Produits dérivés : 14 juin 2023 Cour d’appel de Bastia RG n° 22/00116

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Produits dérivés : 14 juin 2023 Cour d’appel de Bastia RG n° 22/00116
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Chambre civile

Section 1

ARRET N°

du 14 JUIN 2023

N° RG 22/00116

N° Portalis DBVE-V-B7G-CDHZ TJ – C

Décision déférée à la Cour :

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’AJACCIO, décision attaquée en date du 20 Janvier 2022, enregistrée sous le n° 21/00909

Consorts [O]

C/

Consorts [W]

Copies exécutoires délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU

QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS

APPELANTS :

M. [J] [O]

né le [Date naissance 2] 1996

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représenté par Me Antoine VINIER ORSETTI, avocat au barreau d’AJACCIO

M. [F] [O]

né le [Date naissance 1] 1997

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représenté par Me Antoine VINIER ORSETTI, avocat au barreau d’AJACCIO

INTIMES :

M. [G] [W]

né le [Date naissance 4] 1975 à [Localité 3]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représenté par Me Jean-Philippe BATTINI, avocat au barreau d’AJACCIO

Mme [V] [W] épouse [W]

née le [Date naissance 5] 1975 à [Localité 9] (JAPON)

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-Philippe BATTINI, avocat au barreau d’AJACCIO

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 27 février 2023, devant Thierry JOUVE, Président de chambre, chargé du rapport, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Thierry JOUVE, Président de chambre

Marie-Ange BETTELANI, Conseillère

François DELEGOVE, Vice-président placé

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Elorri FORT.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 7 juin 2023, prorogée par le magistrat par mention au plumitif au 14 juin 2023

ARRET :

Contradictoire,

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Thierry JOUVE, Président de chambre, et par Vykhanda CHENG, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Victimes d’une agression perpétrée à leur domicile de [Localité 3], dans la nuit du 21 décembre 2018, Monsieur [G] [W] et son épouse, Madame [V] [P] après avoir porté plainte, ont été convoqués aux fins de la mise en oeuvre d’une médiation pénale au cours de laquelle leurs agresseurs, Messieurs [J] et [F] [O] ont pris l’engagement de ne plus les importuner mais ont refusé de procéder à toute indemnisation de leur préjudice corporel.

Dans ces conditions, après une expertise médicale réalisée par le Docteur [A] en présence de son assureur, la MAIF, le couple, par exploit en date du 22 septembre

2021, a engagé devant le tribunal judiciaire d’Ajaccio une action aux fins d’indemnisation, la Caisse primaire d’assurance maladie et la compagnie d’assurance étant appelées à la cause.

Par jugement réputé contradictoire, cette juridiction a :

– condamné solidairement Messieurs [J] et [F] [O] à payer avec intérêts au taux légal à compter du jugement, à :

1) Monsieur [G] [W] :

* au titre du déficit fonctionnel :

total (2 jours) : 50 €

partiel à 50 % : 47 jours x 25 € /2 = 587,50 €,

partiel à 25 % : 30 jours x 25 € /4 = 187,50 €,

partiel à 10 % : 342 jours x 25 € /10 = 855 €

soit une somme totale de 1 680 €

* au titre des souffrances endurées (3/7) : 5 000 €

* au titre du préjudice esthétique permanent (1/7) : 1 000 €

* au titre du préjudice d’agrément (activités sportives) : 5 000 €

* au titre de l’incidence professionnelle : 15 000 €,

* au titre du déficit fonctionnel permanent (10% x 1 300 € =) 13 000 €

soit au total, 40 680 €.

2) Madame [V] [P] :

* au titre de son préjudice moral : 5 000 €

– condamné solidairement Messieurs [J] et [F] [O] à payer avec intérêts au taux légal à compter du jugement, à Monsieur [G] [W] et à Madame [V] épouse [W], chacun, la somme de 5 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné solidairement Messieurs [J] et [F] [O] aux dépens.

APPEL :

Le 21 février 2022, Messieurs [J] et [F] [O] ont interjeté de cette décision, en toutes ses dispositions.

Ils ont notifié leurs dernières conclusions par voie électronique le 5 septembre 2022.

Les époux [W] ont notifié leurs dernières écritures par voie électronique le 17 novembre 2022.

Par ordonnance rendue le 4 janvier 2023, la clôture a été fixée au jour même, l’affaire a été renvoyée à l’audience du 27 février 2023 où elle a été retenue. Le délibéré a été fixé au 7 juin 2023 puis prorogé au 14 juin 2023.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Dans ses conclusions auxquelles la cour renvoie pour un exposé complet des moyens et prétentions, Messieurs [J] et [F] [O] qui concluent à l’infirmation de la décision déférée, sollicitent :

* à titre principal,

– la désignation d’un expert judiciaire avec la mission d’usage,

* à titre infiniment subsidiaire :

– que l’indemnisation des préjudices de Monsieur [W] soit fixée comme suit :

total (2 jours) : 50 €

partiel 50 % : 46 jours x 25 € /2 = 575 €,

partiel 25 % : 28 jours x 25 € /4 = 175 €,

partiel 10 % : 341 jours x 25 € /10 = 852,50 €

soit une somme totale de 1 652,50 €

– qu’il soit dit et jugé que Monsieur [W] a commis une faute ayant concouru à la réalisation des dommages et qu’il verra en conséquence son indemnisation réduite de moitié,

– qu’il lui soit allouée la somme de 7 826,25 €,

– que Madame [W] soit déboutée de sa demande d’indemnisation au titre du préjudice moral,

– la condamnation des intimés à leur payer la somme de 2 400 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamnation des intimés aux entiers dépens.

Dans leurs écritures auxquelles la cour renvoie également, les époux [W] qui concluent à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, sollicitent :

– le rejet de l’ensemble des demandes adverses,

– la condamnation des appelants à leur payer la somme de 5 000 € à chacun en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamnation des appelants aux dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l’appel :

L’appel interjeté par le Fonds de garantie l’a été dans les formes et délai de la loi est recevable, il convient de l’accueillir.

Sur l’opposabilité du rapport d’expertise amiable :

A l’appui de leur demande de désignation avant dire droit d’un expert judiciaire, les consorts [O] invoquent l’inopposabilité du rapport établi amiablement par le Docteur [A] en raison de son caractère non contradictoire.

En réplique, les intimés font valoir que le juge pouvait valablement prendre en considération les éléments contenus dans ce document à la condition qu’il ait été régulièrement versé aux débats et que la décision rendue n’était pas uniquement fondée sur ses conclusions.

La cour partage cette position conforme à la jurisprudence actuelle de la deuxième chambre de la Cour de cassation étant relevé que depuis le début de l’instance, le rapport litigieux a été soumis à la discussion contradictoire des parties et que les demandeurs produisent un certain nombre d’autres pièces médicales permettant de corroborer (ou non) les avis et préconisations du praticien.

La demande de désignation d’un expert judiciaire sera donc rejetée, le rapport du Docteur [A] sera considéré comme un élément de preuve comme un autre dont la valeur sera appréciée, le cas échéant, en fonction des autres éléments du dossier.

Sur l’indemnisation des différents chefs de préjudice :

* Concernant Monsieur [G] [W] :

* Au titre du déficit fonctionnel temporaire:

Suivant les indications de l’expert les premiers juges ont retenu un déficit total de deux jours (21 et 22 décembre 2018 correspondant à l’hospitalisation initiale), partiel de classe III à 50 % durant 47 jours (soit six semaines du 23 décembre 2018 jusqu’au 7 février 2019 correspondant à l’immobilisation totale de la main gauche), partiel de classe II à 25 %

durant 30 jours (du 8 février 2019 jusqu’au 8 mars 2019 correspondant à une période sans nécessité d’une tierce personne) et partiel de classe I à 10 % pendant 342 jours (du 9 mars 2019 jusqu’à la date de consolidation, le 13 février 2020).

La période du 23 décembre 2018 au 7 février 2019 inclus est bien de 47 jours, celle du 9 mars 2019 au 13 février 2020 inclus est bien de 342 jours. L’année 2019 n’étant pas bissextile, la période du 8 février 2019 au 8 mars 2019 inclus comporte 29 jours (et non 30).

Le taux de journalier de 25 € étant pertinent, il convient de fixer l’indemnisation du DFT de classe II comme suit :

25 € x 29 jours = 725 € /4 = 181,25 €

ce qui porte le total à 1 673,75 € (au lieu de 1 680 €).

Le jugement sera réformé en ce sens.

* Au titre des souffrances endurées (3/7) :

Le taux 3/7 (modéré) lié à l’intervention, l’immobilisation, la rééducation, les gênes douloureuses psychologiques ainsi que les douleurs cervico- dorso- lombaires préconisé par l’expert n’est pas contesté par les parties. Seul le montant de 5 000 € l’est par les appelants sans autre explicitation.

Conforme à la jurisprudence habituelle, le jugement sera confirmé sur ce chef de préjudice.

* Au titre du préjudice esthétique permanent :

L’évaluation par l’expert au taux de 1/7 (très léger) du fait de traces cicatricielles au niveau de la paume de la main gauche et l’allocation de la somme de 1 000 € par les premiers juges, ne sont pas contestées par les parties.

Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.

* Au titre du préjudice d’agrément :

Les premiers juges ont alloué de ce chef la somme de 5 000 € pour ‘activités sportives’. En réplique à la contestation des appelants, les intimés versent aux débats deux attestations de témoins, celle de Monsieur [N] [L] indiquant que la victime depuis l’agression ne peut plus s’adonner à la pratique régulière de course à pied sur parcours de santé avec exercices de musculation et surtout celle de Monsieur [R] [E] attestant d’une impossibilité à poursuivre une activité de VTT en raison des douleurs à la main.

L’obligation de cesser notamment la dernière activité qui suppose de supporter au niveau des deux mains les intenses vibrations du guidon, paraît indiscutable au regard des constatations de l’expert, non contestées, évoquant des gênes douloureuses avec zone gâchette et dysesthésies au niveau de la face palmaire de la main gauche.

Le jugement qui a pertinemment évalué ce chef de préjudice sera donc confirmé.

* Au titre de l’incidence professionnelle :

Monsieur [G] [W] expose qu’il est gérant d’une société d’import/export, de distribution de produits et de boissons alcoolisées, de brasserie artisanale, de fabrication de boissons alcoolisées et de produits dérivés, qu’il exerce seul son activité depuis une quinzaine d’années avec l’aide de son épouse conjointe collaboratrice. Il précise que son quotidien est composé d’épisodes alternés de travail posté nécessitant une grande concentration devant un écran d’ordinateur et de travail physique impliquant la manutention de charges parfois lourdes. Il ajoute que toutes les six semaines environ, il doit effectuer les déplacements liés à la promotion de ses produits, ce qui suppose également beaucoup de manutention. Il évoque des fourmillements et des raideurs fréquentes dans son pouce gauche survenant après un appui prolongé du poignet en support de sa main portée au clavier de l’ordinateur mais aussi une nette diminution de ses capacités d’attention, outre des phénomènes d’acouphènes et de stress au travail. Il mentionne également une nette diminution de la précision de ses gestes et une diminution de sa sensibilité tactile.

S’il est vrai que ces doléances ne sont pas toutes confirmées par des examens cliniques, elles correspondent toutefois aux conditions de l’agression dont il a été victime, coups portés au niveau du visage, chute dans les escaliers, perte de connaissance, blessures profondes au niveau de la face palmaire du pouce gauche ayant entraîné une lésion à la fois tendineuse et nerveuse. Les acouphènes avec une baisse dans les fréquences 4000-6000 ont cependant été repérés par le Docteur [Z], ORL, le 15 février 2019. Les séquelles présentées sous forme de douleurs d’une certaine raideur et d’une dysesthésie de la pulpe du pouce gauche ont non seulement été reconnues par le Docteur [A] dans son rapport, mais aussi précédemment par le Docteur [B], chirurgien de la main. Quant au retentissement psychologique et moral, il est incontestable puisque dès le mois de janvier 2019, l’intéressé se plaignant de stress post-traumatique, d’insomnie, de remémoration, de troubles cognitifs et de déficit intentionnel, a fait l’objet d’un suivi psychiatrique et médicamenteux constant.

Il résulte de ces éléments que la victime qui n’est âgée que de 47 ans, subit une dévalorisation sur le marché du travail consécutive à une diminution de sa force physique, une grande fatigabilité, une gêne à la manipulation, un déficit de l’attention et des troubles de mémoire qui limitent à l’évidence ses possibilités d’exercer pleinement et avec l’efficacité requise son activité aux diverses facettes et qui compromettent à terme ses possibilités de la poursuivre jusqu’à l’âge de plus en plus lointain de la retraite.

Le jugement qui lui a pertinemment alloué la somme de 15 000 € sera donc confirmé de ce chef.

* Au titre du déficit fonctionnel permanent :

Suivant les préconisations de l’expert, il est basé sur le guide barème prenant en compte l’ensemble de la symptomatologie séquellaire du pouce gauche, du rachis cervical, des troubles psychopathologiques réactionnels et de SADAM (Syndrome Algo-Dysfonctionnelle de l’Appareil Manducateur), les premiers juges ont retenu un taux d’AIPP (Atteinte à l’Intégrité Physique et Psychique) de 10%.

Seule la valeur du point est contestée par les intimés qui proposent de la fixer à 1 000 €.

En considération du taux et de l’âge de la victime, le jugement qui a retenu une valeur de point à 1 300 € et qui a alloué en conséquence la somme de 13 000 €, sera confirmé.

* Au total,

Le jugement qui avait attribué à Monsieur [G] [W] la somme totale de 40 680 € sera réformé en ce que la somme totale allouée s’élève à la somme de 40 673,75 €.

Concernant Madame [V] [P] :

Les intimés critiquent le jugement déféré en ce qu’il a alloué à Madame [V] [P], au titre de son préjudice moral une somme de 5 000 € dans une formulation laconique qui ne permet pas de déterminer les facteurs pris en compte par la juridiction.

À la lecture des procès-verbaux d’audition par la gendarmerie du couple [W], il apparaît que réveillée dans son sommeil, vers une heure du matin, l’épouse a assisté à son domicile à la violente agression de son mari, sorti porter secours à sa s’ur, par deux jeunes inconnus, armés d’un couteau, qu’elle a dû ensuite le conduire, ensanglanté, aux urgences de l’hôpital.

Il en est résulté sur le moment un intense sentiment de peur par rapport aux risques encourus par son époux et par la suite, un légitime choc psychologique réactif.

Le jugement qui s’est implicitement livré à une bonne évaluation de la situation sera donc confirmé sur ce point.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Messieurs [O] étant à responsables des conséquences dommageables de l’agression dont ils ont été les auteurs et qui est à l’origine de la présente instance, il ne paraît pas inéquitable, en cause d’appel, qu’ils paient à leurs adversaires, victimes, la somme de 1 500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens sont laissés à la charge de l’État.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire

– Reçoit l’appel formé par Messieurs [J] et [F] [O],

– Confirme la décision déférée sauf en ce qui concerne la somme allouée au titre du déficit fonctionnel temporaire et par conséquent, la somme totale due à Monsieur [W],

et statuant à nouveau sur ces points,

– Liquide le préjudice subi par Monsieur [W] au titre du déficit fonctionnel temporaire à la somme de 1 673,75 €,

– Condamne Messieurs [J] et [F] [O] à payer au titre du préjudice total subi par Monsieur [W] à la somme de 40 673,75 €,

et y ajoutant,

– Condamne Messieurs [J] et [F] [O], en cause d’appel, à payer à Monsieur [G] [W] et à son épouse, Madame [V] [P] la somme de 1 500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Laisse les dépens à la charge de l’État.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

 


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