Mannequin / Mannequinat : 2 juin 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 19/03939

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Mannequin / Mannequinat : 2 juin 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 19/03939
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 JUIN 2022

N° RG 19/03939 – N° Portalis DBV3-V-B7D-TQ74

AFFAIRE :

[R] [E]

C/

S.A.S. RENAULT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Octobre 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : E

N° RG : F16/01208

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Sylvie KONG THONG

Me Oriane DONTOT

Me Anne-Christine PEREIRA

Me Christophe DEBRAY

Me David METIN

le : 03 Juin 2022

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [R] [E]

né le 23 Janvier 1957 à [Localité 12] (MAROC)

[Adresse 6]

[Localité 10]

Représenté par : Me Thibaud SAINT SERNIN de la SCP SAINT SERNIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P525,substitué par Me MARION Louis,avocat au barreau de Paris ; et Me Sylvie KONG THONG de l’AARPI Dominique OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0069.

APPELANT

****************

S.A.S. RENAULT

N° SIRET : 780 129 987

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représentée par : Me Nabila EL AOUGRI de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0461 ; et Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617.

SASU SEGULA MATRA AUTOMOTIVE

N°SIRET: 535 318 935

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par : Me Anne-Christine PEREIRA de la SELARL DBC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0180 – N° du dossier [E]

SA ALTEN

N° SIRET : 348 607 417

[Adresse 5]

[Localité 9]

Représentée par : Me Adeline LARVARON de la SELARL LUSIS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0081 ; et Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627.

SAS AVENIR CONSEIL FORMATION

N°SIRET: 402 460 174

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentée par : Me Adeline LARVARON de la SELARL LUSIS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0081 ; et Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627.

Syndicat SUD RENAULT GUYANCOURT AUBEVOYE

[Adresse 1]

Api TCR MOD 023

[Localité 7]

Représenté par : Me David METIN de l’AARPI METIN & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 159.

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 29 Mars 2022, devant la cour composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SAS Renault est spécialisée dans la construction de véhicules automobiles. Elle dispose d’un technocentre, commune de [Localité 7], regroupant toutes les directions nécessaires à la création de nouveaux véhicules, notamment relatives à la recherche, aux études, à la méthode ou au ‘design’ industriel.

La SA Alten est spécialisée dans la réalisation de prestations dans le domaine de l’ingénierie et des technologies avancées. Elle est la société mère du Groupe Alten.

La SAS Avenir Conseil Formation, filiale de la société Alten, est spécialisée dans le conseil, la conduite du changement et l’AMOA (Assistance à Maîtrise d’Ouvrage).

M. [R] [E], né le 23 janvier 1957, a été engagé par contrat de travail à durée déterminée par la société Roptim Axes le 1er juillet 1993 en qualité de technicien méthode informatique . Ce contrat a été transformé en contrat de travail à durée indéterminée en novembre 1993.

Le 1er janvier 2006, M. [E] a été engagé à compter du 1er février 2006 par la société Segula Ingénierie Automobile en qualité de pilote méthodes informatiques, son ancienneté auprès de la société Roptim Axes étant reprise, la convention collective applicable étant celle du personnel des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs conseils et sociétés de conseils (Syntec).

Le 1er juin 2007, le contrat de travail de M. [E] a été transféré au sein de la société Segula Informatique.

Une partie des activités de cette dernière ayant été transférée au sein de la société Segula Matra Technologies laquelle a fait l’objet d’une transmission universelle de patrimoine au profit de la société Segula Matra Automotive à compter du 1er janvier 2016, le contrat de travail de M. [E] a été transféré au sein de cette entité. En dernier lieu, il exerçait les fonctions de pilote d’étude, position 2.3 de la convention collective, coefficient 150, moyennant une rémunération mensuelle brute de 3860,31 euros.

A compter du 15 septembre 2016, M. [E] a été placé en arrêt maladie.

Il a fait l’objet d’un avis d’inaptitude le 28 août 2017.

Par courrier du 18 septembre 2017, la société Segula Matra Automotive a convoqué M. [E] à un entretien préalable fixé au 28 septembre 2017.

Par courrier du 4 octobre 2017, la société Segula Matra Automotive a notifié à M. [E] son licenciement pour inaptitude physique avec dispense de reclassement.

Par requête reçue au greffe le 26 octobre 2016, M. [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Versailles.

Par jugement rendu le 14 octobre 2019, le conseil de prud’hommes de Versailles, section encadrement :

– s’est déclaré incompétent sur les infractions pénales de prêt de main d”uvre illicite, de marchandage et de complicité,

– a déclaré irrecevable la demande du Syndicat Sud Renault Guyancourt-Aubevoye,

– a mis hors de cause les sociétés Alten SIR, Alten SA, Avenir Conseil Formation,

– a déclaré que les conditions nécessaires à la licéité du prêt de main d”uvre sont réunies et que la société Renault n’est pas l’employeur de M. [E],

– a débouté M. [E] de sa demande de nullité de son licenciement au motif d’harcèlement et de manquement à l’obligation de sécurité,

– a débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– a débouté les parties de leur demande respective d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– a laissé les dépens à la charge respective des parties.

M. [E] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 28 octobre 2019.

Par conclusions adressées par voie électronique le 7 mars 2022, M. [E] demande à la cour de : – le déclarer recevable en son appel et bien fondé en ses demandes,

– réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Versailles du 14 octobre 2019 en sa totalité, en ce qu’il :

* s’est déclaré incompétent sur les infractions pénales de prêt de main d”uvre illicite, de marchandage et de complicité,

* a mis hors de cause les sociétés Alten SIR, Alten SA, Avenir Conseil Formation,

* a déclaré que les conditions nécessaires à la licéité du prêt de main d”uvre étaient réunies et dit que la société Renault n’était pas l’employeur de M. [E],

* a débouté M. [E] de sa demande de nullité de son licenciement au motif de harcèlement et de manquement à l’obligation de sécurité,

* a débouté M. [E] de toutes ses demandes,

Statuant de nouveau :

– se déclarer compétent pour juger de la responsabilité des ‘défenderesses’ s’agissant des infractions de prêt de main d”uvre illicite et de marchandage,

En premier lieu,

– constater, dire et juger, que les conditions nécessaires à la licéité du prêt de main d”uvre ne sont pas réunies,

– constater, dire et juger que M. [E] est lié à la société Renault par un contrat de travail indépendant du contrat de travail existant avec la société Segula Matra Automotive,

– constater, dire et juger que la fin de la mission chez Renault datée du 30 septembre 2016 doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– En conséquence, condamner Renault à payer à M. [E] les sommes suivantes :

‘ 24 240 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 2 424 euros de congés payés afférents,

‘ 57 576,61 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

‘ 69 394 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

‘ 24 492 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

En deuxième lieu,

– constater, dire et juger que le licenciement pour inaptitude physique prononcé par la société Segula Matra Automotive est nul en ce qu’il est la conséquence des agissements de harcèlement moral subi par le salarié, ou à défaut sans cause réelle et sérieuse du fait du manquement de la société à son obligation de sécurité,

– En conséquence, condamner la société Segula Matra Automotive à payer à M. [E] les sommes suivantes :

‘ 12 120 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1 212 euros de congés payés afférents,

‘ 69 394 euros à titre d’indemnité pour licenciement illicite ou sans cause réelle et sérieuse,

En troisième lieu,

– constater, dire et juger que M. [E], embauché par la société Segula Matra Automotive, a été privé de tous les avantages sociaux dont il aurait pu bénéficier s’il avait été embauché par la société Renault au sein de laquelle il travaille depuis vingt-trois ans,

– constater que la société Renault a retiré un profit certain de cette fourniture de main d”uvre, puisqu’elle s’est exonérée de tout ou partie du paiement des charges sociales,

– dire et juger, en conséquence, que les délits de prêt de main d”uvre illicite et de marchandage de main d”uvre sont caractérisés, délit dont les sociétés Renault, Alten, Avenir Conseil Formation et Segula Matra Automotive se sont rendues auteurs,

– condamner en conséquence in solidum ou l’une à défaut de l’autre, les sociétés Segula Matra Automotive, Alten, Avenir Conseil Formation et Renault à lui régler la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de marchandage illicite de main d”uvre,

En tout état de cause,

– condamner in solidum ou l’une à défaut de l’autre les sociétés Segula Matra Automotive, Alten, Avenir Conseil Formation à régler la somme de 24 492 euros à M. [E] à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

– condamner Segula Matra Automotive, à régler la somme de 24 492 euros à M. [E] à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité,

– condamner respectivement les sociétés Segula Matra Automotive, Alten, Avenir Conseil Formation et Renault SAS à régler la somme de 5 000 euros à M. [E] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– assortir les condamnations des intérêts au taux légal et prononcer la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

Par conclusions adressées par voie électronique le 22 mars 2022, la société Renault demande à la cour de :

A titre principal

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Versailles en toutes ses dispositions,

En conséquence,

In limine litis

– dire et juger irrecevable l’action du syndicat Sud Renault Guyancourt-Aubevoye,

A titre principal

– dire et juger que la société Renault SAS n’est pas l’employeur de M. [E],

– mettre hors de cause la société Renault SAS,

– débouter M. [E] et le syndicat Sud Renault Guyancourt-Aubevoye de l’ensemble de leurs demandes à l’encontre de la société Renault,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la cour venait à considérer que le prêt de main d”uvre illicite et/ou le marchandage seraient caractérisés et à reconnaître l’existence d’un contrat de travail entre M. [E] et la société Renault,

– limiter le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 14 858,48 euros brute,

– limiter le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 12 246 euros brute,

– fixer les dommages-intérêts qui seraient alloués au titre du prêt de main d”uvre et/ou du marchandage, à de plus justes proportions,

– débouter M. [E] de sa demande au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

En tout état de cause

– condamner M. [E] et le syndicat Sud Renault Guyancourt-Aubevoye à verser chacun à la société Renault la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner solidairement M. [E] et le syndicat Sud Renault Guyancourt-Aubevoye aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Dontot, JRF & Associés, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions adressées par voie électronique le 24 avril 2020, la société Segula Matra Automotive demande à la cour de :

In limine litis,

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Versailles en ce qu’il a déclaré matériellement irrecevables les demandes formulées par M. [E] et le syndicat Sud Renault à l’encontre de la société Segula Matra Automotive du chef de prétendues complicités de délit de « marchandage de main d”uvre » et de délit de prêt de main d”uvre illicite,

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Versailles en ce qu’il a déclaré l’action du syndicat Sud Renault irrecevable au titre de l’article L. 2132-3 du code du travail,

Sur le fond,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Versailles en ce qu’il a débouté M. [E] et le syndicat Sud Renault de leurs demandes de dommages-intérêts au titre d’un délit de prêt de main d”uvre illicite,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Versailles en ce qu’il a débouté M. [E] et le syndicat Sud Renault de leurs demandes de dommages-intérêts au titre d’un délit de « marchandage de main d”uvre »,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Versailles en ce qu’il a débouté M. [E] de l’intégralité de ses demandes irrecevables relatives à son licenciement pour inaptitude, au harcèlement moral et au manquement à l’obligation de sécurité de la société Segula Matra Automotives,

Très subsidiairement si par extraordinaire, la cour venait à entrer en voie de condamnation,

– débouter M. [E] de ses demandes de double indemnisation au titre du harcèlement moral et du manquement à l’obligation de sécurité de la société Segula Matra Automotive,

– fixer les dommages-intérêts qui seraient alloués au titre du prêt de main d”uvre et/ou du marchandage, à de plus justes proportions,

En tout état de cause,

– débouter M. [E] et le syndicat Sud Renault de leurs demandes de capitalisation des intérêts,

– débouter M. [E] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et subsidiairement en réduire le montant,

– condamner M. [E] à payer à la société Segula Matra Automotive la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions adressées par voie électronique le 22 avril 2020, les sociétés Alten et Avenir Conseil Formation demandent à la cour de :

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Versailles en ce qu’il a débouté M. [E] et le syndicat Sud Renault Guyancourt-Aubevoye de l’ensemble de leurs demandes,

En conséquence :

A titre principal :

– déclarer le syndicat Sud Renault Guyancourt-Aubevoye irrecevable,

– mettre hors de cause les sociétés Alten et Avenir Conseil Formation.

A titre subsidiaire :

– juger que les demandes du syndicat Sud Renault Guyancourt-Aubevoye sont infondées,

– juger que les demandes de M. [E] sont infondées,

– débouter le syndicat Sud Renault Guyancourt-Aubevoye de l’ensemble de ses demandes,

– débouter M. [E] de l’ensemble de ses demandes,

En tout état de cause :

– condamner solidairement M. [E] et le syndicat Sud Renault Guyancourt-Aubevoye à verser aux sociétés Alten et Avenir Conseil Formation la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner solidairement M. [E] et le syndicat Sud Renault Guyancourt-Aubevoye aux entiers dépens d’appel.

Par conclusions adressées par voie électronique le 5 mars 2020, le syndicat Sud Renault Guyancourt-Aubevoye demande à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris,

– déclarer le syndicat Sud Renault Guyancourt-Aubevoye recevable et bien fondé en ses demandes,

– dire et juger que les sociétés Renault SAS, Segula Matra Automotive, Alten et Avenir Conseil Formation ont commis un prêt de main d”uvre illicite,

– dire et juger que M. [E], embauché par la société Segula Informatique, a été privé de tous les avantages sociaux dont il aurait pu bénéficier s’il avait été embauché par la société Renault SAS au sein de laquelle il travaille depuis vingt-trois ans,

– dire et juger que les sociétés Renault SAS, Segula Matra Automotive, Alten et Avenir Conseil Formation ont commis un délit de marchandage,

En conséquence,

– condamner solidairement les sociétés Renault SAS, Alten et Avenir Conseil Formation, Segula Matra Automotive à régler au syndicat Sud Renault Guyancourt-Aubevoye les sommes de :

‘ 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de ce prêt de main d”uvre illicite,

‘ 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de ce délit de marchandage,

– condamner solidairement les sociétés Renault SAS, Alten et Avenir Conseil Formation, Segula Matra Automotive à régler la somme de 4 000 euros au syndicat Sud Renault Guyancourt-Aubevoye au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner solidairement les sociétés Renault SAS, Alten et Avenir Conseil Formation, Segula Matra Automotive aux dépens y compris les frais d’exécution de l’arrêt à intervenir.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’audience.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS

– sur la recevabilité du syndicat Sud Renault Guyancourt-Aubevoye

Aux termes de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Aux termes de l’article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels peuvent devant toutes les juridictions exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.

Le syndicat Sud Renault Guyancourt-Aubevoye s’est en l’espèce porté intervenant volontaire à l’action engagée par M. [E] afin de contester une situation de marchandage et de prêt de main d’oeuvre illicite par la société Renault, la société Segula Matra Automotive, la société Alten et la société Avenir Conseil Formation (ACF).

Compte tenu de l’atteinte à l’intérêt collectif de la profession dès lors en jeu, son action doit être déclarée recevable étant observé que conformément à ses statuts ( article 3), le syndicat ‘rassemble et organise les travailleurs et travailleuses de l’établissement de [Localité 11] et de la sous-traitrance et des services qui s’y rattachent et cela sur tout son périmètre’.

– sur la compétence de la juridiction prud’homale

La juridiction prud’homale peut être saisie d’une demande en réparation de son préjudice par un salarié qui aurait été victime des infractions prévues aux articles L. 8241-1 et L. 8231-1 du code du travail.

L’exception d’incompétence de ce chef sera donc écartée.

– sur la demande de M. [E] visant à voir reconnaitre un prêt de main-d”uvre illicite et l’existence d’un contrat de travail avec la société Renault

M. [E] fait ici valoir que tout en étant officiellement salarié de la société Segula Matra Automotive , il a travaillé au sein de la société Renault pendant 23 années sous couvert d’une mission d’assistance IAO, que cette mission consistait en une assistance des utilisateurs de logiciels techniques, que la société Renault en a défini les termes et les objectifs dès le début de la relation contractuelle, qu’au dernier état de la relation, il assurait une prestation de support technique sur une application spécifique de la société Renault dénommée GEOM dont le but était de regrouper des données techniques et qui était utilisée par ses salariés lesquels le formaient et avec lesquels il travaillait.

Il explicite qu’il a été affecté en dernier lieu au support de l’application GEOM en remplacement de M [M], salarié de la société Renault , expert sur l’application et qui avait fait part de son souhait de partir en mobilité, qu’il a été ainsi affecté à une équipe support GEOM constituée d’une majorité de salariés Renault, qui effectuait des missions de résolution des incidents rencontrés par les utilisateurs Renault sur cette application lesquels s’adressaient indifféremment aux salariés Renault ou à lui-même. Il observe qu’il aurait été possible à la société Renault de se contenter de compétences en interne alors qu’il n’apportait aucune technicité propre, aucun savoir-faire ou expertise spécifique dont ne disposait pas la société.

M. [E] ajoute qu’il était parfaitement intégré au sein de la société Renault , faisant notamment partie de la liste des salariés déclinés dans l’annuaire de l’entreprise. Il vise qu’il ne disposait d’aucun encadrement de la part de la société Segula Matra Automotive dans le cadre de sa mission, qu’il devait d’ailleurs s’accorder avec ses collègues sur la pose de ses congés. Il observe que la rémunération de sa prestation n’était pas établie forfaitairement et en fonction de son activité et de son temps de présence auprès de la société Renault.

Eu égard à la caractérisation d’un prêt de main-d”uvre illicite, il demande de voir requalifier sa prestation auprès de la société Renault en contrat de travail compte tenu d’un lien de subordination à son égard et du caractère artificiel de la relation contractuelle affichée avec la société Segula Matra Automotive.

Il en déduit le caractère nécessairement abusif de la rupture en l’absence de toute procédure de licenciement de la part de la société Renault .

La société Renault fait au contraire valoir qu’elle a fait appel à la société Alten afin de résoudre des incidents pouvant intervenir sur l’application informatique GEOM, laquelle est utilisée en interne dans la filière géométrie/mesures et a pour but de regrouper les données techniques et de permettre l’étude et la réalisation des moyens de contrôle et d’assemblage, la spécification des mesures pour les pièces nues et assemblées, le transfert des données vers les systèmes de contrôle, l’exploitation graphique des résultats de mesures sur le périmètre monde, inter- usines et le partage des données avec les fournisseurs/intégrateurs.

Elle met l’accent sur la spécificité des prestations déclinées dans les différents cahiers des charges communiqués et précise que l’outil IAO (ingénierie assistée par ordinateur) est utilisé par les ingénieurs pour dessiner des voitures en 3D et que sa gestion nécessite d’avoir recours à des prestataires dans un domaine excédant ses compétences et afin de gérer les incidents rencontrés sur cet outil.

Elle observe que dans le cadre de la sous-traitance à la société Segula de la prestation de services, M. [E] a effectué des fonctions précisées dans les ordres de mission, consistant en l’assistance ‘IAO géométrie’ sur le logiciel Renault GEOM lequel regroupait des données sur les véhicules, l’appelant qui avait des compétences en ingénierie ayant pour travail de résoudre les incidents rencontrés par les salariés de la société Renault qui utilisaient ce logiciel en assistant les utilisateurs sur tous les aspects fonctionnels et méthodologiques, en étant chargé d’un tutorat ponctuel sur des sujets spécifiques à l’outil et devant faire remonter les bugs à corriger et les demandes d’amélioration après récupération de données géométriques en anomalie, M. [E] étant le seul à pouvoir résoudre de tels incidents.

Elle ajoute que le prix des prestations confiées était bien forfaitaire et s’oppose à tout lien de subordination de M. [E] à son égard alors que l’intégralité de ses interventions s’est inscrite dans le cadre du contrat de prestation de services, que le salarié était encadré quotidiennement par la seule société Segula Matra Automotive qui avait un pouvoir de sanction à son égard.

Elle retient que pendant toute la durée de ses missions, M. [E] est ainsi resté exclusivement sous la subordination de la société Segula Matra Automotive et plus précisément sous l’autorité de son supérieur hiérarchique, M. [S] [A] tandis que sa mission a pris fin le 30 septembre 2016 à la demande de la société Segula Matra Automotive .

Sur ce,

L’article L. 8241-1 du code du travail dispose que ‘toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’oeuvre est interdite.

Toutefois, ces dispositions ne s’appliquent pas aux opérations réalisées dans le cadre :

1° Des dispositions du présent code relatives au travail temporaire, aux entreprises de travail à temps partagé et à l’exploitation d’une agence de mannequins lorsque celle-ci est exercée par une personne titulaire de la licence d’agence de mannequin ;

(…) Une opération de prêt de main-d”uvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition’.

Sont ainsi prohibées les opérations qui se présentent comme des prestations de services ou des sous-traitances alors qu’en réalité elles dissimulent une mise à disposition à but lucratif de salariés hors des cas permis par la loi.

Les critères permettant tout particulièrement de distinguer les opérations licites des opérations illicites sont le maintien ou non du lien de subordination avec l’entreprise d’origine du salarié, le fait que la mise à disposition du salarié soit ou non à prix coûtant ou encore qu’elle soit forfaitaire ou au temps passé par le salarié mis à disposition, le fait que le salarié mis à disposition exerce ou non une activité spécifique distincte de celle de l’entreprise bénéficiaire de son travail et qu’il lui apporte ou non un savoir-faire particulier.

La cour observe qu’en l’espèce le salarié tout en faisant état d’un prêt illicite de main d’oeuvre ne demande pas de façon autonome de dommages et intérêts de ce fait mais sollicite , compte tenu du lien de subordination invoqué vis à vis de la société Renault dans ce cadre, de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner notamment cette société au titre du travail dissimulé.

Les pièces produites justifient pour leur part d’un contrat entre la société Renault et la société Alten SA en date du 1er septembre 2014 aux termes duquel cette dernière doit assurer les prestations techniques suivantes: ‘analyse et traitement des incidents IAO à distance, gestion des évolutions des processus et des systèmes d’information (intervention à distance, intervention au poste de travail informatique, gestion des évolutions des processus et des systèmes d’information, support à l’utilisation en vie série), support à l’utilisation de l’application NewPDM, support à l’utilisation de l’application CAPOL, support à l’utilisation de SISPEO, process simulate’.

Les cahiers des charges ‘prestations’ 2010 à 2016 produits par la société Renault ( ses pièces n°1) précisent que le processus de traitement des incidents IAO s’effectue sur le périmètre technique ingénierie, les centres de développement et l’ingénierie décentralisée France, que ces incidents sont déclenchés par escalade via le système de traitement des incidents Renault ‘Chipre’ et par téléphone, pour une résolution en ligne ou pour une intervention sur le poste informatique pour les sites Renault France.

Il y est mentionné que des modules de formation seront accessibles à la société de prestation afin de s’approprier les modes opératoires, les méthodologies métiers associées ainsi que l’usage des systèmes d’informations nécessaires à la bonne conduite de la réalisation de sa prestation, le cahier des charges 2016 continuant de faire état de formations aux outils spécifiques Renault nécessaires à l’exécution de la prestation.

Il est également mentionné que la société de prestation fera respecter par ses salariés les règles d’hygiène et de sécurité du règlement intérieur des sites Renault sur lesquels ils sont susceptibles d’évoluer , que la société de prestation s’engage à respecter l’organisation du travail, les horaires d’ouverture des sites, ainsi que le règlement intérieur à l’exclusion des dispositions relatives à la procédure disciplinaire. Il est spécifié que le personnel détaché par la société de prestation demeure hiérarchiquement lié à sa société d’origine pour l’ensemble de la durée de la prestation, celle-ci désignant un responsable sur site sous la responsabilité duquel le personnel détaché effectuera la prestation décrite dans le cahier des charges.

Des avenants de commandes produits permettent de retenir l’existence de cette prestation d’assistance IAO DM en 2001.

Le renouvellement des commandes Renault auprès de la société Alten pour l’année 2016 est encore attesté au regard de son besoin de ‘sous-traitance DIPA Centrale sur l’activité de support IAO des SI process’ tandis que la proposition technique et financière 2016 entre la société Renault et la société Alten décline ( pièce 3 de la société Alten) des prestations identiques à celles visées dans le contrat du 1er septembre 2014 en énonçant concrètement que le traitement des incidents IAO ingénierie s’effectue par le biais d’une permanence assurée par des techniciens Alten/Avenir Conseil Formation (ACF) répondant à toutes les sollicitations du monde Renault, prenant successivement les fonctions de permanenciers, back office niveau 2 et technicien de proximité, cette permanence étant constituée de 7 front office renforcés par un pool support prenant en charge les incidents nécessitant un temps de résolution trop longs ou des incidents de niveau II.

Il est dans le même temps justifié au regard des pièces produites que la société ACF a réglé à la société Segula Matra Automotive des prestations de support IAO chez Renault avec la mise à disposition de trois intervenants à compter de 2010, des factures étant encore émises après le licenciement de M. [E] intervenu le 4 octobre 2017 ( facture de janvier 2018 pièce n°8 des sociétés Alten et ACF).

Les pièces par ailleurs produites justifient de la qualification technique de M. [E] en qualité de pilote études et d’ordres de mission qui lui sont délivrés par la société Segula Matra Automotive en vue d’une assistance IAO Géométrie ce, sous la responsabilité, en dernier lieu, de M [A], salarié de la société Segula Matra Automotive , la pièce 8 communiquée par le salariée restant insuffisante pour justifier de la définition de ses missions par la seule société Renault en 1995 alors qu’elle s’inscrit au contraire dans l’exécution d’un contrat de prestation de service avec la société Roptim Axes.

Le fait pour l’intéressé d’être intégré dans une équipe GEOM Support n’est pas suffisant pour remettre en cause la spécificité de son travail.

En effet, la cour observe que si la participation de M. [E] au projet GEOM est actée dans des comptes-rendus de réunions (ses pièces 23), ces comptes rendus déclinent la répartition des tâches de chacun des participants en fonction de ses compétences et sans qu’il ne puisse être relevé d’interchangeabilité des tâches de l’intéressé avec celles confiées à des salariés de la société Renault.

La distinction des fonctions se déduit d’ailleurs de l’attestation de M. [Y], responsable informatique au sein de la société Renault ( pièce 38 de l’appelant), lequel mentionne que M. [E] n’a jamais eu l’occasion de modifier le logiciel GEOM, cette responsabilité incombant aux seules équipes de développement Renault, M. [Y] n’évoquant d’ailleurs que la ‘collaboration étroite’ de M. [E] avec M. [D] et M. [Z] , salariés Renault et membres de l’équipe GEOM, sans viser leur interchangeabilité.

M. [V], retraité, fait état pour sa part de la transmission de son ‘savoir faire ‘Cascade” par M. [E] à un collègue Segula et se limite à émettre son opinion personnelle selon laquelle ‘Renault aurait pu se contenter de compétences en interne et se passer de ses services’

Les courriels professionnels produits ( pièces 20 et 21 du salarié) permettent pour leur part de retenir que M. [E] répondait à des questions techniques portant sur des incidents IAO ingénierie qui lui étaient, dans leur très grande majorité, adressées directement par les utilisateurs de l’application , certaines questions étant également posées à M. [E] par des membres de l’équipe GEOM à l’instar de M [D], dans des courriels des 23 août et 9 septembre 2016.

En ce sens, M. [Z] , salarié Renault, met notamment l’accent dans un courriel du 6 décembre 2012 sur le fait que ‘[R] [E] ( après beaucoup d’efforts et de temps passé) a trouvé les origines du problème’ ce qui justifie de l’apport technique spécifique de l’intéressé.

La cour relève également que le prix des prestations est forfaitaire ainsi qu’en justifient les bons de commande produits, sans référence aux coûts salariaux supportés par la société prestataire, ni aux heures de travail de M. [E] .

S’agissant du transfert du lien de subordination, la cour observe ici qu’aucune pièce ne vient justifier du contrôle de l’activité de M. [E] par la société Renault ni d’instructions ou d’objectifs donnés par cette dernière dépassant la coordination nécessaire à la conduite de projets.

Les pièces communiquées tant par le salarié que par la société Segula Matra Automotive justifient de la délivrance de ses bulletins de paie et de ses ordres de mission par la société Segula Matra Automotive , des entretiens d’évaluation opérés par cette dernière, des comptes rendus d’activité du salarié auprès de celle-ci, de ses demandes de congés par son intermédiaire et de la gestion de sa mission par M. [S] [A], salarié de la société Segula Matra Automotive , lequel l’informe le 6 septembre 2016 de la fin de cette dernière, le salarié étant convoqué à cette occasion par Mme [N], responsable des ressources humaines de la société Segula Matra Automotive le 29 septembre 2016.

Ces éléments conduiront à confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a écarté les moyens de M. [E] relativement au prêt de main d’oeuvre illicite et à l’existence d’un contrat de travail vis à vis de la société Renault et en ce qu’il a rejeté les demandes subséquentes y compris celle relative au travail dissimulé.

– sur le délit de marchandage

Le marchandage est défini à l’article L.8231-1 du code du travail comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail.

Sachant que les éléments constitutifs d’un prêt illicite de main d’oeuvre n’ont pas été ici retenus, qu’en outre le salarié ne détaille, dans le cadre d’une analyse comparée, les éléments constitutifs d’un quelconque préjudice, la demande de ce chef doit être écartée par confirmation du jugement entrepris.

– sur la mise hors de cause des sociétés Alten et Avenir Conseil Formation

Par confirmation du jugement entrepris, il sera fait droit à cette demande au regard du rejet des demandes de M. [E] fondé sur le prêt de main d’oeuvre illicite et le marchandage.

– sur le licenciement pour inaptitude prononcé par la société Segula Matra Automotive

M. [E] fait ici état du harcèlement moral et du manquement à l’obligation de sécurité à l’origine de la dégradation de son état de santé et de l’inaptitude consécutive ayant fondé son licenciement.

La société Segula Matra Automotive oppose en premier lieu à l’intéressé l’irrecevabilité de ses demandes compte tenu de leur caractère nouveau.

Cependant si aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait, la cour observe que les demandes de nullité du licenciement pour inaptitude physique ou à défaut pour défaut de cause réelle et sérieuse du fait du manquement à l’obligation de sécurité figurent bien au nombre des demandes de M. [E] devant le conseil de prud’hommes de Versailles.

La fin de non-recevoir opposée doit donc être rejetée.

Sur le fond, M. [E] fait valoir qu’il a été mis en difficulté au début de l’année 2016 du fait d’un conflit existant entre la société Alten et la société Segula Matra Automotive laquelle tentait d’obtenir de la première une augmentation de salaire pour ses deux salariés en mission auprès de la société Renault ce qui a abouti à mettre fin à sa mission et à le voir remplacer par un salarié plus jeune et moins cher identifié dès janvier 2016 en la personne de M. [K].

Il retient également qu’à son retour de congés en août 2016, il a compris que les deux sociétés s’étaient en fait entendues pour organiser son départ. Il s’oppose à la thèse de la société Segula Matra Automotive selon laquelle il aurait souhaité se faire engager directement par la société Alten alors même que le 8 septembre 2016, M. [A] lui a notifié la fin de sa mission au 30 septembre sans aucun motif.

Il fait état de la dégradation de son état de santé et de ses arrêts maladie à compter du 15 septembre 2016 ayant abouti à son licenciement pour inaptitude le 4 octobre 2017.

S’agissant de l’obligation de sécurité, M. [E] relève que la société Segula Matra Automotive n’a sciemment pris aucune mesure permettant que les agissements de harcèlement moral cessent.

La cour observe ici que tout en invoquant le harcèlement moral dont la société Segula Matra Automotive aurait été l’auteur, M. [E] n’en demande pas moins la condamnation in solidum de la société Alten, de la société Segula Matra Automotive, de la société Renault et de la société Avenir Conseil Formation à des dommages et intérêts de ce fait.

Il est rappelé qu’aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L. 1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à celui ci.

En l’espèce , le courriel du 8 septembre 2016 de M. [A] énonçant à M. [E] : ‘ bonjour, suite à une conversation, je te confirme les points suivants :-arrêt de la prestation d’assistance IAO avec Avenir Conseil au 30 septembre, recherche d’une nouvelle prestation déjà énoncée auprès du pôle process pour une mission similaire, transmission par tes soins de toutes les informations et dossiers relatifs à des missions dès à présent et jusqu’à la fin du mois de septembre à notre client Avenir Conseil (…)’ ne saurait traduire une volonté de la société Segula Matra Automotive de porter atteinte aux droits, à la santé ou l’avenir professionnel du salarié alors même que la société lui fait part de la recherche d’une nouvelle prestation pour une mission similaire et justifie d’ailleurs à cet égard de sa convocation à un entretien avec Mme [N], responsable des ressources humaines, le 29 septembre 2016.

M. [Y], dans son courrier du 23 septembre 1016 et M. [V], dans son attestation, se limitent à énoncer le harcèlement moral dont M. [E] serait victime de la part des responsables de la société Segula Matra Automotive sans autre mention qu’une pression morale laquelle n’est pas circonstanciée.

L’attestation du docteur [P] , psychiatre, en date du 18 juillet 2017 fait uniquement référence aux dires de l’intéressé relativement au lien entre son état de santé et ses conditions de travail.

Il s’ensuit qu’en l’état des explications et des pièces fournies, la matérialité d’éléments de faits précis et concordants laissant supposer, dans leur ensemble, l’existence d’un harcèlement moral n’est pas démontrée.

Les éléments du débat ne permettant pas d’établir un lien entre des faits de harcèlement dont le salarié aurait été victime et l’inaptitude constatée le 28 août 2017, la nullité du licenciement intervenu le 4 octobre 2017 sera donc écartée par confirmation du jugement entrepris.

S’agissant de la violation de l’obligation de sécurité, la cour observe que le salarié était, durant sa mission, en contact permanent avec la société Segula Matra Automotive laquelle en opérait la gestion.

Il n’est pas justifié dans ce cadre de requêtes ou d’alertes du salarié sur sa situation au sein de la société Renault et d’un manque de vigilance de la société Segula Matra Automotive dans ces conditions.

Les demandes de M. [E] tendant à remettre en cause le bien-fondé de son licenciement pour inaptitude seront donc rejetées par confirmation du jugement entrepris de même que ses demandes indemnitaires pour harcèlement moral ou manquement à l’obligation de sécurité.

Le rejet des demandes de M. [E] conduira à rejeter celles du syndicat Sud Renault Guyancourt-Aubevoye à défaut d’une atteinte portée à l’intérêt collectif de la profession.

Il sera statué sur les dépens et frais irrépétibles dans les termes du dispositif.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il a dit irrecevable l’action du syndicat Sud Renault Guyancourt-Aubevoye et s’est déclaré incompétent pour statuer sur les infractions pénales de prêt de main d’oeuvre illicite, de marchandage et de complicité ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

SE DECLARE compétente,

REJETTE la fin de non recevoir opposée par la société Segula Matra Automotive relativement aux demandes nouvelles ;

REJETTE les demandes fondées sur le prêt de main d’oeuvre illicite et le marchandage ;

REJETTE les demandes de M. [R] [E] relatives au licenciement ;

REJETTE les demandes du syndicat Sud Renault Guyancourt-Aubevoye ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

DIT n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [R] [E] aux dépens qui seront recouvrés pour la part lui revenant par Maître Dontot, JRF & Associés, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code procédure civile et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président, et par Madame BOUCHET-BERT Elodie,Greffière,auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

 


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