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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
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ARRÊT DU : 25 OCTOBRE 2023
PRUD’HOMMES
N° RG 20/03390 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LWFZ
S.A.S. [P] [M] SES VIGNOBLES DU SUD
c/
Monsieur [J] [F]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 août 2020 (R.G. n°F17/01131) par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d’appel du 18 septembre 2020,
APPELANTE :
SAS [P] [M] SES Vignobles du Sud, agissant en la personne de sa Présidente domiciliée en cette qualité audit siège social, [Adresse 1]
N° SIRET : 433 611 167
représentée par Me Carole MORET de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ :
Monsieur [J] [F]
né le 12 Décembre 1986 à [Localité 10] de nationalité Française Profession : Responsable zone asie, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Pierre SANTI de la SELARL DARMENDRAIL/SANTI, avocat au barreau de PAU
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 11 septembre 2023 en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Sylvie Hylaire, présidente
Madame Sylvie Tronche, conseillère
Madame Bénédicte Lamarque, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats :
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [J] [F], né en 1986, a été engagé en qualité “d’export area sales manager” par la société [P] [M] SES Vignobles Propriétaire (devenue par la suite la société [P] [M] SES Vignobles du Sud, ci après dénommée BMVS), par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 8 avril 2013.
Afin de lui permettre d’exercer ses fonctions en Chine, un contrat de portage salarial a parallèlement été conclu avec la société chinoise Daydream le 1er mai 2013 pour une période de 12 mois.
Le 12 août 2013, la période d’essai du contrat de travail a été rompu par l’employeur.
Du 28 octobre 2013 au 6 janvier 2014, M. [F] a travaillé pour la société BMVP en qualité d’agent commercial, dans le cadre d’un contrat de mandat non exclusif basé en Chine.
Ce contrat a été rompu et un nouveau contrat de travail à durée indéterminée a été conclu entre les parties le 6 janvier 2014, M. [F] étant embauché en qualité de responsable zone Asie, statut cadre, niveau VIII de la convention collective nationale des vins, cidres, jus de fruits, sirops, spiritueux et liqueurs de France.
M. [F] était soumis à une convention de forfait en jours.
Le contrat de travail fait référence à un contrat de portage salarial avec la société Daydream, “avec laquelle la société BMVS a conclu un partenariat”.
M. [F] a signé le 17 décembre 2014 un contrat de travail “addendum 2” au précédent contrat, avec la société chinoise devenue Daydream Business Consulting, sur la même période d’un an, débutant le 1er mai 2013 et renouvelable pour une période de 12 mois.
Le 30 novembre 2016, un avertissement a été notifié au salarié pour avoir quitté un salon professionnel à [Localité 7], qu’il a contesté par courriel du 2 décembre 2016 en indiquant avoir pu privilégier une autre manifestation de sa seule initiative.
Par courriel du 15 décembre 2016, M. [D], directeur de développement ou directeur général, dénomination changeante suivant les courriels, répondait par la négative à la demande téléphonique faite le même jour par M. [F] de pouvoir être localisé à [Localité 7] au lieu de [Localité 11] pour des raisons stratégiques et économiques.
Le 19 janvier 2017, M. [D] a adressé à M. [F] le bilan de ses ventes ainsi que le montant de la prime correspondante, documents que ce dernier a contestés le 28 janvier 2017. Le 15 mars 2017, le salarié a adressé à son employeur un rapport soumettant son propre calcul des primes litigieuses de l’année 2016.
Par lettre datée du 17 mars 2017, M. [F] a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé au 7 avril 2017.
Il a ensuite été licencié pour faute grave par lettre datée du 14 avril 2017.
Le 1er mai 2017, la société Daydream a notifié à M. [F] le non-renouvellement de son contrat de travail en Chine.
A la date du licenciement, M. [F] avait une ancienneté de 3 ans et 3 mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés mais moins de 20.
Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant le paiement de diverses sommes, dont un rappel de primes, un rappel de salaires pour heures supplémentaires, pour la contrepartie obligatoire en repos, une indemnité pour travail dissimulé en sollicitant l’inopposabilité de la convention de forfait jours ainsi que des dommages et intérêts (pour violation de l’obligation de protection de sa santé, de la durée maximale de travail et pour situation de prêt de main-d’oeuvre illicite et/ou marchandage, pour non-respect de la portabilité de la garantie prévoyance, pour absence d’information relative aux cotisations retraite de base et complémentaire), M. [F] a saisi le 18 juillet 2017 le conseil de prud’hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu en formation de départage le 21 août 2020, a :
– dit que le licenciement de M. [F] est sans cause réelle et sérieuse,
– condamné la société [P] [M] SES Vignobles du Sud à lui payer les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2017 :
* 347,40 euros bruts à titre de rappel de primes et 34,74 euros brut de congés
payés afférents,
* 17.908,44 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 1.790,84 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 3.581,70 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
* 36.000 euros de dommages et intérêts en application de l’article L. 1235-3
ancien du code du travail,
– ordonné la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil,
– ordonné le remboursement par la société [P] [M] SES Vignobles du Sud aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à M. [F], du jour de son licenciement, soit le 14 avril 2017, au jour du jugement, dans la limite de 6 mois d’indemnités,
– rejeté les autres demandes de M. [F],
– condamné la société [P] [M] SES Vignobles du Sud aux dépens et à payer à M. [F] une indemnité de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement.
Par déclaration du 18 septembre 2020, la société [P] [M] SES Vignobles du Sud a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 18 juillet 2023, la société [P] [M] SES Vignobles du Sud demande à la cour de :
– réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Bordeaux du 21 août 2020 en ce qu’il a :
* dit que le licenciement de M. [F] était sans cause réelle et sérieuse,
* condamné la société [P] [M] SES Vignobles du Sud au paiement des sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2017 :
– 17.908,44 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 1.790,84 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 3.580,70 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 36.000 euros à titre de dommages et intérêts en application de l’article 1235-3 ancien du code du travail,
* ordonné la capitalisation des intérêts et le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. [F] dans la limite de 6 mois d’indemnités, * condamné la société à une indemnité de 2.000 euros sur le fondement l’article 700 du code de procédure civile,
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Bordeaux en ce qu’il a débouté M. [F] de sa demande en paiment d’heures supplémentaires et de congés payés afférents, de contrepartie en repos obligatoire, d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de protection de sa santé, de la durée maximale de travail et des règles relatives au repos, de dommages et intérêts pour situation de prêt de main-d’oeuvre illicite et/ou marchandisage, de dommages et intérêts pour non-respect de la portabilité de la garantie prévoyance, de dommages et intérêts pour absence d’informations relatives aux cotisations retraites de base et complémentaire et de ses autres demandes,- débouter M. [F] de sa demande de confirmation du jugement relative à la convention individuelle de forfait en jours et, subsidiairement, dire et juger que la convention individuelle de forfait en jours de M.[F] est valable,
En conséquence,
– dire que le licenciement de M. [F] repose sur une faute grave et dans tous les cas, sur une cause réelle et sérieuse,
– débouter M. [F] de ses demandes :
* de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’indemnités de préavis, de congés payés sur préavis et de licenciement présentées à titre principal comme à titre subsidiaire,
* de voir fixer sa rémunération mensuelle brute à la somme de 8.470,54 euros à titre principal ou subsidiairement 6.037,49 euros,
* de reliquat de primes impayées et de congés payés afférents,
* de rappel d’heures supplémentaires et de congés payés afférents présentée à titre principal ou à titre subsidiaire,
* de rappel de contrepartie en repos obligatoire et de congés payés afférents,
* d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé présentée à titre principal ou à titre subsidiaire,
* de dommages et intérêts pour violation de la durée maximale hebdomadaire de travail et des durées minimales de repos,
* de dommages et intérêts pour violation de la durée maximale quotidienne du travail,
* de dommages et intérêts pour prêt de main-d’oeuvre illicite,
* de dommages et intérêts pour absence d’informations relatives aux cotisations retraite de base et complémentaire et pour insuffisance de cotisations retraite,
– statuer ce que de droit sur la demande de réparation d’omission de statuer de M. [F],
– débouter M. [F] de toutes ses demandes plus amples ou contraires,
– condamner M. [F] au paiement d’une indemnité de 5.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [F] aux dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 6 juillet 2023, M. [F] demande à la cour de’:
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
* jugé son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et lui a alloué des sommes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés afférents, de l’indemnité conventionnelle de licenciement, sauf dans leur montant,
* jugé la convention de forfait en jours privée d’effet et inopposable au salarié qui est fondé à réclamer le paiement des heures supplémentaires,
* ordonné le remboursement par l’employeur des indemnités chômage dans la
limite de 6 mois,
* alloué une indemnité de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles de première
instance sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– l’infirmer pour le surplus concernant les montants indemnitaires, le rappel d’heures supplémentaires, la contrepartie en repos obligatoire, le travail dissimulé, la violation de la durée maximale de travail et des règles relatives au repos, le rappel de salaire au titre des primes impayées, le prêt de main-d’oeuvre illicite, l’absence d’information et l’insuffisance des cotisations retraite de base et complémentaire,
– réparer les omissions de statuer concernant la nullité de l’article X du contrat de travail et de l’annexe 2 audit contrat et la nullité de la convention de forfait en jours,
– rejeter l’appel principal et incident de la société [P] [M] SES Vignobles du Sud et la débouter de toutes ses demandes,
– fixer sa rémunération mensuelle brute cumulée à la somme de 8.470,54 euros (hypothèse 1), ou, subsidiairement, à la somme de 6.037,49 euros (hypothèse 2),
En conséquence, condamner l’employeur à lui payer :
* 125.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l’article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure aux ordonnances Macron,
* 25.411,62 euros d’indemnité compensatrice de préavis outre 2.541,16 euros
au titre des congés payés sur préavis (hypothèse 1) ou subsidiairement, 18.112,47 euros outre 1.811,24 euros (hypothèse 2), sur le fondement de l’article II.22.3 de la convention collective, en prenant en compte le cumul des rémunérations,
* 6.776,40 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement (hypothèse 1) ou
subsidiairement, 4.829,99 euros (hypothèse 2), sur le fondement de l’article III.23.2 de la convention collective, en prenant en compte le cumul des rémunérations,
* 29.196,60 euros au titre du reliquat des primes impayées outre 2.919,60 euros de congés payés afférents sur le fondement des articles 1353 du code civil et L. 1222-1 du code du travail,
* 113.491,47 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires outre 11.349,14 euros de congés payés afférents (hypothèse 1) ou subsidiairement, 109.942,25 euros de rappel d’heures supplémentaires outre 10.994,25 euros de congés payés afférents (hypothèse 2), sur le fondement des articles 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail, interprétés à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne,
* 62.263 euros à titre de rappel de contrepartie en repos obligatoire outre 6.226,30 euros de congés payés afférents sur le fondement des articles L. 3121-30 et L. 3121-38 du code du travail et de la convention collective nationale des vins et spiritueux,
* 61.055,40 euros (hypothèse 1) ou subsidiairement, 44.682,18 euros (hypothèse 2) au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé sur le fondement des articles L. 8223-1, L. 3171-2 et L. 3171-3 du code du travail et
31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, interprétés
à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne,
* 35.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la durée maximale absolue hebdomadaire de 48 heures de travail et des durées minimales de repos sur le fondement du principe constitutionnel du droit au repos et à la santé et des articles 6b) de la directive n° 2003/88 et 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, interprétés à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne,
* 15.000 euros de dommages et intérêts pour violation de la durée maximale journalière de 10 heures de travail sur le fondement du principe constitutionnel du droit au repos et à la santé et des articles L. 3121-18 du code du travail et 31 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (demande recevable en lien avec la violation des durées maximales du travail et minimales de repos),
* 20.000 euros de dommages et intérêts pour prêt de main-d’oeuvre illicite sur le fondement des articles L. 8241-1, L. 8241-2, L. 8243-1 et L. 8243-2 du code du travail, ayant causé au salarié un préjudice financier, les indemnités de rupture ayant été minorées, motif tiré de la seule prise en compte de la rémunération versée par la société française BMVS et de ce que l’attestation d’employeur destinée à Pôle Emploi ne contient que la seule rémunération versée par la société française minorant également les indemnités versées au titre de l’assurance chômage,
* 75.000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence d’information relative aux cotisations retraite de base et complémentaire et pour insuffisance de cotisations retraite causant au salarié un préjudice entraînant la perte de droits et une décote sur la pension vieillesse, en violation du principe d’exécution loyale du contrat, sur le fondement de l’article L. 1222-1 du code du travail,
* 5.500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel sur le fondement de l’article
700 du code de procédure civile,
– enjoindre à l’employeur, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de rectifier l’attestation d’employeur destinée à Pôle Emploi, devant intégrer le cumul des rémunérations versées par les sociétés BMVS et Daydream Business Consulting et le rappel de commissions (prime impayée de 29.196,60 euros),
– se réserver la faculté de liquider l’astreinte,
– frapper les condamnations des intérêts au taux légal depuis la saisine du conseil de prud’hommes et faire application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil autorisant la capitalisation des intérêts,
– condamner l’employeur aux dépens.
La médiation proposée aux parties le 22 février 2023 par le conseiller de la mise en état n’a pas abouti.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 août 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 11 septembre 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de communication de pièces
M. [F] réitère sa sommation de communiquer les fichiers numériques et mails figurant sur sa boîte professionnelle, des trois dernières années précédant la rupture du contrat, détenus par la société, qui lui seraient indispensables pour se défendre, conformément au droit à un procès équitable prévu par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
Il justifie de cette demande formulée pour la première fois en appel suite à la production par la société d’échanges de mails tronqués entre lui et sa hiérarchie sur les années 2014 à 2017, ne rendant pas compte de l’intégralité des échanges (pièces 63 à 84 puis pièces 85 à 124). Soutenant que cette production partielle permet d’établir que ses mails professionnels sont toujours stockés sur le serveur de l’entreprise, il en sollicite l’entière communication par son employeur.
Il ajoute avoir été victime d’une attaque informatique et avoir perdu toutes les données sur son ordinateur portable, l’ayant projeté sur le sol pour arrêter le processus de piratage ce dont il a informé sa hiérarchie par courriel du 17 avril 2017 adressé de sa boîte personnelle, ayant aussi déposé plainte le même jour.
***
En application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile et, ainsi que le soutient la société, il n’y a pas lieu de statuer sur cette demande qui ne figure pas au dispositif des dernières conclusions de M. [F].
Sur l’exécution du contrat de travail
Sur la demande en paiement du solde des primes
M. [F] sollicite l’infirmation du premier jugement qui a rejeté la demande de paiement du reliquat de primes d’un montant de 29.196,60 euros outre la somme de 2.919,60 euros au titre des congés payés y afférents, représentant des commissions dues, se basant sur un rapport de 162 pages qu’il a transmis à son employeur avec les justificatifs de ses modes de calcul.
Il soutient tout d’abord que l’employeur ne rapporte pas la preuve du mode de calcul des primes et, subsidiairement, que le mode de calcul n’est pas conforme aux règles contractuelles. Si le montant des commissions à la bouteille avait été modifié en cours d’année, en tout état de cause, il retient la date de la commande et non la date de la facturation pour le calcul de la prime.
La société soutient que le montant de la prime n’a jamais été soumis à l’accord du salarié, pas plus que les objectifs, qui étaient communiqués en début d’année. A côté de la prime annuelle d’objectifs, M. [F] bénéficiait de primes à la bouteille sur les ventes des produits Gamme 2 et Bordeaux Gamme 1, dont le montant a été modifié le 6 juin 2016 puis le 4 août 2016, le montant de la prime à retenir étant bien celle correspondant au prix de vente à la facturation et non à la prise de commande.
***
Le contrat de travail de M. [F] prévoyait une rémunération fixe ainsi qu’une prime annuelle sur objectifs de la zone en ces termes : “Les modalités de versement seront déterminées au début de chaque année, avec la communication de vos objectifs”.
Pour l’année 2013, une prime de 1.500 euros bruts était prévue “si vos objectifs de vente en volume (nombre de bouteilles vendues) sont atteints”.
Il appartient à l’employeur de fixer des objectifs dès lors qu’une rémunération variable est contractuellement prévue, même de manière unilatérale, et d’apporter au juge les éléments permettant d’apprécier la réalisation ou non de ceux-ci. L’employeur a ainsi l’obligation de prouver que le refus de régler la prime sur objectifs repose sur la non-atteinte des objectifs.
Par note du 6 juin 2016, l’employeur a fixé une prime de 13.000 euros bruts si l’objectif de marge de 542.000 euros était atteint, avec un versement au prorata si la marge réalisée était comprise entre 80 et 100%. Il n’est pas contesté qu’ayant réalisé une marge représentant 93,2% de l’objectif, M. [F] a perçu sur le bulletin de février 2017 une prime sur objectifs marge de 12.115 euros bruts.
M. [F] bénéficiait également de programmes de primes non contractuelles, calculées en fonction des ventes à la bouteille et en fonction des gammes de vins.
Ces primes ou commissions ne présentant aucun caractère cumulatif de généralité, de constance et de fixité, il s’agit non pas d’un usage qui engageait l’employeur, mais d’une simple libéralité qui relevait de son pouvoir discrétionnaire.
Le principe de son versement n’est toutefois pas contesté par les parties.
Par courriel du 14 avril 2016, un schéma revu des primes pour 2016 a été communiqué à M. [F] et après explications, ce dernier a souhaité y associer son assistante et proposer un mode de calcul différencié.
Par courriel du 6 juin 2016, il lui a été communiqué la note de service du 2 juin de M. [M] modifiant le schéma des primes 2016 et précisant : “merci de noter que ce schéma est applicable à compter de ce jour et qu’il remplace les schémas en place jusqu’à ce jour pour lesquels vous percevrez les montants de primes qui vous sont potentiellement dus”, opérant ainsi un calcul de primes au prorata des schémas communiqués.
Par une note du 4 août 2016, un nouveau tarif des produits “Gamme 2” et “Gamme 1” a été revu à la baisse, ce qui a entraîné la diminution de la prime à la bouteille de 0,10 euros à compter de cette date. Le courriel précisait : “il est évident que si vous parvenez à vendre au tarif actuellement en place (avant baisse des prix), la prime de 0,50 euros est maintenue”.
De sorte que les ventes réalisées par M. [F] :
– sur les produits “Gamme 2”, donnaient droit avant le 5 juin 2016 et après le 4 août 2016, à une prime de 0,30 euro brut par bouteille vendue avec respect du tarif en vigueur au moment de la prise de commande mais de 0,40 euro brut par bouteille vendue du 6 juin 2016 au 3 août 2016,
– sur les produits “Bordeaux Gamme 1”, donnaient droit à une prime de 0,15 euro brut pour les ventes réalisées entre le 14 avril 2016 et le 5 juin 2016 sous réserve d’une marge unitaire réalisée par bouteille de 1 euro,
– sur les produits “Débords Sud Gamme 1”, donnaient droit avant le 5 juin 2016 et après le 4 août 2016, à une prime de 0,30 euro brut par bouteille vendue avec respect du tarif en vigueur au moment de la prise de commande mais de 0,40 euro brut par bouteille du 6 juin 2016 au 3 août 2016.
M. [F] a perçu sur les ventes Gamme 2, Sud Bordeaux Gamme 1 et Bordeaux Gamme 1 une prime de 27.913,40 euros au titre de l’année 2016, versée en deux fois, la première sur son bulletin de salaire de février 2017 d’un montant de 16.934,84 euros et la seconde au moment du solde de tout compte d’un montant de 10.976,76 euros.
En revanche, si le contrat ne le prévoit pas expressément, et l’employeur ne démontrant pas un usage contraire au sein de la société, la commission est due dès que la commande a été prise par le client et non au moment de la facturation. Le courriel du 19 janvier 2017 adressé par M. [D] à M. [F] rappelait bien qu’il s’agissait du prix de vente proposé au client.
Il en résulte que les factures produites par la société pour justifier du prix de vente hors période du programme de ventes correspondant ne sauraient être retenues et que M. [F] est en droit de percevoir les primes sur vente aux bouteilles même facturées hors période d’application du programme.
En revanche, ne sont pas dues les primes sur des produits proposés à un prix inférieur au tarif fixé, conformément aux différentes notes d’actualisation communiquées.
Concernant le dossier “[Localité 8] Ju Cang Jiu”, la société ne justifie pas de l’accord de rétrocession qui induirait une baisse de la marge, faisant référence à un courriel de l’assistante de M. [F], lequel n’évoque que des “frais de support”.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, à partir des différents dossiers ayant fait l’objet d’une réclamation par M. [F] et réponses de la société, il convient de fixer à 27.019,20 euros le reliquat de primes à la bouteille sur l’année 2016 correspondant à :
– 16.513,20 euros sur les produits Gamme 2, M. [F] ayant déjà perçu à ce titre 24.958,20 euros,
– 9.775,20 euros au titre des produits Débords Sud, M. [F] ayant déjà perçu à ce titre 1.914,80 euros,
– 730,80 euros au titre des produits Bordeaux Gamme 1, M. [F] ayant déjà perçu à ce titre 1.040,40 euros.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté M. [F] de ses demandes de primes sur bouteilles proposées pendant la période de validité du programme mais facturées hors cette période et la société sera condamnée à verser à M. [F] la somme de 27.019,20 euros au titre du reliquat de prime sur l’année 2016 ainsi que celle de 2.701,92 euros au titre des congés payés y afférents.
Sur le salaire de référence
M. [F] demande que son salaire de référence prenne en compte le cumul des deux rémunérations en application des dispositions contractuelles, soit 72.000 euros bruts annuels, auquel il ajoute les primes pour l’exercice 2016 perçues tant par la société BMVS que par la société Daydream, soit un salaire moyen mensuel brut de 8.470,54 euros.
La société s’y oppose rappelant l’existence du contrat de portage salarial avec la société DayDream et l’avenant qui prévoyaient une rémunération assurée par cette société cliente. Avec les primes de l’année 2016, le salaire de M. [F] était donc de 5.969,48 euros comme mentionné dans l’attestation Pôle Emploi.
S’opposant à l’ajout du reliquat de prime dans le salaire de référence qui n’a pas été sollicité en première instance et l’analysant comme une demande nouvelle, la société rappelle aussi que ces primes ne sont pas dues. La société se base en effet sur l’assiette des 3 derniers mois ou des 12 derniers mois précédant le licenciement pour
définir l’assiette du salaire de référence. La société relève en outre que M. [F] n’a pas contesté auprès de Pôle Emploi la déclaration des salaires.
***
Le contrat de travail de M. [F] en date du 8 janvier 2014 prévoit en son article V sa rémunération et est ainsi libellé :
” Compte tenu de la nécessité que vous résidiez en Chine dans le cadre des fonctions qui vous sont confiées, et compte tenu de la nécessité pour mener à bien vos missions que vous puissiez obtenir un visa de travail permanent, en l’absence d’établissement de la société sur le territoire chinois, il a été convenu entre les parties que vous serez rémunéré en contrepartie de votre travail de la manière suivante :
– en partie par la société DAYDREAM, société chinoise de portage salarial avec la société [P] [M] Grands Vignobles Propriétaire,
– en partie par la société [P] [M] GRANDS VIGNOBLES PROPRIETAIRE
Vous serez ainsi rémunéré via la société DAYDREAM, dans le cadre d’un contrat de travail de droit chinois à hauteur de 12 500 RMB brut/mois, soit 1. 517 € à la date de conclusion du présent contrat.
Vous percevrez également dans le cadre du présent contrat de travail avec la société [P] [M] GRANDS VIGNOBLES PROPRIETAIRE, et en contrepartie de vos missions, un salaire forfaitaire brut mensuel, versé sur douze mois de 2. 545 € brut.
Par voie de conséquence, vous salaire net mensuel total (salaire DAYDREAM + Salaire BMGVP), versé sur douze mois, sera de 4 000 € net. Il sera porté à 4.500 euros net à compter de 6 mois de présence dans l’entreprise. La société fera le nécessaire de manière à ajuster si nécessaire les effets des variations du cours de la devise sur la partie de votre contrat de droit chinois.
Cette rémunération a été fixée en nature des fonctions exercées et de vos responsabilités.
A ceci s’ajoutera une prime sur objectifs dont le montant pourra atteindre 5 000 € bruts annuels / an au plus selon vos résultats obtenus. Les modalités de versement seront déterminées au début de chaque année, avec la communication de vos objectifs.”
***
Aux termes des dispositions de l’article 70 du code de procédure civile applicable au litige compte tenu de la date de l’introduction de l’instance prud’homale, les demandes additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
La demande de prise en compte du reliquat du montant des primes non versées pour voir fixer le salaire de référence n’est pas une demande nouvelle en ce qu’elle se rattache directement aux demandes faites devant le premier juge et ne constitue qu’une actualisation du quantum demandé dans la définition de l’assiette du salaire de référence, la demande de paiement du reliquat de prime ayant fait l’objet d’une demande à laquelle le premier juge n’a pas fait droit.
***
Le contrat de travail entre la société BMVS et M. [F] prévoit bien une rémunération globale dont une partie est versée par la société Daydream, par accord avec l’employeur, formalisé par le contrat conclu entre M. [F] et la société Daydream en date du 1er mai 2013 et modifié par “addendum” du 17 décembre 2014.
Le salaire versé par la société Daydream faisait partie intégrante du salaire mensuel de M. [F] tel que fixé au contrat le liant à la société BMVS et celle-ci ne produit pas la convention de partenariat conclue avec la société Daydream permettant de vérifier la nature des garanties apportées.
De même, l’article XI du contrat de travail prévoit : “compte tenu de votre statut d’expatrié, vous serez affilié à la caisse des français de l’étranger (CFE). La base de cotisation retenue pour ses cotisations sera de 48.000 euros. Ces cotisations seront prises en charge à hauteur de 100% par la société.”, la société s’engageant ainsi à assurer la prise en charge des cotisations retraite sur l’ensemble de la rémunération.
De sorte qu’il résulte du contrat de travail la commune intention des parties que le salaire de M. [F] soit fixé au cumul des deux rémunérations versées, soit :
– du 14 avril 2014 au 30 juin 2014 : 4.062 euros bruts ;
– du 1er juillet 2014 au 31 janvier 2016 : 4.574 euros bruts, le contrat de travail fixant une augmentation du salaire versé par BMVS 6 mois après le début du contrat de travail à laquelle il convient d’ajouter la prime sur objectifs de 10.000 euros perçue sur les objectifs Gamme 1 pour l’année 2015 et en l’absence de production des bulletins de paie sur la période antérieure au 1er janvier 2016 permettant de vérifier le montant des primes versées sur les années antérieures ;
– du 1er février 2016 au 14 avril 2017 : 10.673 euros bruts, le salaire de base de M. [F] ayant augmenté à partir de cette date, rémunération à laquelle il convient d’ajouter la prime sur la marge déjà versée de 12.115 euros ainsi que les primes sur ventes arrêtées à la somme de 54.932,60 euros sur l’année 2016 et comprenant les primes déjà versées à M. [F] (27.913,40 euros) et le reliquat de prime arrêté par la cour (27.019,20 euros). Toutefois, M. [F] n’ayant pas intégré l’ensemble des primes dans sa demande, le revenu mensuel moyen sur cette période sera arrêté à la somme de 8.470,54 euros bruts, dans la limite de la demande.
Sur la convention de forfait
Pour voir infirmer le jugement qui a privé d’effet la convention de forfait et l’a rendue non opposable à M. [F], la société invoque la validité de la convention individuelle de forfait du salarié, conforme à l’accord du 19 avril 2001 relatif aux forfaits cadres auquel renvoie la convention collective applicable, la Cour de justice européenne n’ayant pas jugé qu’une convention de forfait serait attentatoire au droit à la santé et au repos.
Se basant sur les semainiers et comptes-rendus hebdomadaires transmis par le salarié à sa hiérarchie, ses fiches de présence journalières servant de base à l’établissement des bulletins de paie, mais également la liaison téléphonique régulière avec le siège, les fiches de notes de frais indiquant les déplacements et le compteur des jours de RTT et congés figurant sur les bulletins de paie, la société soutient avoir effectué un contrôle a priori et a posteriori du temps de travail de M. [F]. Rappelant les entretiens annuels avec le président de la société ainsi que les échanges au moment du recrutement d’une assistante, la société prétend avoir respecté l’obligation relative à l’entretien portant sur la charge de travail du salarié.
M. [F] soutient au contraire que la convention de forfait-jour ne peut lui être opposée, aucun contrôle de la charge du temps de travail n’ayant été assuré par l’employeur, les fiches de notes de frais et la liaison téléphonique étant insuffisantes et en tout état de cause, aucun dispositif d’alerte permettant de remédier à une charge de travail excessive n’ayant été mis en place par l’employeur.
***
Aux termes de l’alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l’article 151 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte européenne des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.
L’article L. 3121-39 du code du travail dans sa rédaction applicable à l’espèce du 7 janvier 2014 au 10 août 2016, prévoyait que “la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l’année est prévue par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.”
A compter du 10 août 2016, les articles L. 3121-53, L. 3121-58 et L. 3121-64 du même code ont repris ces dispositions.
Un entretien annuel individuel était prévu par l’article L. 3121-46 du code du travail dans sa version antérieure au 10 août 2016, “organisé par l’employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié”.
L’article L.3121-64 du même code dans sa version applicable à compter du 10 août 2016 prévoit de manière plus précise que :
“I.-L’accord prévoyant la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l’année détermine :
1° Les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, dans le respect des articles L. 3121-56 et L. 3121-58 ;
2° La période de référence du forfait, qui peut être l’année civile ou toute autre période de douze mois consécutifs ;
3° Le nombre d’heures ou de jours compris dans le forfait, dans la limite de deux cent dix-huit jours s’agissant du forfait en jours ;
4° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période ;
5° Les caractéristiques principales des conventions individuelles, qui doivent notamment fixer le nombre d’heures ou de jours compris dans le forfait.
II.-L’accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine :
1° Les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
2° Les modalités selon lesquelles l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l’organisation du travail dans l’entreprise ;
3° Les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion prévu au 7° de l’article L. 2242-8.
L’accord peut fixer le nombre maximal de jours travaillés dans l’année lorsque le salarié renonce à une partie de ses jours de repos en application de l’article L. 3121-59. Ce nombre de jours doit être compatible avec les dispositions du titre III du présent livre relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés chômés dans l’entreprise et avec celles du titre IV relatives aux congés payés.”
Il résulte de ces articles, interprétés à la lumière de l’article 17 § 1 et 4, de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17 § 1 et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires.
En l’espèce, la convention collective applicable en date du 15 mars 2013 prévoit en son article IV.12 pour les cadres des niveaux VIII, IX, X, que “une convention individuelle de forfait en heures ou en jours, sur une base annuelle, peut également être mise en place dans les conditions et selon les modalités précisées ci-après.
Ces forfaits pourront être établis :
– (…)
– soit sur la base de 214 jours par an (215 jours avec la journée de solidarité), étant précisé qu’il s’agit de plafonds susceptibles d’être réduits par accord d’entreprise ou accord individuel.
Les salariés sous convention de forfait annuel bénéficieront chaque année d’un entretien avec leur supérieur hiérarchique au cours duquel il sera débattu de l’organisation de leur travail, de l’amplitude des journées d’activité et du temps de travail correspondant ainsi que des avantages pouvant être accordés en contrepartie de conditions particulières de travail (récupération, compensation financière, etc.). Cet entretien fera l’objet d’un constat écrit.”
L’accord du 19 avril 2001 relatif aux forfaits cadres, annexé à la convention collective, précise en son article 4 que “le contrat de travail fixera le nombre de jours effectivement travaillés qui ne pourra excéder 214 jours par an.
Le forfait en jours s’accompagne d’un contrôle du nombre de jours travaillés. L’employeur est tenu d’établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail. Ce document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l’employeur auquel il sera remis chaque mois contre récépissé. A défaut de contestation par l’employeur, ce document sera présumé exact.
(…)
Les cadres concernés devront organiser leur temps de travail à l’intérieur du forfait annuel qui reste soumis au respect des dispositions relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et au nombre de jours travaillés dans la semaine. En conséquence, le cadre bénéficiera :
– d’un repos quotidien d’une durée minimale de 11 heures consécutives ;
– d’un repos hebdomadaire d’une durée de 24 heures consécutives auxquelles s’ajoute le repos quotidien précité.
Le cadre ne pourra pas être occupé plus de 6 jours par semaine”.
Il convient toutefois de préciser que cet article a été “étendu sous réserve que, conformément aux dispositions de l’article L. 212-15-3-III du code du travail, un accord complémentaire de branche ou d’entreprise détermine les conditions de contrôle de l’application de l’accord prévoyant la conclusion de conventions de forfait en jours et prévoit les modalités de suivi de l’organisation du travail des salariés concernés, de l’amplitude de leurs journées d’activité et de la charge de travail qui en résulte (arrêté du 17 octobre 2001, art. 1er)”.
Le contrat de travail de M. [F] à effet au 7 janvier 2014 prévoit en son article VII sur le temps de travail, qu’en raison de ses fonctions et de son niveau de responsabilités qui caractérisent son autonomie dans l’organisation de son emploi du temps, la gestion de son temps de travail sera effectuée en 215 jours, en tenant compte de la journée de solidarité et par référence aux dispositions du code du travail.
“Il est expressément convenu que votre rémunération est forfaitaire et rémunère l’exercice de la mission qui vous est confiée dans la limite de ce nombre de jours et sous réserve des différentes possibilités de report de jours de repos ou de congés payés prévus par la loi.
Nous vous précisions que la période de travail hebdomadaire dans notre société s’étend du lundi au vendredi durant les heures d’ouverture de l’entreprise, de 8h à 12h30 et de 13h30 à 17h. Vous êtes amené à dépasser ces horaires compte tenu de votre fonction”.
Il ressort de l’ensemble de ces dispositions que si l’accord cadre de 2001 prévoit les salariés concernés par l’application d’un forfait jour, la période de référence du forfait, les modalités de suivi de l’amplitude des journées de travail et de repos ainsi qu’un système auto-déclaratif tendant en réalité à faire peser sur le salarié la garantie de son droit à la santé et au repos, en revanche, il ne prévoit pas les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à déconnexion, ni de dispositif d’alerte de sa hiérarchie en cas de difficulté, avec possibilité de demande d’entretien auprès du responsable des ressources humaines ou d’un supérieur hiérarchique, pas plus que les modalités d’évaluation et de suivi régulier de la charge de travail, ni celles selon lesquelles l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail et sur l’articulation vie professionnelle/vie personnelle.
S’agissant d’un accord conclu et d’un contrat de travail signé avant l’entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016, aucun avenant au contrat de travail n’a été régularisé postérieurement par les parties faisant référence aux nouvelles clauses obligatoires, ni pour venir combler les carences de l’accord du 19 avril 2001, comme le permet l’article L. 3121-65 du code du travail.
L’employeur ne produit aucun document de contrôle faisant apparaître le nombre et les dates des jours travaillés, ni permettant de s’assurer que la charge de travail est compatible avec le respect l’amplitude de travail quotidien et hebdomadaire et d’une charge de travail raisonnable. Or, l’exigence de suivi de la charge de travail doit se faire en temps réel et le constat a posteriori est insuffisant : les calendriers produits, pièces n°57 et 58 de la société étant des suivis de l’activité commerciale de M. [F], les comptes-rendus effectués par lui, constituent un contrôle du contenu de son activité indépendamment de la charge de travail et les fiches de présence n’ont que pour objet de décompter les jours d’absences et leur motif mais pas de vérifier les plages de travail quotidien ni hebdomadaire. La transmission régulière de ces plannings était d’ailleurs prévue à l’annexe 2 du contrat de travail intitulé “Mode de reporting et fonctionnement” dont l’objet est le suivi des commandes et engagements de M. [F].
Les qualifications du salarié retenues par l’employeur pour signer le contrat de travail ne traduisent que l’aptitude de celui-ci à remplir les fonctions mais non la prise en compte de ses temps de déplacement ni de ses compétences pour apprécier son temps de travail.
Les entretiens individuels des années 2015 et 2016 ne sont pas produits, de sorte que la cour n’est pas en mesure de vérifier s’ils comportaient une rubrique spécifique sur la charge de travail et l’adéquation vie privée/vie professionnelle. Enfin, les échanges sur le recrutement d’une assistante en Chine n’avaient que pour objectif de répartir l’organisation sur site.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a déclaré non opposable la convention de forfait jour figurant dans le contrat de travail à effet au 7 janvier 2016, faute pour celle-ci de prévoir les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à déconnexion, le dispositif d’alerte de sa hiérarchie en cas de difficulté, avec possibilité de demande d’entretien auprès du responsable des ressources humaines ou d’un supérieur hiérarchique, les modalités d’évaluation et de suivi régulier de la charge de travail, et selon lesquelles l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail et sur l’articulation vie professionnelle/vie personnelle.
Sur les demandes au titre des heures supplémentaires
La convention de forfait en jours ayant été déclarée sans effet, M. [F] est en droit de solliciter le paiement des heures supplémentaires réalisées.
Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2 alinéa 1er et L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié ne relevant pas d’un horaire collectif de travail de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées
A l’appui de la demande d’heures supplémentaires, évaluées à 675 heures en 2014, représentant la somme de 37.507,91 euros avec les majorations, 832 heures en 2015 représentant la somme de 61.640,75 euros, 596 heures en 2016 représentant la somme de 32.432,55 euros et 160 heures sur l’année 2017 représentant la somme de 7.961,35 euros, M. [F] produit :
– la liste de ses missions figurant au contrat de travail, invoquant l’amplitude du secteur géographique de la zone Asie, zone qualifiée par l’employeur de “hautement stratégique”, la nécessité de mettre en place des actions de “réception et de convivialité clients”, des “animations et dégustations”, se déroulant la plus part du temps en soirée ou les week-ends,
– le contrat de travail, précisant que bénéficiant d’un forfait jour, M. [F] serait amené à dépasser les horaires d’ouverture de l’entreprise correspondant aux 35 heures hebdomadaires,
– son annexe 2 qui prévoyait l’obligation de répondre aux emails ou messages téléphoniques sous un délai maximum de 24 heures et celle d’appeler le siège social tous les deux jours, de manière à “être en liaison permanente avec l’audit siège”,
– les bulletins de paie,
– un tableau récapitulatif des heures supplémentaires effectuées, présentées cumulées de manière hebdomadaire de la semaine 16 de l’année 2014 à la semaine 15 de l’année 2017.
Ces tableaux correspondent à ceux mis en place par le service des ressources humaines de la société permettant de visualiser les jours de présence marqués par un “P” et les jours d’absence , notés “CP”.
Il invoque également :
– les contraintes liées au décalage horaire avec le siège social en France,
– l’insuffisance des effectifs alors qu’il développait les ventes pour l’entreprise en Chine.
Les éléments produits par M. [F] dans leur ensemble, et dans la limite des documents à sa disposition après la cyber attaque subie contre son ordinateur portable, ne lui donnant plus accès à son agenda électronique ou à ses courriels, ainsi que le tableau indiquant pour chaque semaine le nombre d’heures de travail prétendument accomplies, même sans mention des horaires quotidiens effectués, sont des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre.
*
La société ne saurait utilement mettre en avant ni l’éloignement géographique, ni l’autonomie de M. [F] dans l’organisation de son travail pour justifier l’absence de contrôle de la durée de travail.
Elle émet de nombreuses critiques sur les modes de calcul des heures supplémentaires dans le tableau récapitulatif, rappelle que le temps de travail effectif est de 39 heures et que les heures supplémentaires doivent être décomptées au-delà, déduction faite des jours de RTT pouvant être crédités notamment en cas de travail le samedi ou le dimanche et conteste le taux horaire retenu.
*
Les heures supplémentaires sont dues en cas d’accord implicite de l’employeur, et même en cas d’opposition à leur réalisation, l’employeur est tenu de les payer si ces heures ont été rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié, ce qui n’est pas contesté en l’espèce.
De même, conformément à l’article L. 3243-3 du code du travail, l’acceptation des bulletins de paie par M. [F] ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités qui lui sont dûs, l’employeur ne pouvant pas non plus soulever la tardiveté de la demande, jamais formulée durant l’exécution du contrat alors qu’il s’agit d’une obligation de l’employeur indépendante de toute réclamation et qui doit au contraire être mise en oeuvre en vue d’assurer une réelle prévention des risques pour la santé des salariés.
L’employeur, qui disposait du détail des plannings hebdomadaires avec les rendez-vous clients ne produit que ceux des semaines 50 en 2014, 6, 7 et 47 de l’année 2015, semaines 2, 5 9 et 10 de l’année 2016 et semaines 2 et 3 de l’année 2017.
En revanche, la société justifie de ce que les temps de présence notés par M. [F] sur certaines fiches sont erronées :
– les samedi 14 et dimanche 15 janvier 2017 pour le salon Oriental Pearl en ce que le salon s’est tenu en réalité le 13 janvier, comme mentionné dans un échange de courriels, M. [F] n’ayant pas fait mention de cet événement le 13,
– du 16 au 19 mai 2016, il était en congés payés, par comparaison entre le tableau produit aux débats et la fiche de présence,
– du 18 au 24 février 2015 , M. [F] se trouvait en formation à [Localité 3] pendant une période de jours fériés en Chine.
La société ne peut par contre soutenir que l’invitation le 21 février 2017, aux 61 ans des gérants de la société New Pearl, était une invitation personnelle, 2.000 personnes étant invitées et dans le courriel produit, M. [F] représentait M. [M] pour le compte de la société.
De même, la pièce 96 versée par la société qui tend à démontrer l’absence d’activité de M. [F] les jours fériés français en 2015 et 2016 ne saurait être retenue en ce qu’elle est en réalité une consultation le 19 février 2017 des courriels envoyés de la boîte professionnelle de M. [F] et ne peut remplacer le contrôle du travail que doit mettre en place l’employeur.
Il n’appartient pas au salarié qui s’est déclaré présent de justifier du travail effectué sur les jours fériés en Chine, dès lors qu’il était en lien avec la France et devait répondre aux appels téléphoniques et demandes de reporting de la société, mais à l’employeur d’établir que le salarié n’était pas à son poste de travail ces jours là. De même, il ne peut être déduit de la décision de recruter une assistante basée en Chine en juin 2015 de ce que la charge de travail aurait été abordée en réunion avec M. [M] le 11 juin 2015.
La société démontre toutefois avoir dû relancer à de nombreuses reprises M. [F] pour obtenir ses plannings de travail à 4 semaines, ses comptes-rendus d’activité et ne pas avoir pu disposer d’autres documents que ses feuilles de présence, qu’il lui arrivait de déposer en retard, comme le lui rappelle M. [B] le 17 février 2016, et sur les années 2014, 2015 et 2016.
Il ne peut par ailleurs être soutenu par M. [F] qu’étant en lien avec sa hiérarchie en France, il devait rester joignable sur les horaires de bureaux français, la société produisant un courriel de M. [D] lui fixant rendez-vous à 8h30, heure française le 2 février 2016 afin de faire tenir compte du décalage horaire ou encore la demande de M. [M] le 16 janvier 2014 de lui “indiquer l’heure idéale à laquelle il peut l’appeler régulièrement compte tenu du décalage horaire”.
L’équipe autour de M. [F] s’est étoffée entre 2015 et 2017, une assistante et un commercial pour la zone Nord ayant été recrutés.
Si la société justifie de rendez-vous avec M. [D] le 25 avril 2014 ou avec M. [M] le 11 juin 2015, ou encore d’un entretien téléphonique avec M. [A] et M [D] le 10 juin 2015, il n’est pas établi que ces rendez-vous concernaient l’évaluation professionnelle de M. [F] ni de la charge de travail.
Dès lors, au vu de l’ensemble de ces éléments, la cour a la conviction que M. [F] a, au cours de la période d’avril 2014 à avril 2017, effectué des heures supplémentaires non rémunérées, mais pas à la hauteur des 54 heures hebdomadaires qu’il revendique, étant relevé qu’il ne produit pas de décompte horaire quotidien, que les feuilles de présence produites par l’employeur ne font état que de peu de rendez-vous et sur une plage horaire ordinaire, qu’il n’a à aucun moment décompté de temps de pause et qu’il ne produit aucune attestation de ses assistants notamment pour établir le nombre d’heures supplémentaires effectuées, déduction faites des RTT.
En conséquence et, au vu des éléments dont la cour dispose, il sera arrêté un nombre d’heures supplémentaires suivantes :
– 458 heures supplémentaires en 2014, dont 278 heures au taux majoré de 25% et 180 heures majorées au taux de 50%,
– 543 heures supplémentaires en 2015, dont 341 heures au taux majoré de 25% et 202 heures supplémentaires majorées à 50%,
– 470 heures supplémentaires en 2016, dont 309 heures majorées à 25% et 161 heures majorées à 50%,
– 91 heures supplémentaires en 2017, dont 62 heures majorées à 25% et 29 heures majorées à 50%.
Contrairement à ce que soutient la société, entrent dans cette assiette, le salaire horaire effectif et les primes et indemnités ayant le caractère d’un salaire dans la limite des demandes de M. [F].
Au regard du taux horaire calculé sur chaque période suivant le salaire de référence retenu précédemment, la société sera en conséquence condamnée à payer à M. [F] la somme de 64.802,71 euros correspondant à 17.238,12 euros au titre des heures supplémentaires sur l’année 2014, augmentation du salaire en juillet prise en compte, 25.036,81 euros au titre de l’année 2015, prime incluse dans le taux horaire, 33.761,15 euros au titre de l’année 2016, montant des primes annuelles inclus et 3.906,33 euros au titre de l’année 2017 sur le taux horaire du salaire de référence, déduction faite du montant des RTT dont l’indemnité à été versée à M. [F] dans son solde de tout compte.
La société sera également condamnée à verser la somme de 6.480,27 euros bruts pour les congés payés afférents.
Le jugement sera infirmé de ces chefs
***
S’agissant des demandes au titre de la contrepartie obligatoire en repos obligatoire, en vertu de l’article L. 3121-11 du code du travail dans sa rédaction applicable du début du contrat de travail de M. [F] au 10 août 2016, devenu l’article L. 3121-30 après le 10 août 2016, toute heure supplémentaire accomplie au delà du contingent annuel donne droit à une contrepartie obligatoire en repos, laquelle est fixée à 100% des heures accomplies dans les entreprises de plus de 20 salariés et à 50% pour les entreprises de moins de 20 salariés.
En vertu de l’article D. 3121-14 du code du travail, le salarié, dont le contrat de travail prend fin avant qu’il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu’il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos, reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis.
L’indemnité a un caractère de salaire.
La convention collective applicable prévoit en son article 34 et, en dehors des cas de modulation des horaires de travail auxquelles se réfère à tort M. [F], un repos compensateur en renvoyant aux dispositions du code du travail pour le montant de la contrepartie obligatoire mais un contingent d’heures supplémentaires de 180 heures.
M. [F] est en droit d’obtenir paiement de la contrepartie obligatoire en repos calculée, compte tenu de la taille de l’entreprise qui occupait moins de 20 salariés, à 50% du salaire de référence sur chaque période pour les heures suivantes, compte tenu des heures supplémentaires retenues ci-avant :
– sur l’année 2014 étant précisé que le contingent a été dépassé après le mois de juillet et pour 278 heures supplémentaires représentant la somme de 4.036,56 euros,
– sur l’année 2015 : 363 heures supplémentaires au-delà du contingent soit la somme de 5.270,76 euros,
– sur l’année 2016 : 290 heures supplémentaires au-delà du contingent soit la somme de 7.751,70 euros,
– le contingent n’ayant pas été dépassé en 2017.
La société sera par conséquent condamnée à verser à M. [F] la somme de 18.066,32 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent ainsi que la somme de 1.806,63 euros au titre des congés payés y afférents. Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la rupture du contrat de travail
La lettre de licenciement adressée à M. [F] le 14 avril 2017 est ainsi rédigée :
« Monsieur,
A la suite de l’entretien préalable qui s’est déroulé le 7 avril 2017 auquel vous vous êtes présenté assisté d’un conseiller du salarié, nous vous notifions par la présente et conformément aux dispositions du Code du travail, votre licenciement pour faute grave sans préavis ni indemnité pour les motifs exposés lors de cet entretien et rappelés ci-dessous.
Ce licenciement repose sur deux motifs : le premier est lié à votre incapacité d’exécuter correctement vos fonctions de Responsable zone Asie; l’autre repose sur une grave faute que vous avez commise en vous obstinant à ne pas communiquer à votre hiérarchie la liste exhaustive de vos contacts Sud et grands crus classés et à violer à plusieurs reprises les exclusivités qui existaient sur votre zone et dont vous aviez parfaitement connaissance.
Motif n°1: S’agissant de votre incapacité à remplir votre fonction de Responsable zone Asie
Vous avez été engagé à compter du 7 janvier 2014 en qualité de Responsable Zone Asie statut Cadre.
A ce titre, vous aviez notamment pour mission de mettre en place la stratégie de distribution sur votre zone, de dynamiser et développer nos ventes ainsi que notre réseau clientèle, d’assurer la mise en place d’animations et le suivi des ventes et leur promotion; cela tout en vous conformant aux modalités de fonctionnement et reporting en vigueur dans la société.
Pourtant, force est de constater que vous vous êtes montré incapable de gérer convenablement la situation sur votre zone et de suivre vos dossiers, et vous n’êtes pas non plus parvenu à atteindre vos objectifs commerciaux.
D’abord, vous vous êtes montré totalement incapable de suivre correctement vos dossiers et d’atteindre les objectifs qui vous avaient été fixés sur votre proposition. Votre manque de professionnalisme est criant, ce qui témoigne de votre insuffisance professionnelle.
En effet, vous faites régulièrement preuve de légèreté voire de manque de professionnalisme dans la gestion de vos dossiers. Notamment, vous ne suivez pas régulièrement vos dossiers et nous sommes contraints de systématiquement vous relancer pour savoir où en sont vos ventes.
Par exemple, dans le dossier GRANDLY, j’ai dû vous relancer à 4 reprises pour savoir où nous en étions et si le client avait finalement accepté notre proposition. Malgré ma visite sur place à vos côtés en décembre 2016, la rédaction de ma part d’un compte-rendu exhaustif, de conférences téléphoniques, de la réception à [Localité 3] de votre client, vous n’avez manifestement effectué qu’un suivi relatif de ce client, alors qu’il s’agit d’un client stratégique. Pourtant, vous savez pertinemment que ce client constitue un relais de croissance indispensable au développement de notre activité en Asie. En vous abstenant de mettre en ‘uvre tous les moyens adéquats afin que la commande aboutisse, vous avez nuit à notre plan stratégique et commercial sur votre périmètre.
Pire encore, au cours de votre entretien préalable, vous m’avez soutenu que vous aviez avancé sur le dossier GRANDLY, et notamment que vous aviez reçu la pro-forma liée aux commandes de ce client. Après vérification, j’ai appris qu’en réalité que l’entreprise n’avait jamais reçue cette pro-forma.
Egalement, votre gestion des dossiers et de la relation client est déplorable. Notamment, vous demandez régulièrement des pièces au Responsable administration des ventes (avec client en copie), alors que ces pièces ont en réalité déjà été fournies au client. Aussi, vous écrivez aux clients en laissant l’historique des conversations internes précédentes, ce qui donne une très mauvaise image de l’entreprise et pourrait avoir de graves conséquences si des informations confidentielles étaient communiquées malencontreusement aux clients par ce biais.
Par exemple, il en a été ainsi de ces deux problématiques lors de la demande de pro-forma pour le client MELODIEUX que vous avez formulée le 24 février dernier, alors même que ce document pro-forma vous avez déjà été adressé le 21 février, tout cela en laissant le client en copie des échanges de courriels, client qui est donc témoin de votre mauvaise gestion.
Lors de l’entretien préalable, vous n’avez d’ailleurs pas contesté ce point.
Autre exemple, en mars dernier, vous avez sollicité des modifications concernant la commande PUXUAN WINE en demandant la suppression d’un vin qui n’était même pas sur la commande et en demandant l’ajout d’un autre vin alors même que vous saviez pertinemment que le container était déjà plein et qu’il vous avait au contraire était demandé de supprimer des vins. Cela est d’autant plus grave que vous n’avez jamais répondu aux sollicitations de vos collègues sur ce dossier et que [Z] [S] a dû assumer à chaque fois le déblocage de la situation à votre place pour éviter une catastrophe commerciale.
Votre manque de professionnalisme perdure, ce qui est d’autant plus prave que nous avons déjà attiré votre attention sur la nécessité d’améliorer votre efficacité et votre comportement.
Par exemple, le 30 novembre 2016, nous avions déjà été contraints de vous adresser un avertissement parce que vous vous étiez permis de quitter le salon d'[Localité 7] avant la fin, malgré les investissements engagés à ce titre pour l’entreprise et alors que vous auriez pu rencontrer de nouveaux partenaires commerciaux à cette occasion. En dépit de la réponse que vous avez apportée à cet avertissement, je vous rappelle que vous saviez pertinemment que vous deviez être présent sur ce salon majeur et qu’il était inconsidéré d’y préférer une autre action client au même moment. Cet événement témoignait déjà de votre manque flagrant de professionnalisme et de non gestion des priorités.
Preuve de plus de votre manque de professionnalisme, nous venons d’apprendre que les 18.000 cols de PERENNITE FAUGERES 2015 que vous aviez bloqués depuis le 9 février 2017 (réservation que vous avez ensuite confirmée par courriel du 9 mars 2017) étaient en réalité annulés depuis 15 jours, sans que vous n’ayez pris la peine de nous en informer.
Nous ne pouvons tolérer une telle légèreté, nous mettant en position de devoir annuler notre réservation auprès de notre fournisseur au dernier moment alors que vous connaissiez cette information depuis deux semaines.
Ensuite, vous ne respectez même pas les consignes de la Direction s’agissant de vos obligations administratives, ce qui témoigne également de votre manque de rigueur et de suivi. Pourtant, vous vous êtes engagé à vous conformer à ces différentes obligations (planning prévisionnel des visites journalières, compte-rendu journalier et hebdomadaire, reporting des engagements et propositions clients, appel téléphonique régulier etc) par votre contrat de travail. D’autant que nous vous avons déjà sollicité à plusieurs reprises afin que vous vous conformiez à vos obligations sur ce point. Pourtant, vous n’avez pas cru bon d’y donner suite puisque, malgré ces rappels, le nombre de compte-rendu et de plannings envoyés par vos soins reste très limité et par-dessus tout à intervalle très irrégulier.
D’autant que vos manquements qualitatifs se doublent de manquements quantitatifs renvois de fichiers effectués par mes soins ou par l’administration des ventes).
puisque vos résultats commerciaux sont décevants par rapport aux objectifs qui vous ont été assignés. Par exemple, à fin mars 2017, la situation sur marge de votre périmètre était alarmante en affichant un chiffre de 24 753 € réalisés contre 141.194 € souhaité, étant précisé que ces objectifs ont été définis d’un commun accord avec vous et vous en aviez donc parfaitement connaissance.
Pire encore, lorsque j’ai récemment attiré votre attention sur le fait qu’il ressortait des documents que vous m’aviez adressés que votre marge sur mars 2017 n’était que de 5.000 € (cf. mon message du 10 mars 2017), vous n’avez même pas cru bon de me répondre et j’ai dû vous relancer (cf. mon message du 13 mars 2017) pour obtenir une réponse de votre part. Vous vous êtes alors contenté de me répondre: “Je vous ai envoyé mon tableau de suivi il y a 2 semaines “. Cela montre le soin que vous apportez au suivi de votre activité et au reporting pourtant essentiel.
Concrètement, vos chiffres sont mauvais et, faute pour vous de répondre à nos demandes de précisions, nous ne sommes même pas en mesure de savoir où votre activité va. Qui plus est, toutes les informations et reportings sur lesquels figurent des projections sont soit fausses soit caduques (ce qui a donné lieu à des
Malgré la patience et la compréhension dont nous estimons avoir fait suffisamment preuve à votre égard, nous avons le regret de constater que, loin d’améliorer votre comportement, vous persistez dans votre attitude et vous vous étes montré incapable d’être à la hauteur de nos attentes légitimes tout en fuyant vos responsabilités.
L’ensemble de ces éléments caractérise votre insuffisance professionnelle et justifie votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Vous avez toutefois également commis des faits graves qui nous conduisent à devoir vous licencier pour faute grave.
Motif n°2: S’agissant des fautes graves que vous avez commises
En premier lieu, vous vous êtes obstiné à refuser de communiquer à votre direction une liste de contacts exploitable de vos contacts SUD et GRANDS CRUS CLASSES ainsi qu’à nous adresser une liste exhaustive de tous vos contacts selon le modèle demandé, ce qui est extrêmement grave.
Ce n’est qu’après de multiples demandes et relances que vous nous avez finalement adressé une liste le 7 avril dernier, jour de votre entretien préalable. En omettant volontairement de nous communiquer ces informations avant ce jour, vous avez commis une faute grave très préjudiciable à la société, la mettant en danger sur votre périmètre faute d’avoir communiqué avant votre entretien préalable ces informations extrêmement importantes. Au surplus, cette liste s’avère incomplète et incompréhensible à notre niveau.
Aussi, les exclusivités accordées par l’entreprise à certains acteurs sur votre zone ont été violées par votre faute. En effet, dans le cadre de la préparation de la tournée commerciale de Monsieur [M] à [Localité 7] et en CHINE, du 27 février au 4 mars 2017, vous avez commis un certain nombre de fautes qui ont mis en danger le bon déroulé de cette tournée et mis à mal un certain nombre de propositions et d’engagements commerciaux, en particulier des engagements d’exclusivité, alors même que vous connaissiez parfaitement l’existence de ces engagements d’exclusivité depuis plusieurs mois.
D’abord, et dans le cadre de la préparation de cette tournée, vous ne nous avez pas fait parvenir en temps voulu les informations requises concernant les produits qui étaient proposés sur votre zone, à quel prix, quels volumes et dans quelles conditions. Vous ne nous avez pas non plus fait parvenir les fiches clients nécessaires à la préparation des rendez-vous pris dans le cadre de la tournée de Monsieur [M], ce qui l’a mis, ainsi que moi-même et vos collègues dans une position inconfortable lors desdits rendez-vous. Ces informations étaient indispensables dans le contexte de nécessaire coordination avec vos collègues.
Surtout, vous avez concomitamment violé plusieurs exclusivités commerciales accordées à nos partenaires sur votre zone. Pour rappel, Monsieur [I] vous avait adressé les documents préparatoires des ” Fiches d’exclusivité ” (courriels des 7 février 2017, 21 février 2017 et 23 février 2017) et vous aviez accès à toutes les informations concernant les exclusivités via DROPBOX. Ces informations vous étaient par ailleurs communiquées par e-mail afin de vous garantir un accès en toutes circonstances. Vous ne pouviez donc pas les ignorer.
Le tableau d’exclusivité a été intégré au ” Road book ” adressé à Monsieur [M] et à chacun des participants en vue de la tournée sur votre zone. Ce tableau faisait état des exclusivités accordées et des propositions en cours de négociations avec nos clients chinois et hong-kongais pour nos vins hors BORDEAUX. Il était fait état dans ce tableau que PACENCIA (Toro) est Open Market, en discussion avec HengShang, Xin Mier et Rich Leader.
Pourtant, vous avez décidé de confier PACENCIA en exclusivité à PENAVICO et cela sans prévenir Monsieur [I], dont vous saviez pertinemment que les clients envisageaient de travailler sur ce vin puisque mention avait été faite de ces tractations en réunion de coordination la veille de votre rendez-vous avec PENAVICO.
Ce même tableau des exclusivités précise également que le vin ALEGRIA est en Open Market, en discussion avec HengShang et Xin Mier. A nouveau, vous avez accordé l’exclusivité sur ce vin à PENAVICO alors même que vous saviez que les clients de Monsieur [I] étaient intéressés et que des discussions étaient en cours. Une fois de plus, mention en avait été faite au cours de la réunion de coordination.
Aussi, vous avez violé l’exclusivité que nous avions accordée à PIEROTH [Localité 7] sur le vin VILLA RUBY, celui-ci ayant appris que l’un de ses clients (ORIENTAL PEARL) avait pu se procurer ce vin sur lequel il était censé avoir une exclusivité. Vous avez été informé de cette exclusivité par le biais d’un e-mail adressé dès le mois de septembre 2016 par Monsieur [I]. Notre crédibilité vis-à-vis de ce client a donc été particulièrement affectée et la relation de confiance écornée, le client PIEROTH ne manquant pas de souligner ce point lors de la réunion entre nos entreprises au mois de mars dernier.
D’autant que vous aviez déjà violé des exclusivités précédemment et que nous vous avions déjà alerté sur ce point. Ainsi, SI MON PERE SAVAIT avait été accordé en exclusivité à WINE TYCOON depuis le 13 juillet 2016; ce dont vous aviez parfaitement connaissance puisque les tableaux d’exclusivités avaient été mis à disposition sur le réseau DROPBOX. Malgré cela, vous avez violé les exclusivités, et présenté le vin à ORIENTAL PEARL et proposé le vin en exclusivité. Cette présentation et cette proposition s’est traduit par la perte de notre relation commerciale exclusive avec WINE TYCOON à compter du 11 décembre 2016.
Les violations répétées des exclusivités commerciales négociées auxquelles vous vous êtes livré sont donc très graves, tant pour l’image que pour les relations commerciales de la société.
Et cela est d’autant plus grave que vous êtes le Responsable de la zone Asie et qu’il vous incombait justement de maîtriser et gérer les exclusivités sur votre zone. Loin de là, vous n’avez même pas été capable de vous référer aux informations mises à votre disposition par la société sur ces questions. Vous ne pouvez pas vous défausser sur le fait que Monsieur [M] ou M. [D] aient validé ces ventes lors des différents rendez-vous. Il en allait de votre responsabilité à vous seul en tant que Responsable de la zone Asie et il vous appartenait de les alerter sur toutes ces questions.
Ces faits sont inacceptables et rendent impossible le maintien de votre contrat de travail, y compris pendant votre préavis,.
En conséquence, compte-tenu de l’ensemble de ces motifs, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave sans préavis ni indemnité.
S’agissant d’une rupture pour faute grave, cette décision prend effet à compter de ce jour. »
La société a notifié à M. [F] un licenciement reposant à la fois sur des griefs relevant d’une insuffisance professionnelle et sur un comportement fautif.
L’insuffisance professionnelle, qui se définit comme l’incapacité objective et durable d’un salarié d’exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification, constitue une cause légitime de licenciement.
Si l’appréciation des aptitudes professionnelles et de l’adaptation à l’emploi relève du pouvoir de l’employeur, l’insuffisance alléguée doit toutefois reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l’employeur.
Pour justifier le licenciement, les griefs formulés doivent être suffisamment pertinents, matériellement vérifiables et perturber la bonne marche de l’entreprise ou être préjudiciables aux intérêts de celle-ci.
L’employeur ayant également choisi de se placer sur le terrain d’un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l’entreprise.
1 – La société reproche à M. [F], au titre de l’insuffisance professionnelle, son incapacité à gérer et à suivre les dossiers en lien avec ses fonctions de responsable de la zone Asie et de ne pas avoir été capable d’atteindre les objectifs commerciaux.
M. [F] sollicite la réparation de l’omission de statuer, le juge départiteur n’ayant pas statué sur la nullité de l’article X du contrat de travail et de son annexe 2 en raison de la violation des libertés individuelles, du droit à la déconnexion et du droit constitutionnel au repos et à la santé, notamment en ce que la clause n’aurait pas de motif précis et serait sans limitation de durée. Il soutient en conséquence que ces stipulations contractuelles ne peuvent être un motif de licenciement.
Sur la demande relative à la validité de l’annexe 2 du contrat de travail, la société rappelle que le droit à la déconnexion tel que prévu par le code du travail est postérieur à la rédaction du contrat de travail.
Sur celle de l’article X du contrat de travail, la société soutient ne pas y avoir fait référence, la loyauté comprenant une obligation de confidentialité ressortant des obligations générales qui pèsent sur l’exécution de bonne foi du contrat de travail et invoque à titre subsidiaire sa licéité.
Sur les motifs du licenciement, M. [F] sollicite la confirmation du premier jugement, ayant soulevé en première instance la prescription des faits considérés comme fautifs comme étant antérieurs aux deux derniers mois précédents la lettre de convocation à l’entretien.
Il prétend par ailleurs ne pas avoir bénéficié de moyens suffisants pour atteindre les objectifs quantitatifs qui lui avaient été fixés et reproche à l’employeur de ne pas l’avoir fait bénéficier de formations lui permettant de pallier ses éventuelles carences.
– sur l’omission de statuer sur la validité de l’annexe 2 au contrat de travail
Les premiers juges ont omis de statuer sur cette demande figurant expressément dans les conclusions de M. [F] qui sont versées aux débats sur laquelle il appartient à la cour de statuer en raison de l’effet dévolutif de l’appel.
Le contrat de travail de M. [F] prévoyait l’exercice de missions en sa qualité de responsable de la zone Asie ainsi libellées :
“- mettre en place la stratégie de distribution sur sa zone ;
– dynamiser et développer les ventes et élargir le réseau de clientèle ;
– assurer le suivi des ventes et la régularité des encaissements des marchandises livrées ;
– mettre en oeuvre les animations nécessaires à la promotion des ventes pour atteindre les objectifs de vente déterminées chaque année”.
L’annexe 2 au contrat de travail mentionne un mode de reporting et de fonctionnement ainsi rédigé :
‘- Le Responsable de zone Export doit adresser au siège à Messieurs [P] [M], [T] [M], au responsable de Zone Asie et au contrôleur de gestion selon la Matrice société tous les lundis:
* le planning prévisionnel des visites journalières sur 4 semaines glissantes ainsi que ses mises à jour immédiates avec un nombre de visites significatif.
* le compte rendu synthétique journalier selon la matrice de la société.
* les comptes rendus de visites hebdomadaires selon la matrice de la société.
– Monsieur [J] [F] doit adresser au siège à Messieurs [T] [M], au Responsable de Zone Asie et au contrôleur de gestion, selon la Matrice société tous les lundis :
* les engagements / clients de dépenses tous les mois sur le Budget dynamisation sous sa responsabilité et le point des propositions / clients tous les lundis,
* un appel téléphonique tous les 2 jours de manière à être en liaison permanente avec le siège pour toute question éventuelle et pour passation des commandes à YADV Export à communiquer par courriel.
* s’engage à répondre aux emails ou messages téléphoniques qui lui sont adressés sous un délai maximum de 24H00.
3) Lors de ses séjours à [Localité 3] (en dehors des congés), Monsieur [J] [F] doit se présenter à 8h00 le matin dans les bureaux prévus à cet effet au [4] à [Localité 9] selon les modalités de fréquence planifiées avec le responsable de zone Asie et Mr [T] [M].”
L’article L. 2242-17 du code du travail applicable depuis le 10 août 2016 reconnaît le droit à la déconnexion pour tous les salariés mais renvoie à la négociation annuelle obligatoire ou à la charte élaborée par l’employeur.
L’annexe au contrat de travail doit s’interpréter au regard de l’article sur le forfait jour, des dispositions de la convention collective et de l’accord cadre sur le forfait jour.
Cette annexe, n’ayant pas été mise à jour postérieurement au 10 août 2016, afin de préciser que l’employeur est tenu de respecter un repos quotidien d’une durée minimale de 11 heures consécutives et d’un repos hebdomadaire d’une durée de 24 heures consécutives auxquelles s’ajoute le repos quotidien précité, l’obligation de rester joignable et de répondre aux emails dans un délai maximum de 24h ne peut être opposable au salarié.
Toutefois les obligations de planning à 4 semaines, les reporting journaliers et les comptes-rendus hebdomadaires ne contreviennent pas au droit à la déconnexion et au repos obligatoire entre deux journées de travail effectifs.
Il convient en conséquence de dire non opposable à M. [F] l’obligation de rester joignable et de répondre aux emails dans un délai maximum de 24 heures figurant à l’annexe 2 du contrat de travail.
– Sur l’omission de statuer relative à la nullité de l’article X du contrat de travail
Les premiers juges ont également omis de statuer sur cette demande.
L’article L. 1121-1 du code du travail précise que “nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché”.
L’article X du contrat de travail signé entre les parties, à effet au 7 janvier 2016 est ainsi rédigé :
“CLAUSE DE SECRET PROFESSIONNEL, DE DISCRÉTION, DE LOYAUTÉ
Vous vous engagez formellement à ne divulguer à qui que ce soit aucun des projets, réalisations, conception, ou études de la Société, soit pour le compte de clients de la Société, soit pour la Société elle-même, se déclarant à cet égard lié par le secret professionnel le plus absolu.
Vous vous interdisez également de divulguer tout renseignement ou information sur activité de l’entreprise, les modalités d’accès, les systèmes d’alarme ou tout autre élément de nature à mettre en cause la la sécurité des biens de la Société.
Par ailleurs vous vous engagez à conserver confidentielles toutes les informations concernant les activités de la Société que vous pourrez recueillir à l’occasion de vos fonctions.
Cette obligation de discrétion joue tant à l’égard des tiers que des salariés de la Société.
Ces obligations de secret, discrétion s’ appliqueront pendant toute la durée du contrat de travail et se prolongeront après la rupture de celui-ci pour quelque motif que ce soit
Le non respect des obligations précitées constituerait une faute grave justifiant la rupture immédiate du lien contractuel.”
Dès lors que la clause litigieuse, sans préciser l’obligation de secret professionnel à laquelle elle fait référence, ne mentionne pas le but recherché en se référant notamment à l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, ne délimite pas précisément les sujets de discrétion et les personnes vis-à-vis desquelles la discrétion doit être gardée et ne limite pas dans le temps la durée de l’interdiction, même après la rupture du contrat de travail, cette clause est nulle et de nul effet.
– Sur les griefs d’insuffisance professionnelle
– le refus de se conformer aux obligations de suivi d’activité par sa hiérarchie :
La société produit quatre courriels de relance adressés à M. [F] les 9 novembre 2015, 26 novembre 2015, 20 janvier 2016 pour la transmission des plannings détaillés sur les 4 semaines glissantes et des comptes-rendus tous les lundis avant midi, ainsi que du 25 novembre 2015 demandant au salarié de faire parvenir les comptes-rendus d’activité pour les semaines à venir, accompagnés de l’emploi du temps hebdomadaire.
M. [F] a répondu avec retard le 22 janvier 2017 transmettant alors ses premiers plannings détaillés de début d’année puis n’a adressé aucun planning ni rapport hebdomadaire du 30 janvier 2017 au 27 mars 2017.
Si les modes de contrôle de l’activité commerciale de M. [F] étaient très contraignants en ce qu’ils obligeaient à une information en amont et en aval, la cour relève qu’il en avait été informé au moment de la signature du contrat de travail et ces obligations n’étaient pas disproportionnées eu égard à ses fonctions visant à développer le commerce des vins de la société [M] sur la zone Asie ainsi qu’à son éloignement géographique.
La société produit des courriels de M. [D], directeur, dans lesquels il est demandé à M. [F] de mieux communiquer, ainsi le courriel du 26 avril 2016 sur les commandes en cours : “M. [F] ””” Je ne comprends rien : merci de faire votre travail sérieusement. On ne pilote rien, on improvise”.
M. [F] était questionné sur son activité et ses résultats en 2017, ayant eu connaissance d’un projet d’annuler la commande “[Localité 6] Baron”, par M. [D] le 10 février 2017 : “Où en sommes nous ”’ Je suis inquiet de vos chiffres et de votre silence sur des sujets importants : [Localité 6], Grandly…” ; le 13 février 2017 : “la situation sur votre chiffre est alarmante;. Merci de justifier car les réserves facturées ne sont pas une explication cette année!!!!” ; dans l’objet du courriel du 23 février 2017 : “situation chiffre février : où en sommes nous ”’ Situation inquiétante, merci de m’appeler pour me dire où nous atterrissons à fin février”, ou encore le 8 mars 2017 sur le dossier [Localité 6] Baro, il demandait “Où en sommes nous ”” c’est urgent et inacceptable de ne pas avoir de retour sur ce point précis” et enfin la demande d’explication sur la faible marge le 10 mars 2017, réitérée le 13 mars 2017 “puis-je obtenir une réponse ‘”
La réponse apportée par M. [F] se limitait à renvoyer au tableau adressé deux semaines auparavant.
Par courriel du 14 mars 2017, il était rappelé à M. [F] l’importance de transmettre des explications sur sa marge et son activité, “la référence à un tableau antérieur de 15 jours ne permettant pas de suivre nos affaires sur la zone dont vous avez la responsabilité”.
La société produit la “balance âgée” au 17 mars 2017 qui, au vu des retards de paiement pour l’ensemble des clients relevant de la zone Asie pour un montant de 281.861 euros, pouvait légitimement laisser sa hiérarchie inquiète des silences du salarié.
S’agissant de ses démarches administratives,M. [F] a fait l’objet d’une relance de la DRH pour la transmission de sa feuille de présence mensuelle le 27 mars 2017, qu’il aurait dû adresser 6 jours avant et M. [D] lui rappelle dans un courriel du 5 janvier 2017 qu’il ne donne pas ses notes de frais sur un rythme mensuel.
De même, si M. [F] s’est expliqué sur les raisons qui l’avaient mené à privilégier sa participation auprès d’un client exclusif sur les références du Rhône et [Localité 5] “New Pearl”, lequel organisait un dîner avec 400 personnes, plutôt que sur le salon de [Localité 7] qui se tenait le même soir, où il avait d’ailleurs laissé son assistante, l’importance des conséquences que pouvait impliquer ce choix pour la commercialisation des produits de la société nécessitait qu’il respecte les règles d’information de sa hiérarchie. Le courriel de M. [G] qui se félicite des relations avec M. [F] ne remet pas en cause le refus du salarié de se conformer au contrôle de son activité par sa hiérarchie basée en France.
L’insuffisance professionnelle n’est pas constitutive d’une faute, sauf si elle procède d’une mauvaise volonté délibérée ou d’une abstention fautive. En l’espèce, il résulte de la lettre de licenciement que l’employeur reproche au salarié une mauvaise volonté délibérée ou une abstention volontaire, ce grief invoqué est fautif et donne au licenciement une nature disciplinaire.
M. [F], dans ses conclusions de première instance auxquelles il demande à la cour de se rapporter en sollicitant la confirmation de la décision, invoquait la prescription des faits.
Selon l’article L. 1332-4 du code du travail, l’employeur doit engager la procédure disciplinaire dans le délai de deux mois à compter de la date à laquelle il a connaissance des faits qu’il reproche au salarié.
Les nombreuses relances et refus de se conformer aux obligations de transmission de plannings constituent des faits fautifs, et datent, pour les derniers courriels, du 13 mars 2017 étant précisé qu’il peut être tenu compte de faits antérieurs de même nature en ce que les derniers sont la poursuite et la réitération du même comportement qui s’est poursuivi dans le délai de deux mois.
M. [F] ayant été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement le 17 mars 2017, ces faits ne sont pas prescrits.
– l’absence de suivi de ses dossiers
Le responsable administratif des ventes faisait part à M. [F] par courriel du 9 mars 2017, suite à l’envoi d’un tableau dans lequel M. [F] proposait de faire des offres de ce qu’il annonçait un stock de bouteilles de “Perenne 2015” dont il ne déposait pas et que le “St Genes blanc” n’avait jamais existé.
Ce grief n’est étayé par aucune pièce.
Sur le dossier Grandly, la société justifie avoir adressé des relances à M. [F] en décembre 2016 et 2 en janvier 2017 pour connaître le suivi du projet envisagé le 16 décembre 2016 avec ce client. Le rapport d’activité remis par M. [F] le 9 janvier 2017 ne fait état que d’échanges téléphoniques sans confirmations.
Si M. [F] ne s’est pas conformé à son obligation de reporting régulier, M. [G], représentant de la société Grandly, a attesté le 15 mai 2017 de la concrétisation de la coopération avec la société BMVS, grâce au professionnalisme de M. [F], de “son travail, son suivi et sa persévérance dans le suivi de nos affaires, en particulier lors de notre période de doute en ce début d’année suite à la décision d’augmentation de prix. Son énergie et sa motivation nous ont permis de concrétiser notre partenariat avec la marque “Oustric” de [P] [M] en avril 2017″.
Le courriel produit par la société en pièce 67 pour faire état du rôle de M. [D] dans la conclusion du contrat n’est pas opérant comme datant de décembre 2016 et la société ne démontre pas le suivi réalisé par d’autres salariés après le licenciement de M. [F] pour finaliser le contrat avec le client Grandly en avril 2017 pour une quantité de 179.994 bouteilles en 2017. La société qui reproche à M. [F] d’avoir menti en ce que l’entreprise n’avait jamais reçu la pro-forma de la commande n’en justifie pas.
Il ne peut donc être reproché à M. [F] un manque de suivi de ce dossier client.
Pour le client Mélodieux, il est reproché à M. [F] d’avoir adressé des courriels sans retirer l’historique des échanges précédents dans lesquels dans lequel il lui était mentionné son manque de suivi des dossiers. Là encore, seul le courriel du responsable administratif des ventes est produit.
Dans le courriel du 24 février 2017, les caractères chinois ne permettent pas à la cour de vérifier que Mme [N], cliente est en copie et en tout état de cause, les informations transférées dans les courriels précédents ne font pas état du manque de suivi des dossiers par M. [F] ni ne nuisent à la crédibilité de la société.
Ces échanges de courriels, qui comportent des parties tronquées ne permettent pas d’établir de manière certaine que la cliente [N] aurait été informée du niveau d’encours de crédit figurant dans l’historique de messages versés aux débats.
Pour le transitaire Hillebrand, la société soutient que par courriel du 8 mars 2017, le responsable administratif des ventes informait M. [D] des difficultés avec M. [F] qui n’avait pas donné suite à la suppression d’un vin sur une commande qui n’existait pas et qui en avait fait ajouter alors que le container était plein.
Aucune pièce justificative n’est produite à l’appui de cette difficulté qui ne sont que des propos rapportés par un collaborateur à son responsable hiérarchique. Les échanges de courriels aux débats attestent des changements de commandes et du manque de place dans le container pour 2 caisses, mais sans rapporter ni d’un défaut de suivi imputable à M. [F], ni de l’intervention indispensable de Mme [Z], son assistante pour débloquer la situation.
Il est aussi reproché à M. [F] d’avoir confirmé une commande pour le client Winex de 18.000 bouteilles de Pérennité Faugères 2015 sans avoir préalablement signé le contrat avec ce client, lequel s’est rétracté par la suite.
Si M. [F] reconnaît dans un courriel du 9 mars qu’il fera dorénavant les contrats avant de demander les pro-forma “car sinon je leur cours après”, la société ne démontre pas avoir dû procéder à l’annulation de la commande à ses frais, le courriel du 12 avril 2017 d’une collaboratrice confirmant uniquement avoir annulé la réservation le jour même.
La société ne démontre pas l’insuffisance professionnelle de M. [F] en ce qu’il n’aurait pas suivi ses dossiers.
– la non-atteinte des objectifs commerciaux
Il est reproché à M. [F] d’avoir réalisé une faible marge sur son périmètre avec à mars 2017, un chiffre de 24 753 euros réalisé contre 141.194 euros souhaité, étant précisé que ces objectifs “ont été définis d’un commun accord avec vous et vous en aviez donc parfaitement connaissance. Cet objectif doit toutefois être lissé sur l’année et représente 70% de l’objectif annuel sur les 3 premiers mois de l’année.”
La société produit un courriel de M. [D] du 15 décembre 2016 demandant à M. [F] de remplir la grille d’objectifs de vente et d’achats afin de pouvoir “faire la différence sur 2016”, faisant référence aux difficultés de reporting plus qu’au chiffre d’affaires réalisé, mais la société reconnaît que le salarié a réalisé 93,2% de son objectif sur l’année 2016.
Le défaut de suivi des clients n’a pas été retenu par la cour, de sorte que les données quantitatives de l’activité de M. [F] qui ne correspondent pas à des objectifs attendus de 100% ne sont pas en lien avec une insuffisance professionnelle de celui-ci, lequel produit des échanges de courriels et un extrait d’article du site internet du transport maritime rappelant que “depuis février l’Asie a enregistré une pénurie de transport maritime de l’Europe vers l’Asie très importante, ayant pu impacter les ventes du début d’année.”
La société ne démontre pas non plus le lien entre un prétendu manque d’implication et la demande formulée par M. [F] le 15 décembre 2016 d’être positionné à [Localité 7] et non plus à [Localité 11] en évoquant son éventuel départ en cas de désaccord puisque 9 jours après le refus qui lui a été opposé, il a maintenu sa volonté de rester au sein de l’entreprise “pour y accomplir à vos côtés nos objectifs quantitatifs et qualitatifs”.
Par ailleurs, si, en réponse à M. [F], la société atteste que le salarié a pu suivre des formations pour l’aider dans sa démarche commerciale, elle ne produit que les courriels d’invitation sans attester du suivi effectif de ces formations qui se déroulaient à [Localité 3].
Les couriels attestant de sa présence sur les plannings primeurs en 2016 et 2017 ne concernent pas des formations.
Il n’est enfin pas démontré par les pièces versées aux débats que M. [F], a notamment début 2017, fait preuve de négligences et de carences dans le suivi de ses dossiers, qui se seraient traduits par une insuffisance professionnelle ni que ces comportements auraient été directement en lien avec une baisse de sa marge calculée au 31 mars 2017.
Le grief tiré de l’absence d’atteinte des objectifs commerciaux n’est pas fondé.
2 – La société reproche à M. [F] son comportement fautif en ce qu’il aurait refusé de communiquer la liste de ses contacts ainsi que d’avoir violé les exclusivités accordées par l’entreprise à certains acteurs de la zone, griefs déclinés ainsi qu’il suit :
– la réticence à communiquer un fichier exploitable de ses clients prospects
nécessaire pour l’envoi postal de newsletters et invitations au salon pro Wine-expo.
La société a sollicité M. [F] le 8 février 2017 après relance du 10 février 2017 mais les données transmises le 13 février 2017 ne comportaient que 105 contacts, outre une liste des prospects/clients qui semblaient intéressants pour développer l’offre ‘Grands crus classés’. M. [D] en a accusé réception en le remerciant.
M. [F] conteste la rétention d’information au regard de l’ensemble des contacts figurant dans des différentes bases de données.
Le 7 avril 2017, M. [F] adresse un fichier recensant 2828 clients, ‘en croisant un ensemble un maximum d’informations’. Ce tableau produit ne comporte pas pour chacun des clients l’ensemble des coordonnées utiles à leur contact.
Conformément à l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut à lui seul donner lieu à l’engagement de poursuites disciplinaires au delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance.
En l’espèce, le courrier dans lequel l’employeur formule la demande de transmission du fichier client date du 8 février 2017 et la réponse jugée insatisfaisante par l’employeur du 13 février. La procédure ayant été engagée par la convocation à un entretien préalable le 17 mars 2017 a bien été faite dans un délai de 2 mois et ces faits ne sont pas prescrits.
La société ne produit pas le fichier client qui était attendu de M. [F] et notamment celui de l’année passée qui aurait recensé un nombre plus réaliste de clients et de prospects/clients ni ne démontre le caractère intentionnel de la transmission des fichiers dans l’objectif de nuire à la société alors que M. [F] avait intérêt à la date du 13 février 2017 que l’ensemble de ses clients de la zone Asie ait accès aux newsletters, la procédure de licenciement n’ayant pas encore été engagée à son encontre.
– la violation des exclusivités
Par courriel du 7 février 2017, M. [I], présenté selon les courriels comme le responsable commercial sur la zone Asie basé en France ou le directeur de développement grands crus classé, a adressé un planning du tour de M. [M] en Asie sans que n’apparaisse la transmission des fiches d’exclusivité de certains clients en pièce jointe, contrairement à ce que soutient la société. En revanche, dans un courriel du 21 février 2017, il a donné à M. [F] la liste des vins sur lesquels pourrait être proposée l’exclusivité, donc encore en “open-market” à cette date et notamment “Panciencia” et “Alegria” pour les clients Ximmier ou Hengshan pour lesquels il indique être intéressé dans sa démarche commerciale.
Toutefois, la société ne produit aucune fiche produite en dehors du courriel de M. [I] ni l’offre qui aurait été faite par M. [F] en exclusivité au client Pennavico pour le vin Alegria, en dehors du courriel de confirmation du 10 mars 2017.
Si ces vins étaient bien en “open-maket”, M. [I] demandait aux collaborateurs sur la zone Asie de faire le relais directement auprès des clients visés.
Il n’est pas précisé si les clients ont montré leur intérêt ni s’ils ont accepté, mais en tout état de cause, M. [F] n’a pas violé d’obligation d’exclusivité sur ces deux vins.
La proposition en exclusivité pour un autre client que celui cité par M. [I] ne constitue pas une faute, aucune procédure interne entre répartition des produits et des clients entre commerciaux n’étant produite ni même invoquée par la société.
S’agissant de l’exclusivité existante avec le client Pierroth HK en décembre 2016, les échanges de courriels produits démontrent que la vente à un autre client, Oriental Pearl, a été faite par M. [D] lui-même en décembre 2016, ce dernier étant parfaitement au courant de l’état des exclusivités à cette date.
M. [I] qui rédige pour l’employeur un courriel récapitulatif des fautes de M. [F] le 8 mars 2017 soutient que le salarié aurait donné l’exclusivité à Pierroth UK, ce qui n’est pas établi. Ce courriel émanant d’un salarié de la société adressé à sa direction ne peut suffire à établir la faute reprochée à M. [F].
Si la société produit un courriel en date du 9 mars 2017 dans lequel M. [D] demande à M. [F] confirmation de l’absence d’exclusivité sur le produit “Guerry”, il s’agissait de la confirmation d’une information qu’il connaissait déjà, au regard des faibles ventes en Chine.
Outre que les faits suivants sont prescrits, il n’est établi par aucune pièce que M. [F] aurait violé des exclusivités sur le vin “Si mon père savait” qui avait été données à Wine Tycoon le 13 juillet 2016, en la proposant au client Oriental Pearl à une date non précisée mais, en tout état de cause, avant décembre 2016 puisque la société indique que les relations avec Wine Tycoon auraient été rompues à cette date.
***
Le fait de ne pas s’être conformé en dépit des injonctions à de nombreuses prescriptions contractuelles de l’employeur relatives au suivi de l’activité commerciale et à son rapport et alors que M. [F] avait déjà reçu un avertissement le 30 novembre 206 pour ne pas avoir informé sa hiérarchie d’un choix de positionnement en représentation commerciale, caractérise une cause réelle et sérieuse de licenciement .
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les demandes financières liées à la rupture du contrat
– Sur le salaire de référence
L’article 30 de la convention collective applicable prévoit que pour le calcul de l’indemnité de licenciement, “le salaire à prendre en considération (…) est le douzième de la rémunération brute des douze derniers mois précédant le licenciement ou, selon la formule la plus avantageuse pour l’intéressé, le tiers des trois derniers mois, étant entendu que, dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel qui aurait été versée au salarié pendant cette période ne serait prise en compte que prorata temporis.”
Les indemnités consécutives à la rupture du contrat de travail doivent être calculées sur la base de la rémunération que le salarié aurait dû percevoir et non sur celle de la rémunération qu’il a effectivement perçue du fait des manquements de l’employeur à ses obligations.
Il doit donc être tenu compte, dans le calcul de l’indemnité de licenciement, du rappel de salaire auquel l’employeur est condamné au titre des heures supplémentaires accomplies dans les 12 mois ayant précédé la rupture.
Le salaire de référence sera en conséquence fixé à la somme de 8.470,54 euros bruts, dans la limite de la demande.
– sur l’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents
Conformément à l’article III.22.3 de la convention collective applicable, la société sera condamnée à verser à M. [F] la somme de 25.411,62 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre celle de 2.541,16 euros au titre des congés payés y afférents.
Le jugement déféré sera infirmé sur le quantum de cette indemnité.
– sur l’indemnité conventionnelle de licenciement
Contrairement à ce que soutient M. [F], en l’absence de mention spécifique dans le contrat de travail du 7 janvier 2014 d’une reprise d’ancienneté au 1er mai 2013, date du premier contrat de travail conclu avec la société BMVS mais rompu après la période d’essai, l’ancienneté de M. [F] était de 3 ans et 6 mois à l’expiration du préavis.
En application des articles III.23.2 de la convention collective applicable, la société sera condamnée à verser à M. [F] la somme de 5.929,37 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement.
Le jugement déféré sera infirmé sur le quantum de cette indemnité.
– Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Le licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse, la demande de M. [F] sera rejetée à ce titre et le jugement déféré infirmé.
Sur le prêt illicite de main-d’oeuvre
M. [F] sollicite l’infirmation du premier jugement en ce qu’il a rejeté sa demande tendant à voir condamner la société à lui verser la somme de 20.000 euros pour infractions aux règles du portage salarial.
Il soutient :
– que la société BMVS a conclu le 1er mai 2014, avec la société Daydream Business Consulting, société chinoise, un contrat de portage salarial. Les effets de cette convention ayant été portés avec rétroactivité au 2 mai 2013, le contrat a donc duré 48 mois, excédant la durée légale de 36 mois,
– que son poste de responsable zone Asie relève de l’activité normale et permanente de la société et n’est pas une simple prestation ponctuelle, ne rendant pas possible la signature d’un contrat de portage salarial,
– que son préjudice financier repose sur la contestation du salaire de référence par l’employeur qui a refusé de cumuler la rémunération du contrat français avec celle du contrat chinois, cette position ayant des conséquences sur ses indemnités de rupture, sur l’attestation Pôle Emploi et sur le montant des indemnités perçues au titre de l’assurance chômage et sur l’absence de versement de bulletin de salaire par la société chinoise ne permettant pas de vérifier le paiement des cotisations retraite.
La société soutient que le conseil des prud’hommes de Bordeaux n’était pas compétent pour statuer sur un contrat soumis au droit local chinois, conclu par M. [F] avec une société chinoise.
Elle conteste l’application de l’article relatif au prêt illicite de main-d’oeuvre en ce que :
– elle n’a pas procédé au prêt à but lucratif de M. [F], qui était rémunéré par la société Daydream,
– M. [F] a signé en mai 2013 un contrat d’agent commercial comme salarié indépendant et n’a été en situation de portage salarial que pendant la période d’essai, puis a été de nouveau en situation de portage salarial dans le cadre de son nouveau contrat de cadre à compter du 1er mai 2014, qui a pris fin le 18 avril 2017 . La durée maximale de 36 mois a donc bien été respectée.
Elle soutient enfin que M. [F] ne démontre pas avoir subi un préjudice.
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Aux termes de l’article L. 1254-1 du code du travail, “le portage salarial désigne l’ensemble organisé constitué par :
1° D’une part, la relation entre une entreprise dénommée ” entreprise de portage salarial ” effectuant une prestation et une entreprise cliente bénéficiant de cette prestation, qui donne lieu à la conclusion d’un contrat commercial de prestation de portage salarial ;
2° D’autre part, le contrat de travail conclu entre l’entreprise de portage salarial et un salarié désigné comme étant le ” salarié porté “, lequel est rémunéré par cette entreprise.”
L’article L. 1254-3 du même code précise que “l’entreprise cliente ne peut avoir recours à un salarié porté que pour l’exécution d’une tâche occasionnelle ne relevant pas de son activité normale et permanente ou pour une prestation ponctuelle nécessitant une expertise dont elle ne dispose pas.”
L’article L. 8243-1 sanctionne le prêt illicite de main-d’oeuvre en méconnaissance des dispositions de l’article L. 8241-1, par une peine d’emprisonnement de deux ans et une amende de 30.000 euros.
Sur la compétence de la juridiction française
Conformément à l’article R. 1412 du code du travail, la juridiction prud’homale de Bordeaux est compétente pour statuer sur le litige relatif au contrat de travail de M. [F] dès lors que l’employeur a son établissement sur le territoire français et que ce contrat était étroitement lié à la convention de protage salarial.
Sur le respect des règles du portage
Par contrat à durée indéterminée à compter 8 avril 2013, un premier contrat a été conclu pour exercer les fonctions “d’export area sales manager” en Chine.
Ce contrat mentionnait expressément que “compte tenu de la nécessité que vous résidiez en Chine dans le cadre de vos fonctions qui vous sont confiées et compte tenu de la nécessité pour mener à bien vos missions que vous puissiez obtenir un visa de travail permanent, en l’absence d’établissement de la société sur le territoire chinois, il a été convenu entre les parties que vous serez rémunéré en contrepartie de votre travail” en partie par la société Daydream et en partie par la société BMVP.
Pour assurer la rémunération et sa résidence en Chine, M. [F] a signé un contrat de travail avec la société (chinoise) Daydream le 1er mai 2013 pour une durée de 12 mois.
Le contrat français ‘d’export area sales manager” a pris fin le 31 juillet 2013 mais il n’est pas précisé si le contrat chinois a pris fin à la même date, un “addendum 2” au 1er contrat étant signé le 17 décembre 2014 et prenant fin le 1er mai 2017 par son non- renouvellement à la date d’échéance.
Du 28 octobre 2013 au 6 janvier 2014, M. [F] a travaillé pour la société BMVS en qualité d’agent commercial, dans le cadre d’un contrat de mandat non exclusif basé en Chine, sans qu’il soit mentionné de contrat de portage salarial.
Un nouveau contrat de travail à durée indéterminée a été conclu entre les parties le 6 janvier 2014, M. [F] étant embauché en qualité de responsable zone Asie, qui comportait la même mention que sur le contrat du 8 avril 2013 sur le portage salarial.
Ce contrat a pris fin le 14 avril 2017 par la notification du licenciement.
Il ressort des éléments versés aux débats, que :
– la société BMVS qui soutient avoir procédé à un portage salarial en qualité d’entreprise de portage ne produit aucune convention passée avec la société Daydream sur les modalités du portage, son financement et les garanties apportées au salarié dans cette relation, de sorte qu’il n’est pas justifié du caractère non lucratif du prêt de main-d’oeuvre,
– M. [F] a signé avec la société chinoise Daydream un seul contrat avec une durée d’un an renouvelable à échéance annuelle, sans que ce contrat ait fait l’objet d’une interruption pendant la période où M. [F] était agent commercial, sans portage salarial, de sorte que ce contrat, s’est poursuivi sur une période de 3 ans et 11 mois. La période maximale de 36 mois a donc été dépassée,
– la société ne démontre pas le caractère ponctuel de la mission confiée à M. [F] dans le cadre de ces contrats qu’elle qualifie de “portage salarial”, le développement commercial des produits de la société BMVS dans la zone Asie étant au contraire un axe important de développement de la société depuis plusieurs années.
Même si les préjudices que M. [F] dit avoir subis sont réparés en partie dans le cadre de la présente procédure en ce qui concerne le calcul de son salaire de référence, ses droits à indemnité de licenciement, en revanche, d’autres préjudices demeurent en ce qu’il ne dispose pas de bulletins de paie de la société chinoise et que la société BMVS n’a pas repris le montant des salaires chinois versés sur l’attestation Pôle Emploi, le privant d’une partie des indemnités au titre de l’assurance chômage et ne permettant pas de vérifier le paiement des cotisations retraite.
La société sera en conséquence condamnée à verser à M. [F] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur le travail dissimulé
M. [F] sollicite la condamnation de la société à lui verser une indemnité pour travail dissimulé, invoquant les heures supplémentaires effectuées non déclarées mais également l’absence de validité de la convention de forfait, alors même que l’employeur ne pouvait ignorer sa surcharge de travail puisqu’il devait lui répondre sans délai.
La société conteste l’infraction reprochée en l’absence de tout élément intentionnel, rappelant que le salarié ne s’est jamais plaint durant la durée d’exécution de son contrat de travail d’une surcharge de travail. EIle se réfère aussi à ses arguments sur l’absence de réalisation d’heures supplémentaires.
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En vertu des dispositions de l’article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement soit à l’accomplissement de la formalité relative à la déclaration préalable à l’embauche, soit à la délivrance d’un bulletin de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie, soit aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Cen’est qu’au terme d’un long débat judiciaire portant notamment sur la validité de laa convention de forfait signée entre les parties que M. [F] obtient partiellement gain de cause, la cour relevant que le contrat de portage salariéal était destiné à permettre à M. [F] de bénéficier d’un visa de travail en Chine et, non à éluder les cotisations sociales afférentes.
L’élément intentionnel requis n’est donc pas suffisamment établi et le le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [F] de sa demande au titre de l’indemnité de travail dissimulé.
Sur le manquement à l’obligation de protéger la santé du salarié
Soutenant que la société a violé les dispositions sur la durée hebdomadaire maximale de travail, sur la durée maximale quotidienne du travail et sur les durées mininimales de repos quotidien et hebdomadaire, M. [F] sollicite une indemnisation à hauteur de 35.000 euros en réparation du manquement aux durées hebdomadaires et de 15.000 euros en réparation du manquement aux durées quotidiennes.
Il soutient qu’il appartient à l’employeur de prouver le respect des seuils et plafonds de repos, notamment en mettant en place un instrument de contrôle.
Il invoque les effets néfastes sur sa santé quant à l’absence de repos, du fait de l’absence de droit à la déconnexion et d’une charge excessive de travail.
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L’article L. 3121-20 du code du travail fixe la durée hebdomadaire de travail à 48 heures au cours d’une période de référence d’une semaine.
Aux termes de l’article L. 3121-18, la durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures, l’article L. 3131-1 précisant qu’il s’agit du temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
L’article L. 3132-2 quant à lui stipule que le repos hebdomadaire a une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives auxquelles s’ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévu au chapitre Ier.
Enfin, la durée quotidienne de travail ne peut excéder 11 heures.
Ces dispositions participent de l’objectif de garantir la sécurité et la santé des travailleurs par la prise d’un repos suffisant et le respect effectif des limitations des durées maximales de travail concrétisé par la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003.
Si la cour a retenu que M. [F] avait effectué des heures supplémentaires mais pour un quantum inférieur à celui qui est sollicité, en revanche, la société échoue à démontrer qu’elle a respecté la durée hebdomadaire ou journalière maximale ni les temps de repos sur les périodes de référence.
Le non-respect de ces règles met en péril la santé du salarié.
Pour justifier son préjudice, M. [F] produit des arrêts de travail du 21 septembre au 1er février 2019, un courrier du Dr [V], médecin généraliste l’adressant au médecin du travail dans ces termes : “présente un état dépressif qu’il me dit être lié à son licenciement brutal il y a 18 mois” et un certificat du psychologue du service de médecine du travail en date du 13 décembre 2018, lequel atteste que M. [F] lui a rapporté une expérience professionnelle en Chine particulièrement déstablisante du fait d’un licenciement brutal et inattendu en 2017, précisant : “Il manifeste une symptomatologie dépressive majeure avec un état asthénique et anhédonique”.
Si ces attestations établissent que M. [F] a vécu son licenciement comme un événement brutal, elles ne font pas le lien avec la charge de travail de M [F] du temps de l’exécution de son contrat de travail.
Le préjudice subi à ce titre sera en conséquence évalué à la somme de 1.000 euros en réparation du non-respect des durées hebdomadaires et à 1.000 euros en réparation du non-respect des durées quotidiennes.
Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
Sur la violation de l’obligation d’information
M. [F] soutient que l’employeur a manqué à son obligation d’information lui ayant causé un préjudice consistant en l’impossibilité de s’assurer contre le risque vieillesse (retraite de base et complémentaire). Il se base sur l’attestation Pôle Emploi ne mentionnant pas de cotisations aux retraites complémentaires AGIRC et ARRCO.
Il soutient que la société ne prouve pas avoir versé les cotisations retraite de base et complémentaire depuis le début de la relation contractuelle, l’assiette de cotisation,
alors qu’elle s’y était engagée.
Il soutient également que l’employeur a insuffisamment cotisé, l’inscrivant sous un statut d’expatrié erroné, ce qui a diminué l’assiette des cotisations.
Il fait valoir qu’il subira de ce fait une décote de sa pension de retraite et sollicite en réparation une indemnité de 75.000 euros.
La société s’oppose à cette demande aux motifs suivants :
– elle en soulève la prescription pour le 1er contrat, soulignant la date à l’attestation Pôle Emploi délivrée le 28 août 2013 au regard de la date de saisine du conseil des prud’hommes le 18 juillet 2017,
– M. [F] a souscrit par la signature de bulletins d’adhésion individuels au pack “Expat CFE” auprès d’Humanis pour les deux périodes où il a été salarié de la société et était ainsi couvert au titre de la santé prévoyance et retraite. La société Humanis lui a adressé deux certificats d’adhésion pour confirmer son inscription auprès de l’AGIRC ARRCO en sa qualité d’expatrié ; les mêmes informations ont été fournies par la caisse des français à l’étranger et les cotisations ont bien été versées,
– elle produit les certificats d’adhésion avec mention des cotisations de 2013 à 2017,
– le relevé AGIRC ARRCO produit par M. [F] est incomplet car il ne bénéficie pas encore de relevés de retraite exhaustifs,
– elle conteste être responsable de la catégorie dans laquelle Humanis inscrit les salariés expatriés, constatant qu’il relève bien de la catégorie D17 de l’AGIRC.
Sur les cotisations au titre du premier contrat de travail en date du 1er mai 2013, la prescription de l’action du salarié, qu’elle vise au versement de dommages et intérêts ou à une affiliation rétroactive aux régimes de retraite complémentaire, ne court qu’à compter du jour où celui-ci a connaissance de ses droits, c’est-à-dire, de la date à laquelle il liquide ses droits à la retraite, de sorte que l’action de M. [F] n’est pas prescrite.
Sur les cotisations au titre du contrat du 6 avril 2014, l’article XI prévoit : “compte tenu de votre statut d’expatrié, vous serez affilié à la caisse des français de l’étranger (CFE). La base de cotisation retenue pour ses cotisations sera de 48.000 euros. Ces cotisations seront prises en charge à hauteur de 100% par la société.
Vous bénéficierez également du PACK CFE TAITBOUT, dans le cadre du contrat en vigueur au sein de la société. Celui-ci comprend :
– l’adhésion aux caisses de retraite CFE IRCAFEX
– la couverture Prévoyance (option arrêt de travail formule AT3, Décés formule DC2)
– la couverture frais de santé (option ST2)
Les cotisations afférentes à ces différents contrats seront pris en charge à hauteur de 100% par la société.”
M. [F] a signé les bulletins d’adhésion au pack expatrié CFE le 19 avril 2013, puis le 7 janvier 2014.
Les pièces incomplètes versées par M. [F] sont contredites par les justificatifs de paiement des cotisations par Humanis auprès de l’ARRCO et de l’AGIRC, pour le compte de la société BMVS du 2 mai au 29 août 2013, puis à compter du 7 janvier 2014 jusqu’au 30 avril 2017 de la manière suivante
– du 2 mai 2013 au 29 août 2013 auprès de la société BMVP,
– du 7 janvier 2014 au 31 décembre 2016 auprès de la société BMVS,
– avec mention de sa radiation le 30 avril 2017 auprès de la CFE.
En revanche dans le cadre du contrat de travail en qualité d’agent commercial, M [F] justifie que le régime de cotisation était différent, étant précisé que la juridiction prud’homale n’est pas compétente pour ce contrat
L’employeur démontre ainsi avoir rempli ses obligations et permis à M. [F], bien que travaillant en Chine, pays non signataire d’une convention avec les régimes français de retraite, de pouvoir valider en France les points de retraite et de retraite complémentaire pour les trimestres passés à l’étranger.
Par ailleurs, l’attestation Pôle Emploi qui ne porte pas mention de ces cotisations, n’a pas de force probante sur le versement effectif des cotisations retraite et retraite complémentaire par l’employeur
Mais si M. [F] n’a pas contesté cette attestation auprès de Pôle Emploi, il l’a fait dans le cadre de la présente procédure de sorte qu’il n’a pas renoncé à son droit contrairement à ce que soutient la société.
Cependant, l’employeur a manqué à son obligation d’information sur le versement des cotisations dans l’attestation Pôle Emploi. Mais si cette mention peut avoir une incidence pendant la période de chômage indemnisé, des points pouvant être attribués à condition d’être indemnisé pour un emploi relevant de l’AGRIC-ARRCO, M. [F] ne précise pas si ces points lui ont été attribués suite à son licenciement et pendant sa période de chômage.
M. [F] reproche également à l’employeur de l’avoir inscrit sous la catégorie d’expatrié D et non A, offerte par la délibération de D5 de la convention de retraite des cadres du 14 mars 1947, impliquant de se référer, pour déterminer l’assiette des cotisations au nombre de points annuels dépendant du salaire lié à la fonction d’expatrié en tenant compte éventuellement de tout ou partie des primes et avantages en nature plutôt qu’ aux salaires qui seraient perçus en France pour les fonctions correspondantes,
Toutefois, M. [F] ne produit aucune simulation permettant d’établir que cette option aurait pour effet de diminuer ses droits futurs à pension de retraite ou d’augmenter sa part dans la charge des cotisations.
En revanche, l’employeur, tenu d’une obligation de bonne foi dans l’exécution du contrat de travail, doit informer le salarié expatrié de sa situation au regard de la protection sociale avant et pendant la durée de son expatriation.
La société ne démontre pas avoir informé M. [F] de manière régulière, aucune information ne ressortant des bulletins de paie, ceux-ci ne mettant pas suffisamment en évidence le détail des cotisation au régime général et de retraite complémentaire, pour éclairer de manière claire et exhaustive le salarié sur sa situation.
De même, l’employeur ne l’a pas informé de ce que son activité ne donnait pas lieu au versement de cotisations au régime d’assurance vieillesse de la sécurité sociale sous le statut d’expatrié A, et donc des conditions dans lesquelles il serait cotisé pour son compte aux divers organismes sociaux au titre des garanties retraite et chômage, ces conditions ayant une conséquence sur l’assiette du calcul des cotisations et sur les droits à retraite par la suite.
En réparation du préjudice résultant du manquement de l’employeur à son obligation d’informer le salarié sur sa protection sociale, avant et pendant la durée de son expatriation, il sera alloué à M. [F] la somme de 2.000 euros.
Sur la demande de rectification de l’attestation Pôle Emploi
La société BMVS devra délivrer à M. [F] une attestation Pôle Emploi rectifiée en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, la mesure d’astreinte sollicitée n’étant pas en l’état justifiée.
Sur la demande au titre des intérêts et de leur capitalisation
Il n’y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant. La capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l’article1343-2 du même code.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La société BMVS, partie perdante, sera condamnée aux dépens ainsi qu’au paiement à M. [F] de la somme complémentaire de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Dit n’y avoir lieu à statuer sur la demande de communication de pièces de M. [F],
Confirme le jugement déféré en ce qu’il déclaré non opposable à M. [F] la convention de forfait en jours, rejeté la demande d’indemnisation au titre du travail dissimulé et et condamné la société [P] [M] SES Vignobles du Sud aux dépens ainsi qu’à payer à M. [F] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ,
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare nulle et de nul effet la clause de secret professionnel, de discrétion et de loyauté figurant au contrat de travail de M. [F],
Dit non opposable à M. [F] l’obligation de rester joignable et de répondre aux courriels dans un délai maximum de 24 heures figurant à l’annexe 2 de son contrat de travail,
Fixe le salaire de référence sur les douze derniers mois à la somme de 8.470,54 euros bruts mensuels,
Dit que le licenciement de M. [F] repose sur une cause réelle et sérieuse,
Condamne la SAS [P] [M] SES Vignobles du Sud à verser à M. [F] les sommes suivantes :
– 27.019,20 euros au titre du reliquat de primes sur vente pour l’année 2016,
– 2.701,92 euros au titre des congés payés y afférents,
– 64.802,71 euros au titre des heures supplémentaires effectués du 14 avril 2014 au 14 avril 2017,
– 6.480,27 euros au titre des congés payés y afférents,
– 18.066,32 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,
– 1.806,63 euros au titre des congés payés y afférents,
– 1.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du manquement au respect de la durée maximale hebdomadaire de travail et des durées minimales de repos,
– 1.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du manquement du respect de la durée maximale quotidienne de travail,
– 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du défaut d’information relative aux cotisations sociales,
– 25.411,62 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 2.541,16 euros au titre des congés payés y afférents,
– 5.929,37 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour prêt illicite de main-d’oeuvre,
Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le conseil de prud’hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,
Ordonne à la SAS [P] [M] SES Vignobles du Sud de délivrer à M. [F] une attestation Pôle Emploi rectifiée en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,
Condamne la SAS [P] [M] SES Vignobles du Sud aux dépens ainsi qu’à verser à M. [F] la somme complémentaire de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d’appel.
Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire