Prêt illicite de main d’oeuvre : 31 janvier 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 20/01539

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Prêt illicite de main d’oeuvre : 31 janvier 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 20/01539
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 20/01539 – N° Portalis DBVH-V-B7E-HXQE

CRL/EB

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AVIGNON

20 mai 2020 RG :17/00591

S.A.S.U GROUPE CANDY AND CO

C/

[M]

S.A.R.L. CANDY MAIL STORE

Grosse délivrée

le

à

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 31 JANVIER 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AVIGNON en date du 20 Mai 2020, N°17/00591

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 15 Novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 24 Janvier 2023 prorogé à ce jour

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

S.A.S.U GROUPE CANDY AND CO

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Grégory PAOLETTI de la SELARL VALENTINI & PAOLETTI, avocat au barreau de GRASSE

INTIMÉES :

Mademoiselle [H] [M]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Karim KHADRI, avocat au barreau D’AVIGNON

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/5793 du 10/09/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Nîmes)

S.A.R.L. CANDY MAIL STORE

[Adresse 1]

[Localité 3]

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 02 Novembre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 31 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Mme [H] [M] a été engagée par la S.A.R.L. Candy Mail Store [Localité 3] à compter du 1er décembre 2015 suivant contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de conseillère de vente.

Prétendant à une situation de co-emploi, Mme [H] [M] a saisi par requête introductive d’instance du 27 novembre 2017 le conseil de prud’hommes d’Avignon afin qu’il soit constaté sa mise à disposition par la S.A.R.L. Candy Mail Store [Localité 3] au profit de la S.A.R.L. Groupe Candy And Co, que soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts des co-employeurs et que soit ainsi prononcée la condamnation solidaire des deux structures à lui payer diverses sommes à caractère indemnitaire.

Par jugement en date du 20 mai 2020, le conseil de prud’hommes d’Avignon a :

– dit que les S.A.R.L. Candy Mail Store et S.A.R.L. Groupe Candy and Co sont co-employeurs de Mme [H] [M],

– dit que Mme [H] [M] a été licenciée en date du 09 mai 2016,

– dit que le licenciement de Mme [H] [M], intervenu le 09 mai 2016 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamné solidairement les S.A.R.L. Candy Mail Store et S.A.R.L. Groupe Candy and Co en leur qualité de co-employeur de Mme [H] [M], à lui payer les sommes suivantes:

* 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1529 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 152, 90 euros à titre de congés payés sur préavis,

* 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté Mme [H] [M] du surplus de ses demandes,

– débouté la S.A.R.L. Groupe Candy and Co de ses demandes reconventionnelles,

– condamné solidairement en qualité de co-employeurs les S.A.R.L. Candy Mail Store et Groupe Candy and Co aux entiers dépens de l’instance.

Par acte du 02 juillet 2020, la S.A.R.L. Groupe Candy and Co a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance en date du 16 août 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 02 novembre 2022 à 16 heures. L’affaire a été fixée à l’audience du 15 novembre 2022 à 14 heures.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 08 janvier 2021, la S.A.R.L. Groupe Candy and Co demande à la cour de :

– dire et juger qu’elle est recevable et bien fondée en son appel,

– réformer le jugement rendu le 20 mai 2020 par le conseil de prud’hommes d’Avignon, en ce qu’il a :

* dit que la S.A.R.L. Candy Mail Store et elle sont co-employeurs de Mme [H] [M],

* dit que Mme [H] [M] a été licenciée en date du 09 mai 2016,

* dit que le licenciement de Mme [H] [M], intervenu le 09 mai 2016 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

* l’a condamnée solidairement avec la S.A.R.L. Candy Mail Store, en leur qualité de co-employeur de Mme [H] [M], à lui payer les sommes suivantes :

° 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

° 1529 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

° 152, 90 euros à titre de congés payés sur préavis,

° 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* l’a débouté de ses demandes reconventionnelles,

* l’a condamné solidairement avec la S.A.R.L. Candy Mail Store en qualité de co-employeurs aux entiers dépens de l’instance ;

– confirmer le jugement rendu le 20 mai 2020 par le conseil de prud’hommes d’Avignon, en ce qu’il a débouté Mme [H] [M] du surplus de ses demandes.

Et statuant de nouveau,

– dire et juger que la société CM [Localité 3] et elle ne sont aucunement en situation de co-emploi,

– dire et juger qu’aucune relation de travail ou de mise à disposition n’existe entre Mme [M] et elle,

– en conséquence, dire et juger que le conseil de prud’hommes d’Avignon était incompétent pour connaître du présent litige.

En tout état de cause,

– débouter Mme [H] [M] de l’ensemble de ses prétentions, fins et conclusions à son endroit,

– statuer ce que de droit à l’endroit de la SAS Candy Mail Store [Localité 3],

– condamner Mme [H] [M] à lui payer la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée,

– condamner Mme [H] [M] à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle soutient que :

– elle n’a jamais été employeur de Mme [H] [M] et le conseil de prud’hommes aurait dû se déclarer incompétent pour connaître des demandes présentées par cette dernière,

– Mme [H] [M] a été embauchée en contrat de travail à durée indéterminée en qualité de conseillère de vente par la S.A.R.L. CandyMail [Localité 3],

– aucun des éléments visés par la cour de cassation au titre du faisceau d’indices permettant de caractériser une situation de confusion d’intérêts , d’activités et de direction,

– elle-même est une société répondant à la forme de l’EURL avec pour objet la commercialisation exclusivement par l’intermédiaire d’un site internet de la marque CandyMail alors que la S.A.R.L. Candy Mail Store [Localité 3], sans lien capitalistique avec elle, exploite un magasin dans la galerie commerciale Intermarché [Localité 3] commercialisant des produits de la marque Candy Mail,

– Mme [H] [M] a été mise à sa disposition les 1er et 2 décembre 2015, au début de son contrat de travail, par la S.A.R.L. Candy Mail Store [Localité 3] afin d’être formée au montage et processus d’emballage des produits,

– Mme [H] [M] s’est uniquement adressée à la S.A.R.L. Candy Mail Store [Localité 3] lorsqu’elle affirme que son employeur l’a sommée de ne plus se présenter au travail en raison de l’impossibilité de régler les salaires, et qu’elle a souhaité mettre en oeuvre une procédure de rupture amiable de son contrat de travail,

– elle n’a jamais convoqué Mme [H] [M] dans le cadre de la procédure de rupture de son contrat de travail,

– Mme [H] [M] ne rapporte aucune preuve de ce qu’elle se serait trouvée en situation de travail à son profit, l’ensemble des éléments produits étant contradictoires entre eux ou émanant de personnes sans lien avec elle.

En l’état de ses dernières écritures en date du 08 octobre 2020, contenant appel incident, Mme [H] [M] demande à la cour de:

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Avignon en date du 20 mai 2020 en ce qu’il a :

* dit que les sociétés Candy Mail Store et Groupe Candy and Co ont la qualité de co-employeur vis à vis d’elle ;

* condamner solidairement les sociétés Candy Mail Store et Groupe Candy and Co , en leur qualité de co-employeurs, aux paiements des sommes suivantes :

° 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle

ni sérieuse ;

° 1529 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 152,9 euros au titre des congés payés afférents ;

Y ajoutant,

– condamner solidairement les sociétés Candy Mail Store et Groupe Candy and Co, en leur qualité de co-employeurs, à lui délivrer les documents de fins de contrat sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la résiliation du contrat de travail n’était pas prononcée,

– constater la violation de ses droits par l’employeur,

– dire qu’elle est fondée à invoquer la prise d’acte de la rupture prenant effet à compter de son départ en formation, soit le 05 octobre 2016 ;

En conséquence,

– condamner solidairement les sociétés Candy Mail Store et Groupe Candy and Co aux paiements des sommes suivantes :

* 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

* 1529 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 152,9 euros au titre des

congés payés afférents ;

A titre très subsidiaire, si par extraordinaire, le co-emploi n’était pas reconnu,

– prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail ou à défaut constater la prise d’acte de rupture aux torts de la société Candy Mail Store ;

En conséquence,

– condamner la société Candy Mail Store aux paiements des sommes suivantes :

* 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

* 1529 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 152,9 euros au titre des

congés payés afférents

– condamner la société Candy Mail Store à lui délivrer les documents de fins de contrat sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir;

– condamner la société Candy Mail Store à lui délivrer les documents de fins de contrat sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir

Sur l’appel incident,

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Avignon en ce qu’il l’a débouté de sa demande de rappel de salaires au titre des mois de mai 2016, juin 2016, juillet 2016, aout 2016 et septembre 2016 ;

Statuant à nouveau,

– condamner solidairement les sociétés Candy Mail Store et Groupe Candy and Co à lui payer la somme de 7174, 52 euros à titre de rappel de salaires, outre 717, 45 euros au titre des congés payés afférents.

En tout état de cause,

– débouter les parties défenderesses de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

– condamner toute partie succombante à lui porter et payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Elle fait valoir que :

– elle a été engagée comme conseillère de vente par la société Candy Mail Store [Localité 3] pour laquelle elle a travaillé de décembre 2015 à mars 2016, puis a été amenée à travailler dans les locaux de la société Groupe Candy and Co à [Localité 6] à compter d’avril 2016,

– le 9 mai 2016 elle a été sommée de ne plus venir travailler sur le site de [Localité 6] faute de trésorerie pour payer les salaires, et a sollicité en conséquence une rupture conventionnelle de son contrat de travail, que convoquée à [Localité 6] pour signer les documents de fin de contrat elle a refusé de le faire, en raison de leur antidatage,

– elle a dénoncé ces faits par courrier du 7 juillet 2016 adressé à son employeur, sans réponse de sa part,

– en l’absence de rémunération et sans rupture de son contrat de travail, elle a suivi à compter d’octobre 2016 une formation “petite enfance”,

– son courrier adressé à [Localité 3] étant resté sans réponse, elle l’a envoyé à [Localité 6], et a obtenu en réponse un courrier disant que la société Groupe Candy and Co n’avait aucun lien avec la société Candymail Store et qu’elle ne l’avait pas embauchée,

– elle a assuré des préparations de commandes pour la S.A.R.L. Groupe Candy and Co à [Localité 6], qu’elle a par ailleurs été convoquée dans les locaux de la société à [Localité 6] pour signer la rupture conventionnelle,

– le courriel signé de “[E]” concerne Mme [E] [N], qui a effectivement travaillé pour la S.A.R.L. Groupe Candy and Co ainsi qu’en attestent les documents qu’elle dit verser aux débats,

– contrairement à ce que soutient l’appelante, l’attestation de Mme [J] [V] est tout à fait probante et établit qu’elle a bien travaillé pour elle,

– la condamnation solidaire des deux sociétés se justifie par le fait qu’elles sont étroitement liées, lesquelles si elles sont des entités juridiques distinctes, n’en forment pas moins une unité économique et sociale unique,

– elle a été mise à disposition de l’appelante sans qu’un avenant à son contrat de travail ne soit formulé, et sans son accord,

– la société CandyMail Store a manqué à son obligation de lui fournir du travail, qu’elle n’a plus été payée à compter du 9 mai 2016, qu’elle peut prétendre en conséquence à un rappel de salaire de 7.174,52 euros outre la résiliation judiciaire de son contrat de travail,

– sa mise à disposition de la société Groupe Candy and Co en méconnaissance des dispositions de l’article L 8241-2 du code du travail justifie la résiliation judiciaire de son contrat de travail, de même que le non-respect par l’employeur de la procédure de rupture conventionnelle,

– ses demandes indemnitaires sont en conséquence fondées.

La S.A.R.L. Candy Mail Store [Localité 3] n’a pas constitué avocat ni conclu.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l’audience.

MOTIFS :

* s’agissant de la compétence de la juridiction prud’homale pour connaître du litige opposant Mme [H] [M] à la S.A.R.L. Groupe Candy and Co

L’article L1411-1 du code du travail dispose que le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti.

L’article L1411-3 du même code, le conseil de prud’hommes règle les différends et litiges nés entre salariés à l’occasion du travail.

La compétence du conseil de prud’hommes suppose la réunion de plusieurs conditions, lesquelles se rapportent pour l’essentiel à l’existence d’un contrat de travail, la présence d’un rapport de droit privé et la survenue d’un litige individuel du travail.

Il est constant que Mme [H] [M] a été embauchée par la S.A.R.L. Candy Mail Store [Localité 3] à compter du 1er décembre 2015 suivant contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de conseillère de vente.

Elle se prévaut d’une situation de co-emploi par rapport à la S.A.R.L. Groupe Candy and Co à la disposition de laquelle elle aurait été mise en dehors de tout cadre légal.

Par suite, la juridiction prud’homale est compétente pour connaître de ce litige qui suppose de déterminer si la situation de co-emploi revendiquée par l’appelante est établie.

* s’agissant de l’existence d’une situation de co-emploi entre Mme [H] [M], la S.A.R.L. Candy Mail Store [Localité 3] et la S.A.R.L. Groupe Candy and Co

Le contrat de travail est la convention par laquelle une personne, le salarié, s’engage à mettre son activité à la disposition d’une autre personne, l’employeur, sous la subordination juridique de laquelle elle se place, moyennant rémunération.

L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles la prestation de travail s’est exécutée. Pour déterminer l’existence ou non d’un lien de subordination , il appartient au juge de rechercher parmi les éléments du litige ceux qui caractérisent un lien de subordination.

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; de sorte que l’identification de l’employeur s’opère par l’analyse du lien de subordination et qu’est employeur celui au profit duquel le travail est accompli et sous l’autorité et la direction de qui le salarié exerce son activité . Sont ainsi retenus comme éléments caractérisant un lien de subordination, les contraintes concernant les horaires, le contrôle exercé, notamment sur l’exécution de directives, l’activité dans un lieu déterminé et la fourniture du matériel

Le pouvoir et le contrôle de l’employeur doivent s’apprécier à des degrés différents selon la technicité et la spécificité du poste occupé par le salarié, celui-ci pouvant bénéficier d’une indépendance voire d’une autonomie dans l’exécution de sa prestation sans que pour autant la réalité de son contrat de travail puisse être mise en doute. Ni les modalités de la rémunération, ni la non-affiliation à la sécurité sociale, ni enfin le fait que l’intéressé aurait eu la possibilité de travailler pour d’autres personnes ne permettent d’exclure l’existence d’un contrat de travail.

C’est à celui qui se prévaut de l’existence d’un contrat de travail d’en rapporter la preuve.

L’article L.8241-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n 2011- 898 du 28 juillet 2011, dispose que « toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’oeuvre est interdite » et énumère des dérogations à ce principe, parmi lesquelles les opérations réalisées dans le cadre des dispositions relatives au travail temporaire. Il précise, en son dernier alinéa : « Une opération de prêt de main-d”uvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition. ».

L’article L.8241-2 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n 2012- 387 du 22 mars 2012 dispose : « Les opérations de prêt de main-d’oeuvre à but non lucratif sont autorisées.

Dans ce cas, les articles L. 1251-21 à L. 1251-24, L. 2313-3 à L. 2313-5 et L. 5221-4 du présent code ainsi que les articles L. 412-3 à L. 412-7 du code de la sécurité sociale sont applicables. »

Le même article encadre (depuis la loi n 2011-893 du 28 juillet 2011) ces opérations à but non lucratif en exigeant l’accord du salarié concerné, une convention de mise à disposition entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice dont il précise le contenu et un avenant au contrat de travail. Il organise également les conditions de la mise à disposition du salarié.

Le fait de procéder à une opération de prêt illicite de main-d’oeuvre en méconnaissance des dispositions de l’article L. 8241-1 du travail, est constitutif du délit visé à l’article L. 8243-1 du même code.

Par ailleurs, l’article L. 8231-1du code du travail interdit le marchandage en le définissant comme étant “toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail”.

Sont ainsi prohibées les opérations qui se présentent comme des prestations de services ou des sous-traitances alors qu’en réalité elles dissimulent une mise à disposition à but lucratif de salariés hors des cas permis par la loi.

Les critères permettant habituellement de distinguer les opérations licites des opérations illicites sont le maintien ou non du lien de subordination avec l’entreprise d’origine du salarié, le fait que la mise à disposition du salarié soit ou non à prix coûtant ou encore qu’elle soit forfaitaire ou au temps passé par le salarié mis à disposition, le fait que le salarié mis à disposition exerce ou non une activité spécifique distincte de celle de l’entreprise bénéficiaire de son travail et qu’il lui apporte ou non un savoir-faire particulier, le critère prédominant étant celui relatif à l’absence de transfert du lien de subordination.

Hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière. L’existence d’une situation de coemploi est caractérisée dès lors qu’il est démontré une ingérence continuelle et anormale de la société mère dans la gestion économique et sociale de la filiale, allant au-delà de la nécessaire collaboration entre sociétés d’un même groupe, se traduisant par l’éviction des organes de direction de la filiale dont faisait partie l’intéressé au profit de salariés de la société mère.

Pour démontrer l’existence d’une relation de travail entre elle et la S.A.R.L. Groupe Candy and Co, Mme [H] [M] verse aux débats:

– une capture d’écran concernant des échanges de SMS à la date du ” 29 juin” avec “[E] Candy mail” ” Bonjour [H], c’est [E] de candy à [Localité 6], peux-tu me dire si tu peux passer ce vendredi au bureau pour signer les documents de la rupture conventionnelle’ Merci à toi bises”‘

– un extrait du profil professionnel de Mme [E] [N] extrait du réseau social Linkedin en date du 30 octobre 2018 qui mentionne qu’elle est “community manager, création graphique, création e-mailing, et face à la rubrique “Poste actuel” : ” je suis fan de Candy Mail”,

– un extrait du site société.com concernant la S.A.R.L. Groupe Candy qui a eu pour gérant jusqu’à sa liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif en date du 15 janvier 2014 Mme [E] [N],

– un extrait du compte facebook Candy.mail et d’un blog rattaché à ce compte dans lesquels certains tutoriels sont proposés par “[E] [N]”,

– un courrier et une attestation manuscrite établis par Mme [J] [V] qui indique qu’elle a travaillé avec Mme [H] [M] ” à la boutique CandyMail Store [Localité 3] ( 30) du 1er décembre 2015 au 31 mars 2016. Suite à la direction de fermer la boutique, il nous a proposé à moi-même de travailler à la boutique Cet M [Localité 4] et à [H] de travailler sur l’atelier CandyMail à [Localité 6]. Chacune de nous a accepté chaque proposition”,

– un courrier en date du 8 juin 2016 qu’elle a adressé à “CM [Localité 3] – CandyMail Store CCAL Grands [Localité 3]” dans lequel elle indique :

” Monsieur [P] [G], gérant de la société CM [Localité 3],

Bonjour,

Je vous rappelle que vous m’avez signifié oralement mon licenciement le lundi 9 mai 2016 dans les locaux de CANDY.MAIL à [Localité 6] à l’adresse du siège social [Adresse 2].

Vous ne m’avez fait signé aucun papier en règle, convention, solde de tout compte et règlement des mes heures travaillées au siège social pour la période du 01 mai 2016 au 09 mai 2016 qui ne sont toujours pas payées à ce jour.

Depuis cette entrevue du 9 mai où vous m’avez instamment demandé de ne plus venir travailler au siège faute de trésorerie pour payer mes heures à venir. Je n’ai pas eu de nouvelles de la procédure légale de licenciement.

Le 13 mai 2016 vous m’avez invité à venir à [Localité 6] pour récupérer le paiement de mes heures travaillées au siège pour la période du mois d’avril 2016 et la fiche de salaire. A ce jour, 8 juin 2016, la procédure de licenciement n’est pas abouti, je n’ai pas signé la date de fin de contrat(..)”,

– un courrier en date du “7 juillet” qu’elle a adressé à “CM [Localité 3] – CandyMail Store CCAL Grands [Localité 3]” dans lequel elle indique que lorsqu’elle s’est présentée à [Localité 6] le 7 juillet 2016 elle a refusé de signer les documents relatifs à la rupture conventionnelle de son contrat de travail parce qu’ils étaient antidatés,

– un courrier daté du 13 juin 2017, qu’elle a adressé à “GROUPE CANDY AND CO [Adresse 2] [Localité 6]” dans lequel elle indique ” je vous rappelle avoir été engagée par votre société CANDY MAIL STORE en qualité de conseillère de vente en fin d’année 2015. Dans le courant de l’année 2016, nous nous sommes rapprochés et avons convenu de mettre un terme à mon contrat de travail pour une rupture conventionnelle. (…) En l’absence de rupture, je reste encore à ce jour dans les liens du contrat de travail que j’ai conclu avec votre société. (…)”

– un courriel daté du 15 juin 2017 qui lui est adressé par “[Y] [I]” et qui indique “Mademoiselle [M],

je prend connaissance de votre mail.

Nous ne sommes pas la société CANDY MAILSTORE et n’avons aucun lien avec.

Merci de bien vouloir vous rapprocher de la société qui vous a embauché ainsi que de son gérant.

(…)”

Il n’est pas contesté que les S.A.R.L. Candy Mail Store [Localité 3] et S.A.R.L. Groupe Candy and Co sont deux sociétés distinctes.

Il résulte de l’ensemble de ces documents que Mme [H] [M], qui ne justifie ni des salaires qu’elle aurait perçu, ni de la société qui lui a payé ses salaires, s’est toujours positionnée comme salariée de la S.A.R.L. Candy Mail Store [Localité 3], y compris pour la période postérieure au 31 mars 2016, soit pour la période présentée par elle et Mme [J] [V] comme correspondant à une période où elle aurait travaillé sur le site de [Localité 6] pour le compte de la S.A.R.L. Groupe Candy and Co.

Force est de constater que les éléments ainsi produits ne démontrent aucun lien de subordination avec la S.A.R.L. Groupe Candy and Co qui conteste toute relation de travail avec Mme [H] [M], ni aucune prestation de travail pour le compte de cette dernière, y compris sur la période où l’appelante explique avoir travaillé sur le site de [Localité 6], puisque dans son courrier du 8 juin 2016, l’appelante indique qu’elle a travaillé et a été payée par la S.A.R.L. Candy Mail Store [Localité 3], y compris lorsque cette dernière lui a demandé de travailler non au magasin des [Localité 3] mais sur le site de [Localité 6].

Par suite, s’il est acquis que Mme [H] [M] est allée en formation sur deux journées sur le site de la S.A.R.L. Groupe Candy and Co lors de son embauche par la S.A.R.L. Candy Mail Store [Localité 3] afin d’apprendre à réaliser les emballages de confiserie, la réalité d’une relation contractuelle de travail entre Mme [H] [M] et la S.A.R.L. Groupe Candy and Co, que ce soit directement ou sous forme d’une mise à disposition n’est pas démontrée.

Le fait que les deux sociétés commercialisent des confiseries de la même marque “Candy Mail” est insuffisant à considérer qu’elles constituent une seule unité économique et sociale. L’appelante ne rapporte pas la preuve d’une ingérence continuelle et anormale de la société mère dans la gestion économique et sociale de la filiale, allant au-delà de la nécessaire collaboration entre sociétés d’un même groupe.

En l’absence de relation contractuelle de travail entre Mme [H] [M] et la S.A.R.L. Groupe Candy and Co, et en l’absence de démonstration d’une ingérence continuelle et anormale de cette dernière dans la gestion économique et sociale de la S.A.R.L. Candy Mail Store [Localité 3], aucune situation de co-emploi n’est établie et Mme [H] [M] sera déboutée de l’ensemble de ses demandes dirigées contre la S.A.R.L. Groupe Candy and Co.

La décision déférée sera infirmée en ce sens.

* s’agissant de la rupture du contrat de travail

Dans le courrier en date du 8 juin 2016 que Mme [H] [M] adressé à “CM [Localité 3] – CandyMail Store CCAL Grands [Localité 3]” elle indique :

” Monsieur [P] [G], gérant de la société CM [Localité 3],

Bonjour,

Je vous rappelle que vous m’avez signifié oralement mon licenciement le lundi 9 mai 2016(…)

Par suite, le conseil de prud’hommes a jugé que Mme [H] [M] avait été licenciée sans cause réelle et sérieuse le 9 mai et lui a alloué des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu’une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents.

La cour ayant jugé que la S.A.R.L. Groupe Candy and Co n’était pas co-employeur de Mme [H] [M], elle n’est pas concernée par les conditions dans lesquelles a été rompu le contrat de travail entre l’appelante et son employeur, la S.A.R.L. Candy Mail Store [Localité 3] et ses demandes sur ce point sont devenues sans objet.

Dans ces écritures, Mme [H] [M] demande la confirmation de la décision déférée sur le montant des indemnités qui lui ont été allouées au titre de la rupture de son contrat de travail, sans remettre en cause à titre principal la rupture sous forme de licenciement sans cause réelle et sérieuse en date du 9 mai 2016.

La décision déférée sera en conséquence confirmée sur ce point et sur les dispositions indemnitaires, sauf à préciser que celles-ci ne seront dues que par la S.A.R.L. Candy Mail Store [Localité 3].

* s’agissant de la demande de rappel de salaire pour les mois de juin à septembre 2016.

Dès lors que le contrat de travail a été rompu par un licenciement en date du 9 mai 2016, Mme [H] [M] a été justement déboutée de ses demandes de rappel de salaire pour une période postérieure à la rupture du contrat de travail.

La décision déférée sera confirmée sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort;

Confirme le jugement rendu le 20 mai 2020 par le conseil de prud’hommes d’Avignon en ce qu’il a :

– dit que Mme [H] [M] a été licenciée en date du 09 mai 2016,

– dit que le licenciement de Mme [H] [M], intervenu le 09 mai 2016 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

-fixé l’indemnisation de Mme [H] [M] aux sommes suivantes:

* 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1529 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 152, 90 euros à titre de congés payés sur préavis,

* 750 euros au titre del’article 700 du code de procédure civile,

– débouté Mme [H] [M] du surplus de ses demandes,

– débouté la S.A.R.L. Groupe Candy and Co de ses demandes reconventionnelles,

Statuant à nouveau sur les éléments infirmés, et y ajoutant,

Juge que Mme [H] [M] salariée de la S.A.R.L. Candy Mail Store [Localité 3] ne peut se prévaloir d’aucune situation de co-emploi vis-à-vis de la S.A.R.L. Groupe Candy and Co,

Déboute Mme [H] [M] de l’ensemble de ses demandes indemnitaires dirigées contre la S.A.R.L. Groupe Candy and Co,

Condamne la S.A.R.L. Candy Mail Store [Localité 3] à verser à Mme [H] [M] les sommes fixées au titre de son indemnisation,

Condamne Mme [H] [M] à verser à la S.A.R.L. Groupe Candy and Co la somme de 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la S.A.R.L. Candy Mail Store [Localité 3] à verser à Mme [H] [M] la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Juge que la S.A.R.L. Candy Mail Store [Localité 3] devra délivrer à Mme [H] [M] les documents de fin de contrat de travail conformes à la présente décision dans les deux mois de sa notification,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne la S.A.R.L. Candy Mail Store [Localité 3] aux dépens de première instance et de la procédure d’appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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