Mannequin / Mannequinat : 14 juin 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 19/03515

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Mannequin / Mannequinat : 14 juin 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 19/03515
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ARRÊT N°

R.G : N° RG 19/03515 – N° Portalis DBVH-V-B7D-HPHO

EM/DO

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D’AVIGNON

16 août 2019

RG:16/1296

CPAM DE VAUCLUSE

C/

Association CENTRE SOCIAL ET CULTUREL L’ESPELIDO

[O]

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 14 JUIN 2022

APPELANTE :

CPAM DE VAUCLUSE

7 Rue François 1er

84043 AVIGNON CEDEX 9

représentée par M. [V] en vertu d’un pouvoir général

INTIMÉS :

Association CENTRE SOCIAL ET CULTUREL L’ESPELIDO

20, Cours des Frères Folcoaud

84140 MONTFAVET

représentée par Me Hélène BOUT, avocat au barreau d’AVIGNON,

représentée par Me Georges POMIES RICHAUD, avocat au barreau de NIMES

Monsieur [K] [O]

9 Grand Rue

84470 CHATEAUNEUF DE GADAGNE

représenté par Me Philippe MOURET, avocat au barreau d’AVIGNON

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 945-1 du code de Procédure Civile, sans opposition des parties.

Elle en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l’audience publique du 05 Avril 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 14 Juin 2022

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 14 Juin 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

M. [K] [O], salarié de l’association centre culturel l’Espelido depuis le 18 mai 1993 et directeur du centre en 2014, a établi une déclaration d’accident de travail le 11 janvier 2016 qui mentionnait un accident survenu le 08 décembre 2014 à 09h30 sur son lieu de travail et au temps de travail, dans les circonstances suivantes ‘découverte sur le site d’un cadavre (personne immolée)’.

Le 08 décembre 2014, un avis d’arrêt de travail initial pour maladie établi par le docteur [T] [E], remplaçant du docteur [F], prescrivait un arrêt de travail au bénéfice de M. [K] [O] jusqu’au 19 décembre 2014.

Le 08 décembre 2014, le docteur [H] (‘) remplaçant du docteur [F] établissait un duplicata d’un certificat médical initial qui mentionnait ‘stress post traumatique avec crise de panique, oppression thoracique, céphalées, tachycardie’, et prescrivant un arrêt de travail jusqu’au 19 décembre 2014.

Le 25 décembre 2014, le docteur [T] [E] établissait un certificat médical de rechute du se rapportant à un accident de travail survenu le 04 juin 2010.

Le 30 janvier 2015 docteur [T] [E] établissait un certificat médical de rechute et mentionnait au titre des constatations détaillées ‘anxiété, attaques de panique, décès le 08/12/2014 d’une personne sur le lieu de travail’.

Le 05 novembre 2015, le docteur [X] [F] établissait un certificat médical initial relatif à un accident de travail du 08 décembre 2014 (avec mention manuscrite suite réclamation du 10/11/2015) qui mentionnait ‘choc post traumatique avec crise de paniques, pression thoracique, céphalées, tachycardie devant découverte d’un des adhérent immolé sur lieu de travail’ et portant la mention manuscrite ‘duplicata du certificat du 8/12/2014″.

Après avoir mené une enquête, la caisse primaire d’assurance maladie de Vaucluse a décidé le 04 avril 2016 de prendre en charge cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

Contestant cette décision, l’association centre social et culturel l’Espelido a saisi la commission de recours amiable de la caisse primaire d’assurance maladie laquelle a rejeté son recours par décision du 26 juillet 2016.

L’association centre social et culturel l’Espelido a saisi par courrier du 29 septembre 2016 le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vaucluse d’un recours contre cette décision.

Suivant jugement du 16 août 2019, le tribunal de grande instance d’Avignon, contentieux de la protection sociale, désormais compétent pour statuer sur ce litige a :

– infirmé la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire d’assurance maladie de Vaucluse du 26 juillet 2016 notifiée le 29 juillet 2016,

– dit que les conséquences de l’accident survenu le 08 décembre 2014 pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la caisse primaire d’assurance maladie de Vaucluse ne sont pas opposables à l’association l’Espelido,

– débouté la caisse primaire d’assurance maladie de Vaucluse et M. [K] [O] de l’intégralité de leurs demandes,

– condamné la caisse primaire d’assurance maladie de Vaucluse au paiement des entiers dépens de l’instance.

Suivant courrier envoyé le 29 août 2019, la caisse primaire d’assurance maladie de Vaucluse a régulièrement interjeté appel de cette décision (recours RG 19/03515).

Suivant déclaration envoyée par voie électronique le 06 septembre 2019, M. [K] [O] a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 20 août 2019 (recours RG 19/0577).

Par ordonnance du 25 octobre 2019, les deux procédures ont été jointes.

L’affaire a été fixée à l’audience du 05 avril 2022 à laquelle elle a été retenue.

Suivant conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l’audience auxquelles il convient de se reporter pour connaître les moyens développés par la caisse primaire d’assurance maladie de Vaucluse à l’appui de ses prétentions, la caisse demande à la cour de :

– infirmer le jugement critiqué,

Statuant de nouveau,

– dire et juger que l’accident survenu le 08 décembre 2014 à M. [K] [O] est bien un accident de travail,

– dire et juger opposable au centre social et culturel l’Espelido l’accident du travail ainsi survenu le 08 décembre 2014 à M. [K] [O],

– débouter le centre social et culturel l’Espelido de l’intégralité de ses demandes.

Suivant conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l’audience auxquelles il convient de se reporter pour connaître les moyens développés par M. [K] [O] à l’appui de ses prétentions, le salarié demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal de grande instance d’Avignon du 16 août 2019,

– dire et juger que la reconnaissance du caractère professionnel de l’accident du 08 décembre 2014 lui est acquise,

En tout état de cause,

– débouter l’association centre social et culturel l’Espelido de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– dire et juger que l’arrêt de travail du 08 décembre 2014 est bien un accident de travail,

– en tirer toutes les conséquences,

– déclarer la décision à intervenir commune et opposable à la caisse primaire d’assurance maladie de Vaucluse,

– condamner l’association centre social et culturel l’Espelido à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Suivant conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l’audience auxquelles il convient de se reporter pour connaître les moyens développés par l’association centre social et culturel l’Espelido à l’appui de ses prétentions, l’association demande à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement du contentieux de la protection sociale prononcé par le tribunal de grande instance d’Avignon le 16 août 20196 infirmant la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire d’assurance maladie de Vaucluse du 26 juillet 2016 notifiée le 29 juillet 2016,

– confirmer que la décision de reconnaissance de l’accident du travail par la caisse primaire d’assurance maladie de Vaucluse le 04 avril 2017 (sic) n’est pas justifiée,

– dire que les conséquences de l’accident survenu le 08 décembre 2014 pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la caisse primaire d’assurance maladie de Vaucluse ne lui sont pas opposables,

– débouter en conséquence la caisse primaire d’assurance maladie de Vaucluse et M. [K] [O] de leur appel,

– les condamner au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens de parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l’audience.

MOTIFS :

En premier lieu, il convient de constater que M. [K] [O] a établi une déclaration d’accident de travail dans le délai légal de deux ans, la déclaration est datée du 11 janvier 2016 et a été reçue par la caisse primaire d’assurance maladie de Vaucluse le 12 janvier 2016 comme il est indiqué dans un courrier du 14 janvier 2016 adressé à M. [I] [L], conformément à l’article L441-2 du code de la sécurité sociale qui stipule que ‘ l’employeur ou l’un de ses préposés doit déclarer tout accident dont il a eu connaissance à la caisse primaire d’assurance maladie dont relève la victime selon des modalités et dans un délai déterminés. La déclaration à la caisse peut être faite par la victime ou ses représentants jusqu’à l’expiration de la deuxième année qui suit l’accident.’.

Selon l’article L411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.

L’accident de travail se définit comme un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail dont il est résulté une lésion corporelle quelle que soit la date d’apparition de celle-ci.

Il appartient à la victime d’apporter la preuve de la matérialité de la lésion pour obtenir le bénéfice de la réparation et cette preuve peut être établie par tout moyen.

L’accident survenu alors que la victime était au temps et au lieu de travail est présumé imputable au travail.

Cette présomption ne tombe que si l’employeur établit que la cause de l’accident est totalement étrangère au travail.

En l’espèce, les circonstances de l’accident allégué par M. [K] [O] peuvent être déterminées au vu de :

– la déclaration d’accident de travail établie par M. [K] [O] le 11 janvier 2016 qui mentionne un accident survenu le 08 décembre 2014 à 09h30, dans les jardins familiaux pédagogiques du centre social et culturel de l’Espelido, sur le lieu habituel de travail, pendant ses horaires de travail fixés ce jour de 09h00 à 13h00 puis de 14h00 à 18h00, constaté par l’employeur le 08 décembre 2014, les circonstances ‘découverte sur le site d’un cadavre (personne immolée)’, la nature et le siège des lésions ‘choc traumatique’, ‘crise d’angoisse panique, malaise, tachycardie’, qui indique que la victime a été transportée à son domicile, et qui désigne M. [I] [L] en qualité de témoin,

– le questionnaire de la caisse primaire d’assurance maladie renseigné par l’assuré selon lequel ‘le 08/12/2014 à 9h30, nous sommes informés par deux adhérents du centre…d’un incident sur le site les Jardins familiaux ; je me rends aussitôt, avec M. [I] [L], sur place où nous découvrons une scène maccabre : un corps immolé attaché à un poteau; nous alertons immédiatement la police nationale qui nous retiendra sur le lieu pendant près de 2h pour les besoins de l’enquête’ ; la nature et le siège des lésions sont désignés ainsi ‘stress traumatique avec crises d’attaques de panique, céphalée, tacchycardie et oppression thoracique’,

– un courrier de l’employeur du 05 évrier 2016 qui indique ‘…aucun accident de travail n’a été déclaré ou constaté dans notre structure le 08 décembre. Il nous est donc impossible de reconnaître un accident de travail à M. [K] [O]. Le 09 novembre 2014, nous avons reçu de sa part, non pas un certificat d’arrêt de travail pour accident, mais pour maladie qui a été traité normalement par le service administratif ; nous pouvons seulement témoigner de l’événement dramatique évoqué par M. [K] [O] ce 8 décembre . Un corps carbonisé a été découvert le matin par des jardiniers, M. [K] [O] est arrivé ensuite comme d’autres personnes. Celles-ci ont pu être choquées par la vue du corps. Cela a été, sans doute, le cas de M. [K] [O] . Cependant, aucun salarié n’était obligé de rester présent sur ce lieu où il n’y avait malheureussement plus rien à faire. M. [K] [O] n’a eu aucun malaise, il n’a pas été ramené chez lui. Il s’est ensuite rendu normalement avec la vice-présidente de l’association à la rencontre organisée dans nos locaux avec Mme le secrétaire d’Etat…Nous vous avions fait part de notre étonnement concernant ce duplicata d’arrêt de travail pour accident de travail (coché initial) postdaté du 05/11/2015, soit 11 mois après les faits, celui-ci ne correspondant pas aux différentes pièces qui avaient été remises précédemment par le salarié…’,

– un courrier rédigé par M. [I] [L], directeur adjoint du centre, qui mentionne ‘..Le 08 décembre à 08h30, nous étions, M. [K] [O], Mme [U] vice présidente et moi-même en réunion au siège de l’Espelido…vers 09h la secrétaire…a reçu un appel en provenance du jardinier sur le site des Jardins familiaux de Favet qui faisait état de reste d’un feu dans l’enceinte des jardins. Vers 09h15, M. [M] est revenu au siège en nous indiquant que l’incident présentait un caractère très anormal… M. [K] [O] et moi-même avons décidé de nous rendre sur le site accompagnés de M. [M]. Sur place, nous avons…constaté la présence d’un corps humain…nous avons appelé immédiatement la police. Les premiers agents qui sont arrivés ont confirmé qu’il s’agissait d’un corps humain…Nous avons dû attendre 11h00 pour que le procureur nous autorise à partir…La réunion s’est très bien déroulée.Nous avons quitté les lieux vers 13h00 M. [K] [O] et moi-même sommes rentrés chez nous…Au moment de nous rendre au commissariat M. [K] [O] m’a demandé si ça me gênait de m’y rendre seul, et m’a demandé de le raccompagner chez lui. Ce que j’ai fait…Durant le trajet nous avons échangé sur ce que nous avions vécu et avons tenté de comprendre ce qui avait pu se passer aux jardins…’,

– un courrier rédigé par Mme [G] [U] qui indique ‘…à son retour (l’agent d’entretien des bâtiments de l’association) nous apprenons que le feu présente un caractère insolite. [I] [L] m’informe par téléphone ce que les jardiniers avaient pensé être au départ un mannequin, était en fait un corps humain calciné…Une fois la réunion terminée, nous échangeons sur la gravité de l’événement qui avait perturbé le déroulement de la matinée. Avant de prendre congé…je préconise la mise en place d’un soutien psychologique. Ce qui sera …proposé à tous les personnels qui le souhaitent…Deux jours plus tard, je suis informée d’un arrêt de travail pour maladie de M. [K] [O] . Ce dernier ne m’avise nullement d’un accident de travail’,

– le rapport d’enquête administrative qui mentionne ‘…aux alentours de 15h30/16h00, alors qu’il (M. [K] [O]) est interrogé par les policiers, il a eu une information concernant l’identité probable de la victime. Il semblait qu’il s’agissait d’un adhérent de l’association avec qui il s’était entretenu quelques jours auparavant. Lorsque les policiers lui ont demandé de les accompagner jusqu’à l’hôtel de police pour recueillir sa déposition, il leur a déclaré qu’il ne se sentait pas bien. M. [L] a alors reconduit M. [K] [O] à son domicile et il est allé ensuite à l’hôtel de police pour y être auditionné en qualité de témoin; M. [K] [O] est allé consulter un médecin aux alentours de 17h00. Il a dans un premier temps été arrêté en maladie…son médecin traitant a rédigé un certificat médical rectificatif faisant état d’une rechute d’un accident de travail dont avait été victime M. [K] [O] en 2010. Après consultation auprès d’un médecin conseil en juin 2015, la rechute a été rejetée au motif qu’il s’agissait d’un nouvel événement et qu’il devait donc être traité comme tel. Le médecin traitant a donc rédigé un nouveau certificat médical rectificatif le 05 novembre 2015″,

– l’audition de M. [K] [O] dans le cadre de l’enquête administrative ‘j’ai été directeur du centre … du 1er avril 1985 au 18 décembre 2015…nous sommes retournés au bureau. Le retour a été très dur. J’ai informé ma secrétaire ainsi qu’un responsable du service du personnel. J’avais, par rapport aux éléments que la police m’avait donnés sur l’identité présumée de la personne qui avait été retrouvée, commencé à avoir des doutes sur cette personne. Il me semblait que je connaissais cette personne mais je n’en était pas certain…j’ai très mal vécu le fait que je connaissais la victime. Quand les policiers m’ont demandé de les suivre …je leur ai indiqué que je ne me sentais pas de les accompagner…et c’est M. [L] qui est allé faire ma déposition…j’ai été voir mon médecin aux alentours de 17h00; il m’a pris en urgence. Il m’a immédiatement mis sous traitement…c’était son remplaçant. Dans un premier temps, il a rédigé un avis d’arrêt de travail en maladie. Le 15 décembre 2014 j’ai été reçu cette fois par mon médecin traitant qui déclare mon arrêt comme une rechute de mon accident de travail de 2010…mon médecin a dû refaire le certificat médical initial pour ce nouvel événement, datant du 08 décembre 2014, le 05 novembre 2015…Le 21 octobre 2015, j’ai repris à temps partiel thérapeutique avec un aménagement de poste..’,

– un procès-verbal d’audition de M. [W] [A], président du conseil d’administration de l’association qui déclare ‘… M. [K] [O] n’a pas trouvé le corps en premier. Il était accompagné de M. [I] [L]…Je tiens à préciser que M. [K] [O] ne s’est pas arrêté de travailler le 08 décembre 2014…A mon niveau, je n’ai pas eu connaissance que M. [K] [O] se soit plaint à qui que ce soit d’un quelconque mal être en lien avec la scène qu’il avait vue le matin…D’après les informations que j’ai eues, il a effectivement été reconduit à son domicile mais pas pour raison médicale. Il me semble qu’il avait un problème avec son véhicule. Je sais qu’une cellule psychologique avait été mise en place par notre association…Je sais que M. [K] [O] ne s’y est pas présenté pour avoir un soutien. De l’ensemble des salariés qui ont vu la scène, M. [K] [O] est le seul à s’être arrêté médicalement par rapport à cela…’,

– une attestation de Mme [R] [AV], secrétaire qui indique ‘…j’ai assisté à une conversation entre Mme [C] (comptable) et M. [A] en janvier 2016. Ce dernier a ordonné à Mme [C] de ne pas déclarer l’accident de travail de M. [K] [O] à la sécurité sociale…’,

– une attestation de M. [D] [N] qui se présente comme salarié au centre depuis avril 1993 et qui indique ‘…le 09 décembre 2014, M. [K] [O] était venu récupérer son véhicule laissé la veille. A l’évocation de l’événement du 08 décembre 2014…M. [K] [O] a éclaté en sanglots envahi par l’émotion et par une crise d’angoisse. Etaient présents à ce moment, plusieurs salariés : [I] [L]…Mme [Z] (directrice de la crèche) et Mme [Y] [J] (coordinatrice culture). J’ai pris à part M. [K] [O] dans une pièce, le temps que la crise passe. A ce moment, j’ai pu mesurer la fragilité de M. [K] [O]…’,

– une attestation de Mme [B] [S], accompagnatrice socio-professionnelle qui indique ‘..j’ai appelé Mme [XD] [P] (épouse de M. [K] [O] ) le soir…elle m’a dit que [I] [L] avait ramené son mari chez lui car il était en incapacité de conduire que son mari était au plus mal traumatisé et que le médecin lui avait prescrit un arrêt de travail’,

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le 08 décembre 2014, dans les jardins dépendants du centre social et culturel l’Espelido, vers 09h, M. [K] [O] a aperçu un corps calciné et qu’il est resté sur les lieux avec le directeur adjoint près de deux heures à la demande du procureur de la République.

La découverte d’un corps calciné peut incontestablement constituer le fait générateur invoqué par le salarié qui correspond à un événement soudain et suffisamment grave pour permettre de caractériser un accident du travail.

S’agissant des constatations médicales, il convient de relever que plusieurs certificats médicaux ont été établis :

– le 08 décembre 2014, un avis d’arrêt de travail initial pour maladie établi par le docteur [T] [E], remplaçant du docteur [F], prescrivant un arrêt jusqu’au 19 décembre 2014, suivi d’un avis d’arrêt de travail de prolongation le 15 décembre 2014,

– le 08 décembre 2014, un duplicata d’un certificat médical initial du docteur [H] (‘) remplaçant du docteur [F], qui mentionne ‘stress post traumatique avec crise de panique, oppression thoracique, céphalées, tachycardie’, et prescrivant un arrêt de travail jusqu’au 19 décembre 2014,

– le 25 décembre 2014, un certificat médical de rechute du docteur [T] [E] se rapportant à un accident de travail du 04 juin 2010,

– le 30 janvier 2015 un certificat médical de rechute par le docteur [T] [E] qui mentionne au titre des constatations détaillées ‘anxiété, attaques de panique, décès le 08/12/2014 d’une personne sur le lieu de travail’,

– le 05 novembre 2015, un certificat médical initial du docteur [X] [F] relatif à un accident de travail du 08 décembre 2014 ( suite réclamation du 10/11/2015) qui mentionne ‘choc post traumatique avec crise de paniques, pression thoracique, céphalées, tachycardie devant découverte d’un des adhérent immolé sur lieu de travail’ et portant la mention manuscrite ‘duplicata du certificat du 8/12/2014″.

Si les avis d’arrêt de travail des 08 et 15 décembre 2014 ne mentionnent aucun motif médical et si le certificat médical initial se rapportant à l’accident allégué du 08 décembre 2014 n’a été établi que le 05 novembre 2015, par contre, il ressort du relevé d’actes du docteur [F] qui est versé aux débats, qu’à la date du 15 décembre 2014 il est fait état d’une consultation médicale de M. [K] [O] et des constatations suivantes ‘burn out et dépression et phobie sociale et attaques…’et qu’à la date du 29 décembre 2014, il est mentionné une demande d’examen et une ‘crise de tachychardie à 180/mn le 17 décembre 2014 courrier cardio…’, étant rappelé, de surcroît, que la tardiveté de la constatation médicale ne suffit pas pour écarter l’application de la présomption d’imputabilité.

Les constatations médicales ainsi faites le 15 décembre 2014, confortant celles du 08 décembre 2014, corroborent les déclarations faites par M. [D] [N] selon lesquelles le 09 décembre 2014, à l’évocation des faits qui se sont produits la veille, M. [K] [O] a pleuré, a été envahi par l’émotion, par une crise d’angoisse et a montré une réelle fragilité, par celles de M. [K] [O] selon lesquelles il avait demandé à M. [I] [L] de le raccompagner le jour-même à son domicile parce qu’il se sentait fatigué, ce dernier confirmant l’avoir effectivement raccompagné à son domicile, et par celles de Mme [B] [S] selon lesquelles l’épouse de M. [K] [O] lui a indiqué au téléphone le 08 décembre 2014 au soir que son mari était au ‘plus mal’ et ‘traumatisé’.

Dans ses écritures, l’employeur reconnaît que M. [I] [L] a raccompagné M. [K] [O] à son domicile en raison d’une fatigue qu’il attribue, de façon subjective, au seul déroulement de la journée.

L’argument de l’association centre social et culturel l’Espelido selon lequel aucun autre salarié n’a établi de déclaration d’accident de travail concernant les événements du 08 décembre 2014 ne peut remettre en cause le caractère professionnel de l’accident dont M. [K] [O] a été victime ce jour là, dès lors que le salarié établit l’existence des éléments constitutifs d’un accident de travail.

Par ailleurs, le fait que M. [K] [O] ait poursuivi sa journée de travail après la constatation de la scène macabre n’est pas non plus de nature à remettre en cause le caractère professionnel de l’accident dès lors que celui-ci était tenu de participer à une réunion politique importante fixée en fin de matinée à laquelle participait un membre du gouvernement, à laquelle il pouvait difficilement se soustraire en sa qualité de directeur de l’association.

Enfin, force est de constater que l’association centre social et culturel l’Espelido n’apporte pas la preuve de l’existence d’une cause totalement étrangère à l’origine des lésions constatées des suites de l’accident survenu le 08 décembre 2014.

Il résulte des éléments qui précèdent qu’il existe un faisceau d’indices concordants laissant présumer l’existence d’un accident de travail survenu le 08 décembre 2014 au préjudice de M. [K] [O].

Il y a lieu, en conséquence, d’infirmer le jugement entrepris en ce sens.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale et en dernier ressort;

Infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance d’Avignon, contentieux de la protection sociale, le 16 août 2019,

Dit que M. [K] [O] a été victime d’un accident du travail le 08 décembre 2014,

Dit que la décision du 04 avril 2016 relative à la prise en charge de l’accident du travail dont M. [K] [O] a été victime le 08 décembre 2014 est opposable à l’association centre social et culturel l’Espelido,

Dit n’y avoir lieu à application au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne l’association centre social et culturel l’Espelido aux dépens de première instance et de la procédure d’appel.

Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame OLLMANN, Greffière.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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