Produits dérivés : 3 novembre 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/04229

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Produits dérivés : 3 novembre 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/04229
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AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 20/04229 – N° Portalis DBVX-V-B7E-NCS3

[V]

C/

S.A.S. MICROMANIA

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de LYON

du 30 Juin 2020

RG : F 18/00512

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 03 NOVEMBRE 2023

APPELANT :

[H] [V]

né le 04 Novembre 1980 à [Localité 5] (21)

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Géraldine HUET de la SELARL SOREL-HUET-LAMBERT MICOUD, avocat au barreau de LYON substituée par Me Nancy LAMBERT-MICOUD, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société MICROMANIA

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me David BLANC de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Septembre 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Béatrice REGNIER, Présidente

Catherine CHANEZ, Conseillère

Françoise CARRIER, Magistrate honoraire

Assistés pendant les débats de Mihaela BOGHIU, Greffière.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 03 Novembre 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Présidente, et par Mihaela BOGHIU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSE DU LITIGE

La société Micromania (ci-après, la société) exploite un réseau de magasins de jeux vidéo et produits dérivés.

Elle applique la convention collective des commerces de détail non alimentaires.

Elle a embauché M. [H] [V] à compter du 4 décembre 2006 sous contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de vendeur préparateur.

Au dernier état de la collaboration, M. [V] occupait les fonctions de responsable de magasin au sein de la boutique Micromania située dans le centre commercial Auchan de Saint-Priest.

Le 13 janvier 2014, une mise en garde a été notifiée au salarié pour avoir maintenu une offre exceptionnelle au-delà de sa durée de validité.

Le 22 mars 2017, un avertissement lui a été notifié, pour non-respect de plusieurs règles internes, sanction contestée par courrier du 21 avril.

Le 7 septembre 2017, une nouvelle mise en garde lui a été notifiée au motif d’un recours aux heures supplémentaires sans validation préalable de la hiérarchie.

Le 10 novembre 2017, M. [V] a fait l’objet d’un second avertissement pour avoir à nouveau planifié des heures supplémentaires sans l’accord préalable du responsable de réseau, sanction contestée par courrier du 15 décembre.

Par lettre recommandée du 4 décembre 2017 (non retirée), l’employeur a convoqué M. [V] à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 19 décembre.

Par lettre recommandée du 29 décembre 2017, M. [V] a fait l’objet d’un licenciement, dans les termes ci-après reproduits, et dispensé de l’exécution de son préavis de deux mois :

« (‘) Votre Responsable Réseau, Monsieur [I] [B] nous a alertés concernant plusieurs dysfonctionnements dans l’accomplissement de vos missions au sein du magasin Micromania Saint-Priest dont vous êtes le responsable.

Malgré les multiples rappels à l’ordre de voire responsable, vous ne respectez pas ses consignes et ne prenez pas en compte ses demandes.

Ainsi, lors de la réunion de zone du 12 octobre 2017, vous étiez le seul Responsable de Magasin de la zone à ne pas avoir préparé la liste des objectifs à mettre en ‘uvre malgré la demande de votre Responsable Réseau.

Votre responsable a alors lui-même préparé des objectifs et vous les a transmis suite à la réunion, mais vous n ‘avez même pas pris la peine d’en prendre connaissance, ce qui est inacceptable.

Ainsi, lorsque votre responsable a souhaité faire un point sur ces objectifs lors de sa visite en magasin le 23 novembre 2017, vous lui avez répondu avec arrogance : « Quels objectifs’ Je ne connais pas les chiffres, si tu veux qu’on parle de résultats, on va regarder le Bench et je te dirai où je suis bon ou non ! »

Nous vous avions portant déjà mis en demeure d’adopter un comportement plus professionnel et courtois à I ‘occasion d ‘un avertissement qui vous a été notifié fin mars 2017.

De surcroît, suite à cette visite, voire responsable vous a transmis un certain nombre de consignes par mail en date du 24 novembre 2017, concernant notamment l’organisation du magasin.

Cependant, il a constaté que vous n ‘aviez pas effectué les tâches demandées et notamment :

o Le rayon Nintendo Switch n ‘avait pas été réorganisé

0 Les panières n ‘avaient pas été réorganisées et disposées comme demandé.

Force est de constater que vous n’avez une nouvelle fois, pas respecté les consignes de voire Responsable.

– Vous ne respectez pas non plus les procédures applicables au sein de notre société:

Lors de sa visite le 4 décembre 2017, votre responsable a retrouvé dans les caisses du magasin plus de 400 chèques cadeau non tamponnés et non découpés.

Vous n’avez pas envoyé ces chèques chaque semaine à notre service comptabilité, comme le prévoit la procédure. Pire, à aucun moment vous n ‘en avez informé voire responsable, ce qui est inadmissible.

Par voire négligence, vous avez exposé la société à un risque de vol important au mépris des règles élémentaires de sécurité visant à protéger les collaborateurs du magasin et les actifs de la société.

Lors de cette visite, votre responsable a également constaté qu’il y avait 340 euros en plus dans le fond de caisse du magasin. Le fond de caisse était de 940 € au lieu de 600 et dont un billet de 100 euros dissimulé sous le tiroir-caisse, ce qui n ‘a pas manqué de le surprendre.

Lorsqu’il a interrogé le vendeur présent, il lui a indiqué qu’il y aurait eu un problème lors d’une vente en date du 27 novembre 2017, sans donner plus d ‘explication.

En votre qualité de Responsable de Magasin, vous n’êtes pas censé ignorer qu’il est indispensable de respecter et de faire respecter les procédures d’encaissement détaillées dans le manuel des procédures commerciales et d’encaissement et de signaler immédiatement toute anomalie au service concerné, ce que vous n ‘avez manifestement pas fait.

De surcroît, aucune feuille de caisse n ‘était tenue conformément à la procédure applicable, ce qui ne permettait pas d’effectuer un suivi correct et de déterminer la date et la cause de ce type d’anomalie.

Voire responsable a également constaté le 4 décembre 2017 que vous ne respectiez pas non plus la procédure d’étiquetage des prix. Ainsi, sur les 60 jeux vérifiés de façon aléatoire, 27 n’étaient pas étiquetés au bon prix, avec une valeur pouvant parfois atteindre le double du prix réel.

En votre qualité de responsable de Magasin, vous n ‘ignorez pas que l’entreprise est soumise à des règles commerciales strictes vis-à-vis des éditeurs de jeux dont elle distribue les produits.

Par ces écarts de prix, vous avez non seulement porté préjudice à notre image commerciale tant vis-à-vis de nos clients que de nos partenaires commerciaux et fait courir à I ‘entreprise un risque juridique grave, ce qui est inacceptable.

– Enfin, le gestionnaire Paie de votre magasin nous a également alertés concernant le non-respect des règles de planification.

En effet, en date du 4 décembre 2017, nous avons constaté qu’un collaborateur en contrat à durée déterminée n ‘était pas planifié dans ‘ outil de planification et de gestion du temps Chronos.

De surcroît, un des collaborateurs du magasin était planifié le dimanche 3 décembre 2017, alors que le magasin était fermé.

Enfin le 15 décembre 2017, vous avez quitté votre poste de travail avant I’ horaire planifié sans justificatif et sans en informer votre Responsable Réseau. En effet, vous n’étiez pas présent en magasin à 14h40 lors de la visite de votre Directeur de Région alors même que vous étiez planifié jusqu’ ‘à 15h50.

L’équipe a indiqué que vous étiez parti faire les dépôts bancaires, ce qui n ‘a pas manqué de nous surprendre puisque la banque est située à 15 minutes du magasin et que vous n’êtes pas revenu prendre votre poste.

Pour notre part, nous vous confirmons que nous ne pouvons tolérer de tels comportements qui nuisent à l’image de notre société ainsi qu’à I ‘organisation et au bon fonctionnement du magasin. Nous ne pouvons que constater que vous n ‘accomplissez pas les missions qui vous incombent avec le sérieux et la rigueur que notre société est en droit d’attendre.

Les faits qui vous sont reprochés sont d’autant plus graves compte tenu de vos fonctions de Responsable de Magasin et de votre ancienneté qui exigent une totale exemplarité. ( ‘) »

Par courrier du 17 janvier 2018 le salarié a contesté le bien-fondé de son licenciement.

Par requête du 23 février 2018, il a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon afin de contester les avertissements et la seconde mise en garde ainsi que son licenciement, et de solliciter diverses sommes à titre indemnitaire et salarial.

Par jugement du 30 juin 2020, le juge départiteur du conseil de prud’hommes a débouté les parties de leurs demandes et condamné M. [V] aux dépens.

Par déclaration du28 juillet 2020, ce dernier a interjeté appel de l’ensemble du dispositif de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées, déposées au greffe le 16 juin 2023, il demande à la cour de :

Réformer le jugement querellé ;

Annuler les avertissements des 22 mars et 10 novembre 2017 et la mise en garde du 7 septembre 2017 et condamner en conséquence la société à lui payer 5 870 euros à titre de dommages et intérêts ;

Condamner la société à lui payer 8 805 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Condamner la société à lui payer 35 220 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner la société à lui payer 17 610 euros de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;

Condamner la société à lui payer 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées, déposées au greffe le 16 juin 2023, il demande à la cour de :

Réformer le jugement querellé ;

Annuler les avertissements des 22 mars et 10 novembre 2017 et la mise en garde du 7 septembre 2017 et condamner en conséquence la société à lui payer 5 870 euros à titre de dommages et intérêts ;

Condamner la société à lui payer 8 805 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Condamner la société à lui payer 35 220 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner la société à lui payer 17 610 euros de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;

Condamner la société à lui payer 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société à lui remettre un bulletin de salaire mentionnant les condamnations à intervenir et les documents de rupture rectifiés sous astreinte de 150 euros/jour de retard à compter du 8ème jour suivant l’arrêt à intervenir, la cour se réservant la faculté de liquider cette astreinte ;

Débouter la société de toutes demandes ;

Condamner la société aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées, déposées au greffe le 26 juin 2023, la société demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [V] de ses demandes et de le condamner à lui verser 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture est intervenue le 27 juin 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques ou qu’elles constituent en réalité des moyens.

Elle n’a pas non plus à fixer le salaire moyen du salarié, s’agissant en réalité d’un moyen à l’appui des demandes indemnitaires ou salariales.

1-Sur la demande d’annulation des avertissements des 22 mars et 10 novembre 2017 et de la mise en garde du 7 septembre 2017 

Aux termes des articles L.1333-1 et L.1333-2 du code du travail, le juge peut, au vu des éléments que doit fournir l’employeur et de ceux que peut fournir le salarié, annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Constitue une sanction disciplinaire « toute mesure autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ».

1-1-Sur l’avertissement du 22 mars 2017

Dans son courrier d’avertissement, l’employeur reproche à M. [V] de ne pas respecter et de remettre systématiquement en cause les consignes de son supérieur hiérarchique, M. [B], dans le but de le décrédibiliser. Il cite plusieurs exemples dans les termes suivants :

« Lors de sa visite du 26 janvier 2017, pendant vos congés payés, votre Responsable Réseau a constaté un certain nombre de dysfonctionnements concernant la gestion et I ‘organisation du magasin. Il a alors procédé avec les vendeurs à la réorganisation du magasin, conformément à la politique de merchandising de la société.

Lors de sa visite du 9 février 2017, vous lui avez fait pari de votre mécontentement en indiquant que « vous étiez parfaitement organisé et que vous n’aviez pas besoin de changer quoi que ce soit ». Vous avez ajouté que vous « aviez tout rechangé car il n’y avait rien de cohérent » et que vous « l ‘avez bien montré à l’équipe ». Vous avez précisé que « l ‘amélioration des ventes n ‘avait rien à voir » avec ce que votre Responsable avait modifié.

De plus, depuis quelques semaines, votre Responsable Réseau a demandé à I’ensemble des Responsables de magasin de votre zone de lui envoyer chaque lundi par mail, le bilan de la semaine écoulée et les priorités pour la semaine en cours. Alors que vos collègues envoient des emails avec des plans d ‘actions précis, pour voire part, vous n ‘envoyez pas cet email à votre responsable.

Vous n ‘avez pas effectué l’inventaire des loot/produits dérivés dont la deadline était fixée au 25 janvier 2017, malgré les multiples relances de votre responsable.

Lors de son passage en magasin au début du mois de février 2017, votre responsable vous a demandé des explications, vous lui avez répondu ironiquement « ça tombe bien c ‘est celui (l’inventaire) qu’on doit faire en février ».

Vous avez refusé de participer à la réunion de zone qui a eu lieu le 17 février 2017. Votre responsable vous avait pourtant informé de sa tenue par email une semaine à l’avance.

Ces faits sont d’autant plus graves que votre responsable vous avait expressément demandé de vous planifier le jour de la réunion.

Pire encore, vous avez daigné le prévenir de voire absence la veille, le 16 février 2017 à 20h13 par mail, en indiquant que vous aviez « dû maintenir votre jour de repos ».

Dans son courrier de contestation du 21 avril 2017, M. [V] reconnait :

avoir été absent à la réunion du 17 février 2017 en raison d’un impératif personnel et en avoir prévenu tardivement sa hiérarchie,

ne pas avoir contrôlé que son second, à qui il avait délégué l’envoi des courriels du lundi, s’acquittait correctement de cette tâche ;

ne pas avoir fait réaliser l’inventaire des loots dans les temps ;

avoir modifié l’organisation du magasin décidée par son responsable de réseau lors de sa visite du 26 janvier 2017, mettant ainsi en ‘uvre ses « compétences commerciales ».

Même s’il soutient dans ses conclusions avoir prévenu « immédiatement » son employeur de son absence à la réunion du 17 février 2017, sans apporter le moindre élément en ce sens, il apparait donc que le 21 avril 2017, M. [V] ne contestait pas la matérialité des faits visés dans le courrier d’avertissement et qu’il a délibérément contrevenu aux consignes de son supérieur hiérarchique.

Il tente de s’en justifier par des considérations inopérantes, portant sur ses supposées compétences commerciales, lesquelles sont hors de propos, sur la charge de travail induite par le recrutement d’un nouveau collaborateur, sans apporter le moindre élément probant, sur le fait que le procédure relative à l’envoi hebdomadaire du bilan de la semaine aurait été initiée pendant ses congés en janvier 2017, alors qu’il lui appartenait de contrôler que les tâches qu’il avait déléguées à son adjoint étaient correctement effectuées, qu’il ne disposait pas du matériel nécessaire pour réaliser l’inventaire, ayant réclamé en vain une « douchette », alors que les courriels qu’il verse aux débats pour en justifier sont antérieurs de plusieurs mois à l’incident relaté.

Au regard de la succession de manquements imputables à M. [V], l’avertissement était donc justifié et proportionné.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté l’intéressé de sa demande d’annulation.

1-2-Sur la mise en garde du 7 septembre 2017

Dans son courrier du 7 septembre 2017, l’employeur a reproché à M. [V] d’avoir fait effectuer 2 heures supplémentaires à l’un des salariés placés sous sa responsabilité sans avoir recueilli au préalable l’autorisation de son supérieur hiérarchique, et donc sans respecter la procédure en place.

Il précise avoir choisi de se limiter à une mise en garde et de ne pas prononcer de nouvel avertissement, tout en annonçant au salarié que tout nouvel incident pourrait l’amener à prendre à son égard une mesure plus grave. Il s’ensuit que ce courrier est susceptible d’avoir des conséquences, à plus ou moins long terme, sur le contrat de travail. La mise en garde constitue donc une sanction disciplinaire.

Dans la mesure où elle n’était pas prévue par le règlement intérieur, la société ne pouvait la prononcer et elle doit donc être annulée.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

1-3-Sur l’avertissement du 10 novembre 2017

Cette dernière sanction est motivée par la planification de l’un des collaborateurs du magasin sur une durée de 39 heures au lieu de 35, au cours de la semaine du 23 au 29 octobre 2017, sans autorisation, et donc en contrevenant à la procédure en place.

Ces faits ne sont pas contestés par le salarié, qui fait néanmoins valoir que M. [M] se voyait systématiquement attribuer sa trame sur 39 heures lorsqu’il était amené à le remplacer pendant ses congés.

Il ressort toutefois de son propre courrier de contestation du 15 décembre 2017 qu’il avait pleinement connaissance de la procédure de validation des heures supplémentaires et qu’en juin 2017, M. [B] avait demandé à M. [M] de modifier la trame sur 39 heures sur laquelle il avait été programmé en son absence pour revenir à une trame sur 35 heures.

L’avertissement était donc justifié et proportionné. Le jugement sera confirmé de ce chef.

1-4-Sur la demande de dommages et intérêts

Seule la mise en garde du 7 septembre 2017 doit être annulée. La cour considère que M. [V] a subi un préjudice de ce fait, lequel sera réparé par le versement de dommages et intérêts à hauteur de 150 euros.

2-Sur le licenciement

Aux termes de l’article L.1235-1 du code du travail, le juge doit apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur.

En application de l’article L.1232-6 du même code, la lettre de licenciement fixe les limites du litige. La cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement. Ils doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement. Il appartient au juge du fond, qui n’est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits reprochés au salarié et de les qualifier, puis de dire s’ils constituent une cause réelle et sérieuse au sens de l’article L.1232-1 du code du travail, l’employeur devant fournir au juge les éléments lui permettant de constater le caractère réel et sérieux du licenciement.

En l’espèce, dans la lettre de licenciement, l’employeur se fonde sur plusieurs griefs :

le non-respect des consignes et des demandes émanant du responsable hiérarchique, M. [B] : liste des objectifs non préparée en vue de la réunion de zone du 12 octobre 2017 ; défaut de prise en compte des objectifs fixés par le responsable suite à cette carence et attitude arrogante lorsque celui-ci a tenté de les évoquer avec lui le 23 novembre ; non-respect des consignes passées par courriel du 24 novembre 2017 en matière d’organisation du magasin ;

le non-respect des procédures applicables au sein de la société : plus de 400 chèques cadeau retrouvés le 4 décembre 2017 non tamponnés et non découpés et non envoyés à la comptabilité ; fond de caisse incorrect ; pas de feuille de caisse conforme ; procédure d’étiquetage des prix non respectée ;

le non-respect des règles de planification : collaborateur en contrat de travail à durée déterminée non planifié dans le logiciel de planification et de gestion du temps Chronos le 4 décembre 2017 ; un collaborateur planifié un dimanche (3 décembre), jour de fermeture du magasin ; absence sur son poste de travail le 15 décembre à 14h40 alors qu’il était planifié jusqu’à 15h50.

Sur le premier grief, il est constant que M. [B] avait demandé aux responsables de magasin de préparer la liste de leurs objectifs pour la réunion du 12 octobre et la société verse aux débats un extrait du courriel que M. [V] a envoyé à son supérieur hiérarchique, ainsi libellé : « sur le magasin, nous avons comme objectif de faire tout notre possible pour réussir les fêtes de Noël et les sorties de novembre et décembre (‘). Pour autant je n’ai pas de chiffres précis à te communiquer car je ne vais pas spéculer sur des probabilités de vente à l’heure où la concurrence, les heures supplémentaires et les renforts staff magasin ne sont pas encore connus. (‘) ».

Ce courriel, que le salarié ne conteste pas avoir envoyé à M. [B], démontre non seulement qu’il n’a pas envoyé ses objectifs en réponse à la demande de celui-ci, mais aussi qu’il n’avait aucunement l’intention de travailler sur ce point. Or même si la fiche de poste de responsable de magasin ne prévoit pas expressément une telle tâche, M. [V], qui ne justifie d’aucune difficulté particulière l’ayant empêché de répondre à la commande de son supérieur aurait dû s’y consacrer sérieusement.

La société n’apporte en revanche aucun élément sur l’attitude arrogante que le salarié aurait adoptée le 23 novembre face à M. [B].

Sur l’organisation du magasin, la société ne rapporte pas la preuve que les consignes données par M. [B] dans son courriel du 24 novembre 2017 pour une exécution immédiate n’ont pas été respectées, sachant que d’autres réaménagements devaient être réalisés pour mi-décembre.

Sur le deuxième grief, le manuel des procédures commerciales et d’encaissement prévoit que les chèques cadeaux doivent être tamponnés et découpés lors du passage en caisse, et envoyés chaque semaine à la comptabilité. Or il est constant que le 4 décembre, 447 chèques cadeaux ont été encaissés sans que la procédure de tamponnage-découpage ait été respectée. Il n’est en revanche pas établi que ces chèques avaient été conservés plus d’une semaine dans le magasin.

Il est par ailleurs constant que le fond de caisse était erroné (940 euros au lieu de 600) et l’explication de M. [V] sur l’absence de régularisation d’une vente annulée ne permet pas de le dédouaner, en ce qu’elle démontre au contraire qu’il ne tenait pas correctement sa feuille de caisse journalière.

Enfin, M. [V] admet ne pas avoir procédé ou fait procéder aux modifications de prix et justifie recevoir régulièrement des consignes en la matière, dont le vendredi 1er décembre à 23h39, et se heurter à une défaillance chronique de la ligne de téléphone du magasin, ce qui ne suffit toutefois pas à expliquer pour quelles raisons le 4 décembre, lors de la visite de M. [B], 27 prix étaient erronés sur un échantillon de 60 jeux.

Sur le troisième grief, dans son courrier de contestation du 17 janvier 2018, M. [V] reconnait l’erreur de planification pour le 3 décembre et son absence le 15 décembre à 14h40. Il fait valoir que le logiciel Chronos est fréquemment en panne, ce qui ne lui a pas permis de réparer l’erreur rapidement et que le 15 décembre, il était arrivé plus tôt pour « biper » les chèques Cadoc et s’était rendu à la banque où il justifie d’un dépôt à 14h27.

Même si ce dernier grief ne parait donc pas pouvoir être retenu, il ressort des développements précédents que M. [V] s’est montré particulièrement léger dans la gestion de son magasin et dans ses relations avec son supérieur hiérarchique, comme en témoignent sa réponse à la demande d’élaboration des objectifs et la tenue de la caisse.

Après les deux avertissements précédemment notifiés, la relation de travail ne pouvait plus se poursuivre et le fait que M. [V] avait été approché par la CFDT pour se porter éventuellement candidat aux élections professionnelles ne saurait avoir aucune incidence sur la procédure de licenciement mise en ‘uvre. La cour relève d’ailleurs que le salarié se contente de relever ce contexte sans en tirer aucune conséquence juridique.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [V] de ses demandes d’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

3-Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

Contrairement à ce que soutient le salarié, le fait pour deux responsables de se présenter dans le magasin de [Localité 6] pour y tenir l’entretien préalable en vue de son licenciement, alors que la convocation lui avait été envoyée dans les délais ne présente aucun caractère vexatoire.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [V] de sa demande de dommages et intérêts.

4-Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

En application de l’article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail s’exécute de bonne foi. Cette obligation est réciproque.

M. [V] soutient que l’employeur a failli à cette obligation à plusieurs reprises.

Il ne démontre pas qu’une prime d’inventaire lui a été supprimée avant d’être réintégrée en octobre 2015, ni que l’absence de signature de l’avenant du 1er mars 2008 lui a causé un préjudice autre qu’une perte de salaire pour laquelle il ne sollicite aucun rappel. Il ne rapporte pas davantage la preuve que les dysfonctionnements du logiciel Chronos ont été à l’origine de sanctions injustifiées prononcées à son encontre et il allègue une nomination comme responsable syndical qui n’est en réalité jamais intervenue, sans démontrer non plus que l’employeur aurait été informé d’un quelconque projet en ce sens.

Enfin, si M. [B] a pu tenir des propos tendancieux devant M. [E] en affirmant que tant qu’il travaillerait avec lui il n’évoluerait pas, ces termes sont difficiles à interpréter en dehors du contexte dans lequel ils ont été prononcés et en tout état de cause, M. [V] n’établit pas avoir subi un quelconque préjudice de ce fait.

En revanche, M. [V] fait valoir qu’après avoir annoncé sa nomination en qualité de responsable de réseau par courriel du 12 octobre 2012 de M. [F] [Z] et avoir financé une formation pour l’y préparer, l’employeur serait ensuite revenu sur sa décision.

La société conteste avoir procédé à une telle annonce, mais s’abstient d’expliquer comment M. [V] est entré en possession du courriel de M. [Z], même si les destinataires n’y apparaissent pas et quel était le thème de la formation que l’intéressé prouve avoir suivie en Loire Atlantique les 15-16-18 octobre 2012.

Par ailleurs, M. [G], ancien responsable de magasin, atteste que l’employeur lui a demandé de prendre la succession de M. [V] au magasin de [Localité 6] en octobre 2012 suite à sa promotion en qualité de responsable de réseau avant de se raviser. M. [G] confirme d’ailleurs que M. [Z] en a informé l’ensemble des magasins par courriel du 12 octobre 2012.

Ce revirement après une annonce largement diffusée, a causé de toute évidence un préjudice à M. [V], qui devra être réparé par le versement d’une somme de 500 euros.

Le jugement sera réformé en ce sens.

5-Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Les dépens de première instance et d’appel seront laissés à la charge de la société.

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [V] de sa demande d’annulation de la mise en garde du 7 septembre 2017 et de sa demande de dommages et intérêts subséquente, et de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et en ce qu’il l’a condamné aux dépens ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Annule la mise en garde du 7 septembre 2017 ;

Condamne la société Micromanie à verser à M. [H] [V] la somme de 150 euros à titre de dommages et intérêts pour mise en garde nulle ;

Condamne la société Micromanie à verser à M. [H] [V] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Laisse les dépens de première instance et d’appel à la charge de la société Micromania ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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