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N° RG 22/02296 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JD6M
COUR D’APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 4 OCTOBRE 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
21/00885
Juge des contentieux de la protection d’Evreux du 1er juin 2022
APPELANT :
Monsieur [V] [Y]
né le 6 mars 1973 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté et assisté par Me Benjamin BLIN, avocat au barreau de Dieppe substitué par Me Cindy PERRET
INTIMEES :
Selarl [D] [J] venant aux droist de la Selarl ALLIANCE MJ
représentée par Me [D] [J] ès qualités de mandataire ad hoc de la société EVASOL
[Adresse 3]
[Localité 6]
non constituée bien que régulièrement assignée par acte d’huissier de justice à personne le 5 septembre 2022
Sa COFIDIS
RCS de Lille Métropole 325 307 106
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée et assistée par Me Marc ABSIRE de la SELARL DAMC, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me MARECHAL
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 19 juin 2023 sans opposition des avocats devant M. Jean-François MELLET, conseiller, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre
M. Jean-François MELLET, conseiller
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine [F],
DEBATS :
A l’audience publique du 19 juin 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 4 octobre 2023
ARRET :
REPUTE CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 4 octobre 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Dans le cadre d’un démarchage à domicile, M. [V] [Y] a signé le 16 novembre 2009 avec la société Evasol, un bon de commande portant sur la fourniture et l’installation de panneaux photovoltaïques un prix total de 24 814 euros TTC.
Le même jour, il a souscrit un contrat de crédit affecté au financement des travaux auprès de la Sa Groupe Sofemo pour un montant de 24 000 euros.
Par actes d’huissier des 24 et 25 août 2021, M. [V] [Y] a fait assigner la Selarl Alliance MJ, représentée par Me [D] [J] prise en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Evasol, ainsi que la Sa Cofidis venant aux droits de la société Sofemo, aux fins d’obtenir l’annulation du contrat de commande de panneaux photovoltaïques et par voie de conséquence l’annulation du contrat de prêt.
Par jugement du 1er juin 2022, le tribunal judiciaire d’Evreux a :
– déclaré irrecevables les actions en nullité et en responsabilité formées par
M. [V] [Y] ;
– rejeté l’action en responsabilité formée par la Sa Cofidis ;
– condamné M. [V] [Y] aux entiers dépens de l’instance ;
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires
Par déclaration reçue au greffe le 8 juillet 2022, M. [Y] a interjeté appel de la décision.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 26 mai 2023 et signifiées à partie non constituée le 30 mai 2023, M. [Y] demande à la cour d’appel, au visa des articles L. 120-1, L. 121-21, L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25, R.121-5, L. 121-20-16,et R.121-4 du code de la consommation, 1110, 1116, 1147, 1304, 1338, 1183 et 2224 du code civil, 514 et 700 du code de procédure civile, d’infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré M. [V] [Y] irrecevable comme étant prescrit en son action en nullité du contrat souscrit avec la société Evasol, l’a débouté de l’ensemble de ses demandes, l’a condamné aux dépens de l’instance et statuant à nouveau, de :
– le déclarer recevable en son action en nullité du contrat de vente en raison des irrégularités affectant le bon de commande du 16 novembre 2009 ;
– le déclarer recevable en son action en nullité du contrat de vente pour dol ;
à titre principal,
– prononcer la nullité du contrat principal de vente conclu entre lui et la société Evasol en raison des irrégularités affectant le bon de commande ;
subsidiairement,
– prononcer la nullité du contrat de vente conclu entre lui et la société Evasol sur le fondement du dol ;
en conséquence,
– prononcer la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre lui et la société Groupe Sofemo ;
– condamner la Sa Cofidis au paiement de la somme de 24 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 1er novembre 2017 ;
– dire et juger que faute pour le mandataire ad hoc de reprendre à ses frais, l’ensemble du matériel installé dans les deux mois suivant la signification du jugement, il pourra en disposer à sa guise ;
en tout état de cause,
– débouter la Sa Cofidis de toutes ses demandes fins et conclusions ;
– condamner solidairement la Selarl [D] [J], représentée par Me [D] [J], ès qualités de mandataire ad hoc de la société Evasol et la Sa Cofidis à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner solidairement la Selarl [D] [J], représentée par Me [D] [J], ès qualités de mandataire ad hoc de la société Evasol et la Sa Cofidis aux entiers dépens de l’instance.
Par dernières conclusions notifiées le 2 décembre 2022 et signifiées à partie non constituée le 6 décembre 2022, la Sa Cofidis demande à la cour d’appel, de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, et :
à titre subsidiaire, si la cour venait à déclarer M. [Y] recevable et bien fondé en ses demandes,
– déclarer la Sa Cofidis recevable et bien fondée en ses demandes,
– déclarer M. [Y] mal fondé en ses demandes et l’en débouter,
à titre infiniment subsidiaire, si la cour venait à prononcer la nullité des conventions pour quelque cause que ce soit,
– condamner la Sa Cofidis au remboursement des seuls intérêts,
en tout état de cause,
– condamner M. [Y] à payer à la Sa Cofidis la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– le voir condamner aux entiers dépens.
Par acte d’huissier du 5 septembre 2022, la Selarl Alliance MJ a reçu signification de la déclaration d’appel et des conclusions de l’appelant, en la personne de Me [D] [J], mandataire ad hoc ; elle n’a pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 31 mai 2023.
MOTIFS
Sur la fin de non-recevoir
La Sa Cofidis soulève la prescription de l’action en nullité du contrat de vente en application de l’article 2224 du code civil.
– Sur le fondement des dispositions du code de la consommation
Lorsqu’elle est fondée sur des irrégularités du bon de commande conclu en application du formalisme d’ordre public issu du code de la consommation, la prescription court à compter du jour où l’emprunteur était en mesure de déceler les non-conformités par lui alléguées.
Au soutien de sa demande en nullité, M. [Y] invoque un manquement aux dispositions des article L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation, dans leur version applicable, à raison de :
– l’absence de ventilation du prix en fonction de chaque produit et chaque prestation, l’absence de mention de la date de livraison, seul le délai de livraison étant précisé,
– la présence d’une clause attributive de compétence en violation de l’article L. 121-24 du code de la consommation,
– l’irrégularité du bon de commande en ce qu’il ne comporte pas la mention ‘annulation de commande’, les références ‘code de la consommation articles, L. 121-23 à L. 212-26’, en ce que la mention ‘l’envoyer par lettre recommandée avec réception’ est indiquée en caractère gras au lieu d’être soulignée, l’absence de la phrase ‘ si vous annulez votre commande,vous pourrez utiliser ce formulaire’, le fait que le formulaire ne soit pas détachable facilement, exige des mentions non prévues comme le nom du technicien, et que le bon de commande ne comporte pas la signature du vendeur.
La Sa Cofidis ne conteste pas ces irrégularités mais soulève la prescription.
Le bon de commande reproduisant in extenso les articles L. 121-23 à L. 121-26, dont le non-respect fonde les moyens de nullité, l’emprunteur avait, en l’espèce, la faculté de déceler les irrégularités dès sa signature. Il en va de même pour les irrégularités relatives au bon de rétractation, qui sont régies par les dispositions réglementaires auxquelles ces articles font référence, et que l’acquéreur était également en mesure de déceler. En outre, lorsque la simple lecture de l’offre permet à l’emprunteur déceler son irrégularité, le point de départ de l’action en nullité pour vice de forme se situe au jour de l’acceptation de l’offre, sans report possible tiré de la révélation postérieure d’autres irrégularités.
Il s’ensuit que la demande en nullité est effectivement prescrite à raison de l’absence d’acte interruptif avant le 16 novembre 2014, et même en l’espèce avant le 25 août 2021. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a déclaré l’action irrecevable.
– Sur le fondement du dol
Le moyen tiré d’un dol est fondé sur l’idée selon laquelle, en faisant installer cette centrale, M. [Y], consommateur, espérait ‘faire des profits’, et qu’il n’a pris conscience de la ‘présentation fallacieuse de l’opération entraînant l’absence de rentabilité attendue’ qu’à compter du rapport d’expertise rendu le 16 février 2021 par la société PENE.
Au termes de l’article du 1137 du code civil, le dol est le fait d’obtenir le consentement de l’autre partie par des manoeuvres ou mensonges. Le délai de prescription court à compter de la découverte du dol.
Selon l’étude mathématique et financière réalisée au contradictoire des parties, sur la base du rendement prévisible de l’installation, cette dernière ne peut s’autofinancer, et l’investissement ne peut s’amortir que sur 26 ou 29 ans.
La Sa Cofidis réplique que le fondement du dol est prescrit et au fond qu’aucun dol n’est établi.
L’absence d’autofinancement de l’installation, au sens où le produit de la vente ne couvre pas la charge de l’emprunt déduite du coût de la consommation personnelle, était facilement décelable par M. [Y] dès la première facture de vente émises en 2014, facture dont il ne conteste pas l’existence mais qu’il ne verse pas.
En outre, ainsi que le tribunal l’a relevé, aux termes d’une analyse qui n’est pas contestée par l’appelant, la simulation effectuée par la société Evasol prévoyait une recette annuelle de 1 503 euros au maximum. Une simple comparaison avec les conditions de financement de l’opération, pour un TEG de 5, 37 % sur 24 618 euros remboursable en 180 mois, permettait de réaliser que l’opération ne pouvait être bénéficiaire au sens où il l’entend. L’expertise réalisée par le PENE ne traduit d’ailleurs pas une surestimation des recettes évaluées par le vendeur, mais au contraire une sous-estimation, puisque cet expert a calculé un rendement annuel moyen de 1 541 euros sur l’exercice 2012 – 2014.
Il s’ensuit que le dol allégué, à le supposer constitué, était facilement décelable dès la signature du contrat, les premières années d’utilisation, et au plus tard lors de la première facture.
L’acte interruptif de prescription délivré le 24 août 2021 est donc tardif au regard du fondement tiré d’un dol. L’action est irrecevable et le jugement sera confirmé.
Sur la faute de la banque
M. [Y] fait enfin plaider une faute de la banque. Les développements contenus aux pages 41 et suivantes sont toutefois relatifs à son droit à restitution dans l’hypothèse où la nullité des contrats serait prononcée, sont donc sans emport.
En page 20 de ses conclusions, M. [Y], sans expliciter les fautes qu’il reproche à la banque indépendamment de la nullité, se prévaut essentiellement des irrégularités du bon de commande, et de l’absence de rentabilité supposé de l’équipement, sous- entendant que la banque aurait dû l’en avertir. L’action délictuelle tirée des fautes alléguées de la banque, quelles qu’en soit la nature exacte, est donc nécessairement prescrite pour les motifs ci-dessus.
La décision sera dès lors intégralement confirmée.
Sur les frais de procédure
M. [Y] succombe et sera condamné aux dépens d’appel, outre une somme pour frais irrépétibles qu’il est équitable de fixer à 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Condamne M. [V] [Y] à payer à la Sa Cofidis la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [V] [Y] aux dépens.
Le greffier, La présidente de chambre,