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République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 16/11/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 21/05052 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T3PK
Jugement n° RG 19/07958 rendu le 29 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Lille
APPELANTE
SELARL [H] – ‘Les mandataires’ prise en la personne de Me [V] [H] (anciennement dénommée SCP [H]) en remplacement, suivant ordonnance de M. le président du tribunal de commerce de Fréjus du 12 mai 2020, de Me [D] [H], membre de la SCP [H], à ces fonctions désigné par jugement du tribunal de commerce de Fréjus du 27 janvier 2014, mandataire judiciaire, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL BAP [Localité 5]
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Jean-François Cormont, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
assistée de Me Zoubaïda Bouzou, avocat au barreau de Nice, avocat plaidant
INTIMÉE
Société Eifaltis SNC agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 1]
représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Cyril Duteil, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
DÉBATS à l’audience publique du 21 juin 2023 tenue par Dominique Gilles magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Valérie Roelofs
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Dominique Gilles, président de chambre
Pauline Mimiague, conseiller
Clotilde Vanhove, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023 après prorogation du délibéré initialement prévu au 19 octobre 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 14 juin 2023
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EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 14 décembre 2011, la SNC Eifaltis, bailleur, a conclu avec la gérante de la SARL BAP [Localité 5] en formation, preneur, un bail commercial de biens en l’état de futur achèvement, d’une durée de 12 ans, portant sur le lot n°10 des ouvrages annexes prévus par le bail à construction que lui avait préalablement concédé la société [J] dans le cadre de l’exécution du contrat de partenariat conclu par celle-ci avec la communauté urbaine de [Localité 5] métropole pour la réalisation d’un nouveau stade. Le lot n° 10, à usage de restaurant, est constitué d’un local de 306 m2 et d’une surface extérieure privative à usage de terrasse non couverte d’environ 81 m2.
L’ouverture du stade au public est intervenue en 2012 et l’établissement objet du bail, dénommé ‘le Bar à Pâtes’ a ouvert en 2013.
Par jugement du 27 janvier 2014, le tribunal de commerce de Fréjus a prononcé l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL BAP [Localité 5] sans période d’observation, avec désignation de Me [D] [H] en qualité de liquidateur judiciaire.
Dans le cadre de la procédure collective, la société Eifaltis a déclaré une créance à titre privilégié valorisée à hauteur de 41 640,28 euros, admise par ordonnance du juge commissaire du 10 mars 2016.
Par acte extrajudiciaire du 15 novembre 2016, le liquidateur judiciaire de la société BAP [Localité 5] a fait assigner la société Eifaltis devant le tribunal de commerce de Fréjus de voir dire que ce bailleur avait commis un dol au détriment de la société BAP [Localité 5], que le préjudice subi correspond à l’intégralité du passif de celle-ci, et pour voir condamner la société Eifaltis à le payer en totalité.
Par jugement du 10 septembre 2018, le tribunal de commerce de Fréjus s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Lille métropole.
La société Eifaltis a relevé appel de la décision.
Par arrêt du 8 février 2019, la cour d’appel d’Aix-en-Provence, faisant droit à l’exception d’incompétence de la société Eifaltis, a infirmé le jugement du 10 septembre 2018 et renvoyé les parties devant le tribunal de grande instance de Lille, en application de la clause attributive de compétence du bail.
C’est dans ces conditions que par jugement du 29 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Lille a :
– ordonné la révocation de la clôture,
– ordonné la clôture de l’affaire au 11 février 2021,
– déclaré en conséquence recevables les écritures signifiées par la voie électronique le 9 février 2021 par la SARL BAP [Localité 5] prise en la personne de la SCP [H] elle-même prise en la personne de Me [V] [H], membre de la SCP [H], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL BAP [Localité 5],
– débouté la SARL BAP [Localité 5] de sa demande d’annulation du bail commercial en l’état futur d’achèvement en date du 12 décembre 2011 et tous les actes subséquents en ce compris l’admission de sa créance à la procédure collective BAP [Localité 5],
– débouté la SARL BAP [Localité 5] de ses demandes tendant au paiement de l’intégralité du passif déclaré à la procédure collective,
– débouté la SARL BAP [Localité 5] de ses demandes tendant au paiement de l’intégralité des fonds perçus par la SNC Eifaltis soit le dépôt de garantie 120 115 euros HT soit 24 138 euros TTC) les droits d’entrée 147 995 euros HT soit 57 594 euros TTC) ainsi que l’intégralité des loyers réglés par la SARL BAP [Localité 5],
– condamné la société Eifaltis à payer à SARL BAP [Localité 5], prise en la personne de la SCP [H], elle-même prise en la personne de Me [V] [H], membre de la SCP [H], en sa qualité de liquidateur judiciaire, la somme de 15 000 euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice au titre de la perte de chance,
– débouté la société BAP [Localité 5] du surplus de la demande indemnitaire,
– condamné la société Eifaltis aux entiers dépens de l’instance,
– accordé faculté de recouvrement des dépens à Me Jean-François Cormont, avocat au Barreau de Lille,
– condamné la société Eifaltis payer à la SARL BAP [Localité 5], prise en la personne de la SCP [H], elle-même prise en la personne de Me [V] [H], membre de la SCP [H] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL BAP [Localité 5], la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision,
– rejeté toutes demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration du 29 septembre 2021, la SCP [H], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL BAP [Localité 5], a interjeté appel du jugement, déclaration d’appel critiquant les dispositions de la décision entreprise en ce qu’elle a débouté la SARL BAP [Localité 5] de sa demande d’annulation du bail commercial en l’état futur d’achèvement en date du 12 décembre 2011 et tous les actes subséquents en ce compris l’admission de sa créance à la procédure collective BAP [Localité 5], débouté la SARL BAP [Localité 5] de ses demandes tendant au paiement de l’intégralité du passif déclaré à la procédure collective, débouté la SARL BAP [Localité 5] de ses demandes tendant au paiement de l’intégralité des fonds perçus par la SNC Eifaltis soit le dépôt de garantie (20 115 euros HT soit 24 138 euros TTC), les droits d’entrée (47 995 euros HT soit 57 594 euros TTC) ainsi que l’intégralité des loyers réglés par la SARL BAP [Localité 5], condamné la société Eifaltis à payer à la SARL BAP [Localité 5], prise en la personne de la SCP [H], elle-même prise en la personne de Me [V] [H], membre de la SCP [H], en sa qualité de liquidateur judiciaire, la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice au titre de la perte de chance, en ce que le quantum alloué a été limité à ce montant, débouté la société BAP [Localité 5] du surplus de sa demande indemnitaire.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 13 juin 2023 la SELARL [H] – « Les mandataires », anciennement SCP [H] demande à la cour, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL BAP [Localité 5], de :
– le déclarer recevable et bien fondée en son appel,
– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Lille du 29 juillet 2021 en ce qu’il débouté la SARL BAP [Localité 5] de sa demande d’annulation du bail commercial en l’état futur d’achèvement en date du 12 décembre 2011 et tous les actes subséquents en ce compris l’admission de sa créance à la procédure collective BAP [Localité 5], débouté la SARL BAP [Localité 5] de ses demandes tendant au paiement de l’intégralité du passif déclaré à la procédure collective, soit la somme de 753 141,522 euros au titre du passif L. 622-24 du code de commerce et la somme de 112 257,12 euros au titre du passif L. 622-17 du code de commerce, débouté la SARL BAP [Localité 5] de ses demandes tendant au paiement de l’intégralité des fonds perçus par la SNC Eifaltis soit le dépôt de garantie (20 115 euros HT soit 24 138 euros TTC), les droits d’entrée (47 995 euros HT soit 57 594 euros TTC) ainsi que l’intégralité des loyers réglés par la SARL BAP [Localité 5], débouté la société BAP [Localité 5] du surplus de la demande indemnitaire, rejeté toutes demandes plus amples ou contraires,
– statuant à nouveau :
– dire que la SNC Eifaltis a commis un dol par réticence au détriment de la SARL BAP [Localité 5],
– annuler le bail commercial en l’état de futur achèvement en date du 12 décembre 2011 et tous les actes subséquents en ce compris l’admission de sa créance à la procédure collective BAP [Localité 5],
– dire et juger que par suite de l’annulation, les parties se replacent dans l’état dans lequel elles se trouvaient avant l’acte annulé,
– ordonner la restitution de l’intégralité des fonds perçus par la SNC Eifaltis soit le dépôt de garantie (20 115 euros HT soit 24 138 euros TTC), les droits d’entrée (47 995 euros HT soit 57 594 euros TTC) ainsi que l’intégralité des loyers réglés par la SARL BAP [Localité 5],
– condamner la SNC Eifaltis à titre de dommages et intérêts au paiement de l’intégralité du passif de la procédure collective BAP [Localité 5] (articles L. 622-24 et L. 622-17 du code de commerce),
– condamner la SNC Eifaltis à lui payer la somme de 753 141,522 euros au titre du passif L. 622-24 du code de commerce et à la somme de 112 257,12 euros au titre du passif L. 622-17 du code de commerce, sommes à parfaire.
– rejeter les demandes de la SNC Eifaltis,
– à titre subsidiaire,
– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Lille du 29 juillet 2021 en ce qu’il a condamné la société Eifaltis au titre de la perte de chance et au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– constater la responsabilité contractuelle de la SNC Eifaltis à l’égard de la SARL BAP [Localité 5],
– dire et juger que la SARL BAP [Localité 5], prise en la personne de son liquidateur a perdu une chance de réaliser les bénéfices escomptés et d’atteindre les objectifs visés, à hauteur de 75 %,
– dire et juger que la SARL BAP [Localité 5], prise en la personne de son liquidateur a perdu une chance d’amortir les charges liées au contrat de bail, à savoir le dépôt de garantie et le droit d’entrée, à hauteur de 75 %,
– condamner la SNC Eifaltis à lui payer la somme de 817 500 euros,
– condamner la SNC Eifaltis à lui payer la somme de 51 082,50 euros net,
– en tout état de cause,
– rejeter les demandes de la SNC Eifaltis,
– condamner la SNC Eifaltis au paiement d’une indemnité de 12 500 euros au visa des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel, sous le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 12 juin 2023, la SNC Eifaltis demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu le 29 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Lille en ce qu’il a débouté la société BAP [Localité 5] de sa demande d’annulation du bail commercial en l’état futur d’achèvement en date du 12 décembre 2011 et de tous les actes subséquents en ce compris l’admission de sa créance à la procédure collective BAP [Localité 5], débouté la société BAP [Localité 5] de ses demandes tendant au paiement de l’intégralité du passif déclaré à la procédure collective, soit la somme de 753 141,52 euros au titre du passif L. 622-24 du code de commerce et la somme de 112 257,12 euros au titre du passif L. 622-17 du code de commerce, débouté la société BAP [Localité 5] de ses demandes tendant au paiement de l’intégralité des fonds perçus par la société Eifaltis, soit le dépôt de garantie (20 115 euros HT soit 24 138 euros TTC), et les droits d’entrée (47 995 euros HT soit 57 594 euros TTC) ainsi que l’intégralité des loyers réglés par la société BAP [Localité 5],
– infirmer le jugement rendu le 29 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Lille en ce qu’il l’a condamnée à payer à la société BAP [Localité 5], prise en la personne de son liquidateur la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice au titre de la perte de chance, outre les dépens et la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– statuant à nouveau :
– débouter la société BAP [Localité 5], représentée par son liquidateur judiciaire, de l’ensemble de ses demandes,
– condamner ce liquidateur , en tous les dépens, avec le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile,
– condamner le liquidateur à lui verser la somme de 15 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 juin 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 21 juin 2023.
MOTIVATION
En 2008, la Communauté urbaine de [Localité 5] a conclu avec la société [J] un contrat de partenariat pour la réalisation et pour l’exploitation du stade dit « [4] de [Localité 5] ».
Ce contrat a prévu la possibilité de réaliser, sur une surface de l’ordre de 8 500 mètres carrés dénommée les « espaces annexes », un programme immobilier d’une surface approximative de l’ordre de 18 000 mètres carrés de SHON, consacré aux activités liées au sport, à l’accueil et à l’animation et dénommé « les ouvrages annexes ».
La société [J] a obtenu un permis de construire autorisant la réalisation des ouvrages annexes, aux termes d’un arrêté du maire de [Localité 10] du 6 août 2010. La société [J] s’est fait consentir par la Communauté urbaine en novembre 2010 un droit réel de superficie temporaire sur les espaces annexes, comportant tous les attributs du droit de propriété, notamment celui de consentir un bail à construction portant sur la réalisation des ouvrages annexes et celui de consentir des baux commerciaux sur les ouvrages annexes.
Par acte du 8 décembre 2010 la SNC Eifaltis, qui est spécialisée dans la promotion immobilière, et dont il est constant qu’elle dépend du même groupe Eiffage que la société [J], s’est fait consentir par celle-ci un tel bail à construction, s’obligeant à réaliser des ouvrages annexes conformes au programme d’aménagement des espaces annexes prévu au contrat de partenariat.
Or, ce programme d’aménagement prévoit notamment la réalisation de commerces et de restaurants en rez-de-chaussée des espaces annexes.
La SARL BAP [Localité 5], immatriculée au RCS de Lille le 9 janvier 2012, a été constituée entre M. [M] [B], footballeur professionnel, et des personnes de son entourage familial, pour exercer des activités de restauration.
Par acte sous seings privés du 14 décembre 2011, la SNC Eifalitis a consenti à Mme [U] [B], agissant en qualité de gérant au nom et pour le compte de la société « BAP [Localité 5] » en cours de formation, un bail commercial de 12 ans avec renonciation expresse du preneur à demander la résiliation à l’expiration de la première période triennale, soit un engagement irrévocable initial de 6 années, pour des locaux en état de futur achèvement de 306 mètres carrés environ, outre une surface extérieure privative de 81 mètres carrés environ, à usage de terrasse non couverte, constituant le lot n°10 des ouvrages annexes, devant être livrés bruts de béton et réseaux en attente.
Aux termes de ce bail commercial, les locaux devaient être exploités en permanence et à titre exclusif à usage de restaurant spécialisé de type pâtes/pizza fraîches cuisinées sur place, à l’exception de toute activité de restauration rapide de chaîne et de vente à emporter.
Le loyer hors taxes et hors charges (HTHC) a été initialement fixé à 80 460 euros, avec clause d’indexation.
Les parties ont stipulé un dépôt de garantie égal à trois mois de loyer.
L’article 8 de ce bail commercial prévoit en outre la création d’un « fonds marketing ».
Pour celui-ci, les parties ont adopté les stipulations suivantes :
« FONDS MARKETING D’OUVERTURE [8.1]
Un montant de 5 (cinq) euros HT/m2 GLA sera versé par le Preneur à la Date d’Entrée en vigueur du présent Bail afin de participer aux frais publicitaires mis en place par le Bailleur pour les besoins de l’ouverture des Ouvrages Annexes.
FONDS MARKETING ANNUEL
Les commerces et restaurants des Ouvrages Annexes constituent un ensemble économique organisé, composé de magasins et services, conçu, planifié, réalisé et géré comme une unité. Le Preneur reconnaît expressément que cet ensemble doit être préservé et qu’en s’implantant et en exploitant un local dans les Ouvrages Annexes, il adhère à la politique spécifique, dédiée à la promotion et à l’animation des commerces et restaurants des Ouvrages Annexes et financée par les preneurs des commerces et restaurants des Ouvrages Annexes.
Cette politique spécifique suppose la mise en ‘uvre d’actions de promotion et d’animation, comme condition de la réussite des commerces et restaurants des Ouvrages Annexes, et par là même du développement des commerces et entreprises qui les composent. Le Preneur reconnaît la nécessité de participer au financement de ces actions. [8.3]
A ce titre, le Preneur devra verser au Bailleur en plus des charges communes décrites ci-dessous, mais dans les mêmes conditions, les frais et honoraires de marketing correspondant au budget qui lui sera présenté en début d’année pour validation, étant précisé que si le budget est reconduit d’année en année, ce dernier sera indexé dans les mêmes conditions que le Loyer.
Les sommes collectées (le ‘Fonds Marketing’) seront affectées aux actions de promotion et de publicité des commerces et restaurants des Ouvrages Annexes, qui s’engage à ce qu’elles soient dédiées exclusivement et intégralement aux opérations de promotion et d’animation des commerces et restaurants des Ouvrages Annexes.
Le Bailleur devra, au plus tard le 1er juillet de chaque année, rendre compte de la promotion des Ouvrages Annexes de l’année précédente et communiquer au Preneur un tableau de répartition des dépenses engagées au titre de la promotion.
En tout état de cause, le Bailleur ne supportera aucun engagement vis-à-vis du Preneur au titre de la publicité des Ouvrages Annexes et ne pourra avoir sa responsabilité engagée en l’absence d’incidence de la politique de promotion des Ouvrages Annexes sur l’activité du Preneur. »
Le bail prévoit également le paiement par le preneur d’un droit d’entrée d’un montant de 47 995 euros hors taxes.
Cette somme est stipulée venir en contrepartie de la propriété commerciale conférée au preneur et demeurer définitivement acquise au bailleur, même en cas de fin des relations contractuelles entre les parties, et quelle qu’en soit la cause.
Les moyens de l’appelant consistent à soutenir, dans le corps de ses conclusions :
– en premier lieu, que la société BAP [Localité 5] a été victime de man’uvres dolosives du bailleur à l’occasion de la conclusion du contrat, pour demander en premier rang la nullité du contrat et des dommages-intérêts ;
– en second lieu, que la société BAP [Localité 5] a été victime d’une information pré-contractuelle inexacte ;
– en troisième lieu que la société BAP [Localité 5] a été victime d’une information contractuelle inexacte.
Dans le dispositif de ces mêmes conclusions, qui seul lie la cour en vertu de l’article 954 du code de procédure civile, le liquidateur ès qualités :
– demande l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a rejeté son action en nullité du bail commercial, en ce qu’il l’a déboutée de sa demande en paiement de l’intégralité du passif de la liquidation judiciaire, de ses demandes en restitution des fonds versés au bailleur, et du surplus de sa demande indemnitaire ;
– demande, outre le rejet des prétentions adverses, l’annulation du bail pour dol par réticence, la restitution consécutive des fonds versés et la condamnation du bailleur à supporter l’intégralité du passif de la liquidation à titre de dommages-intérêts ;
– à titre subsidiaire et au cas où le dol ne serait pas retenu :
– la confirmation du jugement entrepris sur la responsabilité du bailleur à hauteur du dommage résultant de la perte de chance et sur la condamnation de celui-ci à lui payer 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la condamnation de la société Eifaltis à payer 817 500 euros au titre de la perte de chance de réaliser les bénéfices escomptés et d’atteindre les objectifs fixés ;
– 51 082,50 euros au titre de la perte de chance d’amortir les charges liées au contrat, à savoir le dépôt de garantie et le droit d’entrée.
S’agissant de la réticence dolosive alléguée contre le bailleur, le liquidateur demande la nullité du contrat, la restitution des fonds versés par le preneur et, à titre de dommages-intérêts découlant de ce dol, la condamnation du bailleur à indemniser le liquidateur ès qualités à hauteur de la totalité du passif de l’article L. 622-24 du code de commerce, soit « 753 141,522 euros » (sic) et à hauteur de la totalité du passif de l’article L. 622-17 du code de commerce, soit 112 257,12 euros.
Toutefois, les moyens développés par le liquidateur ès qualités au soutien de son appel concernant le dol par réticence allégué ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs exacts que la Cour adopte, sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d’une discussion se situant au niveau d’une simple argumentation.
A ces justes motifs, il sera ajouté qu’il appartient au liquidateur, en application des dispositions de l’article 1116 du code civil dans sa rédaction applicable à la date de conclusion du bail, de prouver que le bailleur, lors de la conclusion du bail, détenait une information dont il savait que si le preneur l’avait connue, il n’aurait pas conclu le bail ou bien l’aurait conclu à des conditions substantiellement moins onéreuse.
S’il est soutenu que la SNC Eifaltis a manifestement agi de manière à tromper son cocontractant – dans la mesure où il est affirmé qu’elle a validé l’ensemble des informations qui lui ont été données par ses propres cocontractants, notamment Eiffage dont elle est une filiale, et qu’il appartient au bailleur de porter la responsabilité des manquements constatés de ces cocontractants -, la cour rappelle que le dol ne se présume pas et qu’il appartient notamment à l’appelant de démontrer que le bailleur savait à la date de conclusion du bail que les informations communiquées par ces tiers étaient illusoires.
Or, le liquidateur, qui affirme l’existence de man’uvres dolosives de la part du bailleur, soutient essentiellement que, pendant des mois, la société Eifaltis a présenté le projet en insistant sur les nombreuses manifestations qui devaient être proposées dans l’enceinte du [4].
Il expose que bailleur avait prévu 90 manifestations alors qu’il y en a eu selon lui, au cours de l’année 2013, moins de 5 hormis les matchs du [6], l’année 2013 étant celle au cours de laquelle la société BAP [Localité 5] a connu sa seule période d’activité, achevée par un état de cessation des paiements constaté en début 2014.
Il souligne qu’aucune information sur les futures programmations n’est parvenue aux commerçants présents sur place dont la société BAP [Localité 5] et qu’au surplus il y a eu des annulations de concert au dernier moment entraînant des pertes sèches avec gaspillage de la nourriture commandée en prévision de l’événement.
Le liquidateur explique que les 90 événements n’ont pas même été atteints en 2019, année précédent la crise sanitaire.
A l’appui de son argumentation, le liquidateur se prévaut d’un extrait du rapport annuel 2013 du groupe Eiffage qui relate que, dès sa première année d’exploitation, le [4] de [Localité 5] dénommé désormais Stade [K] [Y] a accueilli quatre concerts ou événements sportifs en plus des matches du [6], soulignant que cela est beaucoup moins que les prévisions annoncées avant la conclusion du bail.
Toutefois, la cour doit retenir que ce dernier document ne démontre en rien que le bailleur savait au moment de la conclusion du bail que les prévisions annoncées étaient fausses ou irréalistes.
Le liquidateur affirme sans toutefois le prouver que la société Eifaltis, société du Groupe Eiffage, disposait de l’ensemble des informations pouvant exister concernant le [4] et que, pour cela, il convient de sanctionner son comportement dolosif.
A cet égard, alors que nulle autre société du Groupe Eiffage ne figure à la présente procédure, si le liquidateur tire argument d’un arrêt du 19 septembre 2019 de la présente cour opposant exclusivement la société [J] et la société Eifaltis, intimées, d’une part à, d’autre part, des personnes physiques tierces et une société d’exploitation d’un autre lot à usage de restaurant dépendant des ouvrages annexes, appelants, et si cet arrêt cite la société Eifaltis qui avait évoqué les raisons pour lesquelles le Bar à pâtes avait fermé, en indiquant que c’était par « décision personnelle de la gérante de clore l’activité, également liée au site, mais pas que », cela ne démontre en rien la connaissance qu’avait le bailleur commun au moment de la conclusion du bail que le nombre des événements allait être inférieur à la prévision annoncée.
La circonstance que, dans cette autre procédure, la société Eifaltis n’ait pas mentionné l’existence du présent litige est sans emport concernant la caractérisation du vice du consentement et, plus largement, du dol allégué.
S’il est certain que le rapport d’activité 2011 du Groupe Eiffage mentionne : « 90 manifestations prévues par an, 25 matchs par an du [6], le club résident », le fait qu’il y en ait eu en réalité beaucoup moins, à le supposer établi, ne caractérise pas pour autant un manquement à la loyauté contractuelle du bailleur ou à son obligation de conclure de bonne foi le contrat.
La circonstance que, dans ses conclusions, le bailleur ait mentionné qu’il s’est agi de prévisions ne peut davantage être interprété comme une reconnaissance ou un aveu de ce bailleur concernant le dol allégué.
Rien ne démontre, en effet, que ce bailleur ait jamais présenté cette information relative à 90 manifestations par an comme une certitude, sur laquelle la société BAP [Localité 5] aurait pu compter sur la seule foi légitime en la loyauté et en la bonne foi contractuelle dues par son bailleur.
La circonstance que cette information ait figuré dans le dossier de presse concernant le [4] en ces termes :
« De par sa vocation sportive et culturelle, de nombreux événements seront organisés dans l’enceinte du [4] [Localité 5] Métropole tout au long de l’année.
Plus de 90 manifestations par an pourront y être programmées. En tant que club résident, le [6] disputera 25 matchs durant la saison sportive, soit 19 matchs de championnat, 4 matchs de Coupes et 2 matchs amicaux.
Outre les rencontres dans lesquelles le [6] est impliqué, [J] prévoit chaque année d’accueillir des événements : sportifs (8), spectacles (9), corporate et micro events (74).
La modularité du stade et ses divers équipements le rendent tout à fait apte à accueillir une programmation variée et une occupation partagée du site.
Il s’agit d’en faire une destination tous publics et une référence française pour les professionnels du sport et du spectacle. Ainsi, l’exploitation commerciale doit apporter une offre d’événements complémentaires au football afin de créer des synergies au profit des spectateurs’ »
ne caractérise pas non plus une atteinte à l’obligation de loyauté et de bonne foi contractuelle du bailleur à la conclusion du bail, quand bien même celui-ci ne se serait pas désolidarisé de ces éléments de communication dont il aurait bénéficié pour parvenir à la conclusion du bail litigieux, dès lors que rien ne prouve que ce bailleur savait lors de la conclusion du contrat que la réalisation de ces prévisions ne pouvait pas être espérée.
Le liquidateur soutient qu’outre ce document, des chiffres précis ont été communiqués au candidat preneur, soit « 8 événements sportifs hors match du [6], 9 spectacles et 74 micro events et corporate ».
La cour remarque que ces précisions figurent expressément dans le dossier de presse, à la page 9 du document que le liquidateur produit lui-même en pièce n°4.
Cependant, la société Eifaltis établit, au vu du rapport d’activité de la société [J] au titre de l’année 2013, figurant en pièce n° 12 de la production du bailleur, qu’en 2013, hormis les 22 matchs du [6], il y a eu comme événements : le match de rugby [8] contre [7] [Localité 9], 6 spectacles (Stars, Rihanna, Nitro Circus Live, les concerts privés de Lilly Wood & The Prok et de [O] [N] et le concert de la Fête de la musique), outre 103 événements de sociétés (page 22 du rapport déjà mentionné).
Il doit être retenu que ces événements de sociétés font partie des 74 prévus au titre « micro events et corporate » annoncés par le dossier de presse.
Ces éléments sont à rapprocher de l’affirmation du liquidateur qui affirme qu’alors que le bailleur avait annoncé 90 manifestations, il y en a eu « moins de cinq ».
L’arrêté municipal du 11 janvier 2012 autorisant l’allumage d’une façade lumineuse animée lors des grands événements estimés à 40 jours par an ne prouve nullement, par conséquent, le dol allégué.
La cour observe que le liquidateur de la société BAP [Localité 5], à tout le moins, exagère fortement le manque d’événements au regard des prévisions annoncées par voie de presse, dont il prétend victime le débiteur, ce même en tenant compte du fait que les événements de sociétés sont peu propices à avoir favorisé un afflux de clients pour les restaurants, du fait de l’organisation de la restauration effectuée en général en interne pour ces manifestations.
Rien n’indique d’ailleurs que le bailleur aurait fallacieusement fait miroiter au restaurateur que les événements dits « micro events et corporate » seraient générateurs de chiffres d’affaires.
En raison même de cette exagération, et eu égard à la réalité établie par le rapport d’activité déjà mentionné, le liquidateur ne prouve pas que la différence entre la prévision annoncée et les événements réalisés au cours de l’année 2013 – qui est la seule concernée pour la société BAP [Localité 5] dont la cessation des paiements date de début 2014 -, et par conséquent, la réticence prétendue, ont pu déterminer le consentement du preneur.
Dans ses conclusions, ce liquidateur indique encore dans un encadré :
« […]si le dossier de presse n’a pas été établi par la SNC Eifaltis, cette dernière, au titre de ses relations contractuelles qu’elles [sic] ne manque pas d’évoquer dans ses écritures, a fait usage de ces documents pour emporter la conviction de ses cocontractants (cf. notamment l’article 32 du bail : dans les documents annexes, l’un fait référence aux ouvrages annexes).
Dès lors ce document a valeur contractuelle