COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 16 NOVEMBRE 2023
N° RG 19/04773 –
N° Portalis DBV3-V-B7D-TUX6
AFFAIRE :
[R] [D]
C/
Société ORANO CHIMIE-ENRICHISSEMENT venant aux droits de la société EURODIF SA
Société ENUSA INDUSTRIAS AVANZADAS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Septembre 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE
N° Section : E
N° RG : F 17/03230
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Oriane DONTOT
Me Foulques DE ROSTOLAN
Me Martine DUPUIS
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEIZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, devant initialement être rendu le 05 octobre 2023 et prorogé au 26 octobre 2023 puis au 23 novembre 2023 puis avancé au 16 novembre 2023, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :
Monsieur [R] [D]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me Laurent MOREUIL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0317 substitué par Me Stéphanie ROPARS
APPELANT
****************
Société ORANO CHIMIE-ENRICHISSEMENT venant aux droits de la société EURODIF SA
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Thierry CHEYMOL de l’AARPI LMT AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R169 substitué par Me Marine GARDIC
Société ENUSA INDUSTRIAS AVANZADAS
[Adresse 1]
[Localité 3] / ESPAGNE
Représentant : Me Foulques DE ROSTOLAN de l’AARPI GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T03 substitué par Me Yan-Eric LOGEAIS
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 13 Juin 2023, Madame Catherine BOLTEAU SERRE, présidente ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN
Vu le jugement rendu le 3 septembre 2019 par le conseil de prud’hommes de Nanterre,
Vu la déclaration d’appel de M. [R] [D] du 19 décembre 2019,
Vu l’ordonnance d’assignation à jour fixe du 8 janvier 2020,
Vu l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 5 novembre 2020,
Vu l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 24 juin 2021,
Vu l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 14 avril 2022,
Vu les conclusions de M. [R] [D] du 08 juin 2023,
Vu les conclusions de la société Enusa Industrias Avanzadas du 05 juin 2023,
Vu les conclusions de la société Orano Chimie-Enrichissement venant aux droits de la société Eurodif SA du 18 avril 2023,
EXPOSE DU LITIGE
La société Enusa Industrias Avanzadas (Enusa) est une société publique espagnole, détenue à 60% par la Sociedad Estatal de Participationes Industriales (SEPI) et à 40% par le Centre de recherche énergétique, environnemental et technologique (CIEMAT). Elle a pour activité la fourniture d’uranium enrichi aux réacteurs nucléaires espagnols et la fabrication d’éléments de combustible nucléaire.
La société Eurodif est une société de droit français du groupe nucléaire Areva, aujourd’hui dénommé Orano, spécialisée dans l’enrichissement de l’uranium. Elle a été créée en 1973 à l’initiative de l’Etat français, par plusieurs pays européens, tous intéressés à la recherche sur le nucléaire civil.
Jusqu’en juillet 2017, la société Enusa détenait une participation minoritaire dans le capital social d’Eurodif. Elle était membre du conseil de surveillance et du directoire d’Eurodif. La personne nommée par Enusa pour la représenter au directoire exerçait également les fonctions de directeur administratif et financier d’Eurodif.
M. [R] [D], né le 7 avril 1961, a été engagé le 1er janvier 1987 par la société Enusa. Il a exercé des fonctions techniques puis commerciales au sein du groupe Enusa, notamment au sein de la filiale Molypharma.
Il a été engagé, à compter du 1er février 2007, par la société Enusa, comme ‘titulado superior’ dans le groupe professionnel de ‘técnicos titulados’ selon contrat de travail du 1er avril 2007 avec reprise de son ancienneté au 1er janvier 1987. Il était prévu une rémunération brute annuelle composée d’un salaire de base de 80 000 euros et d’une rémunération variable jusqu’à 20% du salaire de base.
Par contrat du même jour, la société Enusa et M. [D] ont convenu que ce dernier serait affecté temporairement à la société Eurodif dont elle détient une participation, comme directeur administratif, financier et de contrôle de gestion. Au salaire de base et à la rémunération variable prévus au premier contrat du même jour, s’ajoutaient un complément de déplacement de 60 000 euros, un bonus Areva en fonction d’objectifs annuels fixés et une prime de bilan en fonction du résultat de la société. La durée de l’affection était d’un an renouvelable par période de même durée.
Au sein de la société Eurodif, M. [D] a également été nommé membre du directoire.
Le détachement a été prorogé d’année en année.
Par lettre du 9 juillet 2014, la société Enusa rappelait à M. [D] que par lettre du 31 mars 2014, elle l’avait informé de la décision de mettre fin à sa présence au sein d’Eurodif et de le réintégrer au sein d’Enusa le 31 juillet 2014. Elle indiquait cependant qu’en raison des négociations relatives à la cession de la participation d’Enusa au sein d’Eurodif, la cessation des fonctions du salarié était reportée au 31 octobre 2014 et son retour à Madrid au 15 novembre 2014.
Par lettre du 31 octobre 2014 adressée à M. [D], elle informait ce dernier du report de la date de fin de son détachement et de sa réintégration au sein d’Enusa.
Puis, par lettre du 31 mai 2017, la société Enusa a informé M. [D] de la cession de sa participation au capital d’Eurodif, avec effet au 30 juin 2017, et consécutivement de la fin de sa mise à disposition et de sa réintégration chez Enusa à Madrid.
M. [D] a refusé de démissionner de son mandat de membre du directoire d’Eurodif et de revenir en Espagne, s’estimant salarié de la société Eurodif.
Le conseil de surveillance d’Eurodif a le 19 juillet 2017 approuvé la cession de la totalité des actions détenues par Enusa au profit d’Areva NC entraînant la résiliation du contrat de mise à disposition signé entre Eurodif et Enusa le 23 décembre 1975 modifié successivement notamment par lettre avenant du 2 février 2007.
L’assemblée générale ordinaire d’Eurodif du 19 juillet 2017 a procédé à la révocation de M. [D] de ses fonctions de membre du directoire à effet au 19 juillet 2017.
M. [D] s’est vu notifier par courrier du 11 septembre 2017 une mise à pied disciplinaire d’une durée de 60 jours, sanction effective à compter du 18 septembre 2017.
Par lettre du 26 septembre 2017, M. [D] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts conjoints des sociétés Enusa et Eurodif, qu’il considérait comme ses co-employeurs.
Par lettre du 10 octobre 2017, la société Enusa a répondu qu’elle estimait que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail lui était inopposable, ce mode de rupture n’étant pas prévu par la législation espagnole.
Le 17 novembre 2017, suite à la non-présentation du salarié au bureau de Madrid et en application de la loi espagnole, la société Enusa a constaté la ‘baja voluntaria’, consistant en la démission de fait du salarié, consécutive à un abandon de poste malgré plusieurs sommations faites par l’employeur.
M. [D] avait préalablement saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre, par requête reçue au greffe le 24 octobre 2017, aux fins de voir :
– juger que les sociétés Enusa et Eurodif SA ont la qualité d’employeurs conjoints, dans le cadre
d’un contrat intégralement soumis au droit français,
– juger que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner in solidum les sociétés Enusa et Eurodif à lui verser diverses sommes salariales et
indemnitaires.
Les sociétés Enusa et Eurodif ont soulevé l’incompétence du conseil de prud’hommes pour statuer sur les demandes de M. [D].
Par jugement du 3 septembre 2019, le conseil de prud’hommes de Nanterre :
– s’est déclaré incompétent au profit des juridictions espagnoles,
– a rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties.
M. [D] a interjeté appel de la décision le 19 décembre 2019.
Par arrêt rendu le 5 novembre 2020, la cour d’appel de Versailles a :
– infirmé le jugement rendu le 3 septembre 2019 par le conseil de prud’hommes de Nanterre en
ce qu’il s’est déclaré incompétent au profit des juridictions espagnoles,
statuant à nouveau,
– déclaré le conseil de prud’hommes de Nanterre compétent,
– ordonné la réouverture des débats, renvoyé l’affaire à l’audience collégiale du mardi 30 mars 2021 à 9 heures et enjoint aux parties de conclure au fond avant le 10 janvier 2021 pour ce qui concerne M. [R] [D] et avant le 28 février 2021 pour ce qui concerne les sociétés Eurodif et Enusa,
– dit n’y avoir lieu à statuer en l’état sur la demande des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– réservé les dépens.
La société Eurodif a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt par déclaration du
8 janvier 2021.
Les parties ont été entendues à l’audience du 30 mars 2021.
Par arrêt rendu le 24 juin 2021, la cour d’appel de Versailles a :
– rejeté la demande de sursis à statuer,
– débouté M. [R] [D] de sa demande tendant à voir reconnaître l’existence d’un
co-emploi,
– dit que la loi applicable à la relation contractuelle avec la société Enusa Industrias Avanzadas
est la loi espagnole sous réserve des dispositions de l’article 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980,
– ordonné la réouverture des débats sur les autres demandes,
– invité les parties à produire aux débats les dispositions de la loi espagnole applicables au litige
et à procéder à une analyse comparative des questions soumises à la cour au regard tant de la loi
espagnole que de la loi française,
– dit que les parties devront conclure avant le 29 octobre 2021 pour ce qui concerne M. [R] [D] et avant le 17 décembre 2021 pour ce qui concerne les sociétés Eurodif et Enusa
Industrias Avanzadas,
– renvoyé l’affaire à l’audience collégiale du mardi 1er mars 2022 à 9 heures,
– dit que l’arrêt tiendra lieu de convocation.
M. [D] a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt par déclaration du
5 juillet 2021.
Par arrêt rendu le 14 avril 2022, la cour d’appel de Versailles a :
– ordonné le sursis à statuer le temps que la Cour de cassation se prononce sur les pourvois n°B2110274 et n°B2119106 formés respectivement par la société Eurodif et M. [D] à l’encontre des arrêts rendus par la cour d’appel de Versailles le 5 novembre 2020 et le 24 juin 2021,
– réservé les dépens.
Par arrêt du 28 septembre 2022, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi n°B2119106 formé par
M. [D].
Par arrêt du 28 septembre 2022, elle a rejeté le pourvoi n°B2110274 formé par la société Eurodif et a condamné cette dernière à régler à M. [D] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions en date du 8 juin 2023, M. [R] [D] demande à la cour de :
– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il :
– s’est déclaré incompétent au profit des juridictions espagnoles,
– a rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties,
Statuant à nouveau,
Sur la loi applicable :
– dire et juger que le choix de la loi espagnole ne pouvait priver le salarié des dispositions impératives de la loi française,
En conséquence :
– dire et juger que les dispositions impératives de la loi française, plus favorables que les dispositions du droit espagnol, doivent s’appliquer au présent litige.
