Clause attributive de compétence : 20 janvier 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/04797

·

·

Clause attributive de compétence : 20 janvier 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/04797
Ce point juridique est utile ?

2ème Chambre

ARRÊT N°30

N° RG 22/04797

N° Portalis DBVL-V-B7G-S7Y5

M. [L] [E]

C/

Société BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me VIVES

– Me LE BERRE BOIVIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 20 JANVIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats, et Madame Ludivine MARTIN, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 01 Décembre 2022

devant Monsieur Joël CHRISTIEN, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 20 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [L] [E]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Julien VIVES de la SCP CALVAR & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉE :

BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Philippe RIOU de la SELARL PARTHEMA, plaidant, avocat au barreau de NANTES

EXPOSÉ DU LITIGE

Par ordonnance du 16 novembre 2012 signifiée à étude le 3 décembre suivant, le juge d’instance de Nantes a enjoint à M. [L] [E] de payer à la Banque Populaire Atlantique devenue Banque Populaire Grand Ouest (la BPGO) la somme de 21 440,71 euros en principal, avec intérêts au taux de 5,5 % l’an à compter du 15 mai 2012, outre la somme de 1 000 euros au titre de la clause pénale et celle de 35 euros au titre des frais.

Puis, par acte du 19 mars 2013, la banque a fait procéder à la signification de l’ordonnance rendue exécutoire le 6 février 2013, et, dans le même acte, a fait délivrer à M. [E] un commandement de payer les sommes dues au titre de cette ordonnance.

Elle a ensuite fait procéder, suivant procès-verbal du 16 septembre 2013, à la saisie-attribution des comptes ouverts par M. [E] au Crédit mutuel, pour avoir paiement d’une somme de 25 149,93 euros en principal, intérêts et frais, cette saisie ayant été dénoncée au débiteur par acte du 20 septembre 2013.

Puis, par procès-verbal du 3 juin 2014, elle a fait procéder à une seconde saisie-attribution des comptes ouverts par M. [E] au Crédit mutuel, pour avoir paiement d’une somme de 25 428,18 euros en principal, intérêts et frais, cette saisie ayant été dénoncée à M. [E] par acte du 6 juin suivant.

Corrélativement, par déclaration au greffe du tribunal d’instance de Nantes du 27 juin 2014, M. [E] a formé opposition à l’ordonnance du 16 novembre 2012, et cette juridiction a, par jugement du 10 janvier 2017 :

déclaré nulle la signification, en date du 3 décembre 2012, de l’ordonnance d’injonction de payer du 16 novembre 2012,

dit non avenue l’ordonnance d’injonction de payer du 16 novembre 2012,

constaté que le tribunal n’est saisi d’aucune demande de condamnation de M. [E] au paiement d’une somme d’argent,

constaté son incompétence au profit du juge de l’exécution de Nantes en ce qui concerne les demandes en remboursement des sommes perçues en exécution des saisies-attribution pratiquées les 16 septembre 2013 et 3 juin 2014 entre les mains du Crédit mutuel,

dit qu’à l’expiration du délai de contredit le dossier sera transmis au greffe de cette juridiction.

Par arrêt du 27 novembre 2020, la cour d’appel de Rennes a confirmé ce jugement, sauf en ce qu’il a constaté que le tribunal n’était saisi d’aucune demande de condamnation de M. [E] au paiement d’une somme d’argent, et, infirmant sur ce point, dit n’y avoir lieu de statuer sur l’opposition formée par ce dernier.

Puis, par acte du 13 mai 2022, M. [E] a fait assigner la BPGO devant le juge de l’exécution de Nantes en restitution des sommes indûment versées au créancier saisissant.

Soulevant d’office son incompétence, le juge de l’exécution s’est, par jugement du 25 juillet 2022, déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Nantes.

M. [E] a relevé appel de cette décision par déclaration d’appel du 27 juillet 2022, à laquelle étaient annexées ses conclusions motivées, et, autorisé à cet effet par ordonnance du premier président du 29 août 2022, a fait assigner la BPGO à jour fixe devant la cour par acte du 20 septembre 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions du 24 novembre 2022, M. [E] demande à la cour de :

réformer le jugement attaqué,

évoquer le fond,

condamner la BPGO à lui payer ou rembourser la somme de 1 023,81 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2013 et capitalisation de ceux-ci,

condamner la BPGO à lui payer ou rembourser la somme de 1 647,56 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 6 juin 2014 et capitalisation de ceux-ci,

condamner la BPGO à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

La BPGO demande quant à elle à la cour de :

statuer ce que de droit sur la compétence du juge de l’exécution ainsi que sur la demande d’évocation de M. [E],

en tout état de cause, débouter M. [E] de l’ensemble de ses demandes,

condamner M. [E] à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées pour M. [E] le 24 novembre 2022 et pour la BPGO le 16 novembre 2022.

EXPOSÉ DES MOTIFS

C’est pertinemment que le juge de l’exécution a rappelé que, si l’alinéa 4 de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire dispose que le juge de l’exécution connaît des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageables des mesures d’exécution forcée ou des mesures conservatoires, cette disposition ne s’applique cependant pas en cas de disparition du titre exécutoire postérieurement au délai de contestation d’une saisie-attribution, l’article L. 211-4 du code des procédures civiles d’exécution ouvrant alors au débiteur une action en répétition de l’indu devant le juge du fond.

Cependant, il résulte de l’article 81 du code de procédure civile que, lorsqu’un juge se déclare incompétent en désignant la juridiction qu’il estime compétente, cette décision ne peut être contestée que par la voie du contredits ou, à présent, de l’appel, de sorte qu’à défaut, elle s’impose aux parties et au juge de renvoi.

Il en résulte que le juge de l’exécution de Nantes, au profit duquel le tribunal d’instance de Nantes s’était expressément déclaré incompétent pour statuer sur la restitution des sommes réglées à la banque en exécution des saisie-attribution, des 16 septembre 2013 et 3 juin 2014 par une disposition de son jugement du 10 janvier 2017 confirmée sur ce point par arrêt de la cour du 27 novembre 2020 faute pour les parties d’avoir invoqué un moyen de réformation, ne pouvait refuser d’examiner cette demande et se déclarer à son tour incompétent au profit du tribunal judiciaire de Nantes.

La circonstance que l’instance sur renvoi devant le juge de l’exécution ait fait l’objet d’une décision de radiation du 15 mai 2017 est sans effet sur le caractère définitif de ce renvoi, la radiation n’étant qu’une simple mesure d’administration judiciaire et aucune décision constatant la péremption de cette instance n’étant à ce jour intervenue.

Il convient donc d’infirmer le jugement attaqué en ce que le juge de l’exécution de Nantes s’est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Nantes.

Toutefois, il résulte de l’article 88 du code de procédure civile que, lorsqu’elle est la juridiction d’appel du tribunal qu’elle estime compétent, la cour peut évoquer si elle estime de bonne justice de donner à l’affaire une solution définitive.

En l’espèce, les deux parties, qui ont l’une et l’autre constitué avocat, demandent à la cour d’évoquer et ont conclu sur le fond.

Il y a par conséquent lieu d’évoquer.

M. [E] fait à cet égard valoir que l’ordonnance d’injonction de payer du 16 novembre 2012 ayant été déclarée non avenue, et dépourvue par conséquent d’existence légale, la BPGO doit être ainsi condamnée à restituer les sommes perçues au moyens de saisie-attribution opérées sans titre exécutoire.

La BPGO soutient de son côté qu’en l’absence de contestation des saisies-attribution devant le juge de l’exécution dans le délai d’un mois des saisies, celles-ci ont produit leur effet attributif, qui est définitif et ne plus être remis en cause, peu important que l’ordonnance d’injonction de payer ait été déclarée non avenue.

Cependant, aux termes de l’article L. 211-4 du code des procédures civiles d’exécution, le débiteur saisi peut toujours, quand bien même il n’aurait pas élevé de contestation des saisie-attribution dans le délai prescrit, agir à ses frais en répétition de l’indu.

Les moyens tirés de l’absence de contestation des saisies-attribution dans le délai d’un mois et de l’impossibilité d’en solliciter la nullité, sont dès lors inopérants.

Pour s’opposer à l’action en répétition de l’indu exercée par M. [E], la BPGO fait par ailleurs valoir que cette action serait prescrite faute d’avoir été engagée dans le délai de cinq ans, et que, très subsidiairement, quand bien même la saisie était irrégulière, celle-ci a cependant abouti au paiement d’une dette incontestable et que le paiement n’était pas indu, peu important que l’ordonnance d’injonction de payer soit caduque.

Il est cependant constant que le délai de prescription de l’action en répétition de l’indu est celui de l’article 2224 du code civil, de cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Dès lors, le délai de prescription de l’action en remboursement des sommes saisies sur la base d’un titre ultérieurement déclaré non avenu n’a pu commencer à courir qu’à compter du jour de la décision passée en force de chose jugée ayant constaté le caractère non avenu de ce titre.

Ainsi, l’ordonnance d’injonction de payer du 16 novembre 2012 n’ayant été déclarée non avenue que par arrêt du 27 janvier 2020 confirmant le jugement du tribunal d’instance de Nantes 10 janvier 2017, non assorti de l’exécution provisoire, l’action en répétition de l’indu n’était pas prescrite au jour de l’assignation du 13 mai 2022.

D’autre part, il résulte de cette décision que le titre exécutoire en vertu duquel le créancier a fait pratiquer les saisies-attributions des 16 septembre 2013 et 3 juin 2014 se trouve anéanti, de sorte que celles-ci sont nécessairement dépourvues de base légale.

La BPGO, qui a indûment perçu les sommes de, respectivement, 1 023,81 euros et 1 647,56 euros en exécution de ces saisies-attribution, devra par conséquent être condamnée à les restituer à M. [E], avec intérêts au taux légal.

Rien ne démontrant que la banque ait reçu ces paiements de mauvaise foi, puisqu’elle agissait alors en vertu d’un titre valable, ces intérêts ne sont dus qu’à compter de la demande du 13 mai 2022.

Conformément à l’article 1343-2 du code civil, M. [E] sera en outre autorisé à capitaliser les intérêts par années entières à compter de la demande qui en a été faite dans ses conclusions annexées à sa déclaration d’appel du 27 juillet 2022.

Cependant, il résulte des dispositions de l’article L. 211-4 alinéa 3 du code des procédures civiles d’exécution que l’action en répétition de l’indu, exercée par le débiteur s’étant abstenu de contester la saisie devant le juge de l’exécution, est diligentée aux frais de ce débiteur.

Il en résulte que M. [E] conservera à sa charge les dépens de première instance et d’appel.

Il n’y a enfin pas matière à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de quiconque, tant en première instance qu’en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme en l’ensemble de ses dispositions le jugement rendu le 25 juillet 2022 par le juge de l’exécution de Nantes ;

Dit que le juge de l’exécution de Nantes était compétent pour statuer sur la demande de remboursement des sommes perçues en exécution des saisie-attribution des 16 septembre 2013 et 3 juin 2014 ;

Evoque le fond du litige,

Condamne la Banque Populaire Grand Ouest à payer à M. [L] [E] la somme de 1 023,81 euros en restitution des sommes indûment perçues en exécution de la saisie-attribution du 16 septembre 2013, avec intérêts au taux légal à compter du 13 mai 2022 ;

Condamne la Banque Populaire Grand Ouest à payer à M. [L] [E] la somme de 1 647,56 euros en restitution des sommes indûment perçues en exécution de la saisie-attribution du 3 juin 2014, avec intérêts au taux légal à compter du 13 mai 2022 ;

Autorise la capitalisation des intérêts par années entières à compter du 27 juillet 2022 ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [L] [E] aux dépens de première instance et d’appel ;

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x