Produits dérivés : 27 septembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/21080

·

·

Produits dérivés : 27 septembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/21080
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 8

ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2023

(n° 2023/ 156 , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/21080 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEYM6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Octobre 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2020047845

APPELANTE

S.A. AXA FRANCE IARD, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro : B 722057460

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, plaidant par Me Pierre FENG, HFW, avocat au barreau de Paris, toque J040 et ayant pour avocats plaidants Me Pierre FENG et Me Pauline ARROYO, Cabinet HFW, avocats au barreau de PARIS, toque J40

INTIMÉES

S.A. SOCIÉTÉ D’EXPLOITATIONS SPÉLÉOLOGIQUES DE [Localité 5], Prise en la personne de son représentant légal, domicilié es qualités audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 3]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro : 552 130 957

S.A.R.L. L’AUBERGE DU GOUFFRE DE [Localité 5], Prise en la personne de son représentant légal, domicilié es qualités audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 3]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro : 510 192 693

S.A.R.L. [Localité 5] PRODUITS DÉRIVÉS, Prise en la personne de son représentant légal, domicilié es qualités audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 3] / FRANCE

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro : 494 887 516

Toutes trois représentées par Me Julien FOURNIER de la SELARL ASTORIA – CABINET D’AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C 315

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 23 Mai 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Mme Laurence FAIVRE, Présidente de chambre

M. Julien SENEL, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET

ARRÊT : Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par, Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Laure POUPET, greffière, présente lors de la mise à disposition.

****

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le gouffre de [Localité 5], situé dans le Lot, constitue le premier site naturel souterrain en Europe et est exploité par trois sociétés :

– la société d’exploitations spéléologiques de [Localité 5] SA, ci-après la société SES de [Localité 5], qui exploite le gouffre lui-même ;

– la société l’auberge du gouffre de [Localité 5] SARL, ci-après la société Auberge de [Localité 5], qui exploite le restaurant se trouvant sur le site ;

– la société [Localité 5] produits dérivés SARL, ci-après la société [Localité 5] PD, qui commercialise différents produits souvenirs.

Le 24 janvier 2017, ces trois sociétés ont souscrit, auprès de la société AXA France IARD, (AXA), un contrat multirisque de l’entreprise n° 6078077204, à effet au 1er janvier 2017, ayant pour objet notamment la garantie ‘Pertes d’exploitation’. Cette police est composée de conditions particulières, d’une convention spéciale dommage et de conditions générales.

Elles ont déclaré des pertes d’exploitation à compter du mois de mars 2020 dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire du Covid-19 et ont sollicité leurs indemnisations.

Par un courriel du 27 mai 2020, la société AXA a refusé la mobilisation de la garantie ‘Pertes d’exploitation’.

C’est dans ces conditions que les sociétés SES de [Localité 5], Auberge de [Localité 5] et [Localité 5] PD ont assigné leur assureur devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d’indemnisation.

Par jugement du 28 octobre 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

– Dit que les conditions requises par le contrat souscrit par la société SOCIETE D’EXPLOITATIONS SPELEOLOGIQUES DE [Localité 5] SA avec les sociétés L’AUBERGE DU GOUFFRE DE [Localité 5] SARL et [Localité 5] PRODUITS DERIVES SARL en tant qu’assurés additionnels, auprès de la societe SA AXA FRANCE IARD au titre de la garantie pertes d’exploitation sont remplies pour les trois activités du site : visite du site, restauration et vente de souvenirs et que la garantie est mobilisable ;

– Condamné la compagnie SA AXA FRANCE IARD à payer :

. à la société SOCIETE D’EXPLOITATIONS SPELEOLOGIQUES DE [Localité 5] SA une provision de 330 000 euros

. à la société L’AUBERGE DU GOUFFRE DE [Localité 5] SARL une provision de

23 000 euros

. et à la société [Localité 5] PRODUITS DERIVES SARL une provision de 36 000 euros;

– désigné un expert judiciaire avec pour mission, notamment de :

. Donner son avis sur le montant des pertes d’exploitation consécutives à la baisse du chiffre d’affaires causées par l’interruption ou la réduction de l’activité, de la marge brute (chiffre d’affaires – charges variables) incluant les charges salariales et les économies realisées ;

. Donner son avis sur le montant des aides / subventions perçues par les demanderesses par l’Etat ainsi que par tout organisme public ou privé ;

. Donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l’évolution de l’activité et des facteurs externes et internes susceptibles d’être pris en compte pour le calcul de la réduction d’activité imputable à la mesure de fermeture en se fondant notamment sur les recettes encaissées dans les semaines ayant précédé le 15 mars 2020.

– Dit que le juge charge du contrôle des mesures d’instruction suivra l’exécution de la présente expertise ;

– Ordonné l’exécution provisoire sans garantie ;

– Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

– Condamné la société SA AXA FRANCE IARD à payer la somme de 2 000 euros à chacune des sociétés SOCIETE D’EXPLOlTATlONS SPELEOLOGIQUES DE [Localité 5] SA, L’AUBERGE DU GOUFFRE DE [Localité 5] SARL et [Localité 5] PRODUITS DERIVES SARL SES DE [Localité 5] au titre de l’application des dispositions de l’articte 700 du code de procédure civile ;

– Réservé les dépens.

Par déclaration électronique du 1er décembre 2021, enregistrée au greffe le 8 décembre 2021, la société AXA a interjeté appel de ce jugement en mentionnant dans la déclaration d’appel qu’elle tend à la réformation et/ou à l’annulation du jugement en ces divers chefs visés dans ladite déclaration .

Par conclusions n° 5 notifiées par voie électronique le 10 février 2023, la société AXA demande à la cour de :

« Vu les articles 1104 et 1353 du code civil,

A titre principal

. INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Et, statuant à nouveau,

. CONSTATER que la garantie “fermeture administrative” n’est pas mobilisable ;

. DEBOUTER la Société d’Exploitation Spéléologique [Localité 5], l’Auberge du Gouffre de [Localité 5] et [Localité 5] Produits Dérivés de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à l’encontre de AXA France IARD S.A ;

Subsidiairement, dans l’hypothèse où le jugement de première instance serait confirmé en ce qu’il a admis le principe de la garantie :

. REFORMER le jugement en ce qu’il a condamne AXA au paiement de provisions au profit de la Société d’Exploitation Spéléologique [Localité 5], l’Auberge du Gouffre de [Localité 5] et [Localité 5] Produits Dérivés ;

. CONFIRMER le jugement en ce qu’il a ordonné une expertise judiciaire, ainsi que les chefs de missions y afférents :

. CONFIRMER le jugement en ce qu’il a fixé les périodes d’indemnisation contractuelles :

. entre les 28 mars et 11 mai 2020 pour la société [Localité 5] Produits Dérivés, et

. entre les 28 mars et 2 juin 2020 pour la société l’Auberge du Gouffre de [Localité 5]

. entre les 28 mars et 2 juin 2020 ou, tout au plus, le 5 juin 2020 pour la société Société d’Exploitation Spéléologique de [Localité 5].

Et, statuant à nouveau,

. DEBOUTER la Société d’Exploitation Spéléologique [Localité 5], l’Auberge du Gouffre de [Localité 5] et [Localité 5] Produits Dérivés de leurs demandes de provisions à l’encontre d’AXA France IARD S.A ;

. ORDONNER à la Société d’Exploitation Spéléologique [Localité 5], l’Auberge du Gouffre de [Localité 5] et [Localité 5] Produits Dérivés de restituer à AXA France IARD S.A de restituer les provisions réglées en exécution du jugement de première instance ;

. DEBOUTER la Société d’Exploitation Spéléologique [Localité 5] et la société l’Auberge du Gouffre de [Localité 5] de leurs demandes d’indemnisation pour la période comprise entre les 3 et 27 juin 2020 ;

. DEBOUTER la société [Localité 5] Produits Dérivés de sa demande d’indemnisation pour la période comprise entre les 12 mai et 27 juin 2020 ;

. DEBOUTER la Société d’Exploitation Spéléologique [Localité 5], l’Auberge du Gouffre de [Localité 5] et [Localité 5] Produits Dérivés de leur demande d’extension de la mission de l’expert judiciaire ;

. SURSEOIR à statuer sur les demandes indemnitaires des intimées dans l’attente du dépôt du rapport de M. [P] [Z], ou de tout expert commis en substitution de ce dernier ;

. FAIRE APPLICATION des dispositions contractuelles et du principe indemnitaire pour fixer le montant de l’indemnité due en application de la police d’assurance ;

. FAIRE APPLICATION des plafonds, limites de garantie et franchises prévus par la police ;

En tout état de cause,

. DEBOUTER la Société d’Exploitation Spéléologique [Localité 5], l’Auberge du Gouffre de [Localité 5] et [Localité 5] Produits Dérivés de leur appel incident ;

. CONFIRMER le jugement en ce qu’il a débouté la Société d’Exploitation Spéléologique [Localité 5], l’Auberge du Gouffre de [Localité 5] et [Localité 5] Produits Dérivés de leur demande au titre de la résistance abusive ;

. CONDAMNER in solidum la Société d’Exploitation Spéléologique [Localité 5], l’Auberge du Gouffre de [Localité 5] et [Localité 5] Produits Dérivés à payer chacune à AXA France IARD S.A la

somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel.

. DEBOUTER la Société d’Exploitation Spéléologique [Localité 5], l’Auberge du Gouffre de [Localité 5] et [Localité 5] Produits Dérivés de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ou subsidiairement, la réduire à de plus justes proportions ; 

Par conclusions n° 4 notifiées par voie électronique le 11 mai 2023, les sociétés SES de [Localité 5], Auberge de [Localité 5] et [Localité 5] PD, intimés, demandent à la cour de :

« Vu les articles 1103, 1190 et 1192 et 1231-1 du Code Civil,

Vu la police d’assurance « Multirisque de l’entreprise » n° 6078077204 souscrite auprès de la Société AXA France,

Confirmer les dispositions du jugement déféré en qu’il a jugé :

« Dit que les conditions requises par le contrat souscrit par la Société d’Exploitations Spéléologiques de [Localité 5] SA avec les sociétés l’Auberge du Gouffre de [Localité 5] SARL et [Localité 5] Produits Dérivés SARL en tant qu’assurés additionnels, auprès de la société SA Axa France IARD au titre de la garantie pertes d’exploitation sont remplies pour les trois activités du site : visite du site, restauration et vente de souvenirs et que la garantie est mobilisable » ;

Confirmer les dispositions du jugement déféré en qu’il a ordonné de la manière suivante le versement d’une provision par AXA France IARD à la SES de [Localité 5], [Localité 5] Produits Dérivés et L’Auberge du Gouffre de [Localité 5], à valoir sur leur indemnisation définitive au titre des pertes d’exploitation subies en raison de la survenance de l’événement « fermeture administrative » :

« Condamné la compagnie SA AXA France IARD à payer :

. À la société SES de [Localité 5] une provision de 330 000 Euros ;

. À la société l’Auberge de [Localité 5] une provision de 23 000 Euros ;

. À la société [Localité 5] Produits Dérivés une provision de 36 000 Euros » ;

Confirmer les dispositions du jugement déféré en qu’il a ordonné une expertise judiciaire et nommé Monsieur [P] [Z] es qualités d’expert judiciaire ;

Confirmer les dispositions du jugement déféré relatives à la mission d’expertise judiciaire suivantes :

. Se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utile à l’accomplissement de sa mission, notamment l’estimation effectuée par les demanderesses et/ou leur expert-comptable, accompagnée de leurs bilans et comptes d’exploitation sur les trois dernières années ;

. Entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l’issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite des opérations ;

. Donner son avis, pour chacune des sociétés demanderesses, sur le montant de sa perte de marge brute causée par la fermeture administrative, soit :

– Du 28 mars 2020 au 11 mai 2020 pour la société [Localité 5] Produits Dérivés ;

– Du 28 mars 2020 au 2 juin 2020 pour la SES de [Localité 5] et l’Auberge du Gouffre de [Localité 5] ;

. Donner son avis sur le montant des pertes d’exploitation consécutives à la baisse du chiffres d’affaires causées par l’interruption ou la réduction de l’activité, de la marge brute (chiffres d’affaires ‘ charges variables) incluant les charges salariales et les économies réalisées ;

. Donner son avis sur le montant des aides/subventions perçues par les demanderesses par l’État ainsi que par tout organisme public ou privé ;

. Donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l’évolution de l’activité et des facteurs externes et internes susceptibles d’être pris en compte pour le calcul de la réduction d’activité imputable à la mesure de fermeture en se fondant notamment sur les recette encaissées dans les semaines ayant précédé le 15 mars 2020;

. Ainsi que l’ensemble des autres modalités des conditions de la mesure d’expertise;

Infirmer le jugement en qu’il a débouté la SES de [Localité 5], [Localité 5] Produits Dérivés et

L’Auberge du Gouffre de [Localité 5] de leurs demandes relatives aux périodes d’indemnisation suivantes :

– du 12 mai jusqu’au 27 juin 2020 pour [Localité 5] Produits Dérivés,

– du 3 au 27 juin pour la SES de [Localité 5] et L’Auberge du Gouffre de [Localité 5],

En conséquence,

Juger que les sociétés ont subi des pertes d’exploitation résultant de la fermeture des établissements :

– du 12 mai jusqu’au 27 juin 2020 pour [Localité 5] Produits Dérivés,

– du 3 au 27 juin pour la SES de [Localité 5] et l’Auberge du Gouffre de [Localité 5] ;

Juger que la mission de l’Expert Judiciaire sera étendue dans les mêmes termes à ces périodes de temps ;

Confirmer les dispositions du jugement déféré en ce qu’il a ensuite :

– Dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise, inscrit la cause au rôle des mesures d’instruction ;

– Dit que le juge chargé du contrôle des mesures d’instruction suivra l’exécution de la présente expertise ;

Infirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté la SES de [Localité 5], [Localité 5] Produits Dérivés et l’Auberge du Gouffre de [Localité 5] de leurs demandes relatives aux dommages-intérêts en réparation de leur préjudice financier résultant de la résistance abusive de la société AXA France IARD ;

En conséquence,

Condamner la société AXA France à verser à la SES de [Localité 5], à la société l’Auberge du Gouffre de [Localité 5] et à la société [Localité 5] Produits Dérivés la somme de 20 000 euros chacune à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive en réparation de leur préjudice financier,

Confirmer les dispositions du jugement déféré en ce qu’il a débouté la société AXA France IARD de ses demandes autres, plus amples ou contraires ;

Débouter la société AXA France IARD de sa demande de sursis à statuer sur les demandes indemnitaires dans l’attente du dépôt du rapport de Monsieur [P] [Z] ou de tout expert commis en substitution de ce dernier ;

Ordonner le renvoi de l’affaire devant le tribunal de commerce de Paris afin qu’il soit statué après dépôt du rapport de Monsieur l’expert judiciaire sur les demandes indemnitaires de la SES de [Localité 5], [Localité 5] Produits Dérivés et l’Auberge de [Localité 5] à l’encontre de la société Axa France IARD ;

Confirmer les dispositions du jugement déféré en ce qu’il a :

– Ordonné l’exécution provisoire sans garantie ;

– Condamné la société AXA France IARD à verser aux trois sociétés la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre de la première instance ;

Y ajoutant, condamner la société AXA France à verser à la SES de [Localité 5], à la société l’Auberge du Gouffre de [Localité 5] et à la société [Localité 5] Produits Dérivés la somme de 50 000 euros chacune au titre des dispositions prévues par l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,  outre les entiers dépens.

Il convient de se reporter aux conclusions ci-dessus visées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 15 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre principal, la société AXA, appelante, fait valoir en substance que :

– au visa de l’article 1353 du code civil, la condition du dommage matériel n’est pas satisfaite et empêche l’application de la garantie ;

– il n’y avait lieu à aucune interprétation de la notion de fermeture administrative qui correspond à une réalité à laquelle sont exposés les établissements assurés qui, en tant que professionnels, ont parfaitement connaissance de ce risque de voir l’administration leur enjoindre de fermer leur établissement pour des raisons tenant au respect de l’ordre public ou encore pour des raisons de sécurité, santé ou de salubrité publiques ; aucune des intimées ne démontre qu’elle aurait fait l’objet d’une mesure de fermeture, les décisions de fermeture administrative étant, par nature, des décisions prononcées à titre individuel, ayant pour objet de fermer l’établissement consécutivement à un fait trouvant son origine dans les locaux assurés (non-respect des normes d’hygiène dans le restaurant, non-respect des règles de sécurité telles que la protection contre l’incendie, etc.) ;

– elle s’est opposée aux demandes de provisions en soulignant en particulier que le quantum de la réclamation n’était pas démontré, cette carence dans l’administration de la preuve constituait nécessairement une contestation sérieuse faisant obstacle au paiement d’une quelconque condamnation. Le préjudice potentiellement indemnisable contractuellement (705 480 euros) serait donc environ trois fois inférieur au montant global de la réclamation (1 979 058 euros), étant souligné que le chiffrage ci-dessus est provisoire dans l’attente de la réception d’éléments complémentaires qui sont de nature à conduire à une diminution du montant à retenir.

A titre principal, les intimées répliquent notamment que :

– la garantie « Pertes d’exploitation » doit être mobilisée en ce qu’elle est étendue à un autre événement, la fermeture administrative, avec un plafond de 2 000 000 d’euros par sinistre et une franchise de 7 jours ;

– quoi qu’en dise l’appelante, les établissements des sociétés SES de [Localité 5], Auberge de [Localité 5] et [Localité 5] PD étaient bien fermés par arrêtés des 14 et 15 mars 2020 et ne pouvaient exercer plus aucune activité, la société AXA ne pouvant prétendre restreindre le sens des termes « fermeture administrative », ceux-ci n’étant pas définis dans le contrat d’assurance ;

– aucune vente à emporter n’était envisageable en raison de la configuration du site et des modalités d’exploitation ;

– la société AXA ne peut exiger, pour que la garantie s’applique, la survenance d’un dommage matériel préalablement à la fermeture administrative, puisque la police d’assurance ne le prévoit pas ;

– l’appelante reconnaît d’ailleurs expressément, page 23 de ses conclusions, que la garantie « Pertes d’exploitation » est mobilisable en application du présent contrat conclu par les parties indiquant que la police d’assurance couvre : « les pertes consécutives à l’événement garanti, à savoir ici les mesures d’interdiction d’accueillir du public », mais elle conteste la mobilisation pour les périodes postérieures au 10 mai et 2 juin 2020.

1. Sur la mobilisation de la garantie des pertes d’exploitation

Il est constant que, en vertu de la page 12 des conditions particulières, les sociétés SES de [Localité 5], Auberge de [Localité 5] et [Localité 5] PD étaient assurées, par la société AXA, des pertes d’exploitation en cas de fermeture administrative de l’établissement.

Si la société AXA, appelante, soutient que cette garantie ne peut être mise en ‘uvre qu’à la condition de prouver qu’un dommage matériel soit à l’origine de la fermeture administrative, les trois sociétés intimées rétorquent inversement que c’est la fermeture qui doit causer le dommage matériel.

La clause litigieuse est rédigée en page 34 de la convention spéciale Dommage Multirisque de l’entreprise en ces termes :

‘Peut être assuré le paiement d’une indemnité correspondant à la perte d’exploitation suite à dommages garantis résultant, pendant la période d’indemnisation :

– de la baisse du chiffred ‘affaires causée par l’interruption ou la réduction de l’activité de l’entreprise,

– de l’engagement de frais supplémentaires d’exploitation (titre III – article 1),

qui sont la conséquence directe des dommages matériels causés par les événements garantis mentionnés aux conditions particulières survenant dans les lieux désignés dans ces mêmes conditions particulières.’

Il en résulte que les pertes d’exploitation sont indemnisées si celles-ci ‘sont la conséquence directe des dommages matériels causés par les événements garantis’.

C’est donc à tort que les premiers juges ont écarté l’exigence d’un dommage matériel au motif que cette condition ne figure pas dans les conditions particulières, celles-ci ne consacrant, nonobstant leur prévalence sur les conditions générales, aucune garantie autonome mais précisant seulement les montants et limites des garanties souscrites.

Comme le répliquent justement les intimées, la fermeture administrative ne doit pas être la conséquence d’un dommage matériel, comme le prétend à tort la société AXA, appelante, mais la cause de celui-ci, l’expression ‘causés par’ signifiant bien que les événements garantis doivent produire des dommages matériels. En d’autres termes, les assurés doivent prouver, pour être indemnisés, qu’un événement garanti par la police, la fermeture administrative en l’espèce, cause un dommage matériel qui entraîne une perte d’exploitation.

Les intimées soutiennent que la fermeture administrative, à l’inverse d’un incendie ou d’un dégât des eaux par exemple, ne donnant jamais lieu à la production d’un dommage matériel, la clause exigeant que l’événement garanti produise un dommage matériel vide la garantie de sa substance. La société AXA, appelante, fait valoir à l’inverse que la fermeture administrative est un événement garanti par le biais d’une extension de garantie et qu’il n’y a rien de contradictoire à ce qu’elle ne puisse pas recevoir application.

Conformément à l’article 1170 du code civil, toute clause qui prive la garantie de sa substance doit être réputée non écrite. Pour être valable, la clause définissant les conditions de garantie ne doit pas supprimer toute garantie du risque. Il faut donc rechercher si, dans les conditions posées par le contrat, une garantie demeure possible.

Les conditions particulières du contrat d’assurance stipulent une garantie ‘pertes d’exploitation’ et indiquent les différents événement garantis, à savoir notamment l’incendie, le dégât des eaux et les émeutes. La fermeture administrative est un événement garanti au titre d’une extension de garantie.

La cour constate que lorsqu’un événement garanti autre que la fermeture administrative, comme l’incendie ou le dégât des eaux, provoque un dommage matériel, les pertes d’exploitation subséquentes sont indemnisées par l’assureur appelant, la société AXA. Ainsi, la clause, qui subordonne la garantie des pertes d’exploitation à ce que l’événement garanti produise un dommage matériel, laisse subsister une garantie nullement dérisoire à l’égard des trois sociétés assurés, intimées, qui pourra intervenir en présence de différents événements entraînant un dommage matériel, comme l’incendie ou le dégât des eaux.

Cette clause n’a donc pas pour conséquence de priver la garantie ‘pertes d’exploitation’ de sa substance, contrairement à ce que répliquent les trois sociétés intimées.

Les trois sociétés assurées ne prouvant pas l’existence d’un dommage matériel causé par la fermeture administrative, alors qu’il leur incombe de justifier que les conditions de la garantie sont réunies, à savoir une fermeture administrative qui produit un dommage matériel à l’origine des pertes d’exploitation, il sera fait droit à la demande de la société AXA, appelante, tendant à juger que la garantie ‘pertes d’exploitation’ n’est pas mobilisable.

Le jugement sera, en conséquence, infirmé en ce qu’il a jugé que les conditions requises par le contrat d’assurance sont remplies et en toutes ses dispositions subséquentes.

2. Sur la résistance abusive

En première instance, les sociétés SES de [Localité 5], Auberge de [Localité 5] et [Localité 5] PD ont formulé une demande de dommages-intérêts au titre d’une prétendue résistance abusive de la société AXA, réitérée en cause d’appel.

L’exercice d’une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à indemnisation qu’en cas de faute susceptible d’engager la responsabilité civile de son auteur.

Les premiers juges ont justement estimé que ni les circonstances du litige, ni les éléments de la procédure, ne permettent de caractériser à l’encontre de la société AXA une faute de nature à faire dégénérer en abus le droit de se défendre en justice.

Il ne sera ainsi pas fait droit aux demandes de dommages-intérêts formulées à ce titre par les trois sociétés intimées. Le jugement sera confirmé sur ce point.

3. Sur les autres demandes

Compte tenu de l’issue du litige, l’examen des demandes présentées par les parties relatives à l’indemnisation des pertes d’exploitation est sans objet, celle-ci n’étant, du fait de la présente décision, pas due par la société AXA.

Le tribunal a condamné la société SA AXA FRANCE IARD à payer la somme de 2 000 euros à chacune des sociétés SOCIETE D’EXPLOlTATlONS SPELEOLOGIQUES DE [Localité 5] SA, L’AUBERGE DU GOUFFRE DE [Localité 5] SARL et [Localité 5] PRODUITS DERIVES SARL SES DE [Localité 5] au titre de l’application des dispositions de l’articte 700 du code de procédure civile et réservé les dépens.

Les sociétés SES de [Localité 5], Auberge de [Localité 5] et [Localité 5] PD, qui succombent, seront condamnées in solidum aux entiers dépens, de première instance et d’appel, incluant les frais d’expertise.

En équité, aucune condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ne sera prononcée tant en première instance qu’en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,

Infirme le jugement rendu le 28 octobre 2021 par le tribunal de commerce de Paris, sauf en ce qu’il a débouté la société d’exploitation spéléologique de [Localité 5], la société l’auberge du gouffre de [Localité 5] et la société [Localité 5] produits dérivés de leur demande au titre de la résistance abusive,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Juge que la garantie des pertes d’exploitation stipulée dans le contrat d’assurance n’est pas mobilisable par les assurés,

Déboute la société d’exploitations spéléologiques de [Localité 5], la société l’auberge du gouffre de [Localité 5] et la société [Localité 5] produits dérivés de l’ensemble de leurs demandes,

Condamne in solidum la société d’exploitations spéléologiques de [Localité 5], la société l’auberge du gouffre de [Localité 5] et la société [Localité 5] produits dérivés aux entiers dépens de première instance et d’appel, comprenant les frais d’expertise,

Rejette les demandes de condamnation formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x