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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 8
ARRET DU 06 JANVIER 2023
(n° , 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/07535 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFUWZ
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 23 Mars 2022 -Président du TC de PARIS – RG n° 2021061995
APPELANTE
S.A.S. LA FRANCAISE ASSET MANAGEMENT (LFAM) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Assistée par Me Cyril PHILIBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : J0001
INTIMEE
S.A.S. FILFOI prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
Assistée par Me Stéphan ALAMOWITCH, avocat au barreau de PARIS, toque : P0008
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 novembre 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Florence LAGEMI, Président,
Rachel LE COTTY, Conseiller,
Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Marie GOIN
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Florence LAGEMI, Président et par Marie GOIN, Greffier, lors de la mise à disposition.
La SAS Filfoi, ayant pour président M. [R], souhaitant investir dans des produits financiers, s’est rapprochée de la société de gestion de portefeuille La Française asset management (LFAM) et a investi dans le fonds d’investissement dédié n°E94, proposé par la société d’assurance Allianz Insurance Luxembourg, à hauteur de 4.000.000 d’euros le 7 août 2018 et de 1.500.000 euros le 26 septembre 2019.
Prétendant que la société La Française asset management avait investi dans des produits financiers dits ‘dérivés’ en violation des instructions qui lui avaient été données, la société Filfoi l’a mise en demeure, le 30 mars 2021, de lui fournir toutes précisions sur la nature de sa gestion de l’opération.
Ses demandes étant restées vaines, la société Filfoi a, par requête du 17 septembre 2021, saisi le président du tribunal de commerce de Paris aux fins de voir ordonner une mesure d’instruction destinée à la saisie, par un huissier de justice avec l’assistance d’un expert informatique, de documents ‘nécessaires à une bonne compréhension des relations de droit et des positions adoptées par la société LFAM’, en l’espèce ‘des documents par lesquels la société LFAM a été investie de la mission de gérer le compte ouvert par la société Filfoi et le fonds dédié n°E94, et des messages, courriels et documents sélectionnés au moyen de mots-clefs tels qu’enregistrés dans les ordinateurs de deux responsables de la société LFAM’.
Par ordonnance sur requête rendue le 25 octobre 2021, le président du tribunal de commerce a fait droit à la demande de la société Filfoi et désigné un huissier de justice.
La mesure d’instruction a été exécutée les 29 novembre, 3 et 8 décembre 2021 par Me [Z] [A], huissier de justice, au siège social de la société LFAM.
Par acte du 24 décembre 2021 la société La Française asset management LFAM a assigné la société Filfoi aux fins de voir rétracter l’ordonnance sur requête rendue le 25 octobre 2021.
Par ordonnance contradictoire du 23 mars 2022, le juge des référés a :
dit recevable mais mal fondée la société La Française asset management en sa demande de rétractation de l’ordonnance du 25 octobre 2021 ;
en conséquence,
débouté la société La Française asset management de sa demande de rétractation de l’ordonnance du 25 octobre 2021 ;
dit que l’ordonnance du 25 octobre 2021 est conforme aux dispositions de l’article 145 du code de procédure civile ;
dit que la procédure de levée de séquestre doit être engagée selon la procédure ci-après, même s’il est fait appel de cette décision, tout en préservant les intérêts de la société La Française asset management jusqu’à décision définitive ;
dit que les pièces qui pourraient être retenues comme communicables lors de cette éventuelle levée de séquestre à intervenir seront maintenues sous séquestre jusqu’à décision définitive ;
dit que la levée de séquestre éventuelle à intervenir des pièces saisies lors des opérations de constat de l’huissier instrumentaire doit se faire conformément aux dispositions des articles R.153-3 à R. 153-8 du code de commerce ;
dit que la procédure de levée de séquestre sera la suivante :
demandé à la société La Française asset management de faire un tri sur les fichiers des pièces saisies et séquestrées en trois catégories :
catégorie « a » : les pièces qui pourront être communiquées en l’état, sans examen ;
catégorie « b » : les pièces qui seront concernées par le secret des affaires et que la société La Française asset management refuse de communiquer ;
catégorie « c » : les pièces que la société La Française asset management refuse de communiquer mais qui ne sont pas concernées par le secret des affaires ;
dit que ce tri, ou chaque pièce sera numérotée, sera communiqué à la société [A], ès qualités d’huissier instrumentaire et séquestre, pour un contrôle de cohérence avec le fichier initial séquestré ;
dit que, pour ce qui a trait aux pièces concernées par le secret des affaires, conformément aux dispositions des articles R.153-3 à R.153-8 du code de commerce, la société La Française asset management communiquera « un mémoire précisant pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires »,
fixé le calendrier suivant :
communication à la société [A], ès qualités d’huissier instrumentaire et séquestre et à lui-même les tris demandés avant le lundi 9 mai 2022 à 16h00 ;
renvoi de l’affaire, après contrôle de cohérence par l’huissier instrumentaire et séquestre, à l’audience en cabinet du jeudi 12 mai 2022 à 14h30 pour examen de la fin de la préparation de la levée de séquestre éventuelle à venir ;
dit qu’il n’y a lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
rejeté toutes demandes autres, plus amples ou contraires ;
réservé les dépens.
Par déclaration du 12 avril 2022, la société La Française asset management a interjeté appel de cette décision en ce qu’elle a l’a déboutée de sa demande de rétractation de l’ordonnance du 25 octobre 2021 et a organisé la procédure de levée de séquestre des documents saisis.
Par dernières conclusions remises et notifiées le 23 juin 2022, elle demande à la cour, sur le fondement des articles 145, 232 et suivants, 493 et suivants et 561 du code de procédure civile, et R. 153-1 et suivants du code de commerce, de :
la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;
à titre principal,
infirmer l’ordonnance du 23 mars 2022 rendue par le président du tribunal de commerce de Paris de l’ensemble des chefs de son dispositif ;
statuant à nouveau,
prononcer la rétractation de l’ordonnance rendue le 25 octobre 2021 par le président du tribunal de commerce de Paris ;
ordonner la nullité des mesures d’instruction effectuées les 29 novembre, 3 décembre et 8 décembre 2021 ;
ordonner la restitution de tous documents, pièces ou copies séquestrés par Maître [Z] [A] en exécution de l’ordonnance du 25 octobre 2021;
à titre subsidiaire,
infirmer l’ordonnance du 23 mars 2022 du chef suivant de son dispositif :
« rejeté toutes demandes autres, plus amples ou contraires », à savoir plus précisément les demandes suivantes : constater que les mesures d’instruction ordonnées par l’ordonnance rendue le 25 octobre 2021 par le président du tribunal de commerce de Paris ne sont pas légalement admissibles ; constater que les mesures d’instruction ordonnées par l’ordonnance rendue le 25 octobre 2021 par le président du tribunal de commerce de Paris sont disproportionnées ;
en conséquence,
modifier tel qu’il suit la mission de l’expert prévue par l’ordonnance rendue le 25 octobre 2021 par le président du tribunal de commerce de Paris :
« Commettons la SAS [Z] [A], huissier de justice prise en la personne de Maître [Z] [A], associé, avec également faculté de substitution par tout huissier territorialement compétent, en qualité de mandataire de justice, avec mission de se rendre au siège social de la société La Francaise AM, société de gestion agréée par l’AMF le 1° juillet 1997 sous le n° GP 97076, SAS immatriculée au RCS de Paris n° 314 024 019, siège social sis [Adresse 2],
Afin, pour la seule période débutant le 27 juillet 2018 et se terminant le 31 décembre 2018 de se faire remettre ou rechercher sur tout support informatique les éléments de preuve en utilisant exclusivement les mots-clés « [R] », « Filfoi », « fid E94 », « fid n°E94 », « fonds interne dédié E94 », en se faisant communiquer par les parties requises les codes d’accès, notamment informatiques, nécessaires à l’exécution de la mission » ;
confirmer les autres dispositions de l’ordonnance rendue le 25 octobre 2021 par le président du tribunal de commerce de Paris seront confirmées, à l’exception des paragraphes suivants devant être supprimés :
« Autorisons l’huissier instrumentaire, en cas de difficultés dans la sélection et le tri des éléments recherchés, notamment au regard de leur volume, ou en cas de difficultés rencontrées dans l’accès aux supports informatiques de la société à procéder à une copie complète, en deux exemplaires, des fichiers, des disques durs et autres supports de données qui lui paraîtront nécessaires en rapport avec la mission confiée, dont une copie placée sous séquestre servira de référentiel et ne sera pas transmise à la partie requérante, et, l’autre copie servira au mandataire à procéder, de manière différée, avec l’aide du technicien choisi par lui, à l’ensemble des recherches et analyses visées ci-dessus,
Disons que, dans le cas de cette analyse différée, le technicien devra établir une note technique établissant la traçabilité de ses opérations et détruire ses fichiers de travail après réalisation de sa mission et que l’huissier instrumentaire remettra à la partie auprès de laquelle il les aura obtenues une copie des pièces telles qu’elles résultent du tri auquel il aura procédé avec le technicien » ;
en conséquence,
rétracter partiellement l’ordonnance rendue le 25 octobre 2021 ;
par suite,
modifier tel qu’il suit la mission de l’expert prévue par l’ordonnance rendue le 25 octobre 2021 par le président du tribunal de commerce de Paris ;
« Commettons la SAS [Z] [A], Huissier de Justice prise en la personne de Maître [Z] [A], associé, avec également faculté de substitution par tout huissier territorialement compétent, en qualité de Mandataire de Justice, avec mission de se rendre au siège social de la société La Française AM, société de gestion agréée par l’AMF le 1er juillet 1997 sous le n° GP 97076, SAS immatriculée au RCS de Paris n° 314 024 019, siège social sis [Adresse 2],
Afin, pour la seule période débutant le 27 juillet 2018 et se terminant le 31 décembre 2018 de se faire remettre ou rechercher sur tout support informatique les éléments de preuve en utilisant exclusivement les mots-clés « [R] », « Filfoi », « fid E94 », « fid n°E94 », « fonds interne dédié E94 », en se faisant communiquer par les parties requises les codes d’accès, notamment informatiques, nécessaire à l’exécution de la mission »
supprimer les paragraphes suivants :
« Autorisons l’huissier instrumentaire, en cas de difficultés dans la sélection et le tri des éléments recherchés, notamment au regard de leur volume, ou en cas de difficultés rencontrées dans l’accès aux supports informatiques de la société à procéder à une copie complète, en deux exemplaires, des fichiers, des disques durs et autres supports de données qui lui paraîtront nécessaires en rapport avec la mission confiée, dont une copie placée sous séquestre servira de référentiel et ne sera pas transmise à la partie requérante, et, l’autre copie servira au mandataire à procéder, de manière différée, avec l’aide du technicien choisi par lui, à l’ensemble des recherches et analyses visées ci dessus,
Disons que, dans le cas de cette analyse différée, le technicien devra établir une note technique établissant la traçabilité de ses opérations et détruire ses fichiers de travail après réalisation de sa mission et que l’huissier instrumentaire remettra à la partie auprès de laquelle il les aura obtenues une copie des pièces telles qu’elles résultent du tri auquel il aura procédé avec le technicien » ;
en tout état de cause, ajoutant à l’ordonnance,
condamner la société Filfoi à lui payer la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
La société Filfoi, par dernières conclusions remises et notifiées le 28 juillet 2022, demande à la cour, au visa des articles L. 511-33 du code monétaire et financier et 145 du code de procédure civile, de :
débouter la société La Française asset management de son appel et de toutes ses demandes ;
confirmer l’ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Paris en date du 23 mars 2022 ;
y ajoutant,
ordonner la communication des pièces recueillies et triées par Me [A] ;
en tout état de cause,
condamner la société Française asset management à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société La Française asset management aux entiers dépens.
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
La clôture de la procédure a été prononcée le 26 octobre 2022.
SUR CE, LA COUR
La société La Française asset management fait valoir que :
– la requête déposée par la société Filfoi ne justifie pas de la dérogation au principe de la contradiction, alors, au surplus, que n’existe aucun risque de dépérissement des preuves ;
– la mesure d’instruction sollicitée est dépourvue de motif légitime, en ce qu’elle n’a pas d’autre objet que de rechercher un fondement juridique à une action ultérieure – ce qui n’entre pas dans les prévisions de l’article 145 du code de procédure civile – et intervient aux lieu et place de mesures qui auraient dû être mises en oeuvre à l’encontre de la société Allianz ;
– la mesure sollicitée n’est ni légalement admissible, dès lors que la saisie des documents concernés nécessitait leur analyse par l’huissier instrumentaire, ni proportionnée à l’objectif poursuivi en raison du caractère général des mots-clés.
La société Filfoi soutient qu’alors qu’elle avait donné instruction à la société LFAM de ne pas investir dans des produits dérivés et autres produits financiers complexes, elle a découvert la situation du portefeuille au 22 octobre 2020 montrant que la société La Française asset management avait procédé à des acquisitions de ‘produits structurés’ à hauteur de 93,98 % des actifs, investissement pour le moins hasardeux puisqu’il a occasionné une performance négative de – 59,69 % par rapport à la situation d’origine. Elle justifie le recours à une procédure non contradictoire par le refus de la société LFAM de s’expliquer sur les conditions de traitement du dossier avec la société Allianz et, dès lors, par le risque de disparition des éléments de preuve recherchés. Elle indique que la mesure d’instruction sollicitée repose sur un motif légitime en ce qu’elle entend seulement obtenir les éléments lui permettant de comprendre les relations entre les sociétés LFAM et Allianz concernant son investissement. Elle précise, enfin, que la mesure d’instruction, précisément encadrée, est proportionnée à l’objectif poursuivi.
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé. L’article 493 du même code prévoit que l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse.
Sur la dérogation au principe du contradictoire
Les dispositions de l’article 493 du code de procédure civile permettent de déroger au principe de la contradiction dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.
Il appartient au juge saisi d’une demande de rétractation de vérifier si les circonstances justifiant la dérogation au principe du contradictoire sont caractérisées dans la requête ou l’ordonnance qui y fait droit.
En l’espèce, la requête du 17 septembre 2021 fait état :
– du risque élevé de disparition des éléments recherchés en ce qu’il s’agit de fichiers informatiques ;
– de la réponse de la société LFAM du 15 avril 2021 à la mise en demeure du 30 mars 2021 par laquelle celle-ci affirmait qu’elle n’avait aucun lien contractuel avec la société Filfoi et qu’en conséquence, elle ne pouvait donner aucune suite aux demandes présentées (pièce n°12 jointe à la requête) ;
– des réponses dilatoires faites entre avril et juin 2021 par la société LFAM aux relances de la société Filfoi (pièce n°22 jointe à la requête) ;
– du ‘déni par (LFAM) de l’existence de tout lien contractuel l’ayant uni à la requérante, (lequel) fait légitimement présumer que cette société de gestion pourrait avoir la tentation de dissimuler, voire détruire, les éléments justifiant de sa gestion’ ;
– du fait que la révélation de la mesure d’instruction sollicitée, avant son accomplissement, serait de nature à permettre à la société LFAM de dissimuler la preuve des faits que la mesure se propose d’établir ;
– de l’effet de surprise qui serait indispensable en ce qu’il permettrait d’augmenter les chances de succès de la mission de l’huissier.
En invoquant le déni constant de la société LFAM de toute relation contractuelle avec la société Filfoi et le refus persistant de la société LFAM de donner suite à ses demandes, la requérante a pris en compte des éléments propres au cas d’espèce, susceptibles d’accréditer une volonté de dissimulation des éléments recherchés. La requête justifiant, dans ces conditions, de l’intérêt de ménager un effet de surprise, comporte une motivation caractérisant la nécessité de déroger au principe de la contradiction.
Sur le motif légitime
L’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile suppose que soit constaté qu’il existe un procès en germe possible et non manifestement voué à l’échec au regard des moyens soulevés, sur la base d’un fondement juridique suffisamment déterminé, sans qu’il revienne au juge du référé de se prononcer sur le fond.
La société Filfoi justifie de l’existence d’un procès en germe avec la société LFAM, en ce que :
– un litige subsiste avec la société LFAM sur les conditions d’adhésion de la société Filfoi au fonds interne n°E94 : alors que Filfoi avait donné instruction de ne pas investir dans des produits dérivés (pièce Filfoi n° 6 – notice d’information du FID – page 8), il n’est pas contesté que le fonds n°E94 relève de la catégorie des produits financiers complexes en ce qu’il comprend des produits structurés pour 93,98 % des actifs, comme le confirme la fiche d’information de la société LFAM sur la situation du portefeuille au 22 octobre 2020 (pièce Filfoi n° 10) ;
– l’existence d’un rapport d’obligation entre les sociétés LFAM et Filfoi est rendue vraisemblable, dès lors que la société LFAM est désignée comme ‘Gestionnaire financier’ du fonds (pièce Filfoi n° 6 – notice d’information du FID) et a assuré l’information de l’investisseur sur la situation du portefeuille (pièce Filfoi n° 10).
La société Filfoi justifie, dans ces circonstances, du motif légitime permettant le recours à une mesure d’instruction avant tout procès.
Sur le caractère légalement admissible de la mesure d’instruction
Il résulte de l’article 145 du code de procédure civile que constituent des mesures légalement admissibles des mesures d’instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l’objectif poursuivi.
Il ressort de l’ordonnance en date du 25 octobre 2021 que l’huissier de justice n’était autorisé à appréhender que les documents, pour la période débutant le 27 juillet 2018 et se terminant le 27 avril 2021, ‘permettant de déterminer les éventuelles fautes contractuelles de LFAM, les opérations d’investissement sélectionnées/recommandées par cette dernière, la connaissance par LFAM du ‘Document d’Informations préalables à l’établissement de la notice d’information’ du fonds d’investissement dédié n°E94, les conditions de transmission et de réception à LFAM du ‘Document d’Informations Préalables’ dudit fonds , les modalités de suivi éventuelles mises en place par Allianz pour s’assurer de la bonne exécution du contrat de gestion ainsi confié par LFAM, et la connaissance par Allianz de la faute contractuelle éventuelle de LFAM ainsi que son ampleur’, à l’aide d’une liste de mots-clés (‘graindorge’, ‘allianz’, ‘allianz life luxembourg’, ‘fid E 94″, ‘fid n°E94″, ‘FILFOI’, ‘fonds interne dédié E94’, ‘document d’informations préalables à l’établissement de la notice d’information’), et, s’agissant des courriels, sur les adresses ‘[Courriel 7], [Courriel 6], ‘[Courriel 8]’et ‘[Courriel 5]’ .
Il en résulte que la mesure d’instruction autorisée est circonscrite :
– dans le temps : du 27 juillet 2018, date de la signature, par la société Filfoi, du document d’informations préalables à l’établissement de la notice d’information du fonds, au 27 avril 2021, date de la mise en demeure adressée par la société Filfoi au représentant de la société LFAM ;
– dans son objet, limité à la transmission à la société LFAM du ‘Document d’Informations Préalables’ du fonds n°E94 et aux relations des sociétés LFAM et Allianz concernant le contrat Filfoi ;
– dans sa mise en oeuvre, par la référence à une liste de huit mots-clés et à des adresses courriels.
En conséquence, la mesure, dont il n’est pas allégué qu’elle a été exécutée en dehors de ces limites, est nécessairement circonscrite, de sorte que l’ordonnance sur requête institue une mesure proportionnée à l’objectif poursuivi.
Par ailleurs, si le juge ne peut inclure, dans la mission du technicien, une appréciation intellectuelle des éléments recherchés, l’énumération portée en page 1 de l’ordonnance sur requête (‘Afin de se faire remettre ou rechercher (…) les éléments de preuve permettant de déterminer la(es) faute(s) éventuelle(s) contractuelle(s), ainsi que son(leur) ampleur, de la société LA FRANCAISE AM dans l’exécution de sa mission de gestion du fonds, tout particulièrement les opérations d’investissements sélectionnées/recommandées par la société LA FRANCAISE, la connaissance par la société LA FRANCAISE AM, notamment par Mme [E] [S] – [P] et M [G] [O], du ‘document d’informations préalables à l’établissement de la notice d’information’, les conditions de transmission et de réception du ‘document d’informations préalables’, les modalités de suivi éventuelles mises en place par la société Allianz Life Luxembourg pour s’assurer de la bonne exécution du contrat de gestion ainsi confié par la société LA FRANCAISE AM et être tenue informée des performances, la connaissance par la société Allianz Life Luxembourg de la faute contractuelle éventuelle, ainsi que son ampleur’) concerne l’objet de la mesure d’instruction et ne crée, pour l’huissier, au stade de la collecte, par le recours aux mots-clés, des seules pièces en rapport avec l’investissement litigieux, aucune obligation d’analyse du contenu des documents ; en tout état de cause, c’est dans le cadre d’une analyse différée qu’est pris en compte le contenu des pièces en cas de difficulté dans la sélection et le tri des éléments recherchés ainsi que le prévoit le chef de mission du technicien tel que précisé en page 4 de l’ordonnance du 25 octobre 2021 (‘Autorisons l’huissier instrumentaire, en cas de difficultés dans la sélection et le tri des éléments recherchés, notamment au regard de leur volume, ou en cas de difficultés rencontrées dans l’accès aux supports informatiques de la société à procéder à une copie complète, en deux exemplaires, des fichiers, des disques durs et autres supports de données qui lui paraitront nécessaires en rapport avec la mission confiée, dont une copie placée sous séquestre servira de référentiel et ne sera pas transmise à la partie requérante, et, l’autre copie servira au mandataire, à procéder, de manière différée, avec l’aide du technicien choisi par lui, à l’ensemble des recherches et analyses visées ci-dessus.’).
La société LFAM n’est donc pas fondée à soutenir que l’ordonnance sur requête subordonne la saisie à une analyse des documents.
Sur la demande subsidiaire de la société LFAM
La cour déboutant la société LFAM de sa demande tendant à dire disproportionnée la mesure d’instruction, la demande subsidiaire de cette dernière tendant à la modification de la mission du technicien sera rejetée.
L’ordonnance entreprise sera, en conséquence, confirmée en toutes ses dispositions.
Sur la demande de la société Filfoi de communication des pièces recueillies
Le premier juge ayant fixé le calendrier des opérations de levée du séquestre et ordonné à cet effet le renvoi de l’affaire, il appartient au juge des référés du tribunal de commerce de Paris de vider sa saisine sur ce point. La demande de la société Filfoi tendant à ce que la cour ordonne la communication des pièces recueillies ne sera, en conséquence, pas examinée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La société LFAM supportera les dépens d’appel.
Au regard des circonstances de la cause, l’équité commande d’allouer à la société Filfoi la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme l’ordonnance entreprise ;
Dit n’y avoir lieu d’ordonner la communication des pièces recueillies dès lors que le premier juge reste saisi de cette demande ;
Condamne la société La Française asset management aux dépens d’appel ;
La condamne à payer à la société Filfoi la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Le Greffier, Le Président,