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à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 24 JANVIER 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 21/00601 – N° Portalis DBVK-V-B7F-O3GG
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 18 JANVIER 2021
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN
N° RG 2008J00544
APPELANTE :
Commune [Localité 2]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Bruno FITA de la SCP FITA-BRUZI, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, substitué par Me Julien ROMANO, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES
INTIMEE :
S.A.S. GANASET
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Mathieu PONS-SERRADEIL, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES
Ordonnance de clôture du 27 Octobre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 NOVEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Jean-Luc PROUZAT, président de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, conseiller
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Hélène ALBESA
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, greffier.
FAITS, PROCEDURE – PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par acte authentique du 30 mars 2016, la commune de [Localité 2] a cédé à la SAS Ganaset un fonds de commerce de café, snack, épicerie, situé [Adresse 1], moyennant la somme de 35 000 euros, l’acte de cession prévoyant une clause de non-concurrence.
Elle avait acquis ce fonds de commerce, précédemment exploité sous l’enseigne «Tinc Set », par acte authentique du 31 décembre 2013 moyennant la somme de 70 000 euros.
Le 18 avril 2018, une convention d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public était conclue entre la commune et la société Ganaset afin de permettre l’installation d’une terrasse sur une partie de la place de la République à compter du 1er mai 2018 (pour une durée d’un an, non reconductible tacitement) moyennant une redevance mensuelle de 25 euros.
Entre-temps, la commune de [Localité 2] a conclu deux conventions d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public à proximité de la place de la République au profit de tiers, l’entreprise [J], pour une activité de camion-pizza, à effet au 1er janvier 2018 (pour une même durée limitée) et Mme [M], pour une activité de vente de pains livrés à domicile, produits dérivés, viennoiserie, pâtisserie, souvenirs et produits locaux, dont fruits et légumes, à effet au 1er avril 2018 (pour une même durée limitée).
Saisi par acte d’huissier du 15 décembre 2018 par la société Ganaset aux fins d’indemnisation au titre de la violation de la clause de non-concurrence, le tribunal de commerce de Perpignan, par jugement du 16 septembre 2019, confirmé par un arrêt en date du 4 février 2020, qui a, en outre, déclaré irrecevable l’exception d’incompétence soulevée par la commune de [Localité 2] au profit du tribunal administratif de Montpellier à titre principal et au profit du tribunal de grande instance de Perpignan à titre subsidiaire,
« – a déclaré recevables sur la forme les exceptions soulevées par la commune de [Localité 2],
– a rejeté sur le fond la question préjudicielle posée par la commune de [Localité 2],
– s’est déclaré compétent pour connaître de l’instance en cours entre la SAS Ganaset et la commune de [Localité 2],
– a mis en demeure la commune de [Localité 2] de conclure sur le fond et suspendu l’instance en cours jusqu’à l’expiration du délai pour former appel et, en cas d’appel, jusqu’à ce que la cour d’appel ait rendu sa décision (…). »
Suite à l’arrêt rendu, le tribunal de commerce de Perpignan a, par jugement en date du 18 janvier 2021 :
‘- Déclaré la clause de non-concurrence comme valable,
– Débouté la commune de [Localité 2] de ses demandes,
– Débouté la SAS Ganaset de ses prétentions en ce qui concerne l’activité de l’entreprise [J],
– Condamné la commune de [Localité 2] à payer à la SAS Ganaset, la somme en principal de 26 400 euros au titre de l’activité concurrentielle de vente de pain menée par Madame [O] [M] pour la période comprise entre le 1er avril 2018 jusqu’au 24 février 2019 à raison de 6 jours par semaine sur 11 mois,
– Dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la décision,
– Vu les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, alloué à la SAS Ganaset, la somme de 1 000 euros, qui lui sera vcrsée par la commune de [Localité 2],
– Condamné la commune de [Localité 2] aux dépens (…).’
Par déclaration reçue le 29 janvier 2021, la commune de [Localité 2] a régulièrement relevé appel de ce jugement.
Elle demande à la cour, en l’état de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 28 juillet 2021, de :
« – Voir réformer « parte in qua » la décision entreprise,
– Tenant les dispositions des articles 1102 et 1162 du code civil, voir dire et juger nulle et de nul effet la clause de non-concurrence contenue dans l’acte notarié dressé par Maître Carment,
– Voir débouter la SAS Ganaset de l’ensemble de ses prétentions,
– La condamner au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens. »
Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :
– elle a acquis et cédé le fonds de commerce dans un seul souci d’intérêt général et non au titre d’une activité économique, détachable de ses fonctions administratives ; le fonds acquis pour la somme de 70’000 euros a été revendu pour celle de 35 000 euros,
– la délivrance des autorisations d’occupation du domaine est soumise depuis 2017 à une publication préalable, le refus d’une telle autorisation nécessite une justification valable et qu’il soit prouvé que cette autorisation entraînerait une gêne pour la circulation et la liberté du commerce,
– la clause de non-concurrence n’a pas une portée générale, assurant à la société Ganaset un monopole total sur le domaine public concernant les activités qu’elle exerce et la plaçant, de fait, en situation de position abusive,
– la délivrance d’une autorisation d’occupation temporaire du domaine public relève des pouvoirs de police du maire et ces pouvoirs ne peuvent être contractualisés ; la clause ne peut s’appliquer aux autorisations d’occupation temporaire,
– la clause est une clause-type inadaptée, la commune étant débitrice d’une obligation de non-concurrence concernant son domaine privé, à l’exclusion du domaine public communal et des actes administratifs qu’elle passe,
– l’autorisation d’occupation temporaire ne peut être assimilée à un bail et n’entre pas dans le champ de la clause,
– ni l’activité de vente de pizza, ni celle de boulangerie ambulante n’ont généré une concurrence, à défaut de relever des activités de la société intimée,
– au demeurant, les commerces ambulants ont été autorisés d’exercer dans le cadre d’une autorisation à laquelle elle est étrangère,
– la société intimée ne soutient pas avoir subi une perte de chiffre d’affaires alors que la cession du fonds, qu’elle a réalisée postérieurement, démontre le contraire.
Formant appel incident, la société Ganaset sollicite de voir, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 15 juin 2021 :
« – vu les dispositions de l’article 117 du code de procédure civile ; l’article 564 du code de procédure civile, l’article 1343-2 du code civil, l’article L. 1l0-1 du code de commerce ; l’article L. 721-5 de code de commerce ; (…)
– confirmer les dispositions du jugement attaqué en ce qu’il a déclaré la clause de non-concurrence valable, débouté la commune de [Localité 2] de l’ensemble de ses demande et l’a condamnée à lui payer la somme en principal de 26 400 euros au titre de l’activité concurrentielle de vente de pain menée par Madame [G] [X] (…),
– infirmer le jugement (…) en ce qu’il l’a déboutée de ses prétentions en ce qui concerne l’activité de l’entreprise [J] et par voie de conséquence :
– condamner la commune de [Localité 2] à lui payer la somme de 5 200 euros correspondant à 52 jours de contravention écoulés entre l’installation du camion de pizza, le 1er janvier 2018, et son départ, le 31 décembre 2018,
– ordonner la capitalisation des intérêts échus pour une année entière, en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil,
– condamner la commune de [Localité 2] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
– condamner la commune de [Localité 2] aux entiers dépens de l’instance.’
Elle expose en substance que :
– contrairement à ce qu’elle indique, la commune a exercé une activité économique en cédant le fonds,
– le litige ne porte pas sur la légalité des autorisations d’occupation temporaire concédées aux tiers, mais sur la violation de l’acte de cession et de la clause de non-concurrence,
– il n’existe aucune obligation de délivrer de telles autorisations d’occupation, l’existence d’une clause de non-concurrence pouvant parfaitement justifier le refus d’une telle autorisation,
– les commerces ayant bénéficié de ces autorisations exercent une activité identique (vente de pain, boissons, oeufs, fromages, sandwichs, qui empiète sur son activité d’épicerie et vente de pizzas sur celle de restauration et snack), et directement concurrente à celle qu’elle exerçait dans le fonds cédé,
– la clause est valable et n’exige pas l’existence d’un bail au profit de tiers, l’expression ‘ donner à bail’ renvoie à la mise à disposition du domaine public dans le cadre d’une autorisation d’occupation temporaire,
– la cession du fond de commerce est un acte détachable des missions administratives de la commune,
– le camion a exercé un jour par semaine le jeudi pendant un an (100 x 52).
Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 27 octobre 2022.
MOTIFS de la DECISION :
L’acte de cession, en date du 30 mars 2016, concerne la vente d’un fonds de commerce de café, snack, épicerie, situé [Adresse 1].
Il prévoit en pages 8 et 9 au paragraphe ‘Charges et conditions’,
II-à la charge du cédant (…) 3° )-‘clause de non-concurrence’ que le cédant ‘s’interdit la faculté :
– de créer, acquérir, exploiter, prendre à bail ou faire valoir, directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, aucun fonds similaire en tout ou partie à celui présentement cédé.
– de donner à bail pour une activité identique à l’activité principale
– de s’intéresser directement ou indirectement ou par personne interposée, et même en tant qu’associé ou actionnaire de droit ou de fait, même à titre de simple commanditaire, ou de gérant, dirigeant social, salarié ou préposé, fut-ce à titre accessoire, à une activité concurrente ou similaire en tout ou partie à celle exercée par lui dans le fonds présentement cédé.
Cette interdiction s’exerce pendant une durée de cinq ans à compter de l’entrée en jouissance du cessionnaire, et sur tout le territoire de la commune de [Localité 2], siège du fonds vendu, sous peine de dommages et intérêts envers le cessionnaire et tous autres acquéreurs successifs, outre le droit qu’ils auraient de faire cesser la contravention ou de faire fermer l’établissement ouvert au mépris de la présente clause.
En cas d’infraction, le cédant sera de plein droit redevable d’une indemnité de 100 euros par jour de contravention ; le cessionnaire se réservant en outre le droit de demander à la juridiction compétente d’ordonner la cessation immédiate de ladite infraction. (…)
De convention expresse entre les parties, cet engagement de non-concurrence constitue une condition essentielle de la présente cession, sans laquelle elle n’aurait pas eu lieu. »
Cette clause ne pouvait, au risque de porter atteinte au principe de la liberté du commerce et de l’industrie, principe à valeur constitutionnelle, ni concéder à la société Ganaset un monopole sur le domaine public ou privé de la commune, ni contraindre la commune à faire usage de son pouvoir de police administrative dans le cadre, notamment, de la délivrance d’autorisations d’occupation du domaine public en faveur de cette dernière au mépris de l’intérêt général.
Toutefois, sous ces réserves, la commune, en sa qualité de cédante d’un fonds de commerce, était valablement tenue de garantir au cessionnaire l’exercice, sur son territoire, et notamment sur la place de la République, pendant cinq années, de l’activité cédée, dans un contexte dénué de concurrence initiée ou suscitée par elle, tels que ses pouvoirs de police l’autorisent à le faire.
Sans que les conventions d’occupation du domaine public, actes administratifs, délivrées par la commune les 1er janvier et 1er avril 2018, pour une durée d’une année moyennant une redevance ne puissent être assimilées à une convention de louage, tel qu’un bail, elles permettent l’installation sur la commune, dans le cadre d’un régime juridique propre indifférent quant à la portée de la clause de non-concurrence, d’un fonds ou d’une activité similaire et concurrente en tout ou partie à celle exercée dans le fonds cédé ; elles relèvent sans ambiguïté de l’interdiction édictée par la clause de non-concurrence.
Les conventions d’occupation du domaine public, délivrées par la commune [Localité 2] à l’entreprise [J] et Mme [M], leur permettaient d’exercer leur activité à proximité immédiate du fonds de commerce cédé, et, manifestement, sur la zone de chalandise la plus importante de la commune.
L’activité de l’entreprise [J] de vente de pizzas, à défaut pour la société Ganaset de rapporter qu’elle exerçait également cette activité dans le cadre de celle de restauration, qu’elle avait développée, ne portait pas atteinte à l’obligation de non-concurrence. La demande d’indemnité de la société Ganaset à ce titre sera rejetée.
L’activité de Mme [M] de vente de pains, produits dérivés, recouvre une partie de l’activité cédée d’épicerie, et développée, de dépôt de pain, portant, ainsi, atteinte, à l’obligation de non-concurrence.
Le nombre de jours de contravention, pendant lesquels Mme [M] a exercé son activité concurrente n’étant pas contesté, la commune de [Localité 2] sera condamnée à verser la somme de 26 400 euros (100 x 246 jours) à la société Ganaset, et ce avec intérêts au taux légal à compter du jugement critiqué et anatocisme, en application des articles 1231-7 et 1343-2 du code civil.
Par ces motifs, le jugement entrepris sera confirmé dans toutes ses dispositions et complété quant aux intérêts.
Succombant sur son appel, la commune de [Localité 2] sera condamnée aux dépens et au vu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 2 000 euros, sa demande sur ce fondement étant rejetée.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Perpignan en date du 18 janvier 2021,
Y ajoutant,
Dit que les intérêts au taux légal qui courent sur la condamnation, confirmée ci-dessus, à compter dudit jugement produiront intérêt conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,
Condamne la commune de [Localité 2] à payer à la SAS Ganaset la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de la commune de [Localité 2] fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la commune de [Localité 2] aux dépens d’appel.
le greffier, le président,