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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 11
ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2023
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/04867 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDY5C
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Avril 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’EVRY-COURCOURONNES – RG n° F 19/00759
APPELANT
Monsieur [O] [M]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Delphine HUAN-PINCON, avocat au barreau d’EURE, toque : 54
INTIMEE
S.A.R.L. TCM 91
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Marion HOCHART, avocat au barreau de PARIS, toque : D1494
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 Juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Catherine VALANTIN, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. [O] [M], né en 1992, a été engagé par la S.A.R.L. T.C.M. 91, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 30 décembre 2013, en qualité d’employé au transport.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des services funéraires transport de corps.
Le 19 août 2016, M. [M] a été victime d’un accident du travail en déplaçant le corps d’un défunt et a été arrêté jusqu’au 29 août 2016.
Le 27 septembre 2016, M. [M] a été victime d’un second accident du travail et a été arrêté jusqu’au 3 mai 2017.
Le 4 mai 2017, lors de la visite de reprise, le médecin du travail a constaté l’inaptitude de M. [M] à son poste de travail.
Le 11 mai 2017, la société T.C.M. 91 a informé M. [M] qu’elle procédait à des recherches de reclassement en interne et externe.
Le 20 juin 2017, la société T.C.M. 91 a notifié à son salarié l’impossibilité de le reclasser au sein de l’entreprise.
Par lettre datée du 20 juillet 2017, M. [M] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 3 août 2017.
M. [M] a ensuite été licencié pour inaptitude physique à son poste de travail et impossibilité de reclassement par lettre datée du 25 août 2017.
A la date du licenciement, M. [M] avait une ancienneté de 3 ans et 7 mois.
Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des dommages et intérêts , M. [M] a saisi le 19 juillet 2018 le conseil de prud’hommes d’Evry-Courcouronnes. L’affaire a été radiée le 10 septembre 2019 pour défaut de diligence puis réinscrite le 1er octobre 2019. Par jugement du 27 avril 2021, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de Prud’hommes a statué comme suit :
– constate que la société T.C.M. 91 n’a pas manqué à son obligation de sécurité et de moyens,
– dit que le licenciement prononcé pour inaptitude professionnelle de M. [M] est justifié,
– déboute M. [M] de l’ensemble de ses demandes,
– déboute la société T.C.M. 91 de sa demande reconventionnelle,
– laisse les entiers dépens à la charge de M. [M].
Par déclaration du 27 mai 2021, M. [M] a interjeté appel de cette décision, notifiée le 29 avril 2021.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 17 avril 2023, M. [M] demande à la cour de :
– dire l’action engagée par M. [M] recevable et bien fondée en toutes ses fins, actions et conclusions,
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Evry-Courcouronnes du 27 avril 2021 en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
– juger que le licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement de M. [M] est sans cause réelle et sérieuse,
– condamner la société T.C.M. 91 à payer à M. [M] la somme de 31 341,96 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner la société T.C.M. 91 à payer à M. [M] la somme de 219,89 euros nets à titre de remboursement de l’abonnement téléphonique,
– condamner la société T.C.M. 91 à payer à M. [M] la somme de 90 euros à titre de remboursement des retenues sur salaire pour procès-verbaux,
– condamner la société T.C.M. 91 à payer à M. [M] la somme de 7835,49 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis au cours de l’exécution du contrat de travail,
– ordonner à la société T.C.M. 91 de remettre à M. [M] un bulletin de salaire et ses documents sociaux de fin de contrat reprenant les termes de la décision à intervenir dans les 15 jours de celle-ci et ce, sous astreinte de 30 euros par jour de retard et par document,
– faire produire intérêt au taux légal sur toutes les condamnations à intervenir,
– condamner la société T.C.M. 91 à payer à M. [M] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance, y compris les frais éventuels d’exécution forcée,
– débouter la société T.C.M. 91 de l’ensemble de ses demandes, fins, et conclusions.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 13 avril 2023, la société T.C.M. 91 demande à la cour de :
– recevoir la société T.C.M. 91 en ses écritures et y faisant droit,
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Evry-Courcouronnes le 27 avril 2021 en toutes ses dispositions,
– juger que le licenciement pour inaptitude de M. [M] est justifié,
– juger que la société T.C.M. 91 a respecté son obligation de recherche de reclassement,
– juger que la société T.C.M. 91 a respecté la réglementation relative aux durées maximales du temps de travail,
– juger que la société T.C.M. 91 a respecté ses obligations contractuelles à l’égard M. [M],
par conséquent de,
– débouter M. [M] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner M. [M] à verser à la société T.C.M. 91 la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [M] aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 avril 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 1er juin 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’exécution du contrat de travail
– Sur la demande de dommages et intérêts pour dépassement de l’amplitude horaire et l’absence de repos compensateur, retenue sur salaire injustifiée de 240 euros lors de l’embauche remboursée avec le solde de tout compte, et carence dans la mise en place des garanties complémentaires.
M. [M] soutient qu’il été d’astreinte de jour ou de nuit en dehors de ses journées de travail, qu’il lui est ainsi arrivé d’être à la disposition de la société T.C.M. 91 durant 12 jours consécutifs sans repos au lieu des 6 jours autorisés conventionnellement, ce qui a eu des conséquences sur sa sécurité, comme l’illustrent ses accidents de travail. Il mentionne les certificats médicaux initiaux d’accidents de travail et ses plannings, notamment d’astreinte.
La société T.C.M. 91 réplique que la période ciblée par M. [M] entre le 18 et le 30 avril 2016 est prescrite, qu’en tout état de cause, les astreintes téléphoniques étaient ponctuelles et sur la base du volontariat, que ses accidents du travail ont en outre eu lieu lors de périodes où son rythme était très allégé. Elle mentionne le tableau de ses heures travaillées, ses bulletins de paie, ainsi que ses plannings du mois de juillet à septembre 2016 inclus.
Aux termes de l’article L1471-1 du code du travail ‘toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant d’exercer son droit’
En l’espèce, M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes d’Evry-Corcourrones par requête en date du 19 juillet 2018 d’une demande de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis au cours de l’exécution du contrat de travail invoquant les dépassements des durées et amplitudes du travail maximum et du non respect du repos hebdomadaire sur la période d’avril 2016 à septembre 2016.
Ainsi seuls les manquements portant sur la période du 18 juillet 2016 au 30 septembre 2016 peuvent être examinés au soutien de sa demande de dommages et intérêts, la période antérieure étant couverte par la prescription.
Il ressort des plannings versés aux débats que M. [M] qui était d’astreinte téléphonique les week-end du 30 et 31 juillet et du 24 et 25 septembre 2016 a travaillé sans interruption du lundi 25 juillet au dimanche 31 juillet et du lundi 19 septembre au vendredi 30 septembre, en violation des dispositions légales et conventionnelles sur la durée maximale du travail, peu important à cet égard que les astreintes se faisaient comme le prétend la société T.C.M 91 sans d’ailleurs le démontrer, sur la base du volontariat.
M. [M] qui a été privé de son droit au repos a ainsi subi un préjudice.
Il ressort par ailleurs des pièces versées aux débats et des explications données par les parties que les garanties complémentaires, prévoyance et frais de santé ont été mises en place avec retard et que la société T.C.M 91 a indument retenu pendant toute la durée de la relation contractuelle une somme de 240 euros qui a été restituée au salarié avec le solde tout compte.
La cour évalue le préjudice subi par le salarié du fait des manquements par l’employeur à ses obligations à la somme de 1 500 euros.
Par infirmation du jugement la société T.C.M 91 sera condamnée au paiment de cette somme.
– Sur la demande de remboursement des frais de téléphones portables engagés par le salarié dans le cadre de son activité:
M. [M] soutient avoir été contraint d’utiliser un téléphone portable personnel pour les besoins de son activité.
La société T.C.M 91 réplique qu’à l’exception d’une facture du mois de novembre 2015 qui lui a été transmise et qui a été remboursée à M. [M], ce dernier ne justifie pas lui avoir adressé la de justificatifs.
Il ressort du courrier adressé par la société T.C.M 91 à l’ensemble des salariés le 20 juillet 2015 que la direction s’est engagée à mettre en place un remboursement des forfaits téléphoniques souscrits par les salariés à hauteur de 19,99 euros par mois sur présentation d’une facture de forfait téléphonique.
Dans le cadre de la présente procédure M. [M] justifie de l’ensemble de ses factures.
Par infirmation du jugement la société T.C.M 91 sera condamnée à lui payer la somme de 219,89 euros à titre de remboursement d’une partie de son abonnement téléphonique sur la période d’octobre 2015 à septembre 2016.
– Sur la demande de remboursement de retenues sur salaires opérées par l’employeur au titre des amendes pour infractions routières:
M. [M] sollicite le remboursement des sommes que son employeur a retenues sur son salaire du fait des amendes pour excès de vitesse dont il aurait été à l’origine, faisant valoir qu’il s’agit d’une retenue sur salaire illégale.
La société T.C.M 91 réplique que le salarié a reconnu être l’auteur des infractions routières et qu’il a accepté par écrit que la somme correspondant à l’amende payée soit prélevée sur son salaire.
Il est constant que l’employeur ne peut demander au salarié de rembourser les amendes dont il est l’origine qu’en cas de faute lourde.
La société T.C.M 91 ne pouvait en conséquence procéder à une retenue sur le salaire de M. [M] quand bien même celui-ci a donné son autorisation.
Par infirmation du jugement, la société T.C.M 91 sera condamnée à rembourser à M. [M] la somme de 90 euros.
Sur la rupture du contrat de travail:
1) Sur l’absence de cause réelle et sérieuse en raison de l’absence de consultation des délégués du personnel
M. [M] soutient que les délégués du personnel n’ont pas été consultés alors même qu’ils auraient du l’être au vu de l’effectif de la société, qui comptait selon lui 16 salariés en juin 2017. Il mentionne les plannings de la société laissant supposer un plus grand effectif que celui que cette dernière indique.
La société T.C.M. 91 réplique qu’elle est distincte de la société T.C.M. au soutien de laquelle elle consacrait parfois son activité ce qui explique la présence sur les plannings du noms de salariés ne faisant pas partie de ses effectifs , mais qu’ils n’étaient que 7 salariés au sein de la société T.C.M. 91, d’où l’absence d’obligation de consultation des délégués du personnel. Elle produit le registre du personnel complet de la société T.C.M. 91, l’extrait Kbis de la société T.C.M., celui de la société T.C.M. 91, et le bulletin de salaire d’un salarié de la société T.C.M. 94.
Aux termes de l’article L1226-10 du code du travail en sa rédaction applicable aux faits de l’espèce:
‘ Lorsque le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.’
L’article L 2312-2 du code du travail, en sa rédaction applicable aux faits de l’espèce, dispose quant à lui que la mise en place des délégués du personnel n’est obligatoire que si l’effectif d’au moins onze salariés est atteint pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédentes.
En l’espèce, il ressort des documents produits par la société T.C.M 91 (livre d’entrée et de sortie du personnel qui a en définitive été intégralement produit) que l’entreprise n’a pas atteint un effectif de 11 salariés pendant 12 mois , au cours des trois années précédant la procédure de licenciement, la société T.C.M 91 justifiant par ailleurs que certains salariés dont le nom figurait sur les planning faisaient partie des effectifs d’une autre entreprise, la SARL TMC 94.
Il en résulte que la mise en place de délégués du personnel n’était pas obligatoire.
Il ne peut en conséquence être reproché à la société T.C.M 91 de ne pas avoir consulté les délégués du personnel dans le cadre de son obligation de reclassement.
2) Sur l’absence de cause réelle et sérieuse en raison de l’origine de l’inaptitude
Le salarié fait valoir que son inaptitude résulte du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et constitue donc un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il affirme avoir été déclaré inapte à son poste à la suite de deux accidents du travail causés par l’absence de mesures de nature à garantir sa santé et sa sécurité. Le salarié reproche en particulier à la société T.C.M 91 de ne pas l’avoir formé sur les postures pour le port de charges lourdes et de ne pas l’avoir équipé d’un matériel adapté. Il soutient en outre que son rythme de travail était si soutenu qu’il a contribué à la dégradation de son état de santé.
La société réplique que lors de son premier accident, rien n’interdisait à M. [M] de porter des charges lourdes, et soutient par ailleurs avoir formé le salarié au port des charges et l’avoir équipé d’outils adaptés. Elle affirme en outre que le rythme de travail, a été décroissant entre 2013 et 2016, et que l’amplitude et les dépassements du temps de travail étaient conformes à la convention collective. Elle mentionne la fiche d’aptitude médicale de M. [M], l’attestation de l’un de ses collègues, le tableau de ses heures travaillées, les lettres envoyées pour sa demande de reclassement, le DUERP de 2016 et un DUERP antérieur.
Aux termes de l’article L 4121-1 du code du travail, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent:
1) des actions de prévention des risques professionnels
2) des actions d’information et de formation
3) la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
L’article L4121-2 du code du travail ajoute:
L’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
L’employeur a ainsi l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés et a notamment évalué les risques et pris les mesures nécessaires pour les faire disparaitre et à tout le moins les faire diminuer autant que possible.
En l’espèce, il n’est pas contesté que M. [M] a été victime de 2 accidents de travail en l’espace de 2 mois, alors qu’il déplaçait des charges lourdes, le 1er survenu le 19 août 2016, et ayant donné lieu à un arrêt de travail de 10 jours et le second survenu le 27 septembre 2016 et ayant donné lieu à un arrêt de travail jusqu’au 3 mai 2017, le salarié ayant été déclaré inapte lors de la visite médicale de reprise du 4 mai 2017 en ces termes ‘contre indication médicale totale et définitive au port de charges de plus de 10 kg et à la conduite prolongée de plus de 1 heure d’affilée. Contre indication aux postures du tronc en torsion ou en antéfléxion (penché en avant). Donc contre-indication médicale définitive au poste actuel de chauffeur et transporteur médico-légal’
Or, la société T.C.M 91 ne justifie pas avoir formé son salarié, dont les fonctions consistaient à transporter des corps de défunt (et donc des charges particulièrement lourdes) avec des risques évidents d’atteintes musculaires, sur les postures à adopter pour éviter ces risques.
La société T.C.M 91 se limite à produire une attestation de M. [V] aux termes de laquelle ce dernier affirme avoir, en tant que fondateur de l’entreprise en 2007 et titulaire des diplômes ‘assistant funéraire équivalent Niveau IV’ et ‘dirigeant des Pompes Funèbres équivalent V et VI’, formé M. [M] aux différentes techniques de prise en charge et de portages de défunts, à ses débuts dans la société TMC 91.
Cette attestation qui ne donne aucune précision sur la date, la durée et la nature de la formation qui aurait été dispensée au salarié alors que celui-ci conteste avoir été formé aux postures à adopter pour limiter les risques d’atteintes musculaires, ne permet pas d’établir que M. [M] a reçu une formation adaptée.
Si la société T.C.M 91 produit un devis (et non une facture) adressé à la SARL TCM 94 (et non à la SARL TCM 91) d’un mannequin d’exercice de sauvetage pouvant être utilisé pour tous les scénarios de sauvetage pratiqué par les professionnels de l’urgence et du sauvetage, ce mannequin à supposer qu’il ait effectivement été acquis par la société T.C.M 91, ne l’a pas été avant le 15 février 2016 (date du devis) alors que le salarié a été embauché plus de 2 ans auparavant.
Le DUER établi en mars 2016 qualifie par ailleurs d’importants les risques d’atteintes à la santé au niveau du tronc, des membres inférieurs et supérieurs liés à des postures contraignantes, des efforts intenses ou répétés ainsi qu’à des écrasements ou des chocs. Si ce document souligne l’existence de moyens de manutention adaptés, il mentionne pour seule formation ‘ une transmission de savoir faire à l’embauche (formation par M. [V] et affectation d’un nouveau salarié avec un salarié sénior)’.
La fiche d’entreprise établie le 1er avril 2016 par le service de santé au travail souligne certes que les employés au transport de corps travaillent toujours en binôme avec du matériel adapté, mais recommande la mise en place d’une formation à la sécurité que la société T.C.M 91 ne justifie pas avoir dispensée à ses salariés.
La société T.C.M 91 verse encore aux débats un DUER non daté qui serait antérieur au DUER de mars 2016 et qui évoque s’agissant de la manipulation des corps une formation des personnels à l’ergonomie, formation dont il n’est pas justifié qu’elle ait été mise en place et que M. [M] en ait bénéficié.
Il ressort par ailleurs des fiches de paye et des plannings versés aux débats par le salarié qu’il a été soumis un rythme de travail particulièrement soutenu puisqu’il a accompli :
– en 2014, année où il n’a pas pris de congés, 2 198,51 heures alors qu’il était en arrêt maladie du 7 au 29 août, soit en moyenne 12,07 heures supplémentaires par semaine ,
– en 2015, 1 798,7 heures alors qu’il été en arrêt maladie du 7 au 9 janvier, du 15 mai au 28 juin et du 12 au 16 novembre.
– en 2016, 1 538,54 heures alors qu’il était en arrêt maladie du 19 au 28 août et du 5 septembre au 31 décembre 2016, soit en moyenne 48,07 heures de travail par semaine,
et ce sans compter les astreintes de jours , de nuit et de week-end et les astreintes téléphoniques auxquelles il était soumis.
Ces même pièces démontrent encore que M. [M] a été à la disposition de son employeur pendant 12 jours consécutifs en avril 2016 et pendant 6 jours consécutifs en juillet et septembre 2016, et qu’il n’a pas pu prendre les 16,5 jours de congés auquel il avait droit au titre de l’année 2015-2016.
Il ressort de l’ensemble des ces éléments que la société T.C.M 91 ne justifie pas avoir pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique de M. [M]
Il est constant que le licenciement pour inaptitude constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsque l’inaptitude résulte du comportement fautif de l’employeur.
M. [M] qui n’a pas été formé aux postures à adopter pour éviter les risques de lombalgies invalidantes et qui a été soumis à une charge de travail excessive, a été victime de 2 accidents du travail consécutifs ayant donné lieu à un avis d’inaptitude.
Le licenciement pour inaptitude qui lui a été notifié le 25 août 2017 est en conséquence dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Aux termes des dispositions de l’article L.1226-15 du code du travail en sa rédaction applicable au jour du licenciement, lorsqu’un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la réintégration du salarié, prévues à l’article L. 1226-8, le tribunal saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Il en va de même en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12.
En cas de refus de réintégration par l’une ou l’autre des parties, le tribunal octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité ne peut être inférieure à douze mois de salaires. Elle se cumule avec l’indemnité compensatrice et, le cas échéant, l’indemnité spéciale de licenciement prévues à l’article L. 1226-14.
S’agissant du salaire de référence à prendre en compte, il est constant que l’indemnité de congés payés qui est due à tout salarié au titre du congé annuel constitue un élément de salaire, de sorte que l’indemnité perçue à ce titre doit être prise en compte pour déterminer le salaire de référence servant de base au calcul des différentes indemnités.
En revanche, l’indemnité compensatrice de congés payés (indemnité perçue par le salarié qui ne liquide pas la totalité de ses congés payés acquis avant son départ de l’entreprise) en est exclue.
Il en résulte, au cas d’espèce, que l’indemnité de congés payés réglée en juin 2016, en contrepartie des 16,5 jours de congés payés que le salarié n’a pas pu prendre au titre de l’année 2015-2016 alors que le contrat de travail était toujours en cours, constitue un élément de salaire et doit être pris en compte dans le salaire de référence qui s’élève en conséquence à la somme de 2 611,83 euros bruts.
Par infirmation du jugement la société T.C.M 91 sera en conséquence condamnée à payer à M. [M] la somme de 31 341,96 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les autres demandes
Il y a lieu d’ordonner la remise d’un bulletin de salaire rectificatif et des documents de fin de contrat conformes à la présente décision, sans que le prononcé d’une astreinte ne soit nécessaire.
Pour faire valoir ses droits en cause d’appel, M. [M] a dû exposer des frais qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge. La société T.C.M 91 sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
et statuant à nouveau,
DIT que le licenciement de M. [O] [M] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la SARL T.C.M 91 à payer à M. [O] [M] les sommes de:
– 31 341,96 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 219,89 euros au titre de remboursement de l’abonnement téléphonique
– 90 euros au titre du remboursement des retenues sur salaire.
– 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis au cours de l’exécution du contrat de travail.
ORDONNE la remise d’un bulletin de salaire rectificatif et des documents de fin de contrat conformes à la présente décision, et ce dans le délai de 2 mois suivant sa signification.
DIT n’y avoir lieu à prononcer une astreinte.
RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud’hommes, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue;
CONDAMNE la SARL T.C.M 91 à payer à M. [O] [M] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE la SARL T.C.M 91 aux dépens.
La greffière, La présidente.