Sur l’exécution du contrat de travail :
– condamner in solidum les sociétés Orano Chimie-Enrichissement, venant aux droits de la société Eurodif SA, et Enusa Industrias Avanzadas à régler à M. [D] la somme de
124 880 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
– condamner la société Enusa Industrias Avanzadas à régler à M. [D] la somme de 243 774 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice retraite,
– ordonner à la société Enusa Industrias Avanzadas la remise à M. [D] des bulletins de salaire pour la période du 26 mars 2012 au 31 décembre 2014,
Sur la rupture du contrat :
À titre principal :
– dire et juger que la prise d’acte du contrat notifiée par M. [D] le 26 septembre 2017 est justifiée par de graves manquements commis par la société Enusa Industrias Avanzadas,
En conséquence :
– prononcer l’annulation de la mise à pied disciplinaire du 11 septembre 2017,
– dire et juger que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner la société Enusa Industrias Avanzadas à régler à M. [D] les sommes suivantes :
– 16 161,83 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 20 juillet au 26 septembre 2017,
– 1 616,18 euros à titre de rappel d’indemnité compensatrice de congés payés sur cette somme,
– 74 573,16 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis (6 mois),
– 7 457,32 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur cette somme,
– 42 004,74 euros à titre de prime de bilan et prime de performance pour 2017,
– 8 663,26 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur prime de bilan et prime de performance pour 2017,
– 13 700,56 euros à titre de prime Enusa,
– 1 370,06 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur cette somme,
– 15 137,05 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,
– 374 642,10 euros (18 mois) à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 416 269 euros (20 mois), à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 124 880 euros (6 mois) à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct,
– ordonner à la société Enusa Industrias Avanzadas la remise des bulletins de paie et attestation Pôle emploi sous astreinte de 200 euros par jour de retard et par document,
À titre subsidiaire :
– dire et juger que la rupture de contrat prononcée par la société Enusa Industrias Avanzadas le 17 novembre 2017 s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence :
– prononcer l’annulation de la mise à pied disciplinaire du 11 septembre 2017,
– condamner la société Enusa Industrias Avanzadas à régler à M. [D] les sommes suivantes :
– 16 161,83 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 20 juillet au 26 septembre 2017,
– 1 616,18 euros à titre de rappel d’indemnité compensatrice de congés payés sur cette somme,
– 74 573,16 euros (6 mois) à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 7 457,32 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur cette somme,
– 42 004,74 euros à titre de prime de bilan et prime de performance pour 2017,
– 8 663,26 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur prime de bilan et prime de performance pour 2017,
– 13 700,56 euros à titre de prime Enusa,
– 1 370,06 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur cette somme,
– 15 137,05 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,
– 374 642,10 euros (18 mois) à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 416 269 euros (20 mois), à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 124 880 euros (6 mois) à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct,
– ordonner à la société Enusa Industrias Avanzadas la remise des bulletins de paie et attestation Pôle emploi sous astreinte de 200 euros par jour de retard et par document,
– se réserver de liquider les astreintes prononcées,
En tout état de cause :
– condamner in solidum les sociétés Orano Chimie-Enrichissement, venant aux droits de la société Eurodif SA, et Enusa Industrias Avanzadas au paiement de la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– assortir les condamnations à intervenir du paiement des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes de Nanterre, avec capitalisation des intérêts (article 1343-2 du code civil),
– condamner in solidum les sociétés Orano Chimie-Enrichissement, venant aux droits de la société Eurodif SA, et Enusa Industrias Avanzadas au paiement des entiers dépens de l’instance en accordant à Maître Oriane Dontot, avocat, le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions en date du 5 juin 2023, la société Enusa Industrias Avanzadas demande à la cour de :
– débouter M. [D] de l’ensemble de ses demandes,
– condamner M. [D] à verser à la société Enusa la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions en date du 18 avril 2023, la société Orano Chimie-Enrichissement venant aux droits de la société Eurodif SA demande à la cour de :
– mettre hors de cause la société Orano Chimie-Enrichissement venant aux droits de la société Eurodif SA en raison du constat qui a été fait de l’absence de co-emploi,
– débouter M. [D] de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la société Eurodif,
En tout état de cause,
– condamner M. [D] à verser à la société Orano Chimie-Enrichissement venant aux droits de la société Eurodif SA la somme de 1 000 euros à titre de procédure abusive,
– condamner M. [D] à verser à la société Orano Chimie-Enrichissement venant aux droits de la société Eurodif SA la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l’audience et rappelées ci-dessus.
L’audience de plaidoiries a été fixée au 13 juin 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il sera rappelé qu’aux termes de son arrêt du 24 juin 2021, la présente cour a débouté M. [D] de sa demande tendant à voir reconnaître l’existence d’un co-emploi entre la société Enusa, la société Eurodif, et lui-même, a dit que la loi applicable à la relation contractuelle avec la société Enusa était la loi espagnole sous réserve des dispositions de l’article 6 de la convention de Rome du 19 juin 1980, a ordonné la réouverture des débats en invitant les parties à procéder à une analyse comparative des questions soumises à la cour au regard tant de la loi espagnole que de la loi française.
Seul M. [D] produit une consultation d’un avocat intitulée ‘étude comparative des dispositions de droit espagnol et des dispositions impératives de droit français’ aux termes de laquelle sont reprises en annexe certaines dispositions légales et conventionnelles espagnoles traduites mais sans le texte d’origine et conclut en procédant à l’analyse comparative pour chaque demande.
M. [D] soutient que constituent des dispositions impératives en droit français la définition du contrat de travail, les conventions collectives, la procédure relative aux sanctions disciplinaires, les dispositions du code du travail relatives à la modification du contrat de travail, celles relatives à la rupture du contrat de travail et aux congés payés.
La société Enusa conteste les demandes de M. [D] sans répondre à la demande de la cour dans son arrêt du 24 avril 2021 de procéder à une analyse comparative des questions soumises à la juridiction au regard tant de la loi espagnole que de la loi française.
La société Orano venant aux droits de la société Eurodif fait valoir qu’en l’absence de co-emploi telle qu’il a été jugé par arrêt du 24 avril 2021, il n’y a pas lieu pour la société Eurodif d’analyser comparativement les questions soumises à la cour au regard tant de la loi espagnole que de la loi française. S’agissant du travail dissimulé et d’une situation de prêt illicite de main d’oeuvre et de marchandage, elle soutient que la validité de la mise à disposition du salarié au sein d’Eurodif ne peut être remise en cause.
1-sur la détermination de la loi applicable aux demandes
L’article 3.3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 dispose que ‘le choix par les parties d’une loi étrangère, assorti ou non de celui d’un tribunal étranger, ne peut, lorsque tous les autres éléments de la situation sont localisés au moment de ce choix dans un seul pays, porter atteinte aux dispositions auxquelles la loi de ce pays ne permet pas de déroger par contrat, ci-après dénommées «dispositions impératives».’
Selon l’article 6.1 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 applicable aux contrats conclus avant le 17 décembre 2009, ‘nonobstant les dispositions de l’article 3, dans le contrat de travail, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du présent article.’
Selon le mécanisme posé par la Convention de Rome, il convient de :
– identifier la loi choisie par les parties,
– identifier les dispositions impératives de la loi applicable à défaut de choix,
– comparer les lois et appliquer la loi la plus protectrice ou la plus favorable.
En l’espèce, la loi choisie par les parties est la loi espagnole, les dispositions impératives de la loi applicable à défaut de choix sont celles de la loi française.
S’agissant des dispositions impératives de la loi française, il sera observé préalablement que l’article L. 1262-4 du code du travail dans sa version applicable à la présente espèce, prévoit déjà des règles applicables aux salariés détachés en France dans diverses matières.
Il dispose ainsi que ‘les employeurs détachant temporairement des salariés sur le territoire national sont soumis aux dispositions légales et aux stipulations conventionnelles applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d’activité établies en France, en matière de législation du travail, pour ce qui concerne les matières suivantes :
1° Libertés individuelles et collectives dans la relation de travail ;
2° Discriminations et égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;
3° Protection de la maternité, congés de maternité et de paternité et d’accueil de l’enfant, congés pour événements familiaux ;
4° Conditions de mise à disposition et garanties dues aux salariés par les entreprises exerçant une activité de travail temporaire ;
5° Exercice du droit de grève ;
6° Durée du travail, repos compensateurs, jours fériés, congés annuels payés, durée du travail et travail de nuit des jeunes travailleurs ;
7° Conditions d’assujettissement aux caisses de congés et intempéries ;
8° Salaire minimum et paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplémentaires, ainsi que les accessoires de salaire légalement ou conventionnellement fixés;
9° Règles relatives à la santé et sécurité au travail, âge d’admission au travail, emploi des enfants;
10° Travail illégal.’
Dans ces matières, la loi française s’applique sans qu’il faille la comparer à la loi espagnole.
En outre, sont considérées comme des dispositions impératives de la loi française devant être comparées à la loi étrangère, en l’espèce la loi espagnole, celles relatives à l’exécution du contrat de travail comprenant la durée légale du travail et les congés payés et à la rupture du contrat de travail comprenant l’entretien préalable au licenciement, le délai de préavis, ainsi que la cause réelle et sérieuse du licenciement, et notamment la prise d’acte de la rupture du contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de son employeur pour empêcher la poursuite du contrat de travail (Soc., 21 mars 2018, n° 17-10.220 ; Soc., 8 décembre 2021 n°20-11.738).
Ces dispositions impératives doivent être comparées à celles résultant de la loi espagnole, les dispositions plus favorables devant être appliquées.
La détermination du caractère plus favorable d’une loi doit résulter d’une appréciation globale des dispositions de cette loi ayant le même objet ou se rapportant à la même cause. (Soc., 12 novembre 2002, n° 99-45.821).
Ainsi, pour chaque demande, il convient de déterminer le droit applicable au regard des règles rappelées supra.
En revanche, s’agissant de la demande au titre d’un prêt illicite de main d’oeuvre et de celle de dommages-intérêts pour travail dissimulé et de marchandage, seul le droit français doit s’appliquer conformément à l’article L. 1262-4 du code du travail précité, et il n’y a pas lieu de recourir aux règles de détermination du droit applicable induites par l’application de la Convention de Rome.
En l’espèce, M. [D] fonde sa demande de travail dissimulé et de marchandage sur notamment l’existence d’un prêt illicite de main d’oeuvre, seules demandes dirigées également à l’encontre de la société Orano venant aux droits de la société Eurodif et pour lesquelles seul le droit français s’applique.
a- sur le travail dissimulé et le marchandage
M. [D] soutient que les sociétés Enusa et Eurodif n’ont jamais accompli les formalités prescrites pour le détachement et la mise à disposition de salariés ; qu’ainsi les déclarations obligatoires en matière de détachement n’ont pas été effectuées, que la société Enusa n’a pas réglé les cotisations de sécurité sociale en France de 2007 à 2012 ; que les sociétés Enusa et Eurodif ne lui ont pas fait bénéficier des avantages collectifs en vigueur au sein d’Eurodif et n’ont pas conclu avec le salarié de conventions de mise à disposition.
La société Orano chimie-enrichissement venant aux droits de la société Eurodif fait valoir que l’objectif de la mise à disposition de M. [D] était de préserver les intérêts de son employeur actionnaire minoritaire d’Eurodif et non un objectif d’économie ou de gain ; que conformément à la loi française sur le prêt de main d’oeuvre, la mise à disposition organisée par Enusa de l’un de ses salariés au sein d’Eurodif, filiale minoritaire qu’elle souhaitait cependant contrôler, avait pour finalité de protéger les intérêts d’Enusa.
La société Enusa fait valoir, s’agissant du prêt de main d’oeuvre, qu’il a été mis en place dans le cadre de la convention de 1975 entre Enusa et Eurodif, la mise à disposition d’un directeur administratif et financier et membre du directoire et une refacturation par Enusa à Eurodif d’un forfait mensuel correspondant au coût du salaire chargé de M. [D], de la prime de bilan d’Eurodif et d’un bonus annuel de performance. Elle indique qu’il s’agissait d’un prêt de main d’oeuvre non lucratif.
Il sera rappelé qu’il a été jugé définitivement par arrêt de la présente cour du 24 juin 2021 que M. [D] n’était pas lié à la société Eurodif par un contrat de travail mais uniquement à la société Enusa par un contrat de travail du 1er avril 2007 à effet au 18 janvier 2007, le fait, selon l’arrêt, que son détachement ait été effectif dès cette dernière date, dans le cadre d’un contrat de détachement également du 1er avril 2007 à effet au 18 janvier 2007, ne pouvant remettre en cause la validité du détachement.
S’agissant du prêt de main d’oeuvre, l’article L. 8241-1 du code du travail sur lequel s’appuie la société Orano n’était pas applicable à la date du contrat de détachement de M. [D].
Dans sa version applicable à compter du 1er mai 2008, il était prévu que ‘toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’oeuvre est interdite.
Toutefois, ces dispositions ne s’appliquent pas aux opérations réalisées dans le cadre […]’. Suivent des opérations sans lien avec le présent litige.
Ce n’est qu’à compter du 30 juillet 2011 qu’il a été ajouté ‘une opération de prêt de main-d »uvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition’, la dernière version de la disposition applicable à compter du 4 avril 2015 ne modifiant pas le précédent ajout.
L’article L. 8241-2 du code du travail dans sa version applicable à compter du 30 juillet 2011 disposait que ‘les opérations de prêt de main-d’oeuvre à but non lucratif sont autorisées […]
Le prêt de main-d »uvre à but non lucratif conclu entre entreprises requiert :
1° L’accord du salarié concerné ;
2° Une convention de mise à disposition entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice qui en définit la durée et mentionne l’identité et la qualification du salarié concerné, ainsi que le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés à l’entreprise utilisatrice par l’entreprise prêteuse ;
3° Un avenant au contrat de travail, signé par le salarié, précisant le travail confié dans l’entreprise utilisatrice, les horaires et le lieu d’exécution du travail, ainsi que les caractéristiques particulières du poste de travail.
A l’issue de sa mise à disposition, le salarié retrouve son poste de travail dans l’entreprise prêteuse sans que l’évolution de sa carrière ou de sa rémunération ne soit affectée par la période de prêt.
Les salariés mis à disposition ont accès aux installations et moyens de transport collectifs dont bénéficient les salariés de l’entreprise utilisatrice.
[…]
Pendant la période de prêt de main-d »uvre, le contrat de travail qui lie le salarié à l’entreprise prêteuse n’est ni rompu ni suspendu. Le salarié continue d’appartenir au personnel de l’entreprise prêteuse ; il conserve le bénéfice de l’ensemble des dispositions conventionnelles dont il aurait bénéficié s’il avait exécuté son travail dans l’entreprise prêteuse.
[…]’
La version de cette disposition applicable à compter du 24 mars 2012 jusqu’au 1er janvier 2018 ne diffère pas quant aux éléments ci-dessus.
En l’espèce, M. [D], comme les autres salariés d’Enusa mis à disposition d’Eurodif précédemment, était bien salarié de la société Enusa, le fait qu’il ait été salarié d’une filiale de la société Enusa avant de signer un contrat de travail avec la société Enusa étant sans conséquence, l’ancienneté au sein de celle-ci étant reprise au 1er janvier 1987.
Il était rémunéré par la société Enusa sur la base d’un salaire proposé par celle-ci (80 000 euros annuels en 2007 avec une rémunération variable de 20% du salaire de base), mentionné dans le cadre du contrat de travail du 1er avril 2007, comme en attestent les bulletins de salaire produits par le salarié. Il avait également signé un contrat de mise à disposition au sein d’Eurodif à la même date (pièces n°3 et 4 appelant).
La société Eurodif, en exécution du contrat Enusa-Eurodif du 23 décembre 1975 et ses avenants, réglait à Enusa pour la mise à disposition du directeur administratif et financier et membre du directoire, un forfait mensuel de 18 631 euros [à la date du 28 février 2007], une prime de bilan en fonction des résultats d’Eurodif et un bonus annuel de performance (annexe à la pièce n°1 appelant).
Conformément à la convention de 1975, Eurodif s’était engagée effectivement à rembourser à Enusa, sur factures, les traitements des agents majorés des charges patronales, des frais de missions, indemnités et autres supportés par Enusa et remboursés sur la base de pièces justificatives (pièce n°22 Orano).
Ces éléments ne permettent pas d’établir que la mise à disposition était à but lucratif comme l’affirme M. [D], sa pièce n°42 consistant en un tableau rempli de données chiffrées, effectué par lui-même, étant insuffisante pour démontrer que la société Enusa aurait tiré profit du prêt de main d’oeuvre.
En outre, il résulte des termes de la convention, que la société Enusa qui ne devenait qu’actionnaire minoritaire au sein d’ Eurodif, apportait une aide technique par le truchement de prestations ‘exécutées par des membres du personnel d’Enusa ou des personnes détachées auprès d’Enusa par des sociétés ayant la qualité d’actionnnaires’. Il est ainsi justifié que, dès la signature de la convention en 1975, des salariés d’Enusa ont été mis à la disposition d’Eurodif en qualité de membre du directoire et directeur administratif, jusqu’à la mise à disposition de M. [D] en 2007 (pièces n° 2 à 24 Orano).
Selon le procès-verbal d’une réunion du conseil de surveillance d’Eurodif du 27 septembre 1996, à laquelle participait M. [O], directeur administratif et membre du directoire mis à disposition par la société Enusa au sein d’Eurodif, il a été instauré une procédure de double signature selon laquelle les actes du président du directoire relatifs aux contrats signés par Eurodif et les entités du groupe à l’époque Cogema (Orano) devaient obligatoirement être contresignés par le membre du directoire, directeur financier, mis à disposition par un actionnaire minoritaire (pièce n°31 Orano).
La société Orano affirme sans être utilement démentie que cette procédure de double signature avait été sollicitée par les actionnaires minoritaires (dont Enusa) pour préserver leurs droits et éviter une décision privilégiant les intérêts du groupe Cogema au détriment des leurs, de sorte que le but de la mise à disposition des salariés d’Enusa pendant l’exécution de la convention de 1975 était bien de servir les intérêts d’Enusa.
M. [D] dans un mail du 8 février 2016 (pièce n°28 Orano) le confirmait indiquant ‘[‘] ma nomination comme membre du directoire, directeur administratif, financier et du contrôle de gestion est la déclinaison des accords entre les actionnaires d’Eurodif dont Areva propose le président du directoire, ENEA [établissement public de recherche italien] le directeur administratif, ENUSA le directeur financier et SYNATOM [société de droit belge spécialisée dans la gestion de matières radioactives] le directeur de contrôle de gestion de la société. Je suis prêt à collaborer dans l’évolution de cette organisation mais il faut respecter les accords des actionnaires sur la gouvernance de la société qui à ma connaissance sont toujours en vigueur.’
Il est établi que M. [D] contrôlait les décisions prises par Eurodif au regard des intérêts de son employeur la société Enusa, actionnaire minoritaire d’Eurodif, et qu’il contresignait ainsi les actes du président d’Eurodif dans ses rapports avec le groupe Cogema comme en atteste l’avenant à la convention Synatom du 18 septembre 2014 qu’il a contresigné (pièce n° 32 Orano).
En outre, même si dans les faits M. [D] a effectivement travaillé au sein d’Eurodif pendant 10 ans, sa mise à disposition avait un caractère temporaire conformément à la convention de 1975 d’une durée de 5 ans, renouvelée lors d’avenants de durées différentes. Il en a été de même des prédécesseurs de M. [D] mis à disposition pour une durée de 5 ans (M. [F] [X]), 6 ans (M. [Z]), 3 ans (M. [G]), 3 ans (M. [U]), 15 ans (M. [O]).
M. [D] était parfaitement informé que sa mise à disposition était temporaire puisque dès le 31 mars 2014, la société Enusa l’informait de la fin de sa présence au sein d’Eurodif et sa réintégration au sein d’Enusa le 31 juillet 2014 du fait de la cession de la participation d’Enusa à Eurodif, réintégration retardée du fait des négociations dans le cadre de la cession qui sera effective fin juin 2017 (pièce n°3 Enusa).
Il résulte des éléments en présence que la mise à disposition de M. [D] salarié d’Enusa, au sein de la société Eurodif dans le cadre de la convention existant entre les deux sociétés, et du contrat de mise à disposition accepté par le salarié n’est pas contraire aux dispositions relatives au prêt de main de main d’oeuvre.
S’agissement des dispositions régissant le détachement, l’appelant soutient cependant au visa de l’article L. 1262-1 du code du travail que les formalités prescrites pour le détachement et la mise à disposition des salariés dans l’espace européen n’ont pas été respectées : déclaration obligatoires en matière de détachement, règlement des cotisations de sécurité sociale en France de 2007 à 2012, bénéfice des avantages collectifs en vigueur au sein d’Eurodif, conventions de mise à disposition avec le salarié.
La société Enusa soutient que lors du détachement du salarié en avril 2007, elle a maintenu l’affiliation au régime espagnol de sécurité sociale conformément au Règlement européen n°883/2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale au sein de l’Union européenne, affiliation maintenue jusqu’en juin 2015, puis a affilié le salarié à la sécurité sociale française rétroactivement au 26 mars 2012 jusqu’en juillet 2017 à la demande du CLEISS [Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale], et enfin à la sécurité sociale espagnole à compter du 20 juillet 2017.
La société Orano fait valoir que la mise à disposition a été rigoureusement respectée et contrôlée par Enusa.
En l’espèce, le détachement de M. [D] en 2007 a été réalisé en application de l’article L. 342-1 du code du travail abrogé par l’ordonnance n°2007-329 du 12 mars 2007 applicable au 1er mai 2008.
L’article L. 342-1 disposait :
‘I. – Un employeur établi hors de France peut détacher temporairement des salariés sur le territoire national, à condition qu’il existe un contrat de travail entre cet employeur et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement.
Le détachement s’effectue :
1° Soit pour le compte de l’employeur et sous sa direction, dans le cadre d’un contrat conclu entre celui-ci et un destinataire établi ou exerçant en France ;
2° Soit entre établissements d’une même entreprise ou entre entreprises d’un même groupe.
II. – Une entreprise exerçant une activité de travail temporaire établie hors du territoire français peut détacher temporairement des salariés auprès d’une entreprise utilisatrice établie ou exerçant sur le territoire national, à condition qu’il existe un contrat de travail entre l’entreprise étrangère et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement.
III. – Un employeur établi hors de France peut également détacher temporairement des salariés sur le territoire national pour réaliser une opération pour son propre compte, sans qu’il existe un contrat entre celui-ci et un destinataire.’
Selon l’article L. 1262-1 du code du travail applicable à compter du 1er mai 2008, ‘un employeur établi hors de France peut détacher temporairement des salariés sur le territoire national, à condition qu’il existe un contrat de travail entre cet employeur et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement.
Le détachement est réalisé :
1° Soit pour le compte de l’employeur et sous sa direction, dans le cadre d’un contrat conclu entre celui-ci et le destinataire de la prestation établi ou exerçant en France ;
2° Soit entre établissements d’une même entreprise ou entre entreprises d’un même groupe ;
3° Soit pour le compte de l’employeur sans qu’il existe un contrat entre celui-ci et un destinataire.’
Il résulte de ce qui précède que le détachement de M. [D] en 2007 a été réalisé en application du I 1° de l’article L. 342-1 précité mais s’agissant d’un employeur établi hors de France (III) et du 1er ou du 2°de L. 1262-1 précité.
Il sera rappelé que la circonstance qu’un détachement ne répondrait pas aux conditions définies aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 du code du travail n’a pour conséquence que l’exclusion des règles de coordination prises en transposition de la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services.
De même, le non-respect, par l’employeur étranger, des règles relatives au détachement, sur le territoire français, d’un de ses salariés, n’a pas pour effet de voir reconnaître la qualité d’employeur à l’entreprise établie sur le territoire national et bénéficiaire dudit détachement (Soc., 5 avril 2023 pourvoi n°21-21318 ; Soc., 9 janvier 2013, pourvoi nº 11-11.521).
S’agissant des déclarations de détachement résultant de la circulaire DGT 2008/17 du 5 octobre 2008 relative au détachement transnational de travailleurs en France dans le cadre d’une prestation de services dont se prévaut M. [D] et des modèles de déclarations préalables de détachement (annexe 1de la circulaire de 2008), le détachement du salarié était antérieur à cette circulaire. S’appliquait à la date du détachement, la circulaire DRT n°94/18 du 30 décembre 1994, laquelle prévoyait également une déclaration du détachement laquelle n’est pas produite aux débats.
Cependant, pendant les dix années de détachement, ni la société Enusa, ni la société Eurodif n’ont fait l’objet d’un rappel à l’ordre par l’inspection du travail, étant observé en outre qu’Enusa est une entreprise publique détenue à 100% par deux entités dépendant de deux ministères espagnols. M. [D] en tant que membre du directoire d’Eurodif et en outre assumant la direction administrative et financière, n’a jamais soulevé un quelconque manquement d’Enusa ou d’Eurodif relatif aux déclarations préalables de détachement.
S’agissant de la sécurité sociale, l’appelant produit la circulaire DSS/DAEI/98 n°485 du 30 juillet 1998 relative notamment au maintien du régime de sécurité sociale de leur pays habituel d’emploi des travailleurs salariés détachés en France, prise en particulier pour les ressortissants des Etats membres en référence au Règlement (CEE) n°1408/71.
Ce Règlement plusieurs fois modifié disposait en son article 14 :
‘1) a) la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d’un État membre au service d’une entreprise dont elle relève normalement et qui est détachée par cette entreprise sur le territoire d’un autre État membre afin d’y effectuer un travail pour le compte de celle-ci, demeure soumise à la législation du premier État membre, à condition que la durée prévisible de ce travail n’excède pas douze mois et qu’elle ne soit pas envoyée en remplacement d’une autre personne parvenue au terme de la période de son détachement ;
b) si la durée du travail à effectuer se prolonge en raison de circonstances imprévisibles au-delà de la durée primitivement prévue et vient à excéder douze mois, la législation du premier État
membre demeure applicable jusqu’à l’achèvement de ce travail, à condition que l’autorité compétente de l’État membre sur le territoire duquel l’intéressé est détaché ou l’organisme désigné par cette autorité ait donné son accord ; cet accord doit être sollicité avant la fin de la période initiale de douze mois. Toutefois, cet accord ne peut être donné pour une période excédant douze mois.’
A la date du détachement de M. [D], ce règlement européen s’appliquait. Il résulte des fonctions de M. [D] en tant que membre du directoire d’Eurodif du fait de la participation d’Enusa au sein de cette société et en tant que directeur financier, que le salarié pouvait être soumis pendant deux ans à la sécurité sociale espagnole.
Cependant, le Règlement (CE) n°883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, entré en vigueur le 1er mai 2010, et ayant fait l’objet de plusieurs modifications de 2010 à 2017, a abrogé les textes précédents, disposant en son article 11 §3 que ‘sous réserve des articles 12 à 16 :
a) la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre est soumise à la législation de cet État membre’.
L’article 12 indique que ‘la personne qui exerce une activité salariée dans un État membre pour le compte d’un employeur y exerçant normalement ses activités, et que cet employeur détache pour effectuer un travail pour son compte dans un autre État membre, demeure soumise à la législation du premier État membre, à condition que la durée prévisible de ce travail n’excède pas vingt-quatre mois et que cette personne ne soit pas envoyée en remplacement d’une autre personne détachée.’
L’article 16 du Règlement prévoit que ‘deux ou plusieurs États membres, les autorités compétentes de ces États membres ou les organismes désignés par ces autorités peuvent prévoir d’un commun accord, dans l’intérêt de certaines personnes ou catégories de personnes, des dérogations aux articles 11 à 15.’
Dans ce contexte, le CLEISS a adressé à la société Enusa une lettre le 15 juin 2015, faisant état, au visa de l’article 16 du Règlement (CE) n°883/2004, que la trésorerie générale de la sécurité sociale espagnole lui avait fait parvenir une demande de maintien au régime espagnol de sécurité sociale de M. [D] ‘qui exerce pour votre compte son activité professionnelle en France auprès de votre établissement français du 26.03.2012 au 31.12.2014″. Rappelant les termes de l’article 11 §3 du Règlement (CE), le CLEISS a refusé l’exemption d’affiliation au régime français de sécurité sociale pour la période citée et indiqué que les cotisations de sécurité sociale devaient être acquittées en France à compter du 26 mars 2012 (pièce n°5 appelant).
La société Enusa justifie avoir affilié M. [D] à la sécurité sociale espagnole à compter du 1er février 2007, puis à la sécurité sociale française avec paiement des cotisations sociales à compter du 26 mars 2012 comme le reconnait le salarié (p.51 de ses écritures) et à nouveau à la sécurité sociale espagnole en juillet 2017 et enfin à sa désaffiliation à cette dernière le 17 novembre 2017.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le CLEISS était parfaitement informé de la situation de M. [D] et n’a pas considéré que celle-ci entre 2007 et mars 2012 était contraire au Règlement et que même à supposer qu’entre 2009 et 2012, la société Enusa n’avait pas obtenu une exemption d’affiliation au régime français de sécurité sociale, M. [D] a toujours bénéficié d’une couverture sociale.
S’agissant du bénéfice des avantages collectifs en vigueur au sein d’Eurodif, M. [D] n’apporte aucun élément laissant supposer qu’il n’a pas bénéficié des avantages collectifs d’Eurodif.
S’agissant des conventions de mise à disposition avec le salarié, le contrat d’affectation au sein d’Eurodif du 1er avril 2007 est suffisamment précis quant à l’affectation d’une durée d’un an renouvelable, aux fonctions exercées par le salarié au sein de la société Eurodif et à sa rémunération pendant le détachement.
De même, la pièce n°1 de l’appelant contient la convention de 1975 à laquelle est annexé le montant des sommes à payer à Enusa pour la mise à disposition du directeur administratif et financier et membre du directoire à la date du 28 février 2007, ne pouvant concerner que M. [D], la convention de 1975 ayant été renouvelée le 16 juin 2006 (pièce n°21 Orano).
Ces éléments sont suffisants pour justifier de la régularité des formalités du détachement de M. [D].
S’agissant du travail dissimulé, pour lequel seule la loi française s’applique à la présente espèce, l’article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié.
Aux termes de l’article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L’article L. 8221-3 dispose qu’est réputé travail dissimulé ‘par dissimulation d’activité, l’exercice à but lucratif d’une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l’accomplissement d’actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations :
[…]
2° Soit n’a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l’administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur. […]
3° Soit s’est prévalue des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque l’employeur de ces derniers exerce dans l’Etat sur le territoire duquel il est établi des activités relevant uniquement de la gestion interne ou administrative, ou lorsque son activité est réalisée sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue.’
En l’espèce, il résulte de ce qui précède, qu’il n’est pas démontré que la société Enusa a intentionnellement omis d’affilier M. [D] à la sécurité sociale française à compter de 2012, qu’il est établi qu’elle a outre affilié son salarié à la sécurité sociale espagnole et régularisé la situation auprès de la sécurité sociale française dès que le CLEISS le lui a demandé.
De même, la preuve n’est pas rapportée de l’existence d’un prêt de main d’oeuvre illicite dont se serait rendue coupable la société Enusa ou la société Eurodif, ni des irrégularités intentionnelles dans les formalités du détachement commises par la société Enusa.
En conséquence, M. [D] sera débouté de sa demande d’indemnisation au titre du travail dissimulé.
b- sur les demandes soumises à l’analyse comparative
– sur la rupture du contrat de travail
Il sera rappelé qu’il ne peut être dérogé aux dispositions de la loi française en matière de rupture du contrat de travail (Soc., 8 décembre 2021 n°20-11-738).
M. [D] soutient que, selon la jurisprudence française, la prise d’acte de la rupture du contrat du fait des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du travail, est plus protectrice que les dispositions espagnoles prévoyant la résiliation judiciaire du contrat de travail ou la démission pour faute du salarié, mode de rupture absent du droit français. Il expose que la prise d’acte de la rupture est justifiée par les manquements de l’employeur tels que le prêt de main d’oeuvre illicite et marchandage, la modification du lieu de travail, la modification de la rémunération, la rétrogradation et l’application d’une mise à pied de 60 jours.
La société Enusa fait valoir que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail est une forme de rupture inconnue du droit espagnol qui prévoit seulement la possibilité pour le salarié de solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail ; que la prise d’acte, qui est certes plus favorable est, en l’espèce, injustifiée.
En droit espagnol, le ‘texto refundido de la ley del Estatudo de los trabajadores’ [texte consolidé de la loi sur le statut des travailleurs] appelé TRLET, prévoit notamment les formes de rupture du contrat de travail suivantes selon l’annexe 1 de la pièce n°72 de M. [D] : la démission, le licenciement pour motif économique ou personnel, la rupture à l’initiative du salarié sur la base d’un manquement de l’employeur à ses obligations contractuelles.
Cependant, l’annexe 1 est la traduction de certains articles seulement du TRLET sans le texte en espagnol de sorte qu’en l’absence d’une traduction jurée, les textes ne peuvent être comparés. N’y figure pas la ‘baja voluntaria’, démission de fait, prévue selon les écritures de la société Enusa aux articles 62 et 64 de la convention collective Enusa et aux articles 49, 52 et 53 de la loi espagnole, aucun de ces textes n’étant produits à l’exception de la traduction de l’article 49 de la loi espagnole citant les différents modes de rupture du contrat de travail.
La ‘baja voluntaria’, démission de fait résultant d’un abandon de poste de la loi espagnole est un mode de rupture qui est désormais prévue par l’article L. 1237-1-1 du code du travail français issue de la loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022 applicable à compter du 23 décembre 2022 et donc inapplicable à la situation bien antérieure de M. [D].
En outre, l’article 49 du TRLET, selon la traduction produite, prévoit effectivement que le contrat de travail peut cesser ‘à l’initiative du salarié sur la base d’un manquement de l’employeur à ses obligations contractuelles’.
L’article 50, selon la traduction produite, dispose que, pour que le salarié puisse demander la résiliation du contrat, ce dernier doit invoquer l’une des causes suivantes :
– modifications substantielles des conditions de travail mises en oeuvre sans respecter les dispositions de l’article 41 et qui ont pour effet de porter atteinte à la dignité du salarié,
– défaut de paiement du salaire convenu ou les retards répétés de paiement du salaire convenu,
– tout autre manquement grave de l’employeur à ses obligations sauf cas de force majeure ainsi que le refus de rétablir le salarié dans ses conditions de travail antérieures dans les cas prévus aux articles 40 et 41 lorsqu’une décision de justice définitive a déclaré [les modifications correspondantes] injustifiées.
L’article 40 traite de la mobilité géographique et concerne le transfert de salariés vers un établissement mobile ou itinérant, vers un autre établissement de la même entreprise, dans le cas de causes économiques, techniques, d’organisation ou de production qui justifient le changement de résidence. Il ne vise pas la situation spécifique du salarié détaché de retour chez l’employeur à la fin du détachement.
L’article 41 traite des modifications substantielles des conditions de travail et considère que constituent notamment des modifications substantielles le système de rémunération et le montant des salaires ainsi que les fonctions lorsqu’elles excèdent les limites prévues par l’article 39 pour la mobilité fonctionnelle.
L’article 39 du TRLET prévoit notamment que ‘la mobilité fonctionnelle pour l’exécution de fonctions, tant supérieures qu’inférieures, ne correspondant pas à la classification professionnelle du salarié ne sera possible que s’il existe en outre des raisons techniques ou organisationnelles la justifiant et pour le temps strictement nécessaire pour y répondre […]. Le changement de fonctions différentes de celles convenues contractuellement non comprises dans les cas prévus au présent article nécessitera l’accord des parties ou, à défaut, la soumission aux règles relatives aux modifications substantielles des conditions de travail ou à celles qui auraient été établies à cet effet par une convention collective.’
La rupture à l’initiative du salarié selon le droit espagnol répond donc à des situations précises et limitées.
La prise d’acte de la rupture, telle que résultant de la jurisprudence française, consiste pour le salarié à reprocher par écrit à l’employeur un ou plusieurs faits considérés comme fautifs, l’amenant à prendre l’initiative de la rupture.
Cette prise d’acte entraîne la cessation immédiate du contrat de travail, tout comportement ou initiative postérieur par l’une des parties à la prise d’acte étant sans incidence sur la qualification de la rupture, de sorte qu’il appartient au juge de déterminer si la prise d’acte est ou non justifiée.
La prise d’acte suppose en effet que soit rapportée la preuve d’un manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.
Ainsi, toute faute de l’employeur ne suffit pas à justifier la prise d’acte, la faute devant présenter une certaine gravité. En revanche, les faits fautifs qui peuvent être reprochés ne sont pas limités à certaines situations comme en droit espagnol.
S’agissant des effets de la prise d’acte, si le juge estime qu’aucun fait fautif ne peut être reproché à l’employeur, la prise d’acte produira les mêmes effets qu’une démission. Si le juge estime que la prise d’acte est justifiée du fait des faits fautifs commis par l’employeur, la prise d’acte aura les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Ayant pris l’initiative de la rupture, le salarié doit démontrer les faits fautifs commis par l’employeur justifiant la prise d’acte.
Or, il résulte de ce qui précède, que la prise d’acte de la rupture selon la jurisprudence française que revendique l’appelant, est plus favorable que le droit espagnol pour le salarié lequel peut invoquer tout fait fautif suffisamment grave à l’encontre de l’employeur.
La société Enusa ne conteste pas que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail est plus favorable au salarié que les dispositions légales et/ou conventionnelles espagnoles (p.17 de ses écritures).
En l’espèce, M. [D] a, par lettre de son conseil du 28 juillet 2017 adressée à la société Enusa, contesté les conditions de sa réintégration au sein de cette société, puis suite à la sanction de mise à pied disciplinaire en date du 11 septembre 2017 a, par lettre de son conseil du 26 septembre 2017, pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts des sociétés Enusa et Eurodif (pièces n°20, 25 et 26 appelant).
La lettre de la société Enusa du 17 novembre 2017 signifiant la rupture du contrat de travail, pour abandon de poste, à l’expiration de la période de mise à pied, est donc intervenue postérieurement à la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié (pièce n°50 appelant).
En conséquence, la ‘baja voluntaria’ notifiée au salarié est sans incidence sur la qualification de la rupture.
Aux termes de sa prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts des sociétés Enusa et Eurodif par lettre du 26 septembre 2017, M. [D] reproche aux deux sociétés ‘un prétendu détachement illégal’, une mise à disposition formalisée postérieurement à son entrée en fonctions effective, une ‘décision concertée des sociétés Eurodif et Enusa de mettre unilatéralement fin à ce détachement et de lui imposer un préavis insuffisant’, ‘d’accepter une nouvelle affectation au sein de la société Enusa dans un pays autre que celui dans lequel il a établi le centre de ses intérêts depuis près de 11 ans, cette affectation entraînant une diminution drastique de ses responsabilités et de sa rémunération’.
Aux termes de ses écritures (p.42), M. [D] affirme que les atteintes portées par la société Enusa à son contrat de travail sont le prêt de main d’oeuvre illicite et le marchandage, la modification de son lieu de travail, la modification de sa rémunération, sa rétrogradation et l’application d’une mise à pied de 60 jours, ces deux derniers faits, bien que connus du salarié, n’étant pas visés dans la prise d’acte de la rupture du 26 septembre 2017.
S’agissant du prêt de main d’oeuvre illicite et du marchandage, il a été statué supra sur la demande de M. [D], sur l’absence de prêt de main d’oeuvre illicite ou de marchandage, ainsi que sur la mise à disposition du salarié au sein d’Eurodif dans le cadre d’un détachement et sur le travail dissimulé.
Il a également été jugé définitivement que la société Eurodif n’était pas l’employeur de M. [D]. Aucun élément du dossier ne permet d’affirmer l’existence d’une décision concertée des sociétés Eurodif et Enusa de mettre unilatéralement fin à ce détachement et de lui imposer un préavis insuffisant.
En effet, depuis 2014, le salarié était parfaitement informé de la fin de son détachement du fait de la décision de son employeur Enusa de retirer sa participation minoritaire dans Eurodif et par conséquent la fin de ses fonctions en tant que directeur financier et membre du directoire, lesquelles ne se justifiaient, comme rappelé ci-dessus, qu’en raison de la convention de 1975 signée entre les parties et de la volonté des actionnaires minoritaires de contrôler les marchés passés par Eurodif.
Les griefs ainsi avancés par M. [D] relatifs au prêt illicite de main d’oeuvre, au détachement et au travail dissimulé ne sont pas établis.
Sur la modification du lieu de travail, l’article 40 du TRLET sur la mobilité géographique ne s’applique pas au cas d’un détachement du salarié s’achevant, avec la nécessité d’une réintégration au sein des locaux de l’employeur.
Il sera observé surabondamment, et dans une autre hypothèse que la fin du détachement, que l’article 50 du TRLET ‘rupture à l’initiative du salarié’ suppose qu’en cas de refus de la mobilité géographique du salarié, ce dernier doit exécuter la décision de mobilité, et la contester devant la juridiction sociale au motif que l’employeur n’a pas respecté la procédure prévue à l’article 40 du TRLET, ce que reconnait la consultation faite pour le compte de M. [D] (pièce n°72).
Le droit français considère que la modification du lieu de travail du salarié, sauf existence d’une clause de mobilité, peut selon les circonstances, être considérée comme une modification substantielle du contrat de travail, laquelle requiert l’accord du salarié.
Cependant, la réintégration d’un salarié, résultant du terme du détachement, ne constitue pas une modification du contrat de travail nécessitant son accord, sauf le cas du salarié protégé (Soc., 24 juin 2015 n°13-25.522).
En l’espèce, la réintégration au sein des locaux de l’employeur résulte uniquement de la fin du détachement du salarié pour les raisons évoquées ci-dessus. Elle ne peut être considérée comme une modification substantielle du contrat de travail, M. [D] ayant parfaitement connaissance du caractère temporaire de son détachement mentionné à son contrat de travail et de la nécessité de réintégrer la société Enusa depuis mars 2014, ce qu’il n’a pas contesté à cette époque.
Le grief relatif à la modification du lieu de travail sera rejeté.
S’agissant de la modification de la rémunération, il résulte du contrat de travail du 1er avril 2007 que la rémunération brute annuelle était composée du salaire de base 80 000 euros et une rémunération variable jusqu’à 20% du salaire de base.
Par lettre du 31 mai 2017, l’employeur a informé le salarié de la cession de la participation d’Enusa dans Eurodif à compter du 29 juin 2017, de la fin de son détachement, de sa réintégration au sein d’Enusa à Madrid, sa rémunération ‘conformément aux dispositions de votre contrat’ étant de ’85 628,52 euros par an répartie en trois postes : salaire de base, complément de salaire, complément de poste payés en 14 mensualités (12 paiements mensuels et 2 paiements extraordinaires)’ (pièce n°8 traduite appelant).
Le salarié affirme qu’il percevait une rémunération annuelle de 250 000 euros au sein d’Eurodif, soit une diminution de plus de 50% de sa rémunération que voulait lui imposer la société Enusa. Il soutient également que le contrat ne prévoyait que la possibilité pour le salarié de demander à rentrer en Espagne et pas la possibilité pour l’employeur de l’y contraindre, l’engagement de ce dernier de verser une rémunération de 80 000 euros annuels minimum ne s’appliquant que dans le cas où le salarié exprimerait le désir de mettre fin à sa mission. Il fait valoir que rien ne permettait à Enusa de modifier unilatéralement la rémunération du salarié.
M. [D] ne peut sérieusement alléguer que la fin du détachement ne pouvait s’opérer que par la volonté du salarié en s’appuyant sur la clause ‘garantie de retour’ indiquant ‘qu’à partir de trois années après la signature du contrat, le salarié pourra solliciter le retour en Espagne’.
Le contrat de travail indiquait bien que le détachement au sein d’Eurodif était temporaire, de sorte que dans le cadre de la convention avec Eurodif, l’employeur devait obligatoirement avoir la possibilité de mettre fin au détachement, notamment en raison de la fin de la convention le liant à Eurodif du fait du retrait de sa participation au capital de cette dernière.
En outre, le contrat de travail est la loi des parties. Si le salarié a perçu pendant son détachement une rémunération supérieure à celle qui était la sienne au sein d’Enusa, cela résulte du contrat de détachement du 1er avril 2007 mentionnant la rémunération visée au contrat de travail (salaire de base et variable) à laquelle s’ajoutaient, selon le contrat de détachement, un complément de déplacement (expatriation) de 60 000 euros, un bonus Areva en fonction du degré d’accomplissement des objectifs annuels et une prime de bilan en fonction du résultat de la société.
Il était stipulé de même que ‘cette rémunération considérée de manière globale et annuellement supérieure à celle que le salarié aurait reçue en Espagne compense toute autre rémunération et avantages sociaux dont le salarié aurait pu bénéficier s’il résidait en Espagne’.
Il résulte des éléments en présence que la rémunération supérieure reçue en France correspond à ce qui était prévu par le contrat de détachement et s’explique par le versement de primes et bonus Areva émanant d’Eurodif et non d’Enusa, dans le cadre des fonctions du salarié au sein d’Eurodif en tant que directeur financier et membre du directoire.
Le détachement ayant cessé, le salarié ne peut prétendre percevoir une rémunération qui était uniquement liée à sa présence au sein d’Eurodif et à la convention existant entre les deux sociétés, sa réintégration justifiant que la rémunération du contrat de travail avec Enusa soit à nouveau appliquée, sauf à imposer à cette dernière de régler au salarié une rémunération sans rapport avec ses fonctions au sein d’Enusa, laquelle était versée par Eurodif à Enusa qui la reversait à M. [D].
Le grief relatif à la modification de la rémunération n’est pas établi.
S’agissant de la rétrogradation, le salarié affirme que l’employeur entendait le rétrograder en lui imposant lors de sa réintégration un poste de contrôleur de gestion alors qu’il était directeur financier au sein d’Eurodif.
Le contrat de travail selon la traduction fournie par l’appelant indique que ‘le salarié fournira ses services comme cadre avec la classification professionnelle d’ingénieur et cadre confirmé en accord avec le système de classification professionnelle d’ingénieur et cadre confirmé en accord avec le système de classification professionnelle en vigueur dans la société, dans un établissement sis à l’étranger.’
Cependant, outre que la traduction donnée de ‘cadre’ et ‘d’ingénieur et cadre confirmé’ pour ‘Titulado superior’ du groupe professionnel ‘técnicos titulados’ est inexacte, le contrat de travail ne mentionne pas que M. [D] est directeur financier.
Seul le contrat de détachement indique que le salarié ‘fournira ses services comme directeur administratif, financier et de contrôle de gestion de la société Eurodif appartenant au groupe Areva’.
Les fonctions auxquelles M. [D] était destiné à son retour au sein de Enusa n’étaient pas celles d’un contrôleur de gestion comme il l’affirme et le mentionne dans les pièces qu’il a traduites. En effet, la traduction de ‘coordinador economico’, fonctions mentionnés dans la lettre d’Enusa du 31 mai 2017 (pièce n°8 appelant), ne signifie pas contrôleur de gestion mais ‘coordinateur économique’ en l’espèce de la direction du développement commercial et technologique, traduction effectivement faite en ce sens dans la lettre d’Enusa du 1er septembre 2017 (pièce n°23 appelant).
Ainsi, dans son mail du 4 septembre 2017 adressé à Enusa il indique refuser de réintégrer la société pour exercer des ‘fonctions techniques de contrôle de gestion’ tel que traduit par l’appelant (pièce n°24) de son message en espagnol ‘funciones técnicas de control de gestion’ ce qui est différent de ‘coordinador economico’. Le salarié ne justifie pas en l’état que les fonctions proposées constituaient une rétrogradation au regard des éléments produits.
Le grief relatif à la rétrogradation alléguée n’est pas établi.
S’agissant de la mesure disciplinaire, le salarié affirme que les dispostions relatives à la mise à pied sont des dispositions impératives de la loi française ; que son refus d’accepter les trois modifications de son contrat de travail (géographique, rémunération et fonctions) n’autorisait pas en droit français Enusa de notifier une sanction a fortiori une mise à pied de 60 jours non rémunérée qu’il juge illicite car la durée excède la durée jugée raisonnable par les tribunaux français.
La société Enusa soutient que le droit disciplinaire français ne peut être considéré comme plus favorable au motif qu’il interdirait à la différence du droit espagnol des mises à pied d’une durée de 60 jours, puisque le droit espagnol permet ainsi un ajustement de la sanction sans recourir à un licenciement ; qu’en tout état de cause la seule notification d’une mise à pied de 60 jours n’est pas un manquement grave empêchant la poursuite du contrat de travail, seul susceptible de faire produire à une prise d’acte les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Les sanctions disciplinaires, en raison de leurs conséquences sur l’exécution du contrat de travail, sont des règles impératives de la loi française.
Selon le droit espagnol, l’article 58 du TRLET prévoit la possibilité pour l’employeur de sanctionner les salariés qui ne respectent pas leurs obligations conformément ‘à la graduation des fautes et des sanctions établies dans les dispositions légales ou dans la convention collective applicable’ avec un recours devant la juridiction sociale. En revanche, il est indiqué que ne peut être imposée au salarié une réduction de la durée des congés ou une diminution des droits au repos du salarié ou une amende.
La convention collective Enusa stipule en son article 64 ‘sanctions’ que ‘les sanctions maximales pouvant être imposées dans chaque cas selon la gravité de la faute commise : […]
c/ pour fautes très graves :
– mise à pied disciplinaire de 21 à 60 jours,
– impossibilité d’être promu à un poste pour une période n’excédant pas deux ans,
– transfert forcé vers une autre commune sans droit à une quelconque indemnité,
– licenciement’. (traduction de l’appelant en annexe 1 de sa pièce n°72)
Il ne résulte pas des textes susvisés l’obligation pour l’employeur de convoquer le salarié à un entretien préalable dans le cadre d’une sanction disciplinaire autre que le licenciement.
Selon le droit français, l’article L. 1331-1 du code du travail dispose que ‘constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.’
L’article L. 1331-2 du même code prohibe les amendes ou autres sanctions pécuniaires.
Selon l’article L. 1332-1 dudit code, ‘aucune sanction ne peut être prise à l’encontre du salarié sans que celui-ci soit informé, dans le même temps et par écrit, des griefs retenus contre lui’ et selon l’article L. 1332-2, ‘ lorsque l’employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l’objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.
Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise.
Au cours de l’entretien, l’employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.
La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien. Elle est motivée et notifiée à l’intéressé.’
Cependant, au regard de l’article L. 1332-1 précité, le salarié était parfaitement informé des griefs retenus contre lui puisque la société Enusa lui a adressé plusieurs lettres lui demandant de reprendre ses fonctions à Madrid auxquelles le salarié a répondu par messages électroniques et lettres de son conseil, en refusant de reprendre son poste aux motifs qu’il était officiellement salarié d’Eurodif, que son détachement avait été irrégulièrement régularisé postérieurement à son entrée en fonctions, puis que la société Enusa tentait de lui imposer une modification de son contrat de travail (lieu d’exécution, fonctions, rémunération) (pièces n° 8, 9, 10, 16, 19, 20 à 24 appelant).
De même, s’agissant de la durée de la mise à pied, celle-ci ne peut être considérée comme illicite puisque prévue par les dispositions légales et conventionnelles espagnoles s’appliquant au contrat de travail de M. [D].
La durée de cette mise à pied peut en revanche être jugée excessive ou disproportionnée au regard du droit français et permettre au salarié de contester une sanction disciplinaire qu’il estimait injustifiée en prenant acte de la rupture du contrat de travail (Soc., 2 mars 2017 n°15-26.945).
M. [D] soutient que cette sanction était injustifiée puisque l’employeur ne pouvait modifier son contrat de travail en lui imposant de revenir à Madrid reprendre son poste alors qu’il s’estimait salarié d’Eurodif et qu’Enusa modifiait substantiellement son contrat de travail.
En l’espèce, il convient de vérifier si la sanction de mise à pied d’une durée de 60 jours conforme au droit espagnol, était susceptible d’empêcher la poursuite du contrat de travail.
Or, selon ce qui précède, la convention collective Enusa prévoyait expressément les sanctions pouvant être appliquées en cas de faute très grave et comme première sanction la mise à pied de 21 à 60 jours et comme dernière sanction le licenciement, de sorte qu’en infligeant la mise à pied quelle qu’en soit la durée, l’employeur a entendu, après les nombreux rappels à l’ordre et sa réfutation des motifs allégués par le salarié pour ne pas reprendre ses fonctions en Espagne, préserver la relation contractuelle et permettre au salarié de se reprendre, en évitant le licenciement ou en l’espèce le mode de rupture espagnol ‘baja voluntaria’ utilisé lorsque le salarié commet une faute grave en abandonnant son poste.
Ainsi, il ne peut être retenu que la prise d’acte de la rupture aurait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, au motif d’une mise à pied disciplinaire laquelle serait justifiée sur les mêmes motifs rappelés ci-dessus lesquels n’ont pas été retenus comme manquements graves de l’employeur.
En outre, la durée de la mise à pied, si elle peut soutenir une demande d’annulation comme le fait effectivement le salarié, est sans corrélation avec la prise d’acte pour prétendre à un manquement de l’employeur.
Le grief n’est donc pas établi.
S’agissant du non-paiement de sa rémunération, l’appelant soutient qu’il n’a pas été payé de sa rémunération variable 2017, du bonus de performance, de la prime de bilan et du salaire sur la base contractuelle, malgré une mise en demeure par mail du 28 août 2017 (sa pièce n°22) de régler les sommes de 13 711,81 euros (prime de bilan), 30 916,01 euros (bonus annuel de performance), ainsi qu’un complément de salaire au titre du mois de juillet pour la période du 20 au 31 juillet 2017. Il expose que le 4 septembre 2017 (sa pièce n°24) il a réclamé le versement immédiat de la prime de bilan au motif qu’Enusa a mis un terme au contrat du salarié avec Eurodif à compter du 19 juillet 2017.
La société Enusa fait valoir qu’en réponse à la mise en demeure du 28 août 2017, elle a indiqué par lettre du 1er septembre 2017 (pièce n°23 appelant) au salarié que sa rémunération variable lui serait versée à la clôture de l’exercice comme chaque année. Cette rémunération a effectivement été réglée mais prorata temporis à son temps de présence chez Eurodif en 2017 soit jusqu’au 19 juillet 2017. Le salaire du 20 juillet au 31 juillet 2017 a été réglé sur la base de la rémunération au sein d’Enusa, la fin du détachement ayant été notifiée le 19 juillet 2017, ainsi que le salaire du 1er au 31 août 2017, et le salaire du 1er au 18 septembre 2017. Pour la période du 18 septembre 2017 au 16 novembre 2017, aucune rémunération n’a été versée en raison de la mise à pied du 11 septembre 2017.
Il résulte des pièces en présence que la société Enusa a confirmé la fin de son détachement au sein d’Eurodif le 19 juillet 2017 (pièce n°16 appelant) ce dont le salarié était informé depuis la lettre d’Enusa du 31 mai 2017 aux termes de laquelle était mentionnée la date de la cession de la participation d’Enusa au sein d’Eurodif fin juin 2017.
L’acte de résiliation de la convention de 1975 a été signé également le 19 juillet 2017 (pièce n°26 Orano) et c’est également à cette date que Eurodif (Areva) a notifié à M. [D] la décision du même jour de l’assemblée générale d’Eurodif de révoquer le mandat de membre du directoire de ce dernier du fait de l’agrément à la cession des actions Enusa, la fin de ses fonctions de directeur administratif et financier d’Eurodif, lui indiquant notamment qu’il était attendu le 24 juillet 2017 par son employeur et qu’il convenait d’organiser son départ des locaux d’Eurodif le 21 juillet 2017 (pièce n°27 Orano).
Ainsi à compter du 19 juillet 2017, le contrat de travail du 1er avril 2007 conclu entre Enusa et M. [D] s’exécutait à nouveau avec la rémunération prévue audit contrat revalorisée comme en atteste la lettre du 31 mai 2017.
En l’espèce, l’analyse comparative entre le droit espagnol et le droit français n’est pas pertinente, s’agissant de règles similaires en droit français et en droit espagnol, applicables dans le cadre d’un détachement, qui prévoient à la fin du détachement, le retour du salarié et l’exécution à nouveau de son contrat en Espagne.
La société Enusa indique avoir réglé la somme de 2 446,53 euros brut soit 1 869,04 euros net pour la période du 20 au 31 juillet 2017 (pièce n°5 Enusa). M. [D] reconnait avoir reçu ladite somme mais l’a déduite en net (et non en brut) du total en brut qu’il réclame 12 428,86 euros brut),.
Il déduit également des sommes qu’il réclame, la somme de 7 694,05 euros brut pour la période du 1er au 19 juillet 2017 versée par Enusa (pièce n°6 appelant).
Pour le mois d’août 2017, la société Enusa a réglé la somme de 6 116,32 euros brut ce que reconnait M. [D] dans ses écritures (p.59), produisant le bulletin de salaire correspondant.
Pour le mois de septembre 2017, la société Enusa indique avoir réglé la somme de 3 669,79 euros brut pour la période du 1er au 18 septembre 2017 ce que reconnait l’appelant dans ses écritures qui produit également le bulletin de salaire correspondant (pièce n°6).
Pour la période du 18 septembre au 16 novembre 2017, le salarié a fait l’objet d’une mise à pied de 60 jours. Le non-paiement de cette rémunération ne peut constituer un manquement de l’employeur au titre de la prise d’acte comme il résulte de ce qui précède.
La réclamation au titre du rappel de salaire porte sur la période du 20 juillet au 26 septembre 2017, le salarié estimant que la société Enusa devait poursuivre le paiement de la rémunération telle qu’elle était pendant le détachement.
Or, la fin du détachement ayant été notifiée au salarié, le contrat de travail du 1er avril 2007 devait s’exécuter à nouveau, M. [D] ne pouvant prétendre au paiement d’une rémunération qui n’avait été fixée que dans le cadre de son détachement, comme le stipulait le contrat de détachement du 1er avril 2007.
S’agissant de la rémunération variable, selon ce contrat de détachement, le salarié devait percevoir outre un salaire mensuel, un bonus annuel de performance et une prime de bilan, réglée par Enusa mais après facturation d’Eurodif conformément à la convention de 1975 et, s’agissant de M. [D], de son annexe du 28 février 2007 (pièce n°22 Orano).
La pièce n°29 de l’appelant est composée de deux documents sur papier à en-tête Areva Eurodif intitulés ‘contrat Enusa-Eurodif du 23 décembre 1975″, ‘mise à disposition par Enusa du DAFCG Eurodif et membre du directoire’, ‘actualisation 2017 selon la lettre du 20 février 2007″ qui ont été établis l’un, le 3 avril 2017 soit avant la cession de la participation d’Enusa et la résiliation de la convention de 1975, l’autre le 20 juillet 2017 pour la ‘période du 01.01.2017 au 21.07.2017 (202 jours)’.
Le premier document mentionne que pour l’année 2017 la prime de bilan devrait être de 24 776,29 euros et le bonus annuel de performance de 61 856,27 euros. Le second indique que la prime de bilan sera de 13 711,81 euros et le bonus de performance de 30 916,01 euros soit un total de 44 627,82 euros.
Si la société Enusa a réglé lesdites sommes en mars 2018, il résulte de son courrier du 1er septembre 2017 adressé au salarié que la prime de bilan et le bonus sont réglés à la clôture de l’exercice, ce que confirme le bulletin de salaire d’avril 2017 produit par l’appelant (sa pièce n°6).
A la date de la prise d’acte de la rupture par le salarié soit le 26 septembre 2017, le non-paiement des sommes susvisées ne constituait pas un manquement de l’employeur.
Il n’est pas établi que les congés payés sur les deux sommes ont été réglés par l’employeur. Ce manquement est cependant insuffisant pour justifier la prise d’acte de la rupture, les congés payés tout comme la rémunération variable n’étant pas exigibles à la date de la prise d’acte.
En outre, l’appelant ne peut prétendre à la totalité du bonus et de la prime tels que fixés à la date du 3 avril 2017, puisqu’il a été mis fin à son détachement le 19 juillet 2017, sa rémunération variable résultant uniquement de la convention de 1975 et du détachement du salarié, de sorte que les sommes à ce titre étaient bien dues prorata temporis, ce que reconnaissait M. [D] dans son message du 28 août 2017 (sa pièce n°22).
Le grief relatif au non-paiement de la rémunération pour justifier de la prise d’acte de rupture n’est pas établi.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que M. [D] ne rapporte pas la preuve de manquements suffisamment graves commis par l’employeur de sorte que la prise d’acte de la rupture du 26 septembre 2017 a les effets d’une démission.
Sa demande subsidiaire au titre d’un licenciement sans cause réelle et réelle fondé sur les mêmes motifs lesquels ne sont pas retenus, sera rejetée.
M. [D] sera débouté de ses demandes d’indemnité de préavis et de congés payés afférents, d’indemnité conventionnelle de licenciement, d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– sur l’annulation de la mise à pied et le rappel de salaire correspondant à la sanction
Il résulte de ce qui précède que la mise à pied disciplinaire repose sur le refus réitéré du salarié de réintégrer les locaux de la société Enusa, son employeur, à Madrid, après la période de détachement en France au sein d’Eurodif.
Le salarié demande l’annulation de la sanction au motif qu’en droit français le refus du salarié d’accepter les trois modifications de son contrat de travail évoquées ci-dessus ne pouvait autoriser Enusa à notifier une telle sanction, en outre ‘dont la durée excède la durée considérée comme raisonnable par les tribunaux français’ et sans respecter la procédure d’entretien préalable prévue par le code du travail.
Les sanctions disciplinaires, en raison de leurs conséquences, sur l’exécution du contrat de travail, sont des règles impératives de la loi française, étant rappelé que la détermination du caractère plus favorable d’une loi doit résulter d’une appréciation globale des dispositions de cette loi ayant le même objet ou se rapportant à la même cause.
Sur la durée, il sera rappelé qu’en droit espagnol, la mise à pied disciplinaire d’une durée de 60 jours est possible pour les fautes considérées comme très graves selon la convention collective Enusa.
En droit français, la loi comme la loi espagnole ne fixe pas de durée. Cependant, l’article L. 1333-2 du code du travail dispose que la juridiction prud’homale peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
La convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie applicable à la société Eurodif ne prévoit aucune disposition sur les sanctions disciplinaires.
En outre, il n’est pas produit le règlement intérieur de la société Eurodif relatif aux sanctions disciplinaires, étant observé qu’il n’appartient pas à la société Enusa de verser aux débats ce document qui ne concerne pas son entreprise, ni à la société Eurodif laquelle n’est pas employeur de M. [D].
Le fait que les juges du fond français auraient jugé excessive la durée d’une telle mise à pied disciplinaire, est inopérant, s’agissant d’espèces différentes, non confrontées à des dispositions légales ou conventionnelles étrangères dans le cadre d’une fin de détachement et d’un refus du salarié de réintégrer des fonctions au sein de son seul employeur.
En outre, comme rappelé ci-dessus, cette sanction pouvait à juste titre être considérée comme plus favorable à un licenciement, sanction ultime selon la convention collective Enusa des fautes jugées très graves.
S’agissant de la régularité de la procédure à suivre par l’employeur qui envisage une sanction, l’article L. 1332-2 du code du travail prévoit que ‘lorsque l’employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l’objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.
Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise.
Au cours de l’entretien, l’employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.
La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien. Elle est motivée et notifiée à l’intéressé.’
La loi espagnole ne prévoit pas une telle procédure d’entretien préalable.
Cependant, comme rappelé ci-dessus, l’employeur a adressé au salarié plusieurs lettres entre juin et septembre 2017 avant la sanction, lui demandant de réintégrer l’entreprise suite à la fin de son détachement, auxquelles M. [D] a répondu, en refusant sa réintégration, se disant salarié d’Eurodif puis affirmant que les conditions de cette réintégration avaient pour conséquence des modifications substantielles de son contrat de travail qu’il refusait.
Si effectivement la société Enusa, employeur espagnol, dans le cadre d’un contrat de travail soumis au droit disciplinaire espagnol, n’a pas appliqué, et pour cause, la procédure prévue par le droit français qui n’existe pas en droit espagnol, les échanges entre les parties pendant plusieurs mois ne permettent pas d’établir que la finalité des dispositions de l’article L. 1332-2 du code du travail qui est de permettre de faire connaître au salarié ce qui lui est reproché et à ce dernier d’avancer ses propres arguments, n’a pas été atteinte.
Il sera rappelé en outre que le juge peut annuler une sanction irrégulière en la forme mais peut également user de la faculté résultant de l’article L. 1333-2 en décidant qu’il n’y a pas lieu d’annuler la sanction.
Enfin, il a d’ores et déjà été statué sur l’absence de modification du contrat de travail, s’agissant d’un détachement prenant fin, obligeant le salarié à réintégrer les locaux de son employeur aux conditions prévues à son contrat de travail, de sorte que le motif de la sanction de mise à pied disciplinaire par Enusa, se justifiait.
La demande d’annulation de la sanction disciplinaire de mise à pied sera rejetée, de même que les demandes de rappel de salaire et de congés afférents.
– sur la rémunération entre le 19 juillet et le 26 septembre 2017
Il a été jugé supra que la rémunération due à compter du 20 juillet 2017 était fixée par le contrat de travail de 2007, pour des montants réactualisés selon la lettre du 31 mai 2017 aux termes de laquelle, la société Enusa informait le salarié de la fin de son détachement et de son retour en Espagne.
La rémunération en exécution du contrat de travail a été réglée selon ces bases et n’avait pas à l’être sur celles de la rémunération notamment variable octroyée pendant le détachement.
La demande de rappel de salaire et congés payés afférents de M. [D] sera donc rejetée.
– sur la prime de bilan et le bonus annuel de performance
Il a été jugé ci-dessus que le salarié ne pouvait pas revendiquer cette rémunération sur la totalité de l’année 2017 soit les sommes de 24 776,29 euros (prime de bilan) et de 61 856,27 euros (bonus) mais prorata temporis jusqu’au 19 juillet 2017, soit les sommes de 13 711,81 euros (prime) et 30 916,01 euros (bonus), lesquelles ont été effectivement réglées au salarié.
M. [D] sera débouté de sa demande au titre d’un complément de la rémunération variable d’un montant de 42 004,74 euros.
– sur les congés payés sur rémunération variable
Il ne résulte pas des pièces en présence que la société Enusa a réglé les congés payés sur les sommes de 13 711,81 euros (prime) et 30 916,01 euros (bonus).
Ces prime et bonus ont selon le contrat de détachement la nature de rémunération.
En l’absence de tout élément contraire apporté par l’employeur, il sera fait droit en son principe à la demande de congés payés sur cette rémunération.
La société Enusa sera condamnée à payer la somme de 1 371,18 euros au titre des congés payés sur la prime de bilan et 3 091,60 euros au titre des congés payés sur le bonus annuel de performance.
M. [D] sera débouté du surplus de ces demandes à ces titres.
– sur l’indemnité compensatrice de congés payés
L’appelant soutient que le droit français en matière de congés payés est plus favorable que le droit espagnol et qu’à la date de la prise d’acte de la rupture, soit le 26 septembre 2017, il lui restait 16 jours de congés payés soit une indemnité de 15 137,05 euros.
La société Enusa ne répond pas à l’argumentation du salarié.
Il sera rappelé que sont considérées comme des dispositions impératives de la loi française celles relatives aux congés payés.
Selon l’article 38 du TRLET, ‘la période du congé annuels payés non substituable par une compensation financière sera celle convenue dans la convention collective ou dans le contrat individuel. La durée ne pourra en aucun cas être inférieure à 3 jours calendaires.’
L’article 42 de la convention collective Enusa stipule que ‘la durée des congés annuels sera de 22 jours ouvrés, les samedis n’étant pas considérés à cet effet comme étant des jours ouvrés.
En fonction de l’ancienneté chaque salarié pourra en plus des 22 jours ouvrés mentionnés, bénéficier des jours suivants :
[…]
– 2 jours de congé supplémentaires pour tous les salariés ayant plus de 8 ans d’ancienneté
– 3 jours de congé supplémentaires pour tous les salariés ayant plus de 11 ans d’ancienneté.’
L’article 42 prévoit également que les congés doivent être posés pendant l’année civile en cours.
Selon l’article L. 3141-3 du code du travail français, ‘le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur.
La durée totale du congé exigible ne peut excéder trente jours ouvrables.’
L’article 14 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie applicable à la société Eurodif prévoit que ‘la durée du congé annuel payé est fixée conformément aux dispositions légales actuellement en vigueur.
[…]
Le congé annuel principal est augmenté d’un congé supplémentaire d’au moins :
[…]
– 3 jours pour l’ingénieur ou cadre âgé de 35 ans et ayant 2 ans d’ancienneté dans l’entreprise.’
Selon l’article L. 3141-28 du code du travail ‘lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n’a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d’après les articles L. 3141-24 à L. 3141-27.
L’indemnité est due que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l’employeur.
[…]’
L’article L. 3141-24 du même code dispose que :
‘I.-Le congé annuel prévu à l’article L. 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.
Pour la détermination de la rémunération brute totale, il est tenu compte :
1° De l’indemnité de congé de l’année précédente ;
2° Des indemnités afférentes à la contrepartie obligatoire sous forme de repos prévues aux articles L. 3121-30, L. 3121-33 et L. 3121-38 ;
3° Des périodes assimilées à un temps de travail par les articles L. 3141-4 et L. 3141-5 qui sont considérées comme ayant donné lieu à rémunération en fonction de l’horaire de travail de l’établissement.
Lorsque la durée du congé est différente de celle prévue à l’article L. 3141-3, l’indemnité est calculée selon les règles fixées au présent I et proportionnellement à la durée du congé effectivement dû.
II.-Toutefois, l’indemnité prévue au I du présent article ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.
Cette rémunération, sous réserve du respect des dispositions légales, est calculée en fonction :
1° Du salaire gagné dû pour la période précédant le congé ;
2° De la durée du travail effectif de l’établissement.’
En l’espèce, selon les dispositions légales et conventionnelles espagnoles, M. [D] bénéficiait de 22 +3 jours de congés.
Selon les dispositions légales et conventionnelles françaises, il disposait de 25 jours ouvrés (30 jours ouvrables) et 3 jours supplémentaires compte tenu de son âge et de son ancienneté.
Les dispositions françaises sont donc plus favorables, d’autant qu’elles prévoient également une indemnité de congé selon la règle de 10% de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.
Selon l’attestation de congés restants de Eurodif (Areva) du 13 juin 2017, le solde des congés de M. [D] était de 26,5 jours au 31 mai 2017 (sa pièce n°28).
Le salarié affirme avoir pris : 1 jour de congé le 7 juin 2017, 0,5 jour le 9 juin, 1 jour le 10 juillet, 18 jours du 24 juillet au 20 août et avoir acquis 9,7 jours de juin à septembre 2017.
Il justifie de sa demande de congés du 24 juillet au 20 août 2017 (pièce n°13) ainsi que pour les 7 et 9 juin et le 10 juillet (pièce n°38).
Le bulletin de salaire de mai 2017 établi par la société Enusa mentionne un solde de 17,25 jours en contradiction avec l’attestation de congés du 13 juin 2017.
L’employeur ne s’expliquant pas, il convient de retenir le nombre de congés restants mentionné sur l’attestation.
Le bulletin de salaire de juin 2017 indique qu’il reste sur N-1, 18 jours à prendre et sur N, 3 jours.
Le bulletin de salaire de juillet 2017, pour la période du 1er au 19 juillet – fin du détachement -, indique toujours 18 jours (N-1) et 5 jours (N).
En outre, dès le 18 juillet 2017, le salarié a signalé à la société Enusa une erreur dans le nombre de jours de congés restants sur le bulletin de juin 2017 sans indiquer cependant le nombre qu’il estimait correct (sa pièce n°14).
Ainsi, au titre des congés de N-1restants (26,5 jours), M. [D] a pris 20,5 jours de congé soit un solde de 6,5 jours. Au titre des congés pour la période N (à compter du 1er juin jusqu’au 19 juillet 2017), il bénéficiait de 5 jours, soit un total de 11,5 jours.
A compter du 20 juillet 2017 jusqu’à la prise d’acte du 26 septembre 2017, M. [D] n’était plus en détachement et aurait dû regagner l’entreprise à Madrid depuis le 24 juillet 2017, à tout le moins après sa prise de congés jusqu’au 18 août.
Le salarié affirme que, au titre des congés sur la période N, soit du 1er juin au 26 septembre 2017, il a droit à 9,7 jours – dont les 5 jours du 1er juin au 19 juillet 2017-.
Il ne s’explique pas sur le calcul de la somme de 15 137,05 euros correspondant selon lui à 16 jours de congé sur la période de juin, juillet et septembre jusqu’au 26 septembre 2017.
Il revendique cependant l’application de la règle des 10% sur laquelle l’employeur ne se prononce pas.
Il convient de tenir compte de l’ensemble de ces éléments, pour le calcul de l’indemnité de congés payés laquelle doit être calculée :
– selon les rémunérations mentionnées sur les bulletins de salaire établis en français produits sur la période de référence, du 20 juillet 2016 jusqu’au 19 juillet 2017,
– selon les rémunérations mentionnées sur les bulletins de salaire établis en espagnol du 20 au 31 juillet 2017, pour le mois d’août 2017, puis du 1er au 18 septembre 2017 – jusqu’à la mise à pied notifiée par l’employeur-.
Au titre des congés N-1 et des congés N jusqu’au 19 juillet 2017, sur la base d’une rémunération totale de 249 035,71 euros sur 12 mois, l’indemnité de congé annuel est de 24 903,57 euros, soit pour les jours restants (11,5) une somme de 10 228,25 euros.
Pour les congés N du 20 juillet 2017 au 18 septembre 2017, la rémunération est de 12 232,64 euros soit une indemnité de 1 223,26 euros, la règle de 10% ne pouvant s’appliquer sur des rémunérations liées au détachement, le contrat de travail de M. [D] s’exécutant à nouveau à compter du 20 juillet 2017. De même, M. [D] n’ayant pas été rémunéré du 18 au 26 septembre 2017 du fait de la mise à pied, laquelle n’a pas fait l’objet d’une annulation, l’indemnité de congés payés ne peut être calculée sur cette période.
En conséquence, la société Enusa sera condamnée à payer à M. [D] la somme de 10 228,25 euros à titre d’indemnité de congés payés pour la période de détachement s’achevant le 19 juillet 2017 et celle de 1 223,26 euros à titre d’indemnité de congés payés pour la période du 20 juillet au 18 septembre 2017.
M. [D] sera débouté du surplus de sa demande à ce titre.
– sur le préjudice ‘retraite’
M. [D] soutient qu’il a subi un préjudice d’un montant de 243 774 euros au motif que la société Enusa n’a cotisé en France qu’à compter du 1er janvier 2015, rétroactivement à compter du 26 mars 2012, avec des irrégularités telles que des cotisations rétroactivement versées calculées sur une assiette minorée ne correspondant pas au salaire payé, des droits auprès de l’Agirc et de l’Arcco, pour les années 2012-2014 où n’apparaissait pas le relevé CNAV. Il expose qu’il a fait évaluer par un cabinet d’actuaires le préjudice subi pour les périodes où la société Enusa a cotisé à la sécurité sociale espagnole en comparant ses droits acquis en Espagne à ceux dont il aurait dû bénéficier en France et pour la période postérieure au 26 mars 2012 où la société Enusa a cotisé sur une base inférieure aux salaires réellement versés. Il indique également que pour la période 2012-2014 où Enusa n’a pas cotisé à la CNAV, il subit une décote viagère sur retraite complémentaire en cas de départ avant 67 ans.
La société Enusa fait valoir que cette ‘analyse’ est dénuée de toute force probante, que l’évaluation d’un éventuel préjudice est l’office du juge et non d’un prétendu cabinet d’actuaires dont la qualité et la compétence sont inconnues, qui produit une analyse de 6 pages sur commande et contre rémunération du demandeur à l’instance ; que le cabinet d’actuaires aux termes de son analyse a pris tout ce que ce dernier lui a déclaré pour argent comptant. Elle mentionne l’incompétence notamment juridique du cabinet d’actuaires qui ignore le Règlement (CE) n°883/2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale au sein de l’Union européenne.
La pièce n°59 ‘analyse de la situation retraite’ produite par M. [D] émane d’un cabinet d’actuaires privé ayant agi pour le compte de M [D] sur la base des éléments fournis par ce dernier comme en attestent les termes de l’analyse. Il ne peut avoir la force probante d’un rapport émanant d’un expert indépendant des parties, étant observé que le salarié, assurant les fonctions de directeur administratif, financier et contrôle de gestion, pendant toute la période du détachement, n’a jamais émis la moindre critique ou réclamation sur le système de sécurité sociale dont il dépendait, espagnol puis français.
L’analyse reconnait que la reconstitution des cotisations pour la période du 18 janvier 2007 au 31 décembre 2014 (affiliation à la sécurité sociale) ne peut être réalisée de façon très précise avec les éléments en sa possession.
En outre, il est indiqué sur ce document que M. [D] a payé les cotisations de sécurité sociale espagnole jusque fin 2014, alors même que la société Enusa a rétroactivement payé les cotisations françaises sur la période du 26 mars 2012 au 31 décembre 2014 et ce, sans demander au salarié de corrections rétroactives des cotisations qu’il aurait dû payer en France (116 941 euros), de sorte qu’il a perçu un avantage de salaire sur la période du 26 mars 2012 au 31 décembre 2014 au détriment de la société Enusa.
Il s’en déduit que même si pour la même période 2012/2014 comme l’affirme le salarié, Enusa n’a pas cotisé à la CNAV lui occasionnant un préjudice que le cabinet d’actuaires évalue à 50 728 euros, ce préjudice, à le supposer établi, est largement couvert par le bénéfice salarial obtenu pour la même période.
S’agissant plus généralement de la comparaison entre le système de sécurité sociale espagnol pour les droits à la retraite et le système français, le Règlement (CE) n°883/2004 relatif à la coordination des systèmes de sécurité sociale au sein de l’Union européenne dispose dans ses considérants 13 et 14 :
‘(13) Les règles de coordination doivent assurer aux personnes qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté ainsi qu’à leurs ayants droit et leurs survivants le maintien des droits et des
avantages acquis et en cours d’acquisition.’
‘(14) Ces objectifs doivent être atteints, notamment par la totalisation de toutes les périodes prises en compte par les différentes législations nationales pour l’ouverture et le maintien du droit aux prestations, de même que pour le calcul de celles-ci, ainsi que par le service de prestations aux différentes catégories de personnes couvertes par le présent règlement.’
Le droit aux prestations et leur liquidation sont prévus par les articles 50 ‘dispositions générales’ du chapitre 5 ‘Pensions de vieillesse et de survivant’ et 52 ‘Liquidation des prestations’ du Règlement (CE) n°883/2004.
Est ainsi garanti au travailleur exerçant son droit de circuler librement au sein de l’Union européenne de ne subir, au cours de sa carrière, aucun préjudice financier au moment de la liquidation de ses pensions de retraite.
S’agissant de la retraite de base du salarié, la pension de retraite espagnole sera calculée selon les règles espagnoles et en tenant compte, en application des articles 50 et 52 du Règlement (CE), des périodes de cotisations en France.
De même, les périodes cotisées en Espagne seront prises en compte pour l’ouverture des droits à la retraite du régime de sécurité sociale français et les périodes validées selon la loi espagnole prises en compte pour la détermination du taux applicable au salaire de référence.
S’agissant du salaire de référence, le montant de la pension de retraite du régime de base est légalement plafonné à la moitié du plafond de la sécurité sociale. Au regard des salaires perçus par M. [D], ce dernier percevra le montant plafonné, répondant ainsi à la critique de l’appelant sur une éventuelle prise en compte par l’employeur de salaires d’un montant inférieur à ce qu’il percevait.
S’agissant des retraites complémentaires obligatoires, les périodes cotisées en Espagne seront prises en compte pour l’ouverture des droits à pension de retraite des régimes complémentaires obligatoires français Agirc et Arcco, ces deux régimes de retraite étant entrés dans le champ d’application du Règlement (CEE) n° 1408/71 de la coordination européenne des régimes de sécurité sociale pour les travailleurs migrants et leur famille au 1er janvier 2000, de sorte que les cotisations versées au régime espagnol seront prises en compte lors de la liquidation des pensions de retraite complémentaire obligatoire en France.
Au regard des éléments en présence, il n’est pas justifié d’un préjudice ‘retraite’ que subirait M. [D] par la faute de la société Enusa.
Il sera débouté de sa demande à ce titre.
3- sur les autres demandes
– sur le paiement de la prime Enusa et des congés payés afférents
L’appelant demande dans le dispositif de ses conclusions la condamnation de son employeur à lui payer la somme de 13 700,56 euros au titre de la prime Enusa et 1 370,06 euros au titre des congés payés afférents.
Aux termes du 3ème alinéa de l’article 954 du code de procédure civile, ‘la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.’
En l’espèce, M. [D] ne fournit aucune explication dans les motifs de ses écritures sur cette prime.
La cour n’est donc pas saisie de ces demandes.
– sur les dommages-intérêts pour préjudice moral distinct
L’appelant soutient qu’en raison des manquements graves de l’employeur invoqués dans la prise d’acte de la rupture du contrat de travail, il a subi un préjudice moral distinct des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il fait état de sa rétrogradation de l’amputation de sa rémunération à hauteur de 50%, de sa délocalisation et des pratiques d’une extrême violence lors de la rupture.
La société Enusa fait valoir que la demande est fondée sur les mêmes faits que ceux sur lesquels il a cru pouvoir prendre acte de la rupture du contrat de travail ; qu’elle n’a fait que respecter l’accord de détachement que le salarié avait signé en lui demandant de revenir à Madrid ; que les conditions de son départ n’ont pas été brutales puisqu’il était informé depuis plusieurs mois de la fin du détachement.
En l’espèce, il a été jugé supra que la prise d’acte de la rupture devait s’analyser en une démission et non comme en licenciement sans cause réelle et sérieuse, les manquement allégués relatifs aux modifications apportées à la rémunération, aux fonctions et au lieu d’exécution du contrat de travail, n’ayant pas été retenus.
Le salarié s’appuie sur les mêmes faits l’ayant amené à prendre acte de la rupture du contrat de travail, lesquels n’ont pas été jugés pertinents.
En outre, s’agissant des conditions du départ des locaux de la société Eurodif, outre que la société Enusa ne peut être tenue pour responsable d’un éventuel mauvais comportement de la société Eurodif à l’égard de M. [D], il sera rappelé que le salarié savait depuis à tout le moins le 9 juillet 2014 que son détachement allait prendre fin (pièce n°7 appelant). A l’époque, prévue au 31 octobre 2014, la date de la fin du détachement a été reportée du fait des négociations entre la société Enusa et Eurodif (Areva).
A compter du 31 mai 2017, M. [D] était parfaitement informé qu’il devait quitter le 3 juillet 2017 Eurodif et réintégrer Enusa à Madrid (sa pièce n°8), le contrat de cession d’actions entre Areva et Enusa ayant été signé et devant entrer en vigueur après le conseil de surveillance d’Eurodif prévue au 29 juin 2017.
La date de départ de M. [D] a été simplement reportée de quelques jours, l’agrément du conseil de surveillance pour la cession des actions Enusa entraînant la résiliation du contrat de mise à disposition de 1975, n’étant intervenu que lors de l’assemblée générale ordinaire du 19 juillet 2017 au cours de laquelle le mandat de membre du directoire de M. [D] a été révoqué, conséquence de la résiliation de la convention de 1975.
Au regard de ces éléments, M. [D] ne peut prétendre avoir subi un préjudice moral du fait des conditions de son départ d’Eurodif et de son obligation de réintégrer la société Enusa à Madrid.
Il sera débouté de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral.
– sur la remise des bulletins de salaire et de l’attestation Pôle emploi à l’encontre de la société Enusa
S’agissant des bulletins de salaire de 26 mars 2012 au 31 décembre 2014, il s’agit de bulletins rectifiés selon les cotisations réglées rétroactivement par Enusa à la sécurité sociale française, les bulletins de salaire pour cette période ayant bien été établis et remis à M. [D] sur la base de cotisations payées en Espagne.
Or, il n’est pas contesté que la société Enusa a bien réglé les cotisations à la sécurité sociale en France permettant au salarié de bénéficier d’une pension de retraite sur la base de ces cotisations.
Au regard de l’ancienneté de la période concernée, M. [D], informé du paiement rétroactif par Enusa des cotisations en France depuis 2015, ne justifie pas avoir réclamé à son employeur à l’époque, la remise de bulletins rectifiés.
En outre, il résulte de ce qui précède que les bulletins de salaire devraient, selon l’analyse que produit le salarié (p.5), tenir compte, sur la base des cotisations françaises payées par Enusa rétroactivement, de la correction rétroactive des cotisations que le salarié aurait dû payer en France et qui ne lui ont pas été réclamées par Enusa.
Il en résulte que la demande de M. [D] n’est pas justifiée.
S’agissant de la remise de bulletins de paie sans indication de la période et de l’attestation de Pôle emploi sous astreinte (p.66 des écritures), il sera ordonné à la société Enusa d’établir un bulletin de paie regroupant l’indemnité de congés payés sur la période de travail s’achevant le 19 juillet 2017 et les congés payés sur la rémunération variable et un bulletin de paie pour l’indemnité de congés payés à compter du 20 juillet jusqu’au 18 septembre 2017.
S’agissant de l’attestation Pôle emploi, la prise d’acte de la rupture ayant les mêmes effets que la démission, l’attestation doit notamment porter cette information.
Il sera fait droit à la demande de remise de cette attestation étant observé cependant que la pièce n°66 de l’appelant démontre qu’il est inscrit à Pôle emploi et a perçu des allocations d’aide au retour à l’emploi depuis mars 2018 jusqu’en juin 2021.
Eu égard aux circonstances de l’espèce, ces remises ne seront pas assortiés d’une astreinte.
– sur les intérêts moratoires
Les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes.
En application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil, il y a lieu de préciser que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt.
4- sur la demande de dommages-intérêts formée par la société Orano chimie-enrichissement à l’encontre de M. [D]
L’exercice d’une action en justice de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus de droit que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol ou de légèreté blâmable.
L’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’est pas en soi constitutive d’une faute.
La société Orano chimie-enrichissement venant aux droits de la société Eurodif sera déboutée de sa demande à ce titre.
5- sur les frais irréptibles et les dépens
Il n’a pas été statué par le conseil de prud’hommes ni sur les dépens, ni sur les frais irrépétibles.
L’arrêt de la présente cour du 5 novembre 2020 a réservé les dépens, celui du 24 juin 2021 ayant statué sur la loi applicable et réouvert les débats sur les autres demandes.
M. [D] sera condamné à payer à la société Orano chimie-enrichissement venant aux droits de la société Eurodif la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure de première instance et d’appel.
Il sera débouté de sa demande à ce titre en tant que dirigée à l’encontre de la société Orano chimie-enrichissement venant aux droits de la société Eurodif.
La société Enusa et M. [D] seront déboutés de leurs demandes respectives formées en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [D] sera condamné aux dépens de première instance et d’appel de la société Orano chimie-enrichissement venant aux droits de la société Eurodif,
La société Enusa et M. [D] conserveront chacun la charge de leurs dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Vu les arrêts de la 6ème chambre de la cour d’appel de Versailles du 5 novembre 2020, 24 juin 2021 et 14 avril 2022,
Vu les arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation du 28 septembre 2022 (pourvois n°21-10.274 et n°21-19.106),
Infirme partiellement le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nanterre du 3 septembre 2019 sur le surplus en ce qu’il a statué sur le fond du litige,
Statuant à nouveau sur l’intégralité de ce surplus pour une meilleure compréhension et y ajoutant,
Déboute M. [R] [D] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé dirigée à l’encontre de la société Orano chimie-enrichissement venant aux droits de la société Eurodif et de la société Enusa industrias avanzadas,
Dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par M. [D] a les effets d’une démission à la date du 26 septembre 2017,
Déboute M. [R] [D] de ses demandes d’indemnité de préavis et des congés payés afférents, d’indemnité conventionnelle de licenciement et d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Déboute M. [R] [D] de sa demande d’annulation de la mise à pied du 11 septembre 2017 et de sa demande de rappel de salaire et congés payés afférents relatif à la sanction disciplinaire,
Déboute M. [R] [D] de sa demande de complément de prime de bilan et du bonus annuel de performance et des congés payés afférents,
Condamne la société Enusa industrias avanzadas à payer à M. [R] [D] :
– la somme de 1 371,18 euros à titre de congés payés sur la prime de bilan,
– la somme de 3 091,60 à titre de congés payés sur le bonus annuel de performance,
– la somme de 10 228,25 euros à titre d’indemnité de congés payés pour la période de détachement s’achevant le 19 juillet 2017,
– la somme de 1 223,26 euros à titre d’indemnité de congés payés pour la période du 20 juillet au 18 septembre 2017,
Déboute M. [R] [D] du surplus de ses demandes à ces titres,
Dit que les intérêts au taux légal sur les créances de nature salariale sont dus à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes,
Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt,
Déboute M. [R] [D] de ses demandes d’indemnisation au titre du préjudice ‘retraite’ et du préjudice moral distinct,
Ordonne à la société Enusa industrias avanzadas de remettre à M. [R] [D] :
– un bulletin de salaire récapitulatif relatif à l’indemnité de congés payés due jusqu’à la fin du détachement le 19 juillet 2017 et à l’indemnité de congés payés sur prime de bilan et bonus annuel de performance,
– un bulletin de salaire relatif à l’indemnité de congés payés due du 20 juillet au 18 septembre 2017,
– une attestation Pôle emploi,
Dit n’y avoir lieu à astreinte,
Déboute la société Orano chimie-enrichissement venant aux droits de la société Eurodif de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
Condamne M. [R] [D] à payer à la société Orano chimie-enrichissement venant aux droits de la société Eurodif la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. [R] [D] de sa demande à ce titre à l’encontre de la société Orano chimie-enrichissement venant aux droits de la société Eurodif,
Déboute M. [R] [D] et la société Enusa industrias avanzadas de leurs demandes respectives en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [R] [D] aux dépens de première instance et d’appel de la société Orano chimie-enrichissement venant aux droits de la société Eurodif,
Dit que M. [R] [D] et la société Enusa industrias avanzadas conserveront la charge de leurs propres dépens de première instance et d’appel.
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,