Produits dérivés : 13 juin 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/02875

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Produits dérivés : 13 juin 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/02875
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3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°.

N° RG 22/02875 – N° Portalis DBVL-V-B7G-SW67

S.A.S. GALIFRANCE

C/

S.A. BNP PARIBAS

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Arnaud GAONAC’H,

Me René GLOAGUEN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 JUIN 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Julie ROUET, lors des débats, et Madame Morgane LIZEE, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 23 Mars 2023

devant Madame Olivia JEORGER-LE GAC, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 13 Juin 2023 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré initialement prévu le 30 mai 2023

****

APPELANTE :

S.A.S. GALIFRANCE, immatriculée au RCS de QUIMPER sous le n°392 549 127, représentée par son Président M. [J] [D]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Arnaud GAONAC’H, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

INTIMÉE :

S.A. BNP PARIBAS

ayant pour établissement le centre d’affaire ARMOR ENTREPRISES

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me René GLOAGUEN de la SCP GLOAGUEN & PHILY, Postulant, avocat au barreau de BREST

Représentée par Me Dominique PENIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Représentée par Me Virginia BARAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

La société GALIFRANCE est spécialisée dans la commercialisation de volailles.

Elle a souscrit auprès de la BNP PARIBAS, pour un montant de 150.000 euros, un produit intitulé Crédit Link Note (CLN) ayant pour entité de référence la société RALLYE devant lui procurer durant cinq années un taux d’intérêts de 4,1%, et se dénouer par un remboursement du capital à l’issue des cinq ans, sauf ‘évènement crédit’ déterminé par le comité de droit anglais ISDA (rappeler la définition) sur l’entité de référence.

Elle a perçu les intérêts annuels durant quatre années puis le 23 mai 2019, la société RALLYE a demandé son placement sous sauvegarde de justice.

Le comité ISDA a considéré que cet évènement était constitutif d’un évènement de crédit justifiant le remboursement des CLN adossées à l’entité RALLYE et la mise en oeuvre d’enchères publiques permettant de déterminer le prix de remboursement dû aux investisseurs des CLN..

A l’issue de ce procesus, la valeur de recouvrement des CLN RALLYE a été fixée à 12,5% au pair, soit une perte de valeur de 87,50 % pour les investisseurs.

La société BNP PARIBAS a remboursé à la société GALIFANCE un capital de 18.750 euros en application de cette décision.

La société GALIFRANCE a protesté et demandé le remboursement de l’intégralité du capital, ce qui lui a été refusé.

Par acte du 03 juin 2020, la société GALIFRANCE a assigné en paiement la société BNP PARIBAS;

Par jugement du 08 avril 2022, le tribunal de commerce de Brest a:

– débouté la société GALIFRANCE de ses demandes,

– condamné la société GALIFRANCE à payer à la société BNP PARIBAS la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société GALIFRANCE aux dépens.

Appelante de ce jugement, la société GALIFRANCE, par conclusions du 27 février 2023, a demandé que la Cour:

– infirme le jugement critiqué,

– condamne la société BNP PARIBAS à lui payer la somme de 131.250 euros outre intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 25 novembre 2019,

– déboute la société BNP PARIBAS de ses demandes,

– condamne la société BNP PARIBAS à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamne aux dépens.

Par conclusions du 22 novembre 2022, la société BNP PARIBAS a demandé que la Cour:

– confirme le jugement déféré,

– déboute l’appelante de ses demandes,

– la condamne au paiement de la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamne aux dépens.

MOTIFS DE LA DECISION:

A l’examen des pièces versées aux débats, après que la société GALIFRANCE ait émis auprès de BNP PARIBAS le souhait d’obtenir un accès direct aux salles des marchés de la banque, il lui a été demandé et fourni différents documents.

Notamment, la société GALIFRANCE a rempli un document intitulé ‘profil financier’ dans lequel elle a estimé ‘bonnes’ ses connaissances en produits de couverture de change, de couverture de taux, de produits monétaires, de produits obligataires, de produits de gestion alternative, de produits de gestion structurés et a indiqué utliser un certain nombre d’entre eux de manière régulière, ayant des disponibilités très importantes à placer.

Elle a choisi comme portefeuille type de produits de répartition d’actif un portefeuille ou le risque de pertes potentielles était de 3 sur un échelle de 4 et a annoncé un objectif de diversification et optimisation des cours plutôt qu’un objectif de protection et couverture systématique.

Le 05 mars 2014 lui a été adressé, à sa demande, la documentation sur le produit dénommé CLN ou CREDIT LINKED NOTE, rappelant régulièrement le risque de perte en capital en cas de survenance d’un ‘Evènement de Crédit’.

S’agissant spécifiquement des CLN adossées à l’entité RALLYE, lui a été remis un document précis traitant de ce produit précis et rappelant, dès le titre ‘obligation BNP PARIBAS 5 ans en capital et intérêts en risque sur l’entité RALLYE’.

Il était précisé qu’était un ‘Evènement de Crédit’était un évènement constaté par le comité compétent de l’ISDA (International Swaps and Derivatives Association).

Il était dit aussi qu’en cas de constatation de la survenance d’un Evènement de Crédit par le comité ISDA, le prix final du titre serait déterminé au terme d’un mécanisme d’enchères publiques tenues sur le marché à la suite d’une décision du comité compétent ISDA.

Il était indiqué au paragraphe ‘définitions’ que l’attention du lecteur est attirée sur le fait que le nominal du placement est en risque si un Evènement de Crédit survient sur l’entité RALLYE, et que le document remis est un résumé des termes et conditions de la Termsheet complète en langue anglaise jointe. Il est précisé que les dispositions de la Termsheet en anglais, bien que réputées être le plus fidèles possible à la traduction française, peuvent être différentes de celle de ce résumé et prévaudraient en cas de divergence, au motif que les CLN sont régies par loi anglaise.

Il est enfin précisé que les termes et conditions du document en français incorporent les définitions et dispositions des 2003 ISDA Crédit Dérivatives Définition et que ces dernières prévaudront.

Il est reprécisé plus bas que le produit CLN est un produit structuré complexe et que seule la version anglaise fait foi, le document en français étant donné à titre indicatif ‘aucune réclamation ou action en justice ne pourra être effectuée sur la base de la traduction française’.

Il est aussi précisé que par ce document,qui n’est pas un prospectus, ni une offre de souscrire ou d’acheter ces titres, BNP PARIBAS n’assume aucune obligation de conseil, notamment pour ce qui a trait à l’opportunité de l’opération et l’adéquation aux besoins du soucripteur, lequel doit mener préalablement à l’opération une analyse à laquelle BNP PARIBAS ne se substitue pas.

Ce document a été signé par la société GALIFRANCE, avec la mention ‘bon pour accord à hauteur de 150.000 euros’.

Les intérêts ont été perçus tous les ans et l’opération devait être dénouée le 04 juillet 2019, date de terme conventionnelle de l’obligation.

Par jugement du 23 mai 2019, la société RALLYE a été placée sous sauvegarde.

Le 24 mai, le comité lié à l’ISDA a été réuni et a conclu à la survenance d’un ‘Evenement de Crédit’ et à la mise en place du processus d’enchères.

A l’examen des documents qui lui ont été fournis, la société GALIFRANCE a reçu toutes les informations nécessaires pour effectuer en toute connaissance de cause le placement litigieux.

Elle soutient que le contrat ne pourrait être soumis à la loi anglaise et que l’Evènement de Crédit doit s’entendre de la définition donnée par le document traduit qui lui a été remis, soit ‘faillite de l’entité de référence’, ‘défaut de paiement’ ou ‘restructuration’, la sauvegarde ne représentant aucun de ses évènements.

Toutefois, en vertu des dispositions du règlement CE 593/2008 dit Rome I, les parties peuvent librement convenir du choix de la loi applicable du moment que ce choix n’est pas contraire à l’ordre public du pays dont la loi, à défaut de ce choix, se serait appliquée.

La société GALIFRANCE n’explique pas en quoi, s’agissant de la souscription d’un produit dérivé, la référence à la loi anglaise serait contraire à l’ordre public français.

D’autre part, le fait qu’elle ait conclu avec BNP PARIBAS une convention cadre de compte d’instruments financiers soumise à la loi française ne lui interdisait pas de conclure un contrat comprenant des conditions particulières différentes de ce contrat cadre.

Ensuite, contrairement à ce qu’affirme la société GALIFRANCE, si même, en contradiction avec les termes précis du contrat, devait prévaloir la traduction française des Evènements de Crédits, il doit être relevé que ceux-ci incluent le ‘défaut de paiement’ défini comme ‘l’inexécution par l’entité de référence d’une obligation de paiement exigible au titre d’une obligation de l’entité de référence.’

Le placement sous sauvegarde de justive de la société RALLYE emportant immédiatement interdiction de payer les créances dont la cause était antérieure au jugement, il en résultait que le contrat ne pourrait se dénouer à son terme et qu’ainsi le ‘défaut de paiement’ était établi.

Enfin et surtout, l’application de la loi anglaise est sans incidence sur le litige survenu entre les parties.

Est en cause non pas la loi anglaise, mais la soumission des ‘Evènements de crédits’ aux décisions prises par le comité ISDA, qui est une association professionnelles de banques et d’investisseurs ayant pour objet de fournir des contrats standards de référence pour les transactions sur produits dérivés de gré à gré et de sécuriser les transactions sur ces produits.

Le contrat aurait pu sans difficulté être soumis à la loi française et aux constatations du comité ISDA, ces deux notions étant indépendantes l’une de l’autre.

A cet égard, contrairement à ce que conclut la société GALIFRANCE, le BREXIT n’avait pas pour conséquence l’obligation légale de recréer un comité ISDA, la création d’un nouveau comité s’inscrivant uniquement dans le cadre de l’influence de telle ou telle place financière sur la détermination des instruments de crédits et les décisions prises par le Comité ISDA anglais restant applicables si les parties avaient conventionnellement décidé de s’y soumettre.

Sur ce point, le contrat est très clair en ce qu’il donne compétence à ce Comité pour déterminer et constater les Evènements de Crédit.

Il ne peut être contesté que le Comité ISDA a constaté, pour la société RALLYE, l’existence d’un ‘Evènement de Crédit’.

Il n’appartient pas à la présente juridiction de remettre en cause son analyse, tandis que la société GALIFRANCE a librement choisi de se soumettre à ses décisions.

Par conséquent, le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté la société GALIFRANCE de toutes ses demandes.

La société GALIFRANCE, qui succombe, supportera la charge des dépens d’appel et paiera à la société BNP PARIBAS la somme de 7.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS:

La Cour,

Confirme le jugement déféré.

Condamne la société GALIFRANCE aux dépens d’appel.

Condamne la société GALIFRANCE à payer à la société BNP PARIBAS la somme de 7.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFE LE PRESIDENT

 


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