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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-3
ARRÊT AU FOND
DU 27 OCTOBRE 2023
N°2023/ 184
RG 19/00399
N° Portalis DBVB-V-B7D-BDTAS
[V] [A]
C/
Association AGS CGEA DE [Localité 6]
S.E.L.A.R.L. [O] ET ASSOCIES
S.C.P. [M] [C] & A.LAGEAT
SA HOM
Copie exécutoire délivrée
le 15 Septembre 2023 à :
– Me Pascale MAZEL, avocat au barreau de MARSEILLE
– Me Coralie RENAUD, avocat au barreau de MARSEILLE
-Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 17 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F 16/01912.
APPELANT
Monsieur [V] [A], demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Pascale MAZEL, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEES
SA HOM, demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Coralie RENAUD, avocat au barreau de MARSEILLE
S.E.L.A.R.L. [O] ET ASSOCIES, prise en la personne de Maître [H] [O], Administrateur judiciaire de le S.A HOM, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Coralie RENAUD, avocat au barreau de MARSEILLE
S.C.P. [M] [C] & A.LAGEAT, prise en la personne de Maître [M] [C], Mandataire judiciaire de la S.A HOM, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Coralie RENAUD, avocat au barreau de MARSEILLE
Association AGS CGEA DE [Localité 6], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Stéphanie BESSET-LE CESNE de la SELARL BLCA AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Juillet 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargés du rapport.
Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre
Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Octobre 2023.
ARRÊT
CONTRADICTOIRE
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Octobre 2023.
Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * * * * * * *
FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES
La société «Hom Innovations pour l’élégance masculine» dite Hom dont le siège social est à [Localité 6] est spécialisée dans la confection et la vente de sous-vêtements pour hommes et applique la convention collective nationale de l’industrie de l’habillement.
Selon contrat de travail à durée indéterminée du 3 décembre 1984, M.[V] [A] a été embauché par cette société, en qualité d’attaché de direction commercial export, statut cadre coefficient 320.
Aux termes de divers avenants de 1988 à 1998, la rémunération et le coefficient du salarié ont évolué et à compter du 1er décembre 2000, M.[A] devenait directeur export coefficient 600, avec le statut de cadre dirigeant.
Le 1er janvier 2006, il était nommé «Business Developper Manager» dit BDM région Est, avec une rémunération annuelle brute de 59 472 euros payable en 12 mensualités, outre une prime variable sur objectifs et un avantage en nature (véhicule de fonction).
En 2010 puis 2012, le salarié signait des avenants concernant l’extension de ses missions, et l’augmentation de sa rémunération.
Au mois de janvier 2015, la société qui appartenait au groupe Triumph International a été rachetée par le groupe Huber et une nouvelle organisation a été mise en place.
Le salarié a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 13 avril 2016.
Le 25 juillet 2016, M.[A] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille d’une demande visant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Le salarié a été licencié pour motif économique par lettre recommandée du 22 novembre 2016 et après son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, le contrat de travail a pris fin le 14 décembre 2016.
Selon jugement du 17 décembre 2018, le conseil de prud’hommes a statué comme suit:
Dit que la demande de résiliation judiciaire est infondée.
Dit que le licenciement économique repose sur une cause réelle et sérieuse.
Condamne la SA HOM au paiement des sommes suivantes :
– 20 000 euros pour rappel de primes d’objectifs 2015 et 2016
– 11 647,78 euros au titre d’un rappel d’indemnité de licenciement
– 1 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne le défendeur aux dépens.
Le conseil de M.[A] a interjeté appel par déclaration du 9 janvier 2019.
La société a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Marseille du 5 août 2020 et un plan de continuation a été homologué selon décision du même tribunal du 11 août 2021.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 6 mai 2022, M.[A] demande à la cour de :
« INFIRMER le jugement rendu le 17 décembre 2018 par le Conseil de prud’hommes de Marseille en toutes ses dispositions, sauf en celles qui ont condamné la SA HOM au paiement de la prime d’objectifs pour les années 2015 et 2016 et aux entiers dépens
DECLARER l’appel incident de la SA HOM concernant l’indemnité de licenciement, irrecevable, pour défaut d’intérêt à agir
En tout état de cause,
DEBOUTER la SA HOM de toute demande au titre de son appel incident
FIXER le salaire moyen annuel de Monsieur [V] [A] à la somme de 12 047.05 euros, incluant les heures supplémentaires réalisées par le salarié, ou 7 967.12 euros sans heures supplémentaires
CONDAMNER la SA HOM au paiement à Monsieur [V] [A] des sommes suivantes :
– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence d’entretien d’évaluation pour les années 2015 et 2016
– Au titre du complément de salaire pendant la maladie :
En intégrant les heures supplémentaires dues au salarié :
A titre principal, selon le contrat Réunica : 47 150.90 euros bruts plus 12 342.30 euros nets
A titre subsidiaire, selon le contrat Malakoff Médéric : 38 886.43 euros bruts plus 8 969.13 euros nets
A titre subsidiaire, si par impossible, le Conseil de prud’hommes refusait de prendre en compte les heures supplémentaires effectuées par le salarié :
A titre principal, selon le contrat Réunica : 16 992.61 euros bruts plus 7 725.18 euros nets
A titre subsidiaire, selon le contrat Malakoff Médéric : 12 842.71 euros bruts plus 5 494.39 euros nets
– 128 594.32 euros au titre des heures supplémentaires
– 12 859.43 euros de congés payés afférents
– 85 879.76 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos
– 72 282.30 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé
– 6 097.96 euros au titre de rappel de primes pour les années 2013, 2014, 2015 et 2016
– 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement
– 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité de résultat
– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’article L 6315-1 du Code du travail
– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’article L 6321-1 du Code du travail
– 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
– 36 141.15 euros au titre du préavis
– 3 614.12 euros au titre des congés payés afférents
– 65 637.69 euros au titre du solde de l’indemnité de licenciement avec les heures supplémentaires ou 21 618.18 euros sans les heures supplémentaires
– 17 823.33 euros à titre de solde de congés payés
– 1 395.34 euros à titre de solde de congés payés sur ancienneté du mois de juin 2016 au mois d’avril 2017
– 27 250.32 euros à titre de solde de congés payés, avec prime d’objectif et heures supplémentaires, pour la période du mois de juin 2015 au mois de mai 2016
– 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de chance des droits à la retraite
DIRE que ces sommes porteront intérêts de droit au jour de la demande en justice
CONDAMNER la SA HOM à remettre à Monsieur [V] [A] autant de fiches de paie que de mois considérés par le rappel sollicité, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et par document à compter de la décision à intervenir et de réserver la compétence du conseil de prud’hommes de Marseille pour la liquidation de l’astreinte
PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur
CONDAMNER la SA HOM au paiement à Monsieur [V] [A] de la somme de 722 823 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et à tout le moins sans cause réelle ni sérieuse
CONDAMNER la SA HOM, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, à la remise de tous les documents sociaux rectifiés qui ont été remis à Monsieur [V] [A] à la rupture du contrat de travail, à savoir certificat de travail, bulletin de CSP à l’attention de Pôle emploi, prenant en compte la décision à intervenir
SUBSIDIAIREMENT,
DIRE que le licenciement économique de Monsieur [V] [A] n’est pas fondé
CONDAMNER la SA HOM au paiement à Monsieur [V] [A] de la somme de 722 823 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
PLUS SUBSIDIAIREMENT,
CONDAMNER la SA HOM au paiement à Monsieur [V] [A] de la somme de 722 823 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de reclassement
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
DECLARER opposable la décision à intervenir à l’AGS CGEA, ainsi qu’à la SELARL [O] & ASSOCIES, administrateur judiciaire, et à la SCP [M] [C] & LAGEAT, mandataire judiciaire
CONDAMNER la SA HOM au paiement à Monsieur [V] [A] de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile pour la procédure de première instance et 5 000 euros pour la procédure d’appel
CONDAMNER la SA HOM au paiement à Monsieur [V] [A] de la somme de 900 euros TTC, correspondant à la facture de la SA CPECF, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel’.
Dans leurs dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 14 juin 2023, la société Hom, la Selarl [O] & Associés, administrateur judiciaire, et la Scp [M] [C] & Lageat en la personne de Me [M] [C], mandataire judiciaire demandent à la cour de :
«DEBOUTER Monsieur [A] de son appel principal, de ses demandes fins et conclusions
Statuant sur les appels incidents de la société HOM (formé par conclusions notifiées le 27 juin 2019), de la SELARL [O] ET ASSOCIES prise en la personne de Maître [H] [O] en qualité d’administrateur Judiciaire et de la SCP [M]. [C] & A. LAGEAT mandat conduit par Maître [M] [C] en qualité de mandataire judiciaire (formés par conclusions notifiées le 3 mars 2021), à l’encontre du jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Marseille le 17 décembre 2018,
Les déclarant recevables et bien fondés,
Y faisant droit,
INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société HOM à verser à Monsieur [A] les sommes suivantes :
– 20.000 euros à titre de rappel de primes d’objectifs 2015 et 2016
– 11.647,78 euros à titre de rappel d’indemnité de licenciement
– 1.800 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens
CONFIRMER le jugement entrepris pour le surplus
DEBOUTER Monsieur [A] de l’intégralité de ses demandes fins et conclusions.
CONDAMNER Monsieur [A] à verser au bénéfice de la Société HOM, de la SELARL [O] ET ASSOCIES et de la SCP [M] [C] & A. LAGEAT une somme de 3.000 € chacun sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
Laisser les entiers dépens à la charge de Monsieur [A]. »
Dans ses dernières conclusions notifiées au greffe par voie électronique le 15 septembre 2021, l’Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 6] demande à la cour de :
«DECLARER subsidiaire la garantie de l’AGS-CGEA.
INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société HOM à verser à Monsieur [A] les sommes suivantes :
-20 000 euros à titre de rappel de primes d’objectifs 2015 et 2016
-11 647.78 euros au titre du rappel d’indemnité de licenciement
-1800 euros au titre de l’article 700 du CPC et aux dépens
CONFIRMER le jugement entrepris pour le surplus.
DEBOUTER Monsieur [A] de toutes ses demandes, fins et conclusions.
En tout état rejeter les demandes infondées et injustifiées et ramener à de plus juste proportions les indemnités susceptibles d’être allouées au salarié,
Débouter Monsieur [V] [A] de toute demande de condamnation sous astreinte ou au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et en tout état déclarer le montant des sommes allouées inopposables à l’AGS CGEA.
Déclarer inopposables à l’AGS-CGEA la demande formulée au titre des dépens de 1ère instance et d’appel.
En tout état constater et fixer en deniers ou quittances les créances de Monsieur [V] [A] selon les dispositions de articles L 3253 -6 à L 3253-21 et D 3253 -1 à D 3253-6 du Code du Travail.
Dire et juger que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées à l’article L 3253-8 et suivants du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du Code du Travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du Code du Travail, plafonds qui inclus les cotisations et contributions sociales et salariales d’origine légale, ou d’origine conventionnelle imposée par la loi, ainsi que la retenue à la source prévue à l’article 204 A du code général des impôts,
Dire et juger que les créances fixées, seront payables sur présentation d’un relevé de créance par le mandataire judicaire, et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L 3253-20 du Code du Travail.
Dire et juger que le jugement d’ouverture de la procédure collective a entraîné l’arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l’article L.622-28 du Code de Commerce. »
Pour l’exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.
MOTIFS DE L’ARRÊT
Sur l’exécution du contrat de travail
1- sur le rappel de prime RTT
L’appelant conteste la décision déférée qui a dit que l’employeur démontrait que cette prime avait été intégrée dès 2010 dans son salaire fixe.
Il invoque l’avenant du 23 novembre 2000 ayant prévu le versement de cette prime et réclame son règlement au titre des années 2013-2014-2015 et 2016.
Dans le cadre de l’avenant du 23 novembre 2000, la société a situé M.[A] dans la catégorie des cadres dirigeants, ce qui l’excluait de fait de l’accord des 35 heures signé le 12 mai 2000, l’avenant précisant «afin de ne pas pénaliser M.[A] une prime forfaitaire annuelle de 10 000 Frs lui est accordée».
Le salarié a signé le 6 juillet 2010 un avenant rappelant que depuis le 1er janvier 2009, il occupait le poste de «business développer manager (BDM)» et précisant : «A compter du 1er janvier 2010 la prime annuelle de RTT est réintégrée dans le salaire fixe de M.[A] (…)», fixant celui-ci à 5 500 euros bruts par mois.
C’est donc à tort que le salarié sollicite à nouveau en cause d’appel le paiement de cette prime, alors qu’il ne dénie pas avoir reçu sur les années visées, la totalité de son salaire fixe.
2- sur la rémunération variable
La société estime que les premiers juges ont fait une inexacte appréciation des faits et des termes du contrat de travail, précisant que pour 2015, les budgets avaient été fixés pour le secteur de M.[A] et que ce dernier en avait été informé mais que le seuil de 90% n’a pas été atteint et qu’il en est de même pour l’année 2016, relevant l’absence du salarié pour maladie à compter du mois d’avril.
Le salarié rappelle les termes du contrat de travail et indique que s’il a perçu en 2015, une prime de 10 000 euros au titre de l’année 2014, il ne lui a rien été payé au titre de l’année 2015 ni au titre de l’année 2016, soulignant l’absence d’entretien individuel annuel et d’éléments chiffrés fournis par la société.
Aux termes du dernier avenant signé entre les parties le 31 octobre 2012, il était précisé:
« Depuis le 1er janvier 2012, la rémunération de Monsieur [A] se décompose de la façon suivante :
– Une partie fixe de 69 003 euros répartie en 12 mensualités de 5 750.25 euros brutes
– Une partie variable constituée de primes sur objectifs d’un montant total annuel brut maximum de 10 000 euros qui sera versée en fonction de l’atteinte des objectifs individuels annuels proposés et acceptés par Monsieur [A] lors de l’entretien annuel avec son supérieur hiérarchique.
La prime sur objectif lié aux chiffres d’affaires budgétés par les pays de la zone suivie par Monsieur [A] et validés par la Direction Générale du Groupe sera versée dans les mêmes conditions que celles prévues à l’avenant du 3 janvier 2006 au contrat de travail de Monsieur [A], à savoir:
– En cas de réalisation d’au moins 100% de cet objectif, la prime convenue lors de l’entretien préalable sera versée dans son intégralité
– En cas de réalisation de 90% de cet objectif, cette prime sera réduite de 50%
– En cas de réalisation de moins de 90% de l’objectif, la prime ne sera pas due. »
Il n’est pas contesté par la société qu’aucun entretien n’est intervenu en 2015 pour voir fixer les objectifs de l’année en cours, et que M.[A] n’a perçu aucune rémunération variable pour cette année, ce dont il se plaignait notamment dans un mail à la directrice des ressources humaines en mars 2016 (pièce 31 société et 444 salarié) puis dans sa lettre du 4 mai 2016 (pièce 40) de sorte qu’en l’état du contrat sus-visé accordant au salarié un droit à rémunération variable,
et à défaut de conclusion de l’accord annuel, prévu par le contrat sur cette rémunération, il appartient au juge de la déterminer en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes.
Les pièces 28-29-67 produites par la société concernant la connaissance qu’avait M.[A] des budgets fixés pour son secteur sont inopérantes et insuffisantes pour d’une part, pallier la carence de la proposition et acceptation des objectifs dans le cadre d’un entretien, et d’autre part déterminer de façon objective l’atteinte du chiffre d’affaires.
Il est établi par les bulletins de salaire produits que sur les années 2011-2012-2013-2015,M.[A] a perçu le maximum de la prime contractuellement prévue et c’est donc à juste titre que le conseil de prud’hommes a dit qu’il devait recevoir la somme de 10 000 euros au titre de l’année 2015.
S’agissant de l’année 2016, il ressort de l’éhange de mails ci-dessus visé que le salarié n’a pas transmis les éléments nécessaires pour la prise de rendez-vous en vue de l’entretien annuel avec la directrice générale et en outre, il est constant que M.[A] a été en arrêt maladie de façon continue du 13 avril au 14 décembre 2016.
Cependant, la partie variable de la rémunération est versée au salarié en contrepartie de son activité de sorte qu’elle s’acquiert au fur et à mesure et que faute d’éléments chiffrés présentés par la société, M.[A] ne peut être privé de ce salaire mais il ne peut y prétendre qu’au prorata de son temps de présence effective sur trois mois complets, conformément au calcul proposé par le comptable (page 3 du document CPECF pièce salarié 719), de sorte que seule la somme de 2 500 euros peut lui revenir.
En conséquence, la décision doit être infirmée.
3- sur la demande indemnitaire liée à l’absence d’entretien annuel d’évaluation
Le salarié considère avoir subi un préjudice spécifique résultant du manque à gagner en l’absence de versement de la prime d’objectif pendant deux ans, ce qui selon lui, a contribué à le fragiliser.
La société indique que l’année 2015 a été une année de bouleversements du fait du changement d’actionnaire et qu’aucun des cadres dirigeants n’a eu d’entretien annuel ; elle explique que pour l’année 2016, il a été demandé aux salariés dès le 12 janvier 2016 de compléter les supports de ces entretiens mais que M.[A], relancé les 1er mars et 11 mai 2016, n’en a rien fait, de sorte que l’absence d’entretien résulte de sa propre carence.
Il n’est pas démontré par M.[A] un préjudice financier distinct de celui résultant du non paiement des primes augmenté des intérêts au taux légal , conséquence de l’absence d’accord formalisé par un entretien annuel dédié, étant souligné qu’en tout état de cause, la demande fait double emploi avec la demande indemnitaire formulée au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail.
4- sur l’absence d’entretien professionnel
Depuis la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, entrée en vigueur le 7 mars 2014 (modifiée ultérieurement en 2018), chaque salarié doit bénéficier :
– tous les deux ans, d’un entretien professionnel consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle ;
– tous les six ans, d’un entretien professionnel qui fait un état des lieux récapitulatif de son parcours professionnel.
L’entretien professionnel est obligatoire pour tous les salariés ayant deux ans d’ancienneté quelle que soit la taille de l’entreprise (article L.6315-1 du code du travail ). Il est réalisé à l’initiative de l’employeur et doit faire l’objet d’un compte rendu écrit dont une copie est remise au salarié.
En l’espèce, la société – qui n’a pas répondu au moyen pris de la violation de cet article – ne démontre pas avoir organisé un tel entretien avant le 7 mars 2016, de sorte qu’elle a bien commis une faute.
Cependant, le salarié n’établit pas de préjudice en lien avec ce manquement, étant précisé d’une part que la loi a instauré des sanctions spécifiques en la matière et d’autre part, que la demande indemnitaire fait double emploi avec celle formulée au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail.
5- sur le statut de cadre dirigeant
Au visa de l’article L.3111-2 du code du travail, M.[A] reproche au conseil de prud’hommes d’avoir suivi le raisonnement de la société alors que :
– l’emploi qu’il exerçait ne pouvait lui conférer ce statut,
– il n’avait pas de liberté d’action et exécutait des tâches subalternes,
– sa rémunération n’était pas la deuxième plus importante de la société,
– il n’a jamais participé de façon permanente aux CODIR.
Il met en avant les éléments suivants :
– il devait pointer tous les jours et ne jouissait pas d’une réelle autonomie dans son emploi du temps,
– il n’avait pas de délégation de pouvoir pour signer les contrats et recruter,
– il n’avait pas de lien direct avec les détenteurs du capital,
– il percevait une prime RTT incompatible avec ce statut,
– des prérogatives lui ont été enlevées comme l’entretien annuel de son unique collaboratrice,
– il ne pouvait pas organiser ses déplacements sans l’accord préalable de ses supérieurs hiérarchiques et le remboursement de ses frais était limité,
– ses objectifs étaient déterminés par la directrice générale.
Il produit à l’appui :
– les pointages faits par l’entreprise du 01/07/2015 au 31/03/2016 (pièce 95)
– le témoignage de M. [Z] (pièce 718) qui déclare : «avoir été embauché par la SA HOM tout d’abord en qualité de VRP exclusif le 6 février 1990. Le 1er juin 1994, je devenais chef des ventes, puis le 23 novembre 2000, je devenais Directeur des ventes adjoint, et enfin, le 3 janvier 2006, j’étais promu Directeur des ventes France. (‘)
Pour ne pas m’accorder des RTT, ni me payer d’heures supplémentaires, la SA HOM a décidé de m’attribuer, alors que je n’en avais pas la prérogative, le statut de cadre dirigeant.
En conclusion, je n’avais pas la responsabilité de cadre dirigeant. Je n’avais pas d’autonomie dans mon travail. La stratégie commerciale était déterminée par la direction générale.
Je ne définissais pas mes conditions de remboursement de mes frais.
Bref, je n’exerçais aucune des prérogatives d’un cadre dirigeant, tout comme Monsieur [V] [A] qui ne définissait pas non plus la stratégie internationale dont il n’était qu’un simple exécutant. Lui non plus ne décidait pas de (la) prise en charge de ses frais, ne pouvait pas embaucher et n’avait pas d’autonomie réelle dans l’accomplissement de ses fonctions dont il devait systématiquement rendre compte à la direction générale. »,
– l’attestation de M.[D] (pièce 502a), ancien directeur des ventes jusqu’en 2007, s’exprimant dans les mêmes termes, considérant que le statut de cadre dirigeant n’était qu’un titre puisque : «le comité directeur auquel nous participions [avec M.[Z] et M. [A]] n’était qu’une instance d’information et de validation ; toutes les stratégies commerciales marketing et financière étaient décidées par la direction générale ; nous n’avions pas d’autonomie d’embauche du personnel ; nous n’avions pas d’autonomie de remboursement des frais ; nous devions rendre des comptes à la direction générale.»,
– l’avenant au contrat de travail du 26/07/2010 de Mme [K], directrice marketing communication niveau VI échelon 4, statut cadre dirigeant, ayant six ans d’ancienneté, ses fiches de paie (pièces 721 à 725),
– l’attestation Pôle Emploi où figure la mention 35h (pièce 730),
– l’invitation du 8 mars 2016 à un CODIR où le nom de M.[A] ne figure pas (pièce 661),
– un échange de mails du 04/03/2016 avec le directeur des ressources humaines concernant un déplacement prévu du 14 au 18 mars en région parisienne ( pièce 444),
– l’entretien annuel du 04/04/2016 de la collaboratrice Mme [G] [T], effectué par la directrice générale,
– un échange de mail du 18/02/2015 concernant un voyage en Asie (pièce179),
– un échange de mail du 31/10/2015 concernant une demande de congé à approuver du 26/11 au 27/11/2015 pour un déplacement à [Localité 8] (Espagne) «pour rencontrer notre agent aux Iles Canaries» (pièce 586),
– divers mails cités (pièces 124, 154, 186, 196, 197, 221, 224, 226, 238, 241, 242, 300, 307, 323, 344, 349, 407, 435, 442, 455, 460, 511 à 587, 600 à 624, 639 à 644),
– ses entretiens d’évaluation (pièces 477 à 483),
– un document détaillant les différents pôles de la société (pièce 485), un document de présentation au groupe Huber de janvier 2015(pièce 486) et un organigramme du 05/09/2013 (pièce 503),
– les pièces adverses 49-50-52 où M.[A] demande la procédure à suivre pour prolonger des contrats d’agents commerciaux ou pour ne pas renouveler certains.
La société observe que M.[A] qui a signé en qualité de délégué syndical CFTC l’accord du 12 mai 2000 sur l’aménagement, l’organisation et la réduction du temps de travail, n’a jamais contesté sa position comme d’ailleurs les personnes ayant apporté leur témoignage.
Elle indique que la rémunération de l’appelant se situait parmi les plus hautes de la société, soit en seconde position en 2015 (82.898 euros annuels), derrière le directeur commercial France, la directrice générale n’étant pas salariée mais mandataire.
Elle souligne que M.[A] bénéficiait de la classification la plus élevée de la convention collective soit niveau 6 échelon 4, précisant que le minimum conventionnel se situe à 56.180 euros.
Elle rappelle que M.[A] occupait une fonction stratégique dans le développement de l’activité commerciale de la société et participait systématiquement aux réunions du comité de direction.
Elle soutient qu’il était en contact direct avec l’actionnaire Huber par l’intermédiaire de Mme [X] (présidente du conseil d’administration de Hom et directrice financière du groupe) et a géré avec elle diverses situations.
Elle précise que lors de l’intégration au groupe Huber, il a été chargé de contacter tous les agents étrangers afin de négocier directement avec eux leurs nouveaux contrats ou d’intégrer les salariés Triumph dans le nouveau groupe, cette négociation commerciale menée par M.[A] aboutissant à la signature de contrats par Mme [X] qui en avait seule le pouvoir.
Elle indique qu’elle ne contrôlait pas le temps de travail de M.[A] mais que le système de badgeage pour les cadres dirigeants et les cadres au forfait avait pour finalité de gérer leur présence.
Elle estime que le fait que la directrice générale prenne des décisions s’imposant aux cadres dirigeants n’est que la manifestation du fonctionnement normal d’une entreprise.
Elle produit à l’appui :
– le kbis de la société où Mme [X] est indiquée comme présidente du conseil d’administration (pièce 48),
– des échanges de mail entre M.[A] et Mme [X] non traduits sur un commercial en Espagne (pièces 49-50-51),
– des échanges de mails les 29/07 et 24/08/2015 entre M.[A] et la directrice générale, le salarié indiquant dans le 1er avoir envoyé à Mme [X] sa proposition de contrat pour Mme [R] et dans le 2d, confirmant la signature du contrat par celle-ci avec envoi à Mme [X] (pièces 52 et 53),
– des mails rédigés en langue anglaise non traduits (pièces 54 à 62),
– une attestation de M. [Y], directeur commercial (pièce 63) précisant : «lors des réunions de Comité de direction auxquelles participait systématiquement M. [A], nous faisions systématiquement un point sur les résultats des différents secteurs : France et Europe pour mon secteur Export et Asie pour M.[A] . Le point consistait à comparer le CA vs-1 et vs l’objectif en cours. En fonction des résultats, nous envisagions ensemble les différentes possibilités et/ou solution pour développer du CA (…)»,
– des modules de formation suivis par le salarié (pièces 64 à 66) en mars 2010 sur le management transversal CODIR, en 2011 sur la créativité avec M.[Y] (directeur commercial), Mme [U] (directeur des ressources humaines) et Mme [K], un cycle de 63 heures du 26/11/2014 au 31/05/2015 intitulé «innovation stratégique» avec M.[Y] et Mme [U]
– un document daté de 2015 nommé «compte fiscal des frais alloués aux personnes les mieux rémunérés» où M.[A] est cité en 3ème derrière la directrice générale et M.[Y] (pièce 47),
– un document en anglais non traduit (pièce 95).
Aux termes de l’article L.3111-2 du code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.
La jurisprudence exige par ailleurs que le cadre participe à la direction de l’entreprise.
Ces cadres sont exclus des dispositions du code du travail sur la durée du travail, la répartition et l’aménagement des horaires, le repos quotidien et hebdomadaire, les jours fériés et la journée de solidarité.
Il résulte de l’avenant à effet du 1er décembre 2000 (pièce 14) comme des bulletins de salaire que, pendant plus de quinze ans, M.[A] a bénéficié du statut de cadre dirigeant avec une rémunération forfaitaire mensuelle brute sans référence horaire et sans conclusion d’une convention de forfait jours, l’erreur commise sur l’attestation Pôle Emploi lors de la rupture n’étant pas de nature à constituer un aveu de l’employeur, comme le soutient à tort l’appelant.
Il y a lieu de relever à l’instar de la société que, tant M. [Z] que Mme [K], nonobstant leur critique contenue dans leurs témoignages, n’ont pas remis en cause leur statut de cadre dirigeant dans le cadre de la contestation de leur licenciement intervenu respectivement pour le 1er en octobre 2008 et pour la 2ème en juin 2014, devant la juridiction des prud’hommes puis devant la cour.
Il a été démontré que le salarié ne percevait pas de façon distincte une prime RTT puisqu’elle a été intégrée dans son salaire fixe dès l’année 2010.
Il est incontesté que M.[A] bénéficiait du niveau le plus élevé de la classification cadres de la convention collective applicable et, sur l’année 2015, les pièces produites de part et d’autre démontrent que sa rémunération annuelle globale était parmi les plus hautes de la société, étant précisé que M. [D], Mme [K], M.[Z], salariés auxquels se compare M.[A], n’étaient plus présents à l’effectif à cette date.
Il résulte du préambule de l’accord signé par M.[A] ès qualités de délégué syndical sur l’aménagement du temps de travail que les cadres dirigeants, les VRP et les salariés à temps partiel en étaient exclus.
Dès lors, le badgeage effectué par le salarié n’avait pas vocation à contrôler son temps de travail et il ressort du document informatique produit par les deux parties que seul l’horaire d’entrée et de sortie était horodaté et que par défaut, soit en raison de congés (PRI en août 2015), d’un déplacement (DEP la semaine du 6 au 10 juillet 2015) ou de maladie (MAL mars et avril 2016), un horaire fictif d’entrée et sortie était indiqué.
En conséquence, M.[A] ne peut sérieusement dire qu’ il devait «pointer» tous les jours, aucun élément n’étant produit concernant un reproche lié à une absence ou à un horaire décalé, aucun contrôle n’étant opéré sur son emploi du temps que ce soit au sein des bureaux de l’entreprise ou lorsqu’il était en déplacement, de sorte qu’il jouissait d’une totale autonomie et liberté dans son emploi du temps.
Il n’existe pas d’incompatibilité entre le statut de cadre dirigeant et le fait que des objectifs étaient fixés au salarié par la directrice générale (son seul supérieur hiérarchique), lors de ses évaluations, puisque partie de la rémunération de l’appelant était constitué d’une prime d’objectifs et au regard de l’organisation de la société telle que présentée par M.[A], l’autonomie de ce dernier dans ses fonctions ne peut exclure des instructions précises, voire des ordres de la part de la directrice générale.
Comme tout salarié, M.[A] devait remplir des notes de frais s’il souhaitait se faire rembourser de ses débours et dans son attestation (pièce 77 de la société), le directeur financier explique la marche à suivre pour les voyages, pour lesquels en principe les salariés ne faisaient pas l’avance et c’est en toute mauvaise foi que M.[A] indique que la directrice générale lui a refusé le 2 août 2015 la classe business pour un voyage en Asie, celle-ci ayant seulement exprimé une réserve quant à l’accord du groupe Huber sur la classe sollicitée.
Les interrogations émises dans des mails par M.[A] concernant le renouvellement ou pas de contrats d’agents commerciaux ou de partenaires dont il n’est pas démontré qu’ils étaient comme tels salariés de la société, mais davantage des prestataires, relevaient d’un échange juridique et comme le fait observer la société, seule Mme [X] ès qualités avait le pouvoir de signature comme interface de l’actionnaire nouveau, à l’exclusion de la DRH et de la DG.
La cour relève, en outre, que l’essentiel des pièces adverses citées par M.[A] dans ses écritures, concernent une période où le changement d’actionnaire, a nécessité des ajustements.
Les attestations produites par le salarié démontrent qu’il participait régulièrement et de façon permanente aux comités de direction, ce que confirme également M.[Y], la seule invitation -au demeurant annulée – pour le mois de mars 2016 pour laquelle la présence de M.[A] n’était pas requise n’étant pas suffisante à elle seule pour dire qu’il avait été exclu et que la qualité de cadre dirigeant lui avait été retirée ; il en est de même concernant l’évaluation de sa collaboratrice faite pour l’unique année 2016 par la directrice générale, sans qu’elle lui ait interdit d’y procéder lui-même.
M.[A] faisait partie depuis de longues années du premier cercle concentrique de pouvoir entourant le chef d’entreprise et s’il ne déterminait pas seul la stratégie financière de la société, il était un des membres actif et décisionnaire de la société, notamment lorsqu’il rappelle le 3 août 2015 à l’ensemble du staff commercial le budget à réaliser (pièce 67 société) et demande une augmentation du nombre des commandes en ce sens, sans que la directrice générale n’ait interféré.
Cette participation à la direction de l’entreprise comme les autres critères cumulatifs visés par le texte étant démontrés, il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a dit que M.[A] devait être débouté de ses demandes relatives aux heures supplémentaires, à la contrepartie obligatoire en repos et au travail dissimulé.
6- sur l’obligation de formation et d’adaptation
Au visa de l’article L.6321-1 du code du travail, M.[A] indique que la société n’a pas respecté ces dispositions qui assurent l’adaptation des salariés à leur poste de travail et veillent au respect de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution de ces emplois, des technologies et des organisations.
En l’espèce, la société – qui n’a pas répondu au moyen pris de la violation de cet article – démontre par ses pièces 64 à 66 avoir fait bénéficier le salarié de formations jusqu’en 2015, en rapport avec ses fonctions de cadre dirigeant.
En conséquence, la demande indemnitaire est mal fondée et en tout état de cause, fait double emploi avec celle formulée au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail.
7- sur l’indemnisation complémentaire au titre de la maladie
L’appelant considère que le conseil de prud’hommes a dénaturé les pièces versées aux débats lesquelles apportent incontestablement la preuve d’une faute de la société, qu’elle a reconnue (pièce adverse19).
Il indique que dans le contrat Reunica (pièces 67-69), les dispositions étaient plus favorables que la convention collective puisqu’il aurait pu être indemnisé les 30 premiers jours à 90% puis à 100%.
Il précise que la société a conclu avec un nouvel organisme à compter du 1er janvier 2016 à des conditions plus défavorables :franchise de 30 jours puis couverture à 85% (pièces76-83).
Il fait valoir que cette modification est intervenue en violation des articles L.1321-1, R.2323-1-13 du code du travail et L.911-2 du code de la sécurité sociale et lui est dès lors, inopposable.
Il qualifie de délit d’entrave, la défaillance de la société dans l’information des salariés.
Il demande l’indemnisation du préjudice subi et le maintien des conditions de prévoyance de Reunica, se référant au calcul fait par la CPCEF.
Au visa de l’article 44 de la convention collective applicable, la société indique que M.[A] comptant plus de 30 années d’ancienneté, son indemnisation devait être de 90 jours à 90% puis de 90 jours à 70%, indemnisation qu’il a perçue (pièces 38-40) et que le tableau proposé par M.[A] en pièces 67 et 68 date de 2009 et est antérieur à l’avenant du 21 septembre 2010 ayant modifié la convention collective.
Elle précise que les garanties de prévoyance ont toujours été les mêmes tant auprès de Reunica que du nouvel assureur et que le fait que le comité d’entreprise n’ait pas été consulté préalablement au changement de contrat de prévoyance ne pouvait avoir pour effet de maintenir
les garanties antérieures, soulignant que la remise tardive du détail des garanties de Malakoff Mederic ne lui est pas imputable.
Il ne résulte pas des éléments produits aux débats que l’accord du 21 septembre 2010 ayant crée l’article 44, a eu pour effet de modifier les garanties données par l’organisme Reunica avec lequel l’entreprise était lié depuis le 1er janvier 2009 et qui pouvait proposer des conditions plus favorables que la convention collective.
Cependant, à la date où le salarié pouvait bénéficier de la complémentaire souscrite par l’employeur soit en avril 2016, il est démontré que la résiliation du contrat avec Reunica avait été faite et M.[A] avait adhéré le 18 janvier 2016 au contrat proposé par Malakoff Mederic (pièces 77 & 78 appelant).
S’il est exact que la société a tardé à recueillir l’avis du comité d’entreprise soit le 29 août 2016 et n’a régularisé cette situation que par la déclaration unilatérale du 7 novembre 2016, avec envoi des informations nécessaires aux salariés (accusé de réception signé par M.[A] le 15 novembre 2016), ce dernier n’est pas fondé à invoquer un délit d’entrave, n’ayant plus de mandat électif depuis décembre 2000.
Toutefois, l’information tardive soit plus de 10 mois après la souscription, alors que l’employeur aurait dû respecter au moins un délai de trois mois préalablement au changement, a pour effet de rendre inopposable à M.[A] la modification.
En effet, il y a d’autant plus intérêt que de l’aveu même de la directrice des ressources humaines
lors du comité d’entreprise, elle a indiqué que la tranche des cadres C – à laquelle appartient le salarié -, obtenait des conditions moins favorables et dès lors que M.[A] n’a été informé des garanties du nouvel assureur que par mail du 13 mai 2016, il a ainsi perdu une chance de pouvoir refuser l’adhésion et d’obtenir personnellement une garantie comparable à celle du régime antérieur.
Cependant, le préjudice subi de ce fait ne saurait recouvrer le montant de la garantie à laquelle il aurait pu prétendre.
Tenant compte des calculs effectués par la CEPCF (pièce 719 salarié ) lesquels démontrent également une distorsion dans les remboursements effectués, il y a lieu de fixer le préjudice de M.[A] à la somme de 15 000 euros.
8- sur le harcèlement moral
Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l’article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L’article L.1154-1 du même code dans sa version applicable à l’espèce (avant le 10 août 2016) prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce, M.[A] invoque les faits suivants :
– une modification unilatérale de ses fonctions (développée dans un paragraphe distinct pages 106 à 131 de ses conclusions), pouvant être résumée ainsi : il était relégué à un rôle de simple «merchandiser» notamment à compter de janvier 2016 comme amené à s’occuper de la gestion des emplacements de la société dans les grandes et moyennes surfaces, M. [Y] devenant son supérieur hiérarchique ; dans l’avenant proposé en mars 2016, son salaire de base était revu à la baisse, il perdait un échelon et son statut de cadre dirigeant, il n’avait plus aucune fonction commerciale, plus de rôle à l’international ; il n’avait plus de bureau personnel etc…
– des brimades,
– une agression publique de la part de la directrice générale lors d’une présentation à [Localité 7] en janvier 2016,
– un rendez-vous avec la DRH le 26/01/2016 au cours duquel il lui a été clairement indiqué que la société avait l’intention de se séparer de lui,
– l’absence d’entretien individuel pendant deux ans,
– une mise à l’écart de ses fonctions de BDM n’étant plus destinataire des mails importants et n’étant plus invité au CODIR.
Il produit notamment à l’appui :
– sa lettre du 4/05/2016 adressée à la directrice générale et à M.[PB], directeur général du groupe (pièces 40-41) :
«Ma charge de travail est devenue considérable. J’effectue de très nombreuses heures supplémentaires. Je suis stressé en permanence par le souci de mener à bien toutes les tâches que vous m’avez imposées et qui se multiplient, et à solutionner les problèmes qui s’accumulent. Depuis plusieurs mois, je ne dors plus la nuit, préoccupé en permanence par les solutions à trouver pour résoudre ces difficultés. En parallèle de cette accumulation de nouvelles tâches « back office », éloignées de mon poste de « Business Development Manager » et en dépit de mes bons résultats commerciaux rappelés ci-dessus, j’ai bien noté, depuis plusieurs mois, la tendance de la Direction Générale à m’enlever insidieusement les fonctions et responsabilités de mon travail originel. (…)
[T] [G], qui a toujours été sous ma responsabilité depuis que je l’ai recrutée en 1985, travaille depuis quelques semaines en direct avec vous, et pour la première fois, cette année, son entretien annuel a été fait par vous-même, sans que je n’en soie informé. La situation s’est brutalement dégradée, le vendredi 22 janvier 2016, dans les locaux de l’Imprimerie à [Localité 7], lors d’un événement qui a révélé votre hostilité à mon égard.
En effet, après une présentation de collection par [T] [G] à un collaborateur «pressé » de notre importateur portugais, Tecom, vous nous avez exprimé de manière très agressive votre mécontentement sur notre présentation qui ne suivait pas, selon vous, vos dernières directives élaborées pour la prospection aux USA.
Choqué par cette remarque injuste dans un contexte de travail difficile et tendu, je vous ai fait part de mon profond désaccord sur votre attitude particulièrement déplacée à mon égard et à l’égard de Madame [G]. Suite à ces faits, vous m’avez convoqué dans votre bureau, le 26 janvier 2016, à un entretien, en présence de [W] [U], durant lequel j’ai entendu de nombreux propos négatifs me concernant et l’annonce claire de la fin de notre collaboration.
Depuis, un changement radical de fonctions m’a été proposé par [W] [U], à savoir le poste de Responsable comptes clés GMS France et international.
De plus, [W] [U] m’a informé oralement sur votre intention de procéder à un licenciement économique à mon encontre si je refusais ce poste.
Tous ces changements et rajouts de tâches répétés, ces man’uvres peu nettes concernant mes fonctions et responsabilités destinés clairement à m’écarter de mon poste de Direction commercial international et ces critiques infondées et dégradantes sont psychologiquement très éprouvantes et déstabilisantes et me mettent dans une situation professionnelle très difficile à gérer.
Je suis dévalorisé et mis à l’écart. Le coup de grâce m’a été porté le 9 mars 2016, lorsque j’ai appris que Madame [U] souhaitait me voir avant le 1er avril pour me faire signer, sous la menace d’un licenciement, un avenant à mon contrat de travail et me confier définitivement la fonction de « Responsable comptes clés GMS France et international » sous la responsabilité de [P] [Y], accompagné d’une baisse de niveau de qualification professionnelle et de salaire.
Les missions décrites dans cet avenant correspondent en fait à celles d’un simple employé.
En effet, il est prévu de me retirer toute fonction commerciale, toute fonction d’encadrement et de n’être plus que le relais entre la grande distribution et l’entreprise, avec principalement une fonction de merchandising.
Le médecin psychiatre qui me suit, a considéré que mon état de santé était en lien direct avec mes conditions de travail, vu mon état, il m’a immédiatement arrêté. (‘)
Sachez que je me réserve le droit de demander l’indemnisation des préjudices que je subis du fait de vos agissements qui constituent des actes de harcèlement et une exécution déloyale de mon contrat de travail.
Comme ces faits ont lieu au siège social de la société HOM à [Localité 6], où je suis affecté, je me vois dans l’obligation d’en informer la société mère en Autriche afin que toute mesure soit prise pour qu’ils cessent. »
– différents courriels adressés en 2013-2014 par Mme [J] [S] (responsable Asie ayant démissionné) concernant la directrice générale, la qualifiant de «femme folle», indiquant que Mme [RG] l’a insulté, lui a crié dessus et précisant à cette dernière le 30/01/2014«Je suis partie avec le c’ur brisé et en sang. Avec l’attitude actuelle de la haute direction envers HOM et votre approche envers la marque et la façon dont vous voyez les atouts de votre équipe, le futur de HOM est moins que prometteur. » (pièces 599-663-717)
– un mail de M.[E] se plaignant du management de Mme [RG] (pièce 527)
– l’entretien annuel annulé en 2015 (pièce 483)
– le mail ne l’invitant pas au CODIR (pièce 661)
– le catalogue 2016 où il figure uniquement au poste d’export manager sur l’Espagne (pièce 660)
– un mail de la directrice générale du 23/07/2015 l’invitant à se former rapidement à la supervision des livraisons (pièces 532),
– différents mails d’octobre à décembre 2015 émanant de diverses personnes concernant des commandes, livraisons, étiquetages (pièces 431-439-542-545-548-552-553-601-602-603-608-609-611-612-613-680), des échantillons et catalogues pour les USA (pièce 393)
– différents mails échangés début avril 2016 démontrant selon le salarié un rôle d’assistant du directeur commercial (pièces 474-556-592-593-622-623),
– des mails concernant le secteur Asie qui ne lui étaient plus adressés directement (pièces 533-534-538-539-541-543-557-558-563-626 à 630)
– les avenants proposés en mars 2016 (pièces 23-24)
– le mail du 09/03/2016 lui précisant qu’avec l’indemnisation des RTT, son salaire mensuel brut s’elevait à 5 807,75 euros,
– des pièces médicales : ses arrêts de travail (pièces 489 à 496 du 13/04 au 14/12/2016), le protocole de soins établi par le Dr [I] médecin psychiatre le 29/02/2016 constatant «un état anxiodépressif majeur, syndrome de burnnout» (pièces 61-62), le certificat de suivi de ce même médecin (pièce 63), un rapport d’expertise du Dr [B] du 5/10/2016 (pièce 65) fait à la demande de l’organisme de prévoyance, concluant à une ITT justifiée à prolonger de 6 à 8 mois pour état dépressif d’épuisement.
Le salarié établit ainsi l’existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre.
La société fait valoir que son intégration au groupe Huber a entraîné une réorganisation de l’activité commerciale de M.[A] avec une baisse d’activité ce pourquoi, il a été demandé à ce dernier de prendre en charge à titre temporaire le service client France et International, ce qu’il a accepté.
Elle indique que le salarié n’était plus en charge de la Suisse et de l’Autriche en 2015, que le développement commercial de l’Asie a été confié à M.[L], mais sous la supervision de M.[A] et que ce dernier avait toujours en charge le Royaume-Uni mais n’a jamais eu les USA, le poste ayant été confié à M.[N] en mai 2016.
Elle précise que la directrice générale s’est chargée de l’évaluation de Mme [G], faute pour M.[A] d’y avoir procédé mais qu’à aucun moment il n’a été question de le priver de ses fonctions managériales.
S’agissant de l’incident du 22 janvier 2016, elle indique que lors de la présentation de la collection à un client, la directrice générale a estimé qu’elle n’était pas satisfaisante et en a fait le reproche à M.[A] sans agressivité mais que ce dernier s’est emporté comme en témoigne M.[N].
Elle dénie toute volonté de se séparer du salarié lors de l’entretien du 26 janvier 2016 puisque quelques jours plus tard, une proposition de poste portant sur le développement du marché de la GMS lui a été faite, ce repositionnement ayant été discuté avec le salarié, celui-ci s’étant déclaré intéressé dans un premier temps par ce challenge et ayant fait une tournée en région parisienne avec M.[Y] au mois de mars 2016, mais ayant été ensuite en arrêt pour maladie avant d’avoir signé son avenant.
Elle précise qu’à la suite de la lettre de M.[A] du 4 mai 2016, elle a été amenée à rappeler à M.[A] la réalité des faits et à présenter le poste de «directeur compte-clés GMS France et International» sur le fondement de l’article L.1222-6 du code du travail, détaillant les missions attribuées qui ne pouvaient être assimilées à celle d’un merchandiser.
Elle produit à l’appui :
– deux documents en langue allemande non traduits relatifs au secteur Suisse et Autriche (pièces73-74)
– l’entretien annuel de Mme [G] du 04/04/2016 (pièce71)
– des mails de mai, juin et juillet 2015 en langue anglaise non traduits (pièces 54-55-56-58-59-61-62)
– l’avenant de mai 2016 au contrat de travail de M.[N] (pièce 72) indiquant que ce dernier devient responsable grands comptes International sous l’autorité du directeur commercial Europe, pour la partie France et sous l’autorité directe de la directrice générale pour les USA,
– les échanges par mail entre M.[A] et Mme [U] de mars 2016 concernant les EPO et la proposition de poste à venir (30-31)
– l’attestation de M.[N] (pièce 75) indiquant qu’après le départ de l’importateur portugais Mme [F] [RG] directrice générale a, dans une pièce voisine, réuni M.[A] et Mme [G] leur reprochant un manque de préparation du rendez-vous jugé trop expéditif sans utilisation du support prévu: «Le ton de Mme [RG] était un ton de reproche mais je n’ai pas décelé d’agressivité dans ses propos.Par contre, immédiatement M.[A] s’est violemment emporté en haussant la voix, expliquant à Mme [RG] qu’il n’avait pas pu travailler sur la nouvelle collection, ni préparer convenablement le rendez-vous, à cause de sa charge de travail. (…) Tous les collaborateurs présents dans le showroom dont moi, nous sommes sentis mal à l’aise à l’écoute du ton violent et disproportionné, adopté par M.[A], qui soudainement ne semblait plus maître de lui.»
– le témoignage de M.[Y], directeur commercial, relatant la semaine de mars 2016 avec M.[A] qui logeait chez son fils et n’a pas fait de dîners de travail (pièce 76),
– les visites médicales périodiques de la médecine du travail dont la dernière du 30/10/2014 ayant déclaré apte le salarié (pièce 78)
– le document unique d’évaluation des risques (pièce 4).
La cour, ayant confronté les éléments présentés de part et d’autre, relève que M.[A] n’établit pas que la directrice générale a commis à son égard «une agression publique» lors d’une présentation à [Localité 7] en janvier 2016, ni exprimé clairement le même mois sa volonté de se séparer du salarié.
Cependant, il ressort de la chronologie des faits qu’à partir de juillet 2015, M.[A] a été chargé d’autres tâches n’entrant pas dans son rôle de BDM et progressivement, des décisions sont intervenues sans aucune transparence par une réorganisation ayant pour effet de vider de sa substance son poste, sans qu’il résulte de documents produits par la société d’une part que l’actionnaire exigeait ce remaniement et d’autre part qu’il était lié à des considérations économiques, lesquelles ont été émises bien plus tard.
Dans ce cadre, il est noté un manque de communication voire un mépris de la part de la directrice générale qui n’a pas effectué d’entretien individualisé du salarié que ce soit pour lui fixer des objectifs ou pour réfléchir avec lui à des perspectives d’évolution de carrière.
Il est patent que M.[A] a été mis à l’écart notamment sur le volet international dont il était chargé depuis de nombreuses années et n’a pu que se sentir déclassé et dévalorisé lorsque l’avenant à son contrat de travail lui a été présenté, alors même qu’il ne lui avait été fait aucun reproche par écrit auparavant.
En effet, outre la modification des fonctions exercées, le contrat proposé avait pour effet de rétrograder M.[A] en lui faisant perdre un échelon, le statut de cadre dirigeant (même s’il considérait qu’il ne s’agissait que d’un titre) et son supérieur hiérarchique direct était le directeur commercial et non plus la directrice générale.
Par ailleurs, il lui était imposé un forfait jours, alors qu’auparavant il avait une totale autonomie dans son emploi du temps, son salaire de base était rabaissé et la rémunération variable était pour l’année 2016 prévue pour un maximum de 8 000 euros (au lieu de 10 000 euros) dont la moitié liée à des objectifs personnels non définis.
La cour constate que ces différents actes répétés dans le temps ont eu pour effet de dégrader non seulement les conditions de travail de M.[A] mais ont porté atteinte à ses droits et à sa dignité et causé l’altération de son état de santé constatée médicalement et a acquis ainsi la conviction que le salarié a été victime d’un harcèlement moral.
En conséquence, l’employeur qui échoue à démontrer que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à une situation de harcèlement moral, doit être condamné à payer à ce titre à M.[A] la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts.
9-sur l’obligation de sécurité
Le code du travail impose cette obligation à l’employeur par les articles L.4121-1 & suivants, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 22 septembre 2017, en ces termes:
L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1 Des actions de prévention des risques professionnels;
2 Des actions d’information et de formation ;
3 La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
L’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention prévus à l’article L.4121-2 du même code.
Il doit assurer l’effectivité de ces mesures.
Le salarié se contente d’exposer des généralités sans cerner un manquement particulier, étant précisé qu’il n’a pas saisi la médecine du travail ou les instances représentatives du personnel, que l’obligation de sécurité n’est que de moyens renforcée et non plus de résultat et que lors de l’envoi de sa lettre en mai 2016, il était en arrêt pour maladie et n’est plus revenu dans l’entreprise, de sorte que la société ne pouvait pas mettre en oeuvre des mesures le concernant.
En conséquence, l’appelant doit être débouté de sa demande à ce titre.
10- sur l’exécution déloyale du contrat de travail
L’appelant invoque au visa de l’article L.1222-1 du code du travail et à l’appui d’une demande à titre de dommages et intérêts :
– une amputation de son indemnité de licenciement,
– l’attribution illégale du statut de cadre dirigeant, ayant eu une influence sur son compte personnel de formation,
– le non paiement d’heures supplémentaires, de la prime contractuelle et de la prime d’objectif,
– l’absence d’entretien, de formation,
– la modification substantielle de ses fonctions, la modification illégale du contrat de prévoyance et l’absence de versement du complément de salaire.
La société considère que l’intégralité des allégations de M.[A] sont fausses et que sa demande fait double emploi avec d’autres demandes de dommages et intérêts présentées par ailleurs.
Même si la cour n’a retenu que partie des manquements exposés par le salarié, ces fautes de la société ont occasionné à M.[A] un préjudice, distinct de celui résultant des sommes déjà allouées, qui doit être fixé à la somme de 5 000 euros.
Sur la rupture du contrat de travail
Lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d’autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C’est seulement dans le cas contraire qu’il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur.
Lorsque le salarié n’est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement.
1- sur la demande de résiliation judiciaire
La cour ayant constaté que l’employeur a failli gravement dans plusieurs de ses obligations à l’égard du salarié considère la poursuite du contrat de travail impossible et dès lors la demande de résiliation judiciaire fondée, laquelle doit prendre effet à la date du licenciement.
La résiliation judiciaire du contrat de travail, prononcée aux torts de l’employeur en raison, notamment, du harcèlement moral dont le salarié a été victime, produit les effets d’un licenciement nul conformément aux dispositions de l’article L. 1152-3 du code du travail.
2- sur les conséquences financières de la rupture
Sur le salaire de référence
L’appelant n’est pas fondé à intégrer dans son calcul les primes sur objectifs 2015 et 2016 (restées impayées) puisque :
– la période retenue est celle précédant le 1er arrêt maladie intervenu en mars 2016, soit du mois de mars 2015 au mois de février 2016 inclus, et non pas un salaire reconstitué,
– la prime 2014 a été réglée sur le bulletin de salaire du mois d’avril 2015 et a été retenue dans le calcul,
– la prime sur objectifs des années précédentes était réglée en avril (bulletins de salaire années 2011-2012-2013) et en 2014, ne l’a été que sur le bulletin de salaire de mai.
La cour relève à cet égard que la CEPCF a bien spécifié page 3 de sa note de synthèse, le faire «à la demande du client».
En conséquence, le salaire à retenir comme le plus favorable pour M.[A] étant celui des douze mois précédant son arrêt maladie, il s’établit à 85 605,44 € /12 = 7 133,79 euros.
Sur l’indemnité compensatrice de préavis
Cette indemnité est dûe indépendamment de la contribution que l’employeur a versé à Pôle Emploi pour le CSP, laquelle n’ayant pas été versée au salarié ne peut être déduite, et indépendamment de l’inexécution du préavis.
La cour note que la CEPCF a retenu un préavis de 4 mois pour calculer l’ancienneté et d’autres indemnités, tandis que dans ses conclusions M.[A] demande 3 mois.
Compte tenu de l’ancienneté du salarié, il a effectivement droit conformément aux dispositions conventionnelles relatives aux cadres à une indemnité correspondant à quatre mois de salaire soit 7 133,79 x 4 = 28 535,16 euros.
En revanche, le salarié nest pas recevable à demander les congés payés sur cette somme, puisqu’il les intègre à l’indemnité compensatrice de congés payés.
Sur l’indemnité de licenciement
La fin de non recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir de la société soulevée par M.[A] se révèle inopérante puisque ce dernier critique également le montant retenu par le conseil de prud’hommes.
La cour retenant la méthode de calcul de la CEPCF laquelle est conforme à la convention collective et n’a pas été contestée par l’employeur, fixe l’ancienneté du salarié à 32 ans et 4 mois et en conséquence l’indemnité conventionnelle lui revenant, en fonction du salaire de référence visé ci-dessus, s’établit à la somme de 76 968,456 € dont il convient de soustraire la somme perçue de 64 341,31 €, de sorte qu’il revient à M.[A] un solde de 12 627,15 euros.
Sur l’indemnité compensatrice de congés payés et l’indemnité congés pour ancienneté
Le calcul opéré par la CEPCF est légitime comme intégrant la prime sur objectifs de 10 000 euros au titre de l’année 2015 qui aurait dû être versée en 2016, les congés payés du préavis de sorte que l’indemnité recalculée s’établit à 17 823,33 € dont il convient de soustraire la somme versée à ce titre pour 13 214,79 € soit un reliquat de 4 608,54 euros.
Les congés ancienneté sur la période de juin 2016 à avril 2017 sont dûs à hauteur de 1 395,34 euros.
Sur l’indemnité pour licenciement nul
A la date du licenciement, M.[A] avait 62 ans, un revenu salarial mensuel moyen de 7 133,79 euros, bénéficiait au sein de l’entreprise d’une ancienneté de plus de 32 ans et a perçu l’allocation de retour à l’emploi jusqu’en mai 2018.
Au regard des circonstances de la rupture, il convient d’allouer au salarié, au titre du préjudice subi, la somme de 300 000 euros.
Sur les autres demandes
Les sommes allouées à titre de salaires porteront intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l’employeur (présentation de la lettre recommandée) à l’audience de tentative de conciliation valant mise en demeure.
Les sommes allouées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision.
La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.
Sous une rubrique page 164 de ses conclusions intitulée «Sur la remise de nouveaux bulletins de salaire correspondants aux rappels d’heures supplémentaires mensuelles octroyés au salarié et sur la perte de chance des droits à la retraite» (sic), l’appelant sollicite la délivrance d’autant de bulletins de salaire rectifiés que de mois concernés par le rappel de salaire outre une indemnisation de la perte de ses droits à la retraite chiffrée forfaitairement à 100 000 euros.
La cour n’a pas déclaré fondée la demande au titre des heures supplémentaires de sorte qu’il n’y a pas lieu à délivrance de bulletins de salaire rectifiés mois par mois.
Il appartiendra à la société de délivrer sans astreinte, un bulletin récapitulatif mentionnant le rappel de salaire accordé au titre de la rémunération variable au titre de chaque année concernée, conformément à la présente décision, afin que M.[A] puisse le présenter lors de la liquidation de ses droits à retraite.
Compte tenu de son montant rapporté au mois, le salarié ne fait pas la démonstration d’une perte de chance d’obtenir une pension de retraite plus élevée et doit en conséquence, être débouté de cette demande.
La remise des documents sociaux rectifiés doit être ordonnée mais sans nécessité d’une astreinte.
Sur la garantie de l’AGS
La société étant bénéficiaire d’un plan de continuation, l’Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 6], à laquelle l’arrêt est opposable comme partie intervenante, doit sa garantie sur les créances fixées par la présente décision mais seulement à titre subsidiaire.
Sur les frais et dépens
La société qui succombe même partiellement, doit s’acquitter des dépens d’appel, être déboutée de sa demande faite sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à ce titre payer à M.[A] la somme de 4 000 euros comprenant le remboursement de la facture à hauteur de 900 euros de la société CPECF, dont la note de synthèse a été un élément utile pour la solution du litige.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, en matière prud’homale,
Infirme le jugement entrepris,
Statant à nouveau et Y ajoutant,
Condamne la société Hom à payer à M.[V] [A], au titre de l’exécution du contrat de travail, les sommes suivantes :
– 10 000 euros au titre de la prime d’objectifs de l’année 2015,
– 2 500 euros au titre de la prime d’objectifs de l’année 2016,
– 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi concernant le complément employeur,
– 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral
– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Hom, à la date du 22 novembre 2016,
Dit que la résiliation judiciaire, du fait des agissements de harcèlement moral, a les effets d’un licenciement nul,
Condamne la société Hom à payer à M.[V] [A], au titre de la rupture du contrat de travail, les sommes suivantes :
– 21 401,37 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 12 627,15 euros au titre d’un solde d’indemnité de licenciement,
– 4 608,54 euros au titre d’un solde d’indemnité compensatrice de congés payés,
– 1 395,34 euros au titre des congés payés sur ancienneté,
– 300 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
Dit que les sommes allouées à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du 28/07/2016 et celles à titre indemnitaire à compter de la date de la présente décision,
Ordonne la capitalisation de ces intérêts à condition qu’ils soient dus au moins pour une année entière,
Rappelle que la garantie de l’Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 6] sur les créances est subsidiaire,
Ordonne à la société Hom de remettre à M.[A] un bulletin récapitulatif mentionnant les sommes allouées en spécifiant chaque année concernée, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt,
Dit n’y avoir lieu à astreinte,
Condamne la société Hom à payer à M.[V] [A] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette les autres demandes de M.[A],
Condamne la société Hom aux dépens de 1ère instance et d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT