Produits dérivés : 10 novembre 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/03123

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Produits dérivés : 10 novembre 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/03123
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7ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°464/2022

N° RG 19/03123 – N° Portalis DBVL-V-B7D-PYJI

SAS BOIS ET MATERIAUX

C/

M. [S] [O]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Loeiza ROGER, lors des débats, et Madame Françoise DELAUNAY, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 20 Septembre 2022 devant Monsieur Hervé BALLEREAU, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Monsieur [W], médiateur judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 10 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

SAS BOIS ET MATERIAUX

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représentée par Me Laurent GERVAIS de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉ :

Monsieur [S] [O]

né le 10 Octobre 1969 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Yves GENTRIC de la SELARL AVEL AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Jean-Paul RENAUDIN de la SCP GUILLOU-RENAUDIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [S] [O] a été engagé par la SAS Bois & Matériaux selon un contrat de travail à durée indéterminée en date du 14 décembre 2015. Il exerçait les fonctions de Directeur Supply Chain et signait une délégation de pouvoirs liée à sa fonction.

Les relations entre les parties étaient régies par la convention collective du négoce de bois d’oeuvre et produits dérivés.

Par courrier remis en main propre en date du 28 avril 2017, M. [O] était convoqué à un entretien préalable au licenciement prévu le 10 mai suivant.

Le 10 mai 2017, il adressait à la société Bois & Matériaux un arrêt de travail pour la période du 10 au 16 mai 2017.

Le 17 mai 2017, M. [O] s’est vu notifier son licenciement pour insuffisance professionnelle, la société lui reprochant des manquements professionnels dans l’animation de son périmètre, des insuffisances managériales, une insuffisance dans l’analyse et la résolution de problèmes ainsi qu’un manque de méthode, de formalisation et d’initiative dans la mise en oeuvre des plans d’actions.

Le même jour, la société recevait un arrêt de travail daté du 16 mai 2017, établi sur le formulaire dédié aux accidents du travail et maladies professionnelles et prescrivant au salarié un arrêt du 10 mai au 16 juin 2017.

***

M. [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Rennes par requête en date du 05 juillet 2017 afin de voir juger son licenciement entaché de nullité, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse et d’obtenir le paiement de dommages-intérêts et indemnités de rupture.

Il sollicitait en outre que la convention de forfait annuel en jours lui soit déclarée inopposable et que la société Bois et Matériaux soit condamnée au paiement d’un rappel de salaire pour heures supplémentaires, contrepartie obligatoire en repos et une indemnité pour travail dissimulé.

Il sollicitait enfin le paiement d’une indemnité pour frais irrépétibles et l’exécution provisoire du jugement.

Par jugement en date du 08 avril 2019, le conseil de prud’hommes de Rennes a :

– Dit que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse,

– Condamné la société Bois & Matériaux à payer à M. [O] la somme de 45 036 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Dit et jugé inopposable à M. [X] convention de forfait en jours mentionnée sur son contrat de travail,

– Dit et jugé que la demande de paiement d’heures supplémentaires de M. [O] n’est pas fondée, l’a débouté de cette demande et de la totalité de ses demandes afférentes et notamment la demande de travail dissimulé,

– Fixé la moyenne brute des trois derniers mois de salaire de M. [O] à la somme de 7 506,06 euros,

– Condamné la société Bois & Matériaux à payer à M. [O] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

– Débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– Ordonné le remboursement par la société Bois & Matériaux à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées a M. [O], dans la limite de 6 mois d’indemnités en application de l’article R1235-4 du code du travail,

– Condamné la société Bois & Matériaux au paiement des dépens de l’instance, ainsi qu’à ceux éventuels d’exécution.

***

La SAS Bois & Matériaux a interjeté appel de cette décision le 13 mai 2019.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique par son avocat le 24 janvier 2022, la SAS Bois & Matériaux demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [O] de sa demande en paiement d’heures supplémentaires et de l’infirmer pour le surplus.

Elle demande à la cour de débouter Monsieur [O] de l’ensemble de ses demandes.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de réduire à de plus justes proportions le montant des dommages et intérêts octroyés, si par impossible la Cour devait estimer que la demande de Monsieur [O] est fondée en son principe.

Elle demande par voie reconventionnelle la condamnation de M. [O] à lui rembourser les sommes suivantes:

– 6 459,34 euros au titre des jours non travaillés indûment perçus,

– 22 520 euros au titre de la majoration de salaire de 15% indûment perçue.

Elle sollicite la condamnation de Monsieur [O] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sa condamnation aux éventuels dépens.

La société Bois et Matériaux développe en substance l’argumentation suivante:

– Lorsque la directrice des ressources humaines de la société a signé la notification du licenciement le 17 mai 2017 à 8h30, elle n’avait pas connaissance de l’origine professionnelle de l’absence de M. [O], puisque le courrier contenant l’avis d’arrêt de travail correspondant n’est parvenu à l’entreprise qu’en milieu de matinée ; l’employeur n’avait pas plus connaissance de la volonté du salarié de voir prendre en charge son accident au titre de la législation professionnelle ;

– L’article L1226-9 du code du travail n’a pas lieu de s’appliquer dès lors que le nouvel arrêt réceptionné par l’employeur le 17 mai 2017 a été établi avec un effet rétroactif pour la période du 10 mai au 16 juin 2017, sans que le salarié n’ait respecté son obligation déclarative ;

– M. [O] n’a pas mis en place les ‘briefs hebdomadaires’ et outils de pilotage prévus sur le site de [Localité 3] dont il avait la responsabilité à compter du mois de février 2017 ; les engagements pris à l’issue d’un conflit social le 11 octobre 2016 n’ont pas été suivis d’effet ; ces insuffisances étaient pointées lors d’un entretien du 24 février 2017 ;

– M. [O] s’est révélé dans l’incapacité de prévenir les risques révélés par l’incident du 6 avril 2017; aucun audit de sécurité n’avait été fait ;

– Malgré l’existence d’indicateurs mesurant une performance insuffisante, aucun plan d’actions n’a été proposé par le salarié ; de nombreux clients se plaignaient de retards importants de livraison ou de livraisons non-conformes; il n’était pas fait de propositions d’améliorations et M. [O] ne répondait pas aux sollicitations de son supérieur hiérarchique ;

– L’entretien d’évaluation de février 2017 fait certes état de points de satisfaction, mais il relève des points de vigilance liés aux insuffisances constatées ; les insuffisances visées dans la lettre de licenciement sont postérieures à l’entretien et la société n’a donc pas agi brusquement et de manière incohérente ;

– Un accord d’entreprise a été conclu le 20 janvier 2000 en application des dispositions de l’accord de branche relatives aux salariés dont le travail ne s’effectue pas dans le cadre d’un horaire défini et contrôlé par l’employeur ; le contrat de travail de M. [O] reprend strictement des dispositions conventionnelles fixant le nombre de jours de repos dans l’année et permettant de déterminer le nombre maximum de jours travaillés ; en cas de nullité de la convention de forfait, M. [O] devrait rembourser les jours non travaillés et la majoration versée de 15% en contrepartie de la convention de forfait ;

– Les mails communiqués par le salarié ne permettent pas de reconstituer une journée de travail et son amplitude; M. [O] est dans l’incapacité de reconstituer son temps de travail ; il n’est démontré aucune dissimulation intentionnelle d’activité.

Dans ses dernières conclusions transmises par son avocat par voie électronique le 1er février 2022, M. [O] demande à la cour d’appel d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il 1’a débouté de ses demandes formulées au titre de la nullité du licenciement ‘et lui accorder en conséquence’ (sic):

– A titre d’indemnité de préavis, la somme de 22 518,18 euros ;

– A titre d’indemnité de congés payés sur préavis, la somme de

2 251,81 euros ;

– A titre d’indemnité la somme de 68 000,00 euros.

A titre, subsidiaire :

– Confirmer le jugement en ce qu’il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– Réformer le jugement en ce qu’il a limité à la somme de 45.036 euros l’indemnité accordée à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– En conséquence, statuant à nouveau, condamner la société Bois & Matériaux à lui verser à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 68 000 euros ;

En tout état de cause :

– Le recevoir en sa qualité d’appelant incident et réformer le jugement attaqué en ce qu’il a jugé valable la convention de forfait en jours ;

– Confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a jugé privée d’effet la convention de forfait annuel en jours,

– Recevoir Monsieur [O] en sa qualité d’appelant incident et réformer le jugement attaqué en ce qu’il l’a débouté de ses demandes au titre des heures supplémentaires (et des congés payés y afférents), de la contrepartie obligatoire sous forme de repos (et des congés payés y afférents) et de l’indemnité pour travail dissimulé ;

– En conséquence, statuant à nouveau condamner la société Bois & Matériaux à lui payer:

– A titre de règlement des heures supplémentaires, en ce compris les congés payés : 66 385,57 euros

– A titre de paiement de la contrepartie obligatoire sous forme de repos, en ce compris les congés payés : 34 812,80 euros

– A titre d’indemnité pour travail dissimulé : 45 036,36 euros

– Confirmer d’indemnité accordée au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 1.500 euros en première instance et condamner la société Bois & Matériaux à lui payer, en cause d’appel, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 3.000 euros.

– Concernant les demandes reconventionnelles de la société Bois & Matériaux :

– à titre principal les juger irrecevables ;

– à titre subsidiaire, en débouter la société Bois & Matériaux.

M. [O] fait valoir en substance que:

– Au jour de l’envoi de la lettre de licenciement, l’employeur était informé de l’accident du travail qui avait été déclaré ; il ne pouvait donc rompre le contrat de travail que dans l’hypothèse d’une faute grave ou s’il justifiait de son impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’accident; le licenciement étant fondé sur une prétendue insuffisance professionnelle ne répond pas aux exigences posées par l’article L 1226-9 du code du travail et la rupture est dès lors entachée de nullité;

– Subsidiairement, le motif de licenciement n’est pas réel et sérieux ; l’entretien professionnel du 15 septembre 2016 relevait les qualités professionnelles du salarié; les primes allouées sont contradictoires avec l’insuffisance professionnelle alléguée ; l’entretien du 24 février 2017 lui fixait comme objectif pour les deux premiers trimestres de l’année, de reprendre le management du site de [Localité 3] ; ses qualités de leadership étaient reconnues ; la procédure de licenciement a été engagée bien avant la fin du second trimestre ; le poste de responsable de la plate-forme de [Localité 3] ne correspondait pas aux fonctions du salarié ; l’inspecteur de l’assurance maladie a relevé les propos de la directrice des ressources humaines reconnaissant que le salarié ne disposait pas de moyens suffisants pour mener à bien la mission de responsable de site;

– Il n’était pas en charge du site de [Localité 3] lors du conflit social survenu au mois d’octobre 2016 ; il a organisé un audit de sécurité au lendemain de l’accident survenu le 6 avril 2017 ; il avait alerté sa hiérarchie sur la question de la sécurité des rayonnages dès le mois de janvier 2017 ;

– Il a élaboré des outils de pilotage ; un plan de progrès du site de [Localité 3] était diffusé en mars et avril 2017; son supérieur hiérarchique reconnaissait au mois d’avril 2017 que les difficultés d’approvisionnement des différentes agences n’étaient pas liées à une inactivité de M. [O] mais à une forte croissance de l’activité ; le site était en sous-effectif de préparation de commandes et transports ; il n’était pas en charge du client Geoxia ;

– La clause contractuelle de forfait en jours ne fixe pas le nombre de jours travaillés dans l’année ; aucun entretien annuel d’évaluation de la charge de travail du salarié n’a eu lieu ; la convention de forfait est donc inopposable au salarié ;

– Il produit un cahier de présence et des échanges de mails qui permettent à l’employeur de répondre en justifiant des horaires effectivement réalisés ;

– Les demandes reconventionnelles de l’employeur sont irrecevables car formées pour la première fois en cause d’appel ; en tout état de cause, le salarié n’a pas à rembourser des jours de RTT si la convention de forfait est annulée; le contrat de travail ne fait pas référence à une majoration afférente au forfait jours.

***

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 10 février 2022 avec fixation de la présente affaire à l’audience du 14 février 2022.

Par arrêt en date du 24 février 2022, la cour d’appel de Rennes, après avoir recueilli l’accord des parties, a ordonné une médiation et ordonné la réouverture des débats avec renvoi de l’affaire à l’audience du 20 septembre 2022. Les parties ne sont pas parvenues à un accord.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues oralement à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur la contestation du licenciement:

L’article L 1232-1 du Code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l’existence d’une cause réelle et sérieuse.

La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.

L’insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu’elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié et qu’elle se rapporte à l’exécution de tâches relevant de sa qualification.

Par ailleurs, aux termes de l’article L1226-7 alinéa 1er du code du travail, le contrat de travail du salarié victime d’un accident du travail, autre qu’un accident de trajet, ou d’une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l’arrêt de travail provoqué par l’accident ou la maladie.

L’article L1226-9 du même code dispose qu’au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie.

L’article L 1226-13 du code du travail dispose que toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions des articles L1226-9 et L1226-18 est nulle.

La protection réservée au salarié en pareille hypothèse n’implique pas nécessairement qu’une déclaration d’accident ait été faite ou que l’accident ou la maladie ait donné lieu à une décision de prise en charge par la sécurité sociale.

En l’espèce, la lettre de licenciement du 17 mai 2017 évoque une insuffisance professionnelle, l’employeur reprochant à l’intéressé des ‘manquements professionnels dans l’animation de votre périmètre, absence de plan correctif et perte de confiance, ayant pour conséquence des dysfonctionnements importants dans le domaine logistique, une insuffisance dans le service rendu aux réseaux d’agences préjudiciables aux intérêts de l’entreprise (…)

Les manquements professionnels caractéristiques d’une insuffisance professionnelle qui se sont révélés sur les derniers mois et notamment depuis le départ de votre responsable plate-forme début février 2017 portent notamment sur:

– Insuffisances managériales avec notamment une difficile prise en main de vos équipes et une insuffisance avérée en termes de leadership (…)

– Manque de méthode de formalisation et d’initiative dans la mise en oeuvre des plans d’actions. Manque d’impact dans les prises de décision. Beaucoup d’incantation, peu d’action (…)’.

Il est constant que le 10 mai 2017 a été prescrit à M. [O] par son médecin traitant un arrêt de travail jusqu’au 17 mai 2017 mentionnant: ‘Stress professionnel – Syndrome anxio-dépressif réactionnel – Troubles du sommeil (nécessité de ne pas rester isolé)’.

Il n’est pas contesté que l’employeur a eu connaissance de cet avis d’arrêt de travail, intervenu le jour fixé pour l’entretien préalable au licenciement, avant que ne soit notifiée la lettre de rupture sept jours plus tard.

Il est également constant que le médecin traitant de M. [O] a établi le 16 mai 2017, un avis d’arrêt de travail sur le formulaire Cerfa dédié aux accidents du travail et maladies professionnelles, prescrivant au patient un arrêt courant du 10 mai au 16 juin 2017, pour ‘palpitations – cervicalgies avec contractures limitant les rotations – Burn out – troubles du sommeil – Syndrome anxio-dépressif réactionnel suite à un entretien professionnel – suite à harcèlement, isolement au travail’.

Le salarié a immédiatement transmis cet avis d’arrêt de travail à l’employeur qui, tout en dénonçant le fait de n’avoir pas été informé d’un accident du travail dans les 24 heures de sa survenance, écrivait à M. [O] le 19 mai 2017: ‘Nous accusons réception de votre certificat d’arrêt de travail pour accident du travail en date du 16 mai 2017, reçu le 17 mai 2017 au service paie. Ce certificat d’arrêt de travail daté du 16 mai 2017 concerne semble-t-il un accident du travail constaté le 10 mai 2017 (…)’.

Il résulte de cette chronologie des événements que l’employeur, alors qu’il était dûment informé d’un arrêt de travail d’origine professionnelle, a notifié à M. [O] son licenciement pour un motif qui ne procède ni d’une faute grave de l’intéressé, ni de l’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie, bien que le contrat de travail fût alors suspendu pendant toute la durée de l’arrêt de travail.

Pour ce seul motif et sans qu’il soit utile d’entrer dans le débat instauré par l’employeur, rendu destinataire de l’avis d’arrêt de travail au lendemain de sa prescription, sur la prétendue tardiveté du dit arrêt ou encore sur les horaires comparés, d’ailleurs non établis, de signature de la lettre de licenciement et de réception de l’avis d’arrêt de travail, la cour relevant que l’appelante n’allègue pas avoir expédié la lettre avant la réception de l’arrêt de travail, puisqu’elle n’évoque que le départ de la DRH le même jour à 9h45 pour un rendez-vous à [Localité 6], le licenciement de M. [O] intervenu pour insuffisance professionnelle alors que son contrat de travail se trouvait de plein droit suspendu par l’effet de la prescription d’un arrêt médical pour accident du travail dont l’employeur était informé, doit être jugé nul et de nul effet.

Le jugement entrepris qui a débouté le salarié de ce chef de demande sera infirmé.

Le salarié victime d’un licenciement nul et qui ne demande pas sa réintégration a droit d’une part aux indemnités de rupture et d’autre part à une indemnité au moins égale à celle prévue par l’article L 1235-3 du code du travail, soit une indemnité qui ne peut être inférieure aux 6 derniers mois de salaires, quelles que soient son ancienneté et la taille de l’entreprise, le barème prévu par ce texte n’étant alors pas applicable en vertu de l’article L 1235-3-1 du même code.

L’examen des bulletins de salaire versés aux débats permet de constater que M. [O] a été indemnisé par l’employeur au titre de la période de préavis de trois mois non exécutée.

Le salarié ne peut donc utilement solliciter le paiement d’une nouvelle indemnité compensatrice à ce titre et doit être débouté de sa demande.

S’agissant de l’indemnisation du préjudice subi à laquelle le salarié est en droit de prétendre dès lors qu’il ne demande pas sa réintégration, M. [O] qui peut prétendre à une indemnisation minimale de 6 mois de salaire, sollicite le paiement d’une indemnité équivalente à 9 mois de salaire représentant la somme de 68.000 euros.

L’intéressé comptait un peu moins d’un an et demi d’ancienneté dans l’entreprise lorsque son licenciement est intervenu et il était alors âgé de 47 ans. Il justifie par la production d’échanges de courriels avec différentes entreprises, qu’il n’a pu retrouver rapidement un poste équivalent à celui qu’il occupait au sein de la société Bois et Matériaux et de ce qu’il a perçu l’allocation de retour à l’emploi jusqu’au 8 avril 2018, avant de retrouver un emploi de ‘supply chain domain manager’ à compter du 9 avril 2018, soit un peu moins d’un an après la rupture, moyennant un salaire brut de base de 6.538 euros contre 7.500 euros auparavant.

Compte-tenu de l’ensemble de ces éléments, sur la base d’un salaire de référence qui doit être évalué à 7.555,56 euros brut et des circonstances de la rupture, il est justifié de condamner la société Bois et Matériaux à payer à M. [O] la somme de 53.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.

2- Sur la contestation portant sur la convention de forfaits en jours:

Il résulte des articles 151 du Traité sur le fonctionnement de I’Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, L. 3121-45 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière de I’article 17 paragraphes 1 et 4 de la Directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17 paragraphe l, et 19 de la Directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles et que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

Ainsi, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

L’article L3121-43 dans sa rédaction applicable à la date de signature du contrat de travail litigieux, prévoyait la possibilité de recourir à la conclusion d’une telle convention de forfait, pour les catégories de travailleurs suivants:

1° Les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés ;

2° Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées.

L’article L 3121-39 disposait que la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l’année est prévue par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.

En vertu de l’article L3121-40 du même code dans sa version applicable au litige, la conclusion d’une convention individuelle de forfait requiert l’accord du salarié. La convention est établie par écrit.

L’article L 3121-46 disposait qu’un entretien annuel individuel est organisé par l’employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve d’un contrôle effectif de la charge de travail du salarié et de l’amplitude du temps de travail.

Un accord écrit du salarié précisant le nombre de jours travaillés dans l’année est nécessaire.

La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l’action en paiement d’un rappel de salaire fondée sur l’invalidité d’une convention de forfait en jours est soumise à la prescription triennale prévue par l’article L. 3245-1 du code du travail.

Il importe en effet que le salarié soumis à une convention de forfait illicite, dispose d’un droit d’action effectif pour remettre en cause le forfait en jours ou obtenir un rappel de salaire.

En l’espèce, le contrat de travail stipule en son article ‘Rémunération’: ‘(…) Vos fonctions dans la société impliquent une large autonomie dans l’organisation et la gestion de votre temps de travail pour remplir la mission qui vous a été confiée et, de ce fait, vous n’êtes pas soumis à un horaire de travail précis.

En conséquence, pour l’exercice de vos fonctions, vous serez rémunéré sous forme d’un forfait annuel en jours de travail, sans référence horaire.

Vous bénéficierez de la réduction du temps de travail sous forme de 24 demi-journées de repos supplémentaires par an, au prorata de votre temps de présence, à prendre, conformément à l’accord d’entreprise, à raison de 6 demi-journées par trimestre, non accolées et non reportables sauf accord express et préalable de votre responsable hiérarchique’.

La mention du nombre de jours travaillés dans l’année n’est pas indiquée et ne saurait se déduire, comme le soutient à tort la société appelante, du dernier paragraphe cité de l’article ‘Rémunération’ qui traite des demi-journées de repos supplémentaires accordées au titre de la réduction du temps de travail.

L’article 2.3.2. ‘Suivi des horaires de travail’ de l’accord d’entreprise sur l’aménagement et la réduction du temps de travail conclu en application de l’accord de branche national du 28 avril 1999 étendue le 4 août 1999 dispose que ‘le suivi des horaires de travail est placé sous la responsabilité du Responsable de l’unité de travail. Conformément aux dispositions des articles D212-21 du code du travail, le suivi des temps de travail fera l’objet d’un contrôle précis et régulier’, sans que les cadres n’apparaissent exclus du dispositif de suivi.

Il ne résulte d’aucune des dispositions du contrat de travail qu’ait été organisé un quelconque suivi de la charge de travail de M. [O] et aucune des pièces produites par l’employeur ne porte la trace d’une telle évaluation régulière de la charge de travail du salarié.

Bien au contraire, les comptes rendus d’entretiens des 15 septembre 2016 et 24 février 2017 versés aux débats par l’intimé ne portent trace d’aucune question relative à l’évaluation de sa charge de travail.

L’article 1.2.3.1 du même accord d’entreprise se montre pour le moins laconique sur le contenu de la clause contractuelle de forfait, se bornant à renvoyer à la conclusion d’un avenant avec le personnel concerné.

Compte-tenu de l’ensemble de ces éléments, la convention de forfait stipulée au contrat de travail se trouve privée d’effet et elle est inopposable au salarié.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

3- Sur les demandes au titre des heures supplémentaires et contreparties en repos:

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, M. [O] a sollicité et obtenu devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes qu’il soit enjoint à la société Bois et Matériaux de lui communiquer sous astreinte les pièces suivantes:

– les relevés du badge d’accès, des entrées et sorties de son véhicule sur le site de [Localité 3] depuis le 1er janvier 2016

– la copie du cahier de présence du même site depuis le 1er janvier 2016

– les relevés de son badge concernant les entrées de la direction de l’offre du site de [Localité 5] depuis le 14 décembre 2015

– les relevés de mise sous alarme en sortie de la direction du site de [Localité 5] depuis le 14 décembre 2015.

M. [O] indique qu’il n’a été déféré à cette décision que très partiellement, puisque l’employeur s’est contenté de produire une copie du cahier de présence du site de [Localité 3], arguant de la perte des données trop anciennes concernant le badgeage.

Le salarié se fonde sur l’examen comparé du cahier de présence et d’une liste de courriels professionnels qu’il indique avoir envoyés entre le 15 décembre 2015 et le 10 mai 2017, pour affirmer dans ses écritures qu’il arrivait très régulièrement au siège de l’entreprise entre 8h et 8h30, pour n’en repartir qu’à 19h30, voire plus tard.

Il ajoute qu’il était dans l’impossibilité de regagner son domicile situé à [Adresse 8] lorsqu’il se trouvait sur le site de [Localité 3].

Il produit un tableau récapitulatif dactylographié, duquel il ressort qu’il aurait ainsi effectué des heures supplémentaires, au nombre de:

– 20 h en 2015

– 660 h en 2016

– 220 h de janvier à mai 2017.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre en produisant ses propres éléments de nature à justifier la réalité des horaires de travail du salarié.

La société Bois et Matériaux observe que les mails dont se prévaut le salarié sont impropres à permettre de déterminer le temps de travail du salarié. Elle ajoute que l’intéressé disposait d’une connexion à distance lui permettant d’expédier des mails postérieurement à sa journée de travail.

Elle observe en outre que le cahier de présence du site de [Localité 3], ne mentionne pas systématiquement un horaire d’arrivée à 8h30 comme le soutient le salarié et effectivement, l’on relève un horaire d’arrivée pouvant certains jours être décalé à 11h, voire 11h30, l’heure de départ, bien que fréquemment notée à 19h30, n’étant pas systématiquement indiquée.

Si ces observations ne sont pas dénuées de pertinence et doivent être prises en compte pour apprécier le quantum de la demande, il doit toutefois être relevé que la société Bois et Matériaux n’apporte aucun élément objectif et vérifiable de nature à remettre totalement en cause la réalité des heures supplémentaires revendiquées par le salarié.

Compte-tenu de l’ensemble de ces éléments, la cour est en mesure de fixer à 300 le nombre d’heures supplémentaires justifiées par M. [O] (6,67 h en 2015, 220h en 2016 et 73,32h en 2017), représentant un rappel de salaire d’un montant de 22.128,52 euros outre 2.212,85 euros au titre des congés payés y afférents.

Le jugement entrepris qui a débouté M. [O] de sa demande sera en conséquence infirmé de ce chef.

En application de l’article L 3121-30 du code du travail, les heures effectuées au delà du contingent annuel d’heures supplémentaires ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.

Le salarié, qui n’a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l’indemnisation du préjudice subi, laquelle comporte à la fois le montant de l’indemnité de repos compensateur et le montant de l’indemnité de congés payés.

La convention collective nationale des bois d’oeuvre et produits dérivés, applicable en l’espèce, fixe le contingent annuel à 120 heures.

En application de l’article L 3121-33 du code du travail, la contrepartie obligatoire en repos est égale à 100% pour les entreprises de plus de 20 salariés.

Au cas d’espèce, seule l’année 2016 permet de relever un dépassement du contingent annuel, de sorte que la contrepartie obligatoire en repos est de 4.944,95 euros [(220 – 120) x 7.500/151,67] outre 49,44 euros au titre des congés payés y afférents.

Il est établi que le salarié a été privé de la possibilité de bénéficier de cette contrepartie obligatoire en repos du fait de l’employeur, lequel n’a pas respecté la législation relative au temps de travail, ce dont il résulte un préjudice équivalent au montant des salaires auxquels M. [O] aurait eu droit s’il avait pu bénéficier de la dite contrepartie.

La société Bois et Matériaux sera dès lors condamnée à payer à M. [O] la somme de 4.994,39 euros à titre d’indemnité en réparation du préjudice subi au titre de l’impossibilité de bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos.

4- Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé:

En vertu des dispositions de l’article L 8221-5 du Code du travail, le fait se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la déclaration préalable à l’embauche ou de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, est réputé travail dissimulé.

En application de l’article L 8223-1 du même code, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en commettant les faits visés à l’article L 8221-5, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l’espèce, la société Bois et Matériaux a pu croire, certes à tort mais sans que soit établie la moindre intention de dissimuler une partie du temps de travail du salarié, que M. [O] bénéficiait d’une convention de forfait en jours sur l’année.

Dans ces conditions et faute de démontrer une volonté de l’employeur de se soustraire intentionnellement au paiement d’une partie des heures de travail, M. [O] doit être débouté de sa demande.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

5- Sur les demandes reconventionnelles:

5-1: Sur la recevabilité:

Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

L’article 567 du même code dispose que les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.

En application de l’article 70 du même code, les demandes reconventionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

En l’espèce, M. [O] soutient que les demandes formées pour la première fois en cause d’appel par la société Bois et Matériaux à titre de remboursement des jours de RTT et de remboursement de la majoration du salaire sont irrecevables comme étant présentées pour la première fois en cause d’appel.

S’agissant de la demande en remboursement des jours de RTT, celle-ci se rattache par un lien suffisant à la demande tendant à ce que la convention de forfait soit déclarée inopposable au salarié, dès lors que la cause des jours de réduction de temps de travail litigieux trouve son origine dans la convention de forfait, ainsi que cela résulte des termes de l’article ‘Rémunération’ du contrat de travail.

S’agissant de la demande de remboursement de la majoration du salaire de 15%, le lien avec la demande du salarié n’est pas établi, alors que le contrat de travail qui se borne à indiquer: ‘Vous percevrez une rémunération de base annuelle forfaitaire brute de 90.000 euros payable en douze mensualités de 7.500 euros’ ne mentionne nullement que cette rémunération inclut une majoration de 15% liée à la convention de forfait en jours, étant ici observé que si l’accord d’entreprise du 20 janvier 2000 prévoit une telle majoration, il précise que les dispositions relatives au ‘forfait sans référence horaire’, dont fait partie la stipulation d’une majoration de salaire minimale de 15%, doivent faire l’objet d’un avenant contractuel, avenant dont il n’est en l’espèce pas justifié alors que le contrat de travail est muet sur l’intégration d’une telle majoration conventionnelle.

Cette prétention nouvelle en cause d’appel et qui ne se rattache pas à la demande originaire par un lien suffisant est donc irrecevable.

5-2: Sur le fond:

En vertu de l’article 1376 devenu l’article 1302-1 du code civil dispose que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s’oblige à le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu.

Dès lors que la convention de forfait conclue entre la société Bois et Matériaux et M. [O] se trouve privée d’effet et partant inopposable au salarié, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la dite convention est devenu indû.

Dans ses conditions et alors qu’il n’est pas utilement contesté que M. [O] a, en exécution d’une convention de forfait dont il revendique l’inopposabilité, été indemnisé à hauteur de 18 jours non travaillés, il doit être condamné à restituer à la société Bois et Matériaux la somme correspondante de 6.459,34 euros.

Il convient d’ordonner la compensation entre les condamnations prononcées d’une part au bénéfice de M. [O], d’autre part au bénéfice de la société Bois et Matériaux.

5-3: Sur la question de l’application de l’article L 1235-4 du code du travail:

L’article L 1235-5 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, applicable à la présente espèce, dispose que ne sont pas applicables au licenciement d’un salarié de moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives :

(…)

3° Au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l’article L1235-4, en cas de méconnaissance des articles L1235-3 et L1235-11.

S’agissant en l’espèce d’un licenciement nul alors de surcroît que le salarié avait moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise, les dispositions de l’article L1235-4 du code du travail n’ont pas lieu de s’appliquer au cas d’espèce.

Par conséquent, c’est à tort que les premiers juges ont condamné la société Bois et Matériaux à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées a M. [O] dans la limite de 6 mois d’indemnités.

Le jugement sera infirmé de ce chef et M. [O] sera débouté de sa demande.

6- Sur les dépens et frais irrépétibles:

En application de l’article 696 du code de procédure civile, la société Bois et Matériaux, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel.

Dès lors qu’elle est condamnée aux dépens, la société appelante sera déboutée de sa demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande en revanche de la condamner à payer à M. [O] la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme partiellement le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité du licenciement notifié à M. [O] par la société Bois et Matériaux le 17 mai 2017 ;

Condamne la société Bois et Matériaux à payer à M. [O] les sommes suivantes:

– 53.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul

– 22.128,52 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires

– 2.212,85 euros au titre des congés payés y afférents

– 4.994,39 euros à titre d’indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l’impossibilité de bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos ;

Déboute M. [O] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents;

Déboute M. [O] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé ;

Déboute M. [O] de sa demande aux fins de remboursement par l’employeur des allocations de chômage versées par Pôle emploi dans la limite de six mois ;

Confirme pour le surplus le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande reconventionnelle aux fins de remboursement d’une majoration du salaire de 15 % ;

Condamne M. [O] à rembourser à la société Bois et Matériaux la somme de 6.459,34 euros au titre des jours de réduction du temps de travail indûment payés ;

Ordonne la compensation entre les créances réciproques résultant des condamnations visant la société Bois et Matériaux, d’une part et M. [O], d’autre part ;

Condamne la société Bois et Matériaux à payer à M. [O] la somme de 2.500 euros à titre d’indemnité en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société Bois et Matériaux de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Bois et Matériaux aux dépens d’appel.

Le Greffier Le Président

 


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