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N° RG 20/02189 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M5ZH
Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE du 18 février 2020
RG : 2018j00021
S.A.R.L. PARIS POLSKA
C/
S.A.S. LOCAM
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 16 Novembre 2023
APPELANTE :
S.A.R.L. PARIS POLSKA au capital de 5.000 € , RCS PARIS B 533 637 054, représentée par sa gérante, Madame [B] [T], dûment domiciliée en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547, postulant et par Me Dominique CECCALDI, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
S.A.S. LOCAM au capital de 11 520 000 €, immatriculée au RCS de SAINT ETIENNE sous Ie numéro B 310 880 315, agissant poursuites et diligences par son dirigeant domicilié es qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 04 Mai 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 27 Septembre 2023
Date de mise à disposition : 16 Novembre 2023
Audience présidée par Viviane LE GALL, magistrate rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière.
Composition de la Cour lors du délibéré :
– Patricia GONZALEZ, présidente
– Aurore JULLIEN, conseillère
– Viviane LE GALL, conseillère
Arrêt conradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 15 mars 2017, la société Paris Polska a conclu avec la société CityCare un contrat de location d’un ‘DAE et ses accessoires’ ainsi que d’une Box Révolution et son émetteur, le tout financé par la société LOCAM – Location automobiles et matériels (la société Locam) moyennant un loyer mensuel de 129 euros HT payable pendant une période irrévocable de soixante mois.
Le 21 mars suivant, la société Paris Polska a signé un procès-verbal de livraison et de conformité du matériel.
La société Paris Polska n’ayant honoré aucune échéance de loyers, la société Locam l’a mise en demeure de régler les mensualités échues puis, par acte d’huissier du 19 octobre 2017, l’a assignée en paiement devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne. La société Paris Polska a soulevé l’incompétence territoriale de la juridiction.
Par jugement du 18 février 2020, le tribunal de commerce de Saint-Etienne s’est déclaré compétent et a :
– dit que les conditions d’application visées par l’article L. 221-3 du code de la consommation ne sont pas réunies en l’espèce,
– débouté la société Paris Polska de sa demande de constatation de sa rétractation,
– dit irrecevables le moyen fondé sur le dol, et les demandes y afférentes,
– condamné la société Paris Polska à verser à la société Locam la somme de 10.849,01 euros, y incluse la clause pénale de 10%, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 8 août 2017,
– débouté la société Paris Polska de sa demande d’indemnisation,
– condamné la société Paris Polska à payer la somme de 250 euros à la société Locam au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que les dépens sont à la charge de la société Paris Polska,
– rejeté la demande d’exécution provisoire du jugement,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes.
La société Paris Polska a interjeté appel par acte du 19 mars 2020.
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 15 décembre 2020, fondées sur les articles 42, 48 et 90 du code de procédure civile, les articles L. 121-6, L. 221-3, L. 221-18, L. 132-10, L. 221-3 et L. 221-18 du code de la consommation et les articles 1130, 1137 et 1138 du code civil, la société Paris Polska demande à la cour de :
– dire son appel recevable en la forme et bien fondé au fond,
en conséquence,
– la déclarer recevable et bien fondée en ses présentes écritures.
– débouter la société Locam de l’ensemble de ses moyens, fins, conclusions et prétentions en ce contraires aux présentes,
– infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
en conséquence,
à titre principal, sur l’exception d’incompétence territoriale,
– juger que la clause attributive de compétence de l’article 17 du contrat du 15 mars 2017 doit être réputée non écrite,
– déclarer l’incompétence du tribunal de commerce de Saint-Etienne au profit du tribunal de commerce de Paris,
– se déclarer incompétente et renvoyer le dossier à la cour d’appel de Paris pour statuer sur le fond conformément aux dispositions de l’article 90 code de procédure civile,
à titre subsidiaire, sur le fond,
si la cour devait considérer que le tribunal de commercer de Saint-Etienne était bien compétent,
– constater qu’elle s’est rétractée dans les délais légaux comme elle en avait la possibilité, le nombre de ses salariés étant inférieur à 5,
– constater que le contrat intervenu le 15 mars 2017 est nul et de nul effet et qu’ainsi, aucune somme n’est due à la société Locam,
– juger que sa rétractation est valable puisque les conditions d’application visées par les articles L221-3 et L221-18 du code de la consommation sont bien réunies en l’espèce,
– ordonner la reprise par la société Locam du matériel livré mais non installé et toujours en sa possession aux frais de l’intimée,
– constater que le contrat est intervenu dans des conditions dolosives pour elle, sachant que la négociation menée par la société City Care, notamment pour le compte de Locam, engageait cette dernière,
– juger que la circonstance présentée par le négociateur de la nécessité de s’équiper d’un défibrillateur procède d’un dol ou d’une erreur, la société Locam étant engagée par la négociation de ce dernier et se doit d’en assumer les conséquences,
– juger nul et de nul effet le contrat régularisé le 15 mars 2017,
à titre encore plus subsidiaire, sur le fond,
– juger que le contrat régularisé résulte de pratiques agressives réprimées par les articles L121-6 et L132-10 du code de la consommation,
– en conséquence, annuler le contrat intervenu le 15 mars 2017,
en tout état de cause,
– déclarer irrecevables et débouter l’intimée de l’intégralité de ses moyens, fins et prétentions en infirmant la décision entreprise de ces chefs,
– ordonner la reprise du matériel aux frais exclusifs de l’intimée,
– condamner la société Locam à lui payer une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts, outre 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 17 septembre 2020, la société Locam demande à la cour de :
– dire non fondé l’appel de la société Paris Polska,
– la débouter de toutes ses demandes,
– confirmer le jugement entrepris,
– condamner la société Paris Polska à lui régler une nouvelle indemnité de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner en tous les dépens d’instance et d’appel.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 4 mai 2021, les demandes de rabat ayant été rejetées par ordonnances du conseiller de la mise en état en date des 11 octobre 2021 et 29 août 2023. Les débats ont été fixés à l’audience du 27 septembre 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la compétence territoriale du tribunal de commerce de Saint-Etienne
La société Paris Polska fait valoir que, si le contrat de location comporte une clause attributive de compétence au profit du tribunal de commerce de Saint-Etienne, cette clause est illisible, n’est pas reproduite dans les conditions générales et est ambiguë en ce qu’elle renvoie à la ‘compétence des tribunaux du siège social du bailleur’, de sorte qu’elle doit être réputée non-écrite conformément à l’article 48 du code de procédure civile ; que la cour d’appel devra se déclarer incompétente au profit de la cour d’appel de Paris à laquelle elle renverra l’affaire pour statuer sur le fond.
La société Locam fait valoir que la compétence du tribunal de commerce de Saint-Etienne résulte de la clause 17 du contrat, attributive de compétence, laquelle est valable entre commerçants ; qu’elle est apparente sur le contrat signé par la société Paris Polska et doit donc trouver application.
Sur ce,
Selon l’article 48 du code de procédure civile, toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée.
L’examen du contrat de location signé le 15 mars 2017 par la société Paris Polska établit que la clause attributive de compétence est mentionnée en haut de la première page, à côté de l’inscription ‘CONTRAT DE LOCATION A’, de façon clairement apparente, en ces termes portés en gras :
Article 17 : Attribution de compétence – Droit applicable : De convention expresse, tout litige relatif au présent contrat sera de la compétence des tribunaux du siège social du bailleur sauf application du Code de la consommation. (…)
Immédiatement en-dessous, il est précisé :
Entre les soussignés :
La Société LOCAM SAS – [Adresse 1] (…)
Et, le ‘locataire’ ou ‘preneur’ ci-après désigné :
La clause attributive de compétence est donc mentionnée dès la première page du contrat, de façon très apparente et parfaitement lisible. Si elle renvoie au siège social du bailleur, il s’avère que la mention de celui-ci à [Localité 3] est portée immédiatement en-dessous, en caractères également très lisibles.
Il en résulte que la clause attributive de compétence, valable entre commerçants comme en l’espèce, doit trouver application en ce qu’elle est clairement apparente, parfaitement lisible et aucunement ambiguë.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il rejette l’exception d’incompétence.
Sur l’exercice du droit de rétractation
La société Paris Polska fait valoir que :
– les dispositions des articles L221-3 et L221-18 du code de la consommation lui sont applicables en ce que le contrat a été conclu hors établissement, qu’elle disposait de moins de cinq salariés à la date du contrat, lequel n’entre pas dans le champ de son activité principale ;
– le contrat de location n’est pas un contrat financier et les dispositions du code de la consommation permettant la rétractation son applicables ;
– elle s’est rétractée de façon dénuée de toute ambiguïté, dans les délais qui n’étaient d’ailleurs pas précisés au contrat ;
La société Locam fait valoir que les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables en ce que :
– la société Paris Polska a agi en tant que professionnel, pour les besoins de son activité professionnelle, et ne justifie pas qu’elle employait cinq salariés ou moins à la date de la signature du contrat ;
– les contrats portant sur les services financiers sont expressément exclus du champ d’application du code de la consommation ; les activités connexes aux opérations bancaires, telle la location financière, qu’elle réalise participent des services financiers, lesquels sont exclus du champ du code de la consommation ;
Elle ajoute que par jugement du tribunal correctionnel de Saint-Etienne du 28 juillet 2020, elle a été relaxée des poursuites, en ce que le défaut de remise d’un bordereau de rétractation n’est pas constitutif d’une infraction et que le refus de prendre en compte la rétractation du locataire n’est pas constitutif d’une tromperie.
Sur ce,
Selon l’article L. 221-3 du code de la consommation, dans sa version issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ‘Les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.’
Comme l’a exactement jugé le tribunal, par des motifs que la cour adopte :
– le contrat de location ne relève pas des services financiers et constitue une simple location pouvant être soumise à l’article L. 221-3 du code de la consommation ;
– le contrat litigieux a été conclu hors établissement et n’entre pas dans le champ de l’activité principale de la société Paris Poslka qui exploite un restaurant.
Quant au nombre de salariés employés au jour du contrat, la société Paris Polska produit son livre de paie de l’année 2017 ainsi que sa Déclaration annuelle des données sociales unifiée (DADSU) pour la même année, desquels il résulte que la société employait trois salariés cette année-là.
La dernière condition de l’article L. 221-3 précité est donc également remplie et le jugement sera ainsi infirmé en ce qu’il dit que les conditions d’application visées à l’article L. 221-3 du code de la consommation de sont pas réunies.
Selon l’article L. 221-18 du même code, ‘Le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance, à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d’autres coûts que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25.
Le délai mentionné au premier alinéa court à compter du jour :
1° De la conclusion du contrat, pour les contrats de prestation de services et ceux mentionnés à l’article L. 221-4 ;
2° De la réception du bien par le consommateur ou un tiers, autre que le transporteur, désigné par lui, pour les contrats de vente de biens. Pour les contrats conclus hors établissement, le consommateur peut exercer son droit de rétractation à compter de la conclusion du contrat.
Dans le cas d’une commande portant sur plusieurs biens livrés séparément ou dans le cas d’une commande d’un bien composé de lots ou de pièces multiples dont la livraison est échelonnée sur une période définie, le délai court à compter de la réception du dernier bien ou lot ou de la dernière pièce.
Pour les contrats prévoyant la livraison régulière de biens pendant une période définie, le délai court à compter de la réception du premier bien.’
Et selon l’article L. 221-21, ‘le consommateur exerce son droit de rétractation en informant le professionnel de sa décision de se rétracter par l’envoi, avant l’expiration du délai prévu à l’article L. 221-18, du formulaire de rétractation mentionné au 7° de l’article L. 221-5 ou de toute autre déclaration, dénuée d’ambiguïté, exprimant sa volonté de se rétracter.’
En l’espèce, il résulte sans ambiguïté de l’e-mail adressé par la société Paris Polska à la société CityCare le 28 mars 2017, soit dans le délai de quatorze jours après la signature du contrat le 15 mars 2017, qu’elle a exercé son droit de rétractation, étant rappelé que la société Paris Polska n’a réglé aucun loyer à la société Locam.
Le contrat a donc été anéanti par le seul exercice de ce droit, le 28 mars 2017, de sorte que le refus qu’a opposé la société Locam de prendre en compte cette rétractation est sans effet.
En conséquence, le jugement est confirmé, la société Locam sera déboutée de l’ensemble de ses demandes et il convient de lui ordonner de procéder à la reprise du matériel à ses frais.
Sur la demande de dommages-intérêts de la société Paris Polska
Les éléments de fait invoqués par la société Paris Polska pour fonder sa demande de dommages-intérêts, relatifs à des pratiques commerciales agressives, sont imputables à la société CityCare, laquelle n’est pas dans la cause. De plus, la société Paris Polska ne justifie pas du préjudice commercial qu’elle allègue.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La société Locam succombant à l’instance, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel. Sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera donc rejetée et elle sera condamnée à payer à la société Paris Polska, sur ce fondement, la somme de 1.000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement en ce qu’il se déclare compétent et en ce qu’il déboute la société Paris Polska de sa demande d’indemnisation ;
L’infirme pour le surplus et, statuant à nouveau :
Déboute la société Locam de l’ensemble de ses demandes ;
Ordonne à la société Locam de procéder à la reprise du matériel à ses frais ;
Condamne la société Locam aux dépens de première instance et d’appel ;
Condamne la société Locam à payer à la société Paris Polska la somme de 1.000 euros (mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE