Prêt illicite de main d’oeuvre : 5 octobre 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 22/01907

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Prêt illicite de main d’oeuvre : 5 octobre 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 22/01907
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N° RG 22/01907 – N° Portalis DBVM-V-B7G-LLSI

C4

Minute N°

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 05 OCTOBRE 2023

Appel d’un jugement (N° RG 2021F00569)

rendu par le Tribunal de Commerce de VIENNE

en date du 26 avril 2022

suivant déclaration d’appel du 12 mai 2022

APPELANTE :

Mme [I] [L]

gérante de la Société e-fc2

née le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Me KHATIBI, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉS :

M. . LE PROCUREUR GENERAL DE LA COUR D’APPEL DE GRENOBLE

[Adresse 5]

[Adresse 5]

S.E.L.A.R.L. ALLIANCE MJ agissant par Maître [Z] es qualité de liquidateur judiciaire de la Société e-fc2

Mandataire judiciaire [Adresse 1]

[Adresse 1]

non représentée,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,

Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée à Madame Françoise BENEZECH, avocate générale qui a fait connaître son avis

DÉBATS :

A l’audience publique du 07 juin 2023, M. BRUNO conseiller, a été entendu en son rapport,

L’avocat de l’appelant a été entendu en ses conclusions,

Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour,

Faits et procédure :

1. La société E.FC2 a été constituée en janvier 2011, avec pour objet la vente de formations, la vente et la location de sites internet et l’exécution de prestations d’audits et de coaching. Suivant jugement du 20 octobre 2020, le tribunal de commerce de Vienne a prononcé la liquidation judiciaíre de la société E-FC2, suite à la déclaration de cessation des paiements effectuée par madame [L], sa dirigeante, et il a fixé la date de la cessation des paiements au 18 septembre 2020. Madame [L] a été la dirigeante des sociétés [I] Formation et PF Finance, toutes deux ayant fait également l’objet d’une liquidation judiciaire.

2. Par application des articles L653-1 et suivants du code de commerce, et sur requête de la procureure de la République près le tribunal judiciaire de Vienne du 23 juillet 2021 concernant la liquidation judiciaire de la société E-FC2, le président du tribunal de commerce a fait convoquer madame [L], gérante de la société E-FC2, pour qu’elle soit entendue en ses explications sur des faits pouvant conduire le tribunal à prononcer une interdiction de gérer. Il est reproché à la dirigeante, dans la requête, d’avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.

3. Lors de l’audience tenue devant le tribunal, le représentant du ministère public a confirmé l’intégralité des griefs relevés dans sa requête. Le conseil de madame [L] a décrit une situation compliquée en raison de la crise sanitaire liée à la Covid 19, aggravée par une condamnation prud’homale, ce qui a entraîné la déclaration de cessation des paiements. Il a précisé que madame [L] a décidé l’abandon de son compte courant à hauteur de 17.000 euros, ce qui démontre son engagement et sa volonté de préserver sa société. Madame [L] a confirmé qu’elle a tout perdu et qu’elle n’a jamais voulu nuire à la société.

4. Par jugement du 26 avril 2022, le tribunal de commerce de Vienne a’:

– prononcé à l’encontre de madame [I] [L] une faillite personnelle pour une durée de 10 ans’;

– ordonné l’exécution provisoire’;

– dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de procédure.

5. [I] [L] a interjeté appel de cette décision le 12 mai 2022, en toutes ses dispositions reprises dans sa déclaration.

L’instruction de cette procédure a été clôturée le 4 mai 2023.

Prétentions et moyens de [I] [L]’:

6. Selon ses conclusions remises le 9 août 2022, elle demande à la cour, au visa des articles L.653-3 et suivants du code de commerce’:

– d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a prononcé une mesure de faillite personnelle de 10 ans’;

– statuant à nouveau, de constater que la concluante n’a pas détourné les fonds de la société E.FC2 ou organisé son insolvabilité afin d’échapper au paiement des instances prud’homales’;

– de rejeter la demande aux fins de condamnation de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer de la concluante’;

– de dire que les dépens de l’instance seront passés en frais privilégiés.

Elle soutient’:

7. – qu’elle a dirigé la société, et a dispensé seule, en l’absence de salarié, des formations avec une prise en charge publique’; que la société a connu des difficultés en 2019 en raison de la régularisation de charges sociales, suivies par la crise sanitaire ayant entraîné une limitation du recours aux formations au premier semestre, avant que l’activité reparte en 2020′; que la concluante n’a ainsi perçu aucune rémunération en 2019 et 2020′;

8. – qu’antérieurement, la société E.FC2 a été attraite devant le conseil de prudhommes en 2013 par deux anciennes salariées de la société soeur [I] Formation, laquelle a fait l’objet d’une liquidation judiciaire le 2 avril 2013, cette société étant spécialisée dans l’esthétique’; que si la plainte pour banqueroute dirigée contre la concluante a fait l’objet d’un jugement de relaxe du tribunal correctionnel de Vienne du 7 février 2017, le conseil de prud’hommes a cependant condamné la société E.FC2 à payer une somme totale de 44.483,53 euros le 18 septembre 2020, avec exécution provisoire; que la société E.FC2 ne pouvant faire face à cette condamnation, la concluante a déclaré sa cessation des paiements le 15 octobre 2020 et a sollicité l’ouverture d’une liquidation judiciaire’; qu’un second jugement du conseil de prud’hommes du 27 janvier 2021 a encore condamné cette société au paiement d’une somme globale de 61.957,54 euros’;

9. – que le rappel de charges sociales résulte de l’absence d’appel de cotisations, pour une raison ignorée, pour les exercices 2015 et 2016, la régularisation intervenant en 2018 et 2019′; qu’en raison des difficultés engendrées par ce décalage, la concluante a décidé de réduire sa rémunération sur l’exercice 2018 à 24.000 euros, contre 30.000 euros antérieurement, et de différer sa rémunération en 2019, ne percevant sur cette année que 7.000 euros’; qu’elle a attendu le mois de juillet 2020 afin de percevoir la rémunération due au titre de l’exercice 2019 et d’une partie de l’année 2020, bénéficiant ainsi de deux paiements de 12.000 euros, la trésorerie de la société étant alors positive pour 39.117,33 euros en juillet 2020′; que ces paiements ont été la contrepartie de ses rémunérations et de frais de déplacement’; qu’il n’y a eu ainsi aucun détournement des actifs de la société, contrairement à l’appréciation faite par le tribunal de commerce’;

10. – que ces versements ont été effectués avant que n’interviennent les décisions du conseil de prud’hommes, qui ont seules conduit la déclaration de la cessation des paiement’; que la concluante pensait légitimement obtenir gain de cause dans le cadre de ces instances en raison du jugement de relaxe prononcée par le juridiction pénale, reposant sur les mêmes faits que ceux développés par les anciennes salariées devant le conseil, lequel avait sursis à statuer dans l’attente de la décision pénale’; que la concluante n’a pas ainsi organisé l’insolvabilité de la société pour éluder le paiement de condamnations’; que si la concluante a bénéficié d’un versement de 6.000 euros le 23 septembre 2020, c’était en contrepartie de son activité et des frais engagés pour le compte de la société, alors que sa trésorerie était bénéficiaire pour 11.860,76 euros’;

11. – que le tribunal a prononcé une faillite personnelle de 10 ans, soit la durée maximale prévue par la loi, ce qui est disproportionné et motivé par aucun élément’; qu’il n’a pas tenu compte de la situation personnelle de la concluante alors que la mesure doit être individualisée’;

12. – qu’en tout état de cause, le montant total des condamnations prononcées par le conseil de prud’hommes, pour 106.441,07 euros, ne pouvait que conduire à la liquidation judiciaire de la société, sa trésorerie étant dans l’incapacité de supporter cette charge, de sorte que les prélèvements opérés par la concluante ne sont pas à l’origine de la cessation des paiements et de la liquidation’;

13. – que la concluante bénéficiait d’un compte courant créditeur de 17.902 euros, lequel a été abandonné lors du jugement d’ouverture de la liquidation, ce qui démontre son absence de mauvaise foi.

Conclusions du ministère public’:

14. Selon ses conclusions remises le 2 juin 2023, il sollicite la confirmation du jugement déféré.

*****

15. Par exploit signifié le 9 août 2022 en application de l’article 658 du code de procédure civile, madame [L] a assigné la Selarl Alliance MJ ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société E.FC2 devant la cour. La Selarl Alliance MJ n’a pas constituée avocat.

16. Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS DE LA DECISION:

17. Selon le tribunal de commerce de Vienne, madame [L] a été la dirigeante des sociétés [I] Formation et PF Finance, toutes deux ayant fait l’objet d’une liquidation judiciaire, et les sociétés E-FC2 et [I] Formation avaient le même objet social et exerçaient des activités de prestation de service dans le domaine de la formation pour les laboratoires de produits cosmétiques et les instituts et centres de bien-être, la société PF Finance ayant quant à elle une vocation de société holding, mère des deux sociétés d’exploitation.

18. Le tribunal a retenu que la lecture des deux décisions du conseil de prud’hommes de Vienne rendues les 18 septembre 2020 et 27 janvier 2021 met en évidence que madame [L] a organisé l’insolvabilité de la société [I] Formation dans le but de licencier son personnel’; que par le biais de transfert des commandes de son principal client, le conseil de la Formation de la Région [Localité 6], madame [L] a détourné des actifs de la société [I] Formation au profit de sa société E-FC2′; que les sociétés [I] Formation et E-FC2 se sont livrées à un prêt de main d”uvre illicite’; qu’il y avait une confusion d’intérêts entre les sociétés E-FC2, [I] Formation et PF Finance’; que le conseil de prud’hommes de Vienne a ainsi condamné la société E-FC2, par jugement du 18 septembre 2020, à payer à madame [V] la somme de 44.483,53 euros et par jugement du 27 janvier 2021, à payer à madame [D] la somme de 61.957,54 euros; que le conseil de prud’hommes a mis en évidence un système, mis en place par madame [L], afin de transférer les coûts de ses propres turpitudes sur la collectivité et ainsi tenter d’échapper à ses responsabilités.

19. Le tribunal a énoncé que suite aux deux décisions du conseil de prud’hommes de Vienne, madame [L] a une nouvelle fois déposé le bilan en raison de l’impossibilité pour la société E-FC2 d’y faire face’; qu’en dépit d’un risque financier avéré et d’une activité en berne, en raison de la crise de la Covid 19, madame [L] a viré à son profit au titre de remboursement de frais kilométriques et de salaires les sommes de 12.000 euros le 6 juillet 2020, de 12.000 euros le 16 juillet 2020 puis de 6.000 euros le 23 septembre 2020, ce qui a irrémédiablement compromis l’avenir de l’entreprise, ces virement s’inscrivant dans une logique visant à organiser l’insolvabilité de l’entreprise pour le paiement, même partiel, des condamnations prud’homales. Les premiers juges ont constaté que cette action est considérée par la Cour de Cassation comme une faute de gestion pour défaut de provisionnement des sommes dues au titre des instances prud’homales.

20. Il a également été dit que la note en délibéré autorisée par le tribunal n’a pas permis de vérifier la réalité des relances qui ont été effectuées par madame [L] à la Cipav concernant l’appel de ses cotisations au titre des années 2015 et 2016 ; que selon le dernier rapport du liquidateur judiciaire, le passif vérifié s’élève à 107.545,43 euros augmentés d’un passif postérieur à hauteur de 3.429.73 euros pour un actif égal à 1.075,23 euros soit une insuffisance d’actif de 109.899.93 euros.

21. La cour relève que selon le dossier communiqué à sa demande par le tribunal de commerce, une note en délibéré de l’appelante, autorisée par le tribunal, contient une attestation de l’expert-comptable de la société E-FC2 confirmant que les déclarations de charges sociales ont bien été faites sur les années 2015 et 2016, et que des relances ont été faites auprès de la Cipav en raison d’absence d’appel de cotisations, avec provision dans les comptes. Une note de synthèse détaille en outre les rémunérations perçues de 2015 à 2020, de laquelle il résulte qu’entre les années 2015 et 2017, l’appelante bénéficiait d’une rémunération annuelle de 30.000 euros. Pour l’année 2018, cette rémunération a été abaissée à 24.000 euros, pour l’année 2019 à 7.000 euros. En 2020, l’appelante a bénéficié de 22.930 euros de rémunération. Cette note est également produite par l’appelante devant la cour.

22. La requête du parquet de Vienne du 23 juillet 2021 adressée au tribunal de commerce en vue du prononcé d’une sanction de faillite personnelle sinon d’interdiction de gérer’,’repose sur le fait que le dernier rapport du liquidateur fait ressortir une insuffisance d’actifs de 103.680,40 euros, alors que madame [L] a bénéficié de paiement de rémunérations sur les années 2019 et 2020 pour 30.000 euros, organisant ainsi l’insolvabilité de la société pour le paiement des sommes allouées par le conseil de prud’hommes.

23. Selon le rapport du liquidateur judiciaire, annexé à la requête de la procureure de la’République, il s’agit de la troisième liquidation judiciaire puisque les deux autres sociétés dirigées par madame [L] ont fait l’objet de procédures en raison de la conjoncture, de cotisations sociales impayées, outre les deux procédures engagées par les deux anciennes salariées. Il retient, au titre des fautes de gestion, l’absence de provisionnement des condamnations pouvant résulter des instances prud’homales, outre les rémunérations perçues en 2019 et 2020, et ainsi l’organisation de l’insolvabilité de la société pour échapper au paiement des sommes dues au titre de ces instances.

24. Le jugement du conseil de prud’hommes du 27 janvier 2021 concernant madame [D] indique que suite à la liquidation judiciaire de la société [I] Formation le 2 avril 2013, cette salariée a été licenciée le 15 avril 2013 par le liquidateur judiciaire, alors qu’elle avait saisi cette juridiction en février 2013, afin d’obtenir le paiement d’heures supplémentaires et des primes. L’affaire avait été radiée après un sursis à statuer avant d’être ré-enrôlée en 2019. L’instance vise la fixation de sa créance au passif de la société [I] Formation (rémunérations et indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail) ainsi que la condamnation de la société E-FC2 au paiement de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour prêt illicite de main d’oeuvre. Le conseil a considéré qu’il n’existe qu’un seul employeur, la société E-FC2 et il a prononcé la résolution du contrat de travail aux torts de cette société, tout en reconnaissance un prêt illicite de main d’oeuvre entre les deux sociétés. En conséquence, l’ensemble des sommes dues a été mis à la charge de la société E-FC2.

25. Le jugement du conseil de prud’hommes du 18 septembre 2020 concernant madame [V], engagée initialement par la société PF Finance puis transférée à la société [I] Formation, est similaire à celui de la première salariée, sauf que lors de la liquidation de la société [I] Formation, madame [V] a refusé le transfert de son contrat à la société E-FC2 (diminution des horaires et donc de son salaire), et a été ainsi licenciée pour motif économique.

Le conseil a retenu également que la société E-FC2 est l’employeur unique, mais qu’il y a eu prêt illicite de main d’oeuvre entre les deux sociétés. Toutes les sommes dues ont ainsi été mises à la charge de la société E-FC2.

26. Selon l’article L123-20 du code de commerce, les comptes annuels doivent respecter le principe de prudence. Pour leur établissement, le commerçant, personne physique ou morale, est présumé poursuivre ses activités. Même en cas d’absence ou d’insuffisance du bénéfice, il doit être procédé aux amortissements, dépréciations et provisions nécessaires. Il doit être tenu compte des passifs qui ont pris naissance au cours de l’exercice ou d’un exercice antérieur, même s’ils sont connus entre la date de la clôture de l’exercice et celle de l’établissement des comptes.

27. Il résulte de ces dispositions qu’il appartenait ainsi à l’appelante de procéder aux provisions nécessaires résultant du risque créé par les procédures prud’homales en cours, ce dont elle ne justifie pas, alors que les deux affaires avaient fait l’objet d’une remise au rôle en 2019. Si l’appelante se prévaut d’un jugement de relaxe, il résulte de la décision du tribunal correctionnel de Vienne du 6 décembre 2016 que madame [L] était poursuivie des chefs de banqueroute par détournement ou dissimulation d’actifs, mais concernant la période 2012/2013 et concernant une société «’Formation FC2’». Le tribunal a estimé le délit non constitué en l’absence de tout acte positif postérieur à la cessation des paiements, alors qu’il n’est pas établi que les sommes litigieuses aient réellement fait partie de l’actif de la société liquidée. Ce jugement ne concerne pas ainsi la gestion de la société E-FC2, mais une autre société, alors que les procédures prud’homales ont été engagées contre la première. L’appelante est ainsi mal fondée à soutenir qu’en raison de ce jugement de relaxe, elle pensait légitimement obtenir gain de cause devant la juridiction prud’homale.

28. Il résulte de ces éléments qu’alors que deux procédures prud’homales étaient en cours, pouvant aboutir à des condamnations importantes de la société E-FC2, l’appelante, outre l’absence de provisions pour risques dans les comptes de la société, a effectué des prélèvements en 2019 pour 7.000 euros. En 2020, elle a prélevé 12.000 euros le 6 juillet, 12.000 euros le 16 juillet puis 6.000 euros le 23 septembre 2020, ainsi qu’il résulte de la demande d’explication du liquidateur adressée le 5 mai 2021 à la concluante, alors que la première décision prud’homale devait intervenir le 18 septembre 2020 concernant madame [V], jugement aboutissant à la condamnation de la société E-FC2 au paiement de 44.483,53 euros, alors que la salariée avait demandé l’octroi de 49.000 euros. Concernant madame [D], il résulte du jugement du 27 janvier 2021 que le conseil de prud’hommes était saisi de demandes portant sur plus de 50.000 euros.

29. Si l’appelante soutient qu’elle a pu, en 2020, opérer des prélèvements pour un total de 30.000 euros en raison d’une trésorerie de 39.117,33 euros, cependant, en raison des procédures prud’homales en cours, la cour retient que la société E-FC2 ne disposait en réalité d’aucune trésorerie. L’appelante, devant provisionner pour risques plus de 90.000 euros dans la comptabilité de la société, ne peut ainsi se prévaloir d’une situation bénéficiaire à l’époque de ces prélèvements. Les comptes annuels 2019, affichant un résultat bénéficiaire de 21.582 euros, ne sont pas sincères, ne prévoyant aucune provision pour risques. Les comptes arrêtés au 30 septembre 2020 indiquent un résultat d’exploitation négatif pour 89.654 euros, suite à la première décision prud’homale du 18 septembre 2020, dont le résultat a été porté au passif de la société au titre de frais de personnel.

30. Il en ressort que le passif de la société E-FC2 a été augmenté frauduleusement par les prélèvements opérés par l’appelante en 2019 et 2020, et pour les derniers quelques semaines avant que le conseil de prud’hommes ne rende sa première décision, puis concomitamment pour le dernier prélèvement, dans le dessein de récupérer une partie de la trésorerie de la société, avant que celle-ci ne se retrouve en état de cessation des paiement, le tribunal de commerce, dans son jugement prononçant la liquidation judiciaire de la société E-FC2, ayant fixé la date de la cessation des paiements au 18 septembre 2020. En outre, il n’est justifié par l’appelante d’aucune décision de l’assemblée générale de la société, constituée sous la forme d’une Sarl, concernant les rémunérations accordées à sa dirigeante et les conditions de remboursement des frais de déplacement ou autres exposés par l’appelante pour le compte de la société. Le fait que madame [L] aurait renoncé à son compte courant est sans incidence, en raison de la comparaison du solde annoncé et des prélèvements opérés, d’un montant bien supérieur.

31. Le tribunal de commerce a ainsi fait une exacte appréciation des éléments qui lui ont été soumis en prononçant la faillite personnelle de madame [L]. Concernant la durée de cette sanction, dans ses conclusions liant la cour, l’appelante n’a pas sollicité subsidiairement sa diminution. En outre, la cour relève que la société E-FC2 est la troisième société gérée par madame [L] se retrouvant en liquidation judiciaire, alors qu’il existe une insuffisance d’actif supérieure à 100.000 euros, résultant du mépris des règles sociales, constaté par la juridiction prud’homale. Enfin, les règles comptables élémentaires ont été sciemment méconnues. En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions, le tribunal ayant justement fixé la durée de la faillite personnelle à 10 ans.

32. Succombant en son appel, madame [L] sera condamnée aux dépens de l’instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par défaut et mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les articles L653-3 et suivants du code de commerce’;

Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;

y ajoutant’;

Condamne [I] [L] aux dépens de l’instance’;

SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 


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