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Arrêt n°
du 11/01/2023
N° RG 22/00011
MLS/FJ
Formule exécutoire le :
à :
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 11 janvier 2023
APPELANT :
d’un jugement rendu le 15 décembre 2021 par le Conseil de Prud’hommes de REIMS, section Encadrement (n° F 21/00204)
Monsieur [C] [Z]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représenté par la SCP GIRAUD-NURY, avocats au barreau de CLERMONT FERRAND
INTIMÉES :
1) SAS LES MANDATAIRES
prise en la personne de Maître [U] [D]
en qualité de liquidateur de la SOCIETE SFN CONCEPT CORNER OUEST
[Adresse 6]
[Adresse 9]
[Localité 2]
2) SAS SFN – SOCIETE DE FRANCHISE NOZ
[Adresse 5]
[Adresse 10]
[Localité 8]
Représentées par la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS et par Me Valérie BREGER, avocat au barreau de LAVAL
L’UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE MARSEILLE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par la SELARL RAFFIN ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 novembre 2022, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller, chargé du rapport, qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 11 janvier 2023.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Madame Christine ROBERT-WARNET, président
Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller
Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Monsieur Francis JOLLY, greffier
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Christine ROBERT-WARNET, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Exposé des faits et de la procédure :
Le contrat de travail de Monsieur [C] [Z], embauché depuis le 22 août 2011 en qualité de chargé de mission, a été rompu par l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, après la liquidation judiciaire de son employeur, l’EURL SFN CONCEPT CORNER, prononcée par jugement du tribunal de commerce de commerce de Marseille le 9 mai 2018.
Le 21 mai 2019, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Reims de demandes tendant à faire fixer au passif de la société liquidée ses créances de dommages et intérêts liées à la rupture du contrat de travail.
Le 18 octobre 2019, il a fait attraire en la cause la SAS SFN, société de franchise NOZ en paiement de dommages et intérêts liés à un prêt illicite de main d’oeuvre, un co emploi et à la rupture du contrat de travail.
Au final, il a demandé au conseil de prud’hommes :
A titre principal,
– à faire condamner solidairement la société SFN à lui verser, et le mandataire liquidateur à inscrire sa créance à hauteur de 10 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour prêt de main-d”uvre illicite et co emploi,
– à faire dire son licenciement abusif,
– à faire condamner solidairement la société SFN à lui verser, et le mandataire liquidateur à inscrire sa créance à hauteur de :
. 8 034,00 euros à titre d’indemnité de préavis,
. 803,40 euros de congés payés afférents,
. 48 204,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 2 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire,
– à procéder par voie d’enquête et d’audition de Monsieur [I],
À titre subsidiaire, si l’article L 1235-3 n’était pas écarté :
– à faire condamner solidairement la société SFN à lui verser, et le mandataire liquidateur à inscrire sa créance à hauteur de :
. 8 034,00 euros à titre d’indemnité de préavis,
. 803,40 euros de congés payés afférents,
. 18 746 ,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 8 000,00 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,
. 2 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire, si le co-emploi n’était pas retenu,
– à faire condamner le mandataire liquidateur à inscrire sa créance à hauteur des sommes ci-dessus indiquées à titre principal et subsidiaire,
En tout état de cause,
– à lui faire remettre sous astreinte les documents administratifs conformes au jugement à intervenir,
– à faire déclarer le jugement commun et opposable à l’ASSOCIATION UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA (Marseille).
En défense, le mandataire liquidateur de la société SFN CONCEPT CORNER OUEST a conclu au débouté et à la condamnation du salarié au paiement d’une indemnité de l’article 700 du Code de procédure civile.
La société SFN a conclu à la prescription de l’action, au rejet des demandes et à la condamnation de la société liquidée au paiement d’une indemnité de l’article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement contradictoire rendu le 15 décembre 2021 et notifié le 21 décembre 2021 au salarié, le conseil de prud’hommes a mis hors de cause la société SFN, a débouté le salarié et les sociétés SFN et SFN CONCEPT CORNER OUEST de leurs demandes reconventionnelles, et a condamné le salarié aux dépens.
Le 5 janvier 2022, le salarié a interjeté appel du jugement.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 10 octobre 2022.
Exposé des prétentions et moyens des parties :
Par conclusions notifiées par voie électronique le 18 mars 2022, l’appelant demande à la cour d’infirmer le jugement, et de faire droit à ses demandes initiales.
Au soutien de ses prétentions, l’appelant fait valoir qu’il a été embauché par la société SFN CONCEPT CORNER devenue la société SFN CONCEPT CORNER OUEST, laquelle avait une activité consistant à commercialiser des produits à forte valeur ajoutée dans des « corner » situés dans les magasins NOZ, enseigne franchisée de la société SFN.
Il conteste la prescription de son action en arguant de ce que le litige porte sur le co-emploi et le prêt de main-d”uvre, d’une part et la rupture du contrat de travail, d’autre part ; que les demandes liées au co emploi et au prêt de main-d”uvre se prescrivent en deux ans ; qu’il avait jusqu’au mois de mai 2020 pour saisir le conseil de prud’hommes. Il prétend donc que sa saisine du 20 mai 2019 reste dans les délais de la prescription.
Il soutient que s’agissant du licenciement, le délai de prescription est d’un an à compter de l’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle ; que l’ayant accepté le 13 juin 2018, il avait jusqu’au 13 juin 2019 pour saisir le conseil de prud’hommes. Il en déduit que sa saisine du 20 mai 2019 reste donc dans les délais, y compris contre la société SFN, appelée en la cause en octobre 2019, dès lors que l’interruption de la prescription à l’encontre de la société SFN CONCEPT CORNER OUEST s’étend à cette société puisque la saisine du conseil de prud’hommes interrompt la prescription à l’égard de toutes les demandes relatives au contrat de travail.
Il soutient que le fonctionnement des sociétés en la cause a déjà été caractérisé par plusieurs conseils de prud’hommes comme étant du prêt de main-d”uvre illicite et du marchandage dans la mesure où le salarié est affecté selon le bon vouloir de la société SFN qui lui donnait des instructions pour travailler en dehors des « corner » dont il avait la charge ; que d’ailleurs, il encadrait les salariés de la société SFN ; qu’il était adhérent de la mutuelle AXA NOZ SANTE ; qu’il était géré par le gestionnaire des ressources humaines de la société SFN ; qu’en revanche, son salaire était pris en charge par la société SFN CONCEPT CORNER OUEST ; que ce montage permettait à la société SFN d’éluder les règles applicables en matière de représentation du personnel et caractérise le prêt de main-d”uvre illicite et le marchandage ; qu’il avait donc des liens de subordination avec les deux sociétés ; que dans ce contexte qui caractérise une confusion d’intérêts, d’activité et de direction se manifestant par une mission permanente dans la gestion économique et sociale des deux sociétés, la situation de co emploi est parfaitement caractérisée.
Il en conclut que le jugement doit être infirmé sur sa demande de dommages-intérêts à ce titre. Il conteste le licenciement dans la mesure où la situation de co-emploi exclut qu’il soit soutenu qu’aucun poste ne pouvait lui être proposé en reclassement dans la société SFN ; que de plus, le liquidateur a procédé à son licenciement avant d’obtenir les réponses aux demandes de reclassement ; que le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, le contrat de sécurisation professionnelle est dépourvu de cause de sorte qu’il est en droit de demander les indemnités de rupture correspondant au licenciement ; que le plafond d’indemnisation édicté par l’article L 1235-3 du code du travail doit être écarté dans la mesure où ce plafond ne permet pas de réparer son entier préjudice.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 15 juin 2022, la société SFN CONCEPT CORNER OUEST, représentée par la SAS LES MANDATAIRES, en qualité de liquidateur, demande à la cour de déclarer le salarié mal fondé en son appel, de le débouter, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et à titre subsidiaire, de limiter à trois mois la créance à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société SFN CONCEPT CORNER OUEST au titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle demande la condamnation du salarié aux dépens et au versement d’une somme de 3 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, elle expose que le prêt de main-d”uvre illicite implique une mise à disposition du personnel, un transfert d’autorité sur le salarié, une opération à but lucratif ; que le marchandage suppose une mise à disposition à but exclusivement lucratif qui cause préjudice aux salariés ou qui constitue un défaut d’application de la loi, du règlement, d’une convention ou d’un accord collectif ; que les deux délits supposent la mise à disposition du salarié, un transfert d’autorité et un but lucratif à l’opération ; que le co emploi ne peut être constitutif d’un délit de prêt de main-d”uvre illicite et de marchandage que si les éléments constitutifs de ces délits sont réunis ; que la charge de la preuve pèse sur le salarié ;
Qu’en fait, le salarié n’a pas été mis à la disposition de la société SFN, mais exerçait une mission confiée par la société SFN à la société SFN CONCEPT CORNER OUEST ; qu’il n’est pas rapporté la preuve du lien de subordination juridique avec la société bénéficiaire des prestations ; qu’en réalité, il ne recevait d’instructions que de salariés de la société légalement employeur ; qu’il n’est pas davantage rapporté la preuve que le soi-disant prêt de main-d”uvre l’aurait été à titre exclusif et à titre lucratif, pas plus qui n’est justifié l’existence d’une situation de marchandage ; que les décisions prononcées par d’autres juridictions ne s’imposent pas à la cour ; que faute de pouvoir justifier du lien de subordination entre lui et la société SFN, et d’une immixtion permanente de la société SFN dans la gestion économique et sociale de la société SFN CONCEPT CORNER OUEST, le co emploi ne peut être retenu entre ces sociétés qui n’ont plus de liens capitalistiques depuis 2016.
Elle prétend que le motif économique est incontestable en l’état d’une liquidation judiciaire obligeant le liquidateur à procéder au licenciement dans les 15 jours ; qu’aucune obligation de reclassement au sein de la société SFN ne s’imposait en l’absence d’appartenance à un groupe ; qu’en l’état de la cessation des activités, aucun reclassement n’était possible.
A titre subsidiaire, elle soutient que le montant des dommages et intérêts réclamé doit être limité à trois mois de salaire conformément au barème d’indemnisation légale ; que le préjudice moral distinct n’est pas justifié et que l’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle exclut l’indemnité compensatrice de préavis, celle-ci ayant été directement versée à Pole emploi.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 15 juin 2022, la société SFN, société de franchise NOZ, demande à la cour de juger prescrites les demandes, de débouter le salarié, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.
À titre subsidiaire, elle demande à être mise hors de cause et sollicite la condamnation du salarié à lui payer la somme de 3 000,00 euros sur le fondement l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, elle reprend globalement les moyens développés par la société employeur et expose que le salarié ne rapporte pas la preuve qu’il réalisait une prestation de travail pour le compte de la société SFN, d’un transfert d’autorité d’une société à l’autre, et du caractère lucratif de la prétendue opération.
Elle ajoute que l’action en contestation du licenciement est prescrite en application des dispositions de l’article L 1471-1 du code du travail en rejetant l’extension à sa personne de l’effet interruptif de la prescription à l’égard de la société employeur en faisant observer qu’elle a été mise en cause en octobre 2019, soit après l’expiration du délai de prescription.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 juin 2022, l’ASSOCIATION UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA (Marseille) demande à la cour de débouter le salarié par confirmation du jugement.
Au soutien de ses prétentions, elle dit se rapporter aux conclusions du mandataire liquidateur concernant le prêt de main-d”uvre et le marchandage en soulignant que la preuve qui incombe au salarié, n’est pas rapportée concernant les critères de ces délits.
Elle ajoute que le motif économique est indiscutable en l’état de la liquidation judiciaire avec cessation d’activité.
Elle fait observer que les préjudices ne sont pas justifiés et que le barème d’indemnisation doit être appliqué conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, et doit porter à limiter la demande de dommages-intérêts.
Elle rappelle que la garantie ne couvre pas le préjudice moral invoqué, et rappelle les limites et conditions de sa garantie.
Motivation :
1 – la prescription de l’action
La nature de la demande étant déterminante du fondement juridique de la prescription, force est de constater que sont portées au contentieux une demande de dommages et intérêts liée au prêt illicite de main d’oeuvre et au co emploi, une demande liée à la rupture du contrat de travail.
S’y ajoute, à titre subsidiaire, une demande de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice moral. Même si dans ses écritures, le salarié indique qu’il s’agit d’un préjudice moral distinct du ‘licenciement’, il ne donne pas d’indications sur le préjudice subi et le relie à la rupture du contrat de travail dans la mesure où il en fait un subsidiaire au cas où le barème de l’article L 1235-3 du Code du travail n’était pas écarté.
La prescription des actions liées à la rupture du contrat de travail, intervenue après acceptation le 28 mai 2018 du contrat de sécurisation professionnelle, doit donc être fondée sur les dispositions de l’alinéa 2 de l’article L 1233-67 du Code du travail, qui laissent au salarié un délai de douze mois pour agir à compter de cette adhésion, étant précisé que ce délai pour agir a été porté à sa connaissance dans le courrier lui proposant l’adhésion au contrat précité.
Le délai devait donc expirer le 28 mai 2019. Le conseil de prud’hommes a été saisi de demandes à l’encontre de la société SFN CONCEPT CORNER OUEST le 21 mai 2019, de sorte que cette saisine a été faite dans le délai de la prescription, qu’il a d’ailleurs interrompu.
En revanche, les demandes à l’encontre de la société SFN, société de franchise NOZ n’ont été formulées qu’en octobre 2018.
L’interruption de la prescription à l’encontre de la société SFN CORNER OUEST ne peut, s’agissant d’une demande postérieure au 31 août 2016, s’étendre à la société SFN, société de franchise NOZ qu’en cas de solidarité, selon ce qui est prescrit par l’article 2245 du Code civil.
Or, le salarié tire la solidarité du prêt illicite de main d’oeuvre, du co-emploi et du marchandage dont il doit apporter par conséquent la preuve, laquelle ne peut être tirée de l’appréciation d’autres juridictions du fond, qui ne s’impose pas à la cour.
Ainsi, selon l’article L 8241-1 alinéa 1 du code du travail, toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main d’oeuvre est interdite. Selon l’alinéa 3 du même texte, une opération de prêt de main d’oeuvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition.
En l’espèce, s’il est admis que le salarié travaillait dans les magasins appartenant à la SAS SFN, franchise NOZ, en réalisant la prestation due à celle-ci par la société SFN CONCEPT CORNER OUEST, rien ne vient justifier des liens contractuels entre ces deux sociétés de sorte que la cour n’est pas en mesure de juger de l’aspect lucratif de l’opération entre la société SFN franchise NOZ et la société SFN CONCEPT CORNER. Dans ces conditions, le prêt de main d’oeuvre ne peut être caractérisé.
Selon l’article L 8231-1 du code du travail, le marchandage est défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main d’oeuvre, qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application des dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail.
La cour se heurte encore à une absence de justification du but lucratif de l’opération. De plus, il n’est pas démontré que l’application des dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail ait été éludée ou que le salarié ait subi un préjudice de ce fait. Le marchandage n’est donc pas démontré.
Enfin, les échanges de courriels entre le salarié et le personnel de la société SFN franchise NOZ pour l’organisation du travail à l’interieur des magasins NOZ, nécessaires à la réalisation de la prestation du salarié, ne suffisent pas à caractériser un lien de subordination entre le salarié et la société franchisée ni une immixtion de la société SFN franchise NOZ dans l’organisation de la société SFN CONCEPT CORNER, sociétés qui n’ont plus, depuis 2016, de liens capitalistiques.
En l’absence de prêt illicite de main d’oeuvre, de marchandage ou de co emploi de nature à générer une éventuelle solidarité, la saisine du conseil de prud’hommes à l’encontre de la société SFN CONCEPT CORNER OUEST n’a pu interrompre la prescription à l’encontre de la société SFN, franchise NOZ.
Il en résulte que les demandes liées à la rupture du contrat de travail sont prescrites à l’encontre de la société SFN franchise NOZ, laquelle ne demande pas à la cour de déclarer les demandes irrecevables.
Pour la demande de dommages et intérêts liée au prêt de main-d’oeuvre et au co-emploi, s’agissant d’une demande liée à l’excéution du contrat de travail, le délai de prescription est de 2 ans à compter de la connaissance des faits permettant d’exercer l’action.
Le contrat s’étant achevé en juin 2018, le salarié pouvait exercer son action jusqu’en juin 2020. En saisissant le conseil de prud’hommes en mai et octobre 2018, les demandes ne peuvent donc se heurter à la prescription. Les demandes sont donc recevables à l’encontre des deux sociétés.
2 – la demande de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du prêt illicite de main d’oeuvre et du co emploi
En l’absence de preuve de prêt illicite de main d’oeuvre et de co emploi, la demande ne peut aboutir et le jugement sera confirmé.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a mis la société SFN hors de cause.
3 – la rupture du contrat de travail
Le salarié ne peut critiquer le licenciement en restant dubitatif sur le motif économique qui résulte de la liquidation judiciaire de la société employeur.
Il ne peut davantage critiquer le licenciement en arguant d’un possible reclassement dans les sociétés franchisées NOZ prétendu co-employeur, dès lors que le co-emploi a été rejeté plus haut.
Par ailleurs, en l’état de la cessation d’activité d’une entreprise qui n’appartenait pas à un groupe de sociétés, la recherche de reclassement en interne était impossible. Le liquidateur a par courrier du 16 mai 2018 fait une recherche de reclassement externe auprès de la société SFN franchise NOZ à laquelle il n’était pas tenu. Il ne saurait lui être reproché de n’avoir pas attendu la réponse de la société sollicitée, laquelle a d’ailleurs répondu négativement à la sollicitation, dans la mesure où par l’effet des dispositions de l’article L 3253-8 du code du travail, le liquidateur doit procéder à la rupture du contrat de travail dans les quinze jours de la date de la liquidation judiciaire pour pouvoir garantir le paiement des indemnités de rupture par le garant des salaires.
Par conséquent, le licenciement est justifié par un motif économique de sorte que le jugement querellé, qui a apprécié exactement les éléments du dossier, doit être confirmé.
3 – les autres demandes
La garantie des salaires est devenue sans objet. Le présent arrêt lui sera néanmoins déclaré commun et opposable.
Succombant au sens de l’article 696 du Code du travail, le salarié sera condamné aux dépens de première instance, par confirmation et aux frais irrépétibles de première instance, par infirmation.
En appel, il supportera les dépens, sera débouté de sa demande d’indemnité de l’article 700 du Code de procédure civile et sera condamné à payer aux intimées la somme de 2 000,00 euros chacune en remboursement de leurs frais irrépétibles.
Par ces motifs :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement rendu le 15 décembre 2021 par le conseil de prud’hommes de Reims en ce qu’il :
– a mis la société SFN hors de cause pour ce qui concerne la demande de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du prêt illicite de main d’oeuvre et du co emploi,
– a débouté Monsieur [C] [Z] de ses demandes à l’encontre de la société SFN CONCEPT CORNER OUEST représentée par la SAS LES MANDATAIRES elle-même représentée par Monsieur [U] [D], en qualité de liquidateur,
– a condamné Monsieur [C] [Z] aux dépens,
Infirme le surplus,
Statuant à nouveau, dans la limite des chefs d’infirmation,
Déclare prescrites les demandes liées à la rupture du contrat de travail à l’encontre de la société SFN franchise NOZ,
Y ajoutant,
Déclare le présent arrêt commun et opposable à l’ASSOCIATION UNEDIC DELEGATION AGS CGEA (Marseille),
Condamne Monsieur [C] [Z] à payer à la société SFN franchise NOZ et à la société SFN CONCEPT CORNER OUEST représentée par la SAS LES MANDATAIRES elle-même représentée par Monsieur [U] [D], en qualité de liquidateur, la somme de 2 000,00 euros (deux mille euros) chacune, en remboursement de leurs frais irrépétibles de première instance et d’appel,
Condamne Monsieur [C] [Z] aux dépens de l’instance d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT