être déclarée aussi caduque.
Dans la seconde convention de cession d’actions en date du 02 Octobre 2014, le texte de la convention de garantie a été repris et est considéré comme indissociable de cette convention de cession d’actions.
La convention de garantie qui comporte la stipulation pour autrui au bénéfice de la société ETCI est en conséquence applicable à compter de la signature de la seconde convention, soit à compter du 02 Octobre 2014.
Cependant, la clause de non-concurrence ne peut s’appliquer conformément aux termes de la convention de garantie qu’à compter de la cession des titres, c’est à dire à compter du transfert de leur propriété à l’acquéreur.
Or, le 07 Novembre 2014, le solde du prix de la cession d’actions dû par la société financière JZ à Monsieur [N], d’un montant de 200 000 € n’a pas été réglé à Monsieur [N] mais a été versé sur le compte CARPA de la société cessionnaire.
En conséquence, la société ETCI ne peut pas se prévaloir de la clause de non-concurrence pour la période située au moins entre la signature de la première convention de cession d’actions du 11 Janvier 2014 et celle de la deuxième convention de cession d’actions du 02 Octobre 2014 et ne peut pas reprocher à Monsieur [N] des actes de concurrence déloyale en se fondant sur la convention de garantie et pour la période précitée.
Pour les mêmes raisons et sur la même période, la société ETCI ne peut pas invoquer une tierce-complicité à l’encontre de la société ACTEM fondée sur le non respect de la clause de garantie.
Concernant les faits postérieurs au 02 Octobre 2014, la société ETCI fait valoir que l’agent de recherches privées a constaté que le véhicule conduit par Monsieur [N] était immatriculé [Immatriculation 4] et que ce véhicule était stationné devant les locaux de la société ACTEM les 24 et 28 Octobre 2014.
La Cour relèvera que l’agent de recherches privées a exercé une surveillance de Monsieur [N] pendant de nombreux mois, de la sortie de son domicile jusqu’au retour à son domicile et notamment pendant toute une période, du 06 Mai 2014 au 02 Octobre 2014, alors que Monsieur [N] n’était pas tenu au respect d’une clause de non concurrence.
Dans ces conditions la preuve ainsi rapportée par cette surveillance disproportionnée est irrecevable et sera écartée des débats.
L’annexe 27 du rapport d’intervention et d’analyse de données de l’expert informatique [T] [O] du 15 Janvier 2015, comporte des documents émis entre le 11 Janvier 2014 et le 02 Octobre 2014, qui ne pourront pas être pris en considération, à l’encontre de Monsieur [N].
La société ETCI a engagé la seule responsabilité contractuelle de Monsieur [N] et elle sera déboutée des demandes présentées sur ce fondement.
Sur l’action en concurrence déloyale engagée par la société ETCI sur un fondement délictuel, à l’encontre de la société ACTEM et de Monsieur [L], il convient de relever :
– que Monsieur [L] est mentionné comme étant le gérant de la société ACTEM, notamment dans le rapport d’intervention et d’analyse de données produit par la société ETCI en annexe 27,
– que l’embauche le 1er Novembre 2014, de Madame [J] [N], fille de Monsieur [N], indemnisée par pôle emploi du 12 Août 2014 au 31 Octobre 2014, a été engagée en qualité de secrétaire alors qu’elle était coiffeuse de formation, ne peut pas constituer un acte de concurrence déloyale,
– qu’il n’est pas rapporté la preuve que Monsieur [N] est en relation de travail avec la société ACTEM,
– que le fait que trois salariés de la société ETCI, non tenus par une clause de non concurrence, aient démissionné entre 2013 et 2014, et qu’ils aient été embauchés par la société ACTEM, avec qui la société ETCI avait accepté alors de travailler dans le cadre d’une sous-traitance, ne s’analyse pas en un débauchage massif, seul constitutif d’acte de concurrence déloyale, dès lors que la société ETCI ne précise pas le nombre de ses salariés et ne caractérise par ce caractère massif,
– que Monsieur [A] atteste le 08 Janvier 2015, dans une attestation régulièrement versée aux débats et qui ne sera pas écartée des débats, avoir été victime de harcèlement, brimades et de propos insultants de la part de la direction de la société ETCI justifiant ainsi sa démission, et que Monsieur [S] ne parvenait pas à obtenir la déclaration par son employeur à la CPAM d’un accident de trajet, le paiement de ses indemnités kilométriques notamment, car l’adresse mentionnée sur ses fiches de paie, dont il avait sollicité la modification, était inexacte et que par courrier du 29 Mars 2014 adressé à la société ETCI il invoque sa volonté de saisir le conseil de prud’hommes, compte tenu de l’attitude intolérable du gérant de la société ETCI à qui il s’adresse dans ce courrier et au comportement duquel il impute sa démission, faits qu’il a aussi rapportés dans une attestation versée régulièrement aux débats,
– que s’agissant de la clientèle, les clients cités par la société ETCI ont été attribués à la société ACTEM qui ne travaille que dans le cadre de marchés publics, par des soumissions en réponse à des appels d’offre et dans le cadre de passation de marchés alors que la société ETCI n’avait pas elle-même soumissionné à ces marchés et qu’elle ne rapporte pas la preuve contraire,
– qu’ainsi les clients USINE D’ERSTEIN, CRISTAL UNION et SIL FALA qui ont pu être d’anciens clients de la société ETCI, ont été attribués dans le cadre d’appel d’offre comme en justifient la société ACTEM et Monsieur [L] par leurs annexes numérotées de 01 à 10,
– que dans le procès-verbal établi par Maître [B], huissier de justice, il est précisé que l’expert trouve ‘singulier que dans certains devis la date soit précédée par HOERDT le… et non par [Localité 5] le….alors que le papier est à entête d’ACTEM et que le logiciel de bureautique très souvent utilisé est celui d’une entreprise de nom ETCP’, mais qu’aucun de ces documents n’a été soumis à l’appréciation de la Cour et ces mentions ne suffisent pas à elles seules à établir des actes de concurrence déloyale.
La société ETCI ne rapporte pas la preuve que la société ACTEM, Monsieur [L] son gérant et Monsieur [N] pour lequel aucun lien juridique n’est établi avec la société ACTEM ont commis des actes de concurrence déloyale à son égard.
La décision entreprise sera en conséquence infirmée en ce quelle a condamné M. [N] à payer à la société ETCI la somme de 200 000 euros à titre d’indemnisation du préjudice subi du fait de sa violation de la clause de non-concurrence à laquelle il était tenu, a condamné la société ACTEM INDUSTRIE à payer à la société ETCI la somme de 150 000 euros à titre d’indemnisation du préjudice subi du fait de sa participation à la violation par M. [N] de sa clause de non-concurrence, a condamné in solidum M. [N], la société ACTEM INDUSTRIE et M. [L] au paiement de la somme de 250 000 euros à titre d’indemnisation du préjudice tiré des investissements détournés, a dit que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2014, a ordonné la capitalisation des intérêts, a condamné M. [N], la société ACTEM INDUSTRIE et M. [L] in solidum aux entiers dépens de l’instance en ce inclus ceux de la procédure préalable d’ordonnance sur requête en conservation de preuve, a débouté M. [N], la société ACTEM INDUSTRIE et M. [L] de leurs demandes fondées sur l’article 700 du CPC, a condamné M. [N], la société ACTEM INDUSTRIE et M. [L] in solidum à payer à la société ETCI la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du CPC, a ordonné l’exécution provisoire.
Statuant à nouveau, la Cour déboutera la société ETCI de l’intégralité de ses demandes présentées à l’encontre de Monsieur [N], de la société ACTEM et de Monsieur [L], la condamnera aux entiers dépens de première instance et d’appel et rejettera ses demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile et présentées tant en première instance qu’à hauteur de Cour.
L’équité commande l’application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de Monsieur [N], de la société ACTEM et de Monsieur [L].
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Infirme le jugement rendu le 15 Novembre 2019, en ce qu’il a condamné M. [N] à payer à la société ETCI la somme de 200 000 euros à titre d’indemnisation du préjudice subi du fait de sa violation de la clause de non-concurrence à laquelle il était tenu, a condamné la société ACTEM INDUSTRIE à payer à la société ETCI la somme de 150 000 euros à titre d’indemnisation du préjudice subi du fait de sa participation à la violation par M. [N] de sa clause de non-concurrence, a condamné in solidum M. [N], la société ACTEM INDUSTRIE et M. [L] au paiement de la somme de 250 000 euros à titre d’indemnisation du préjudice tiré des investissements détournés, a dit que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2014, a ordonné la capitalisation des intérêts, a condamné M. [N], la société ACTEM INDUSTRIE et M. [L] in solidum aux entiers dépens de l’instance en ce inclus ceux de la procédure préalable d’ordonnance sur requête en conservation de preuve, a débouté M. [N], la société ACTEM INDUSTRIE et M. [L] de leurs demandes fondées sur l’article 700 du CPC, a condamné M. [N], la société ACTEM INDUSTRIE et M. [L] in solidum à payer à la société ETCI la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du CPC, a ordonné l’exécution provisoire,
Confirme le jugement pour le surplus.
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et Y ajoutant,
Déboute la société ETCI de l’intégralité de ses demandes présentées à l’encontre de Monsieur [N], de la société ACTEM et de Monsieur [L],
Condamne la société ETCI aux entiers dépens de première instance et d’appel,
Rejette les demandes présentées par la société ETCI et fondées sur l’article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu’à hauteur de Cour,
Condamne la société ETCI à verser à Monsieur [N] la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société ETCI à verser, en application de l’article 700 du code de procédure civile, à la société ACTEM et à Monsieur [L] la somme globale de 4 000 €.
La Greffière :la Présidente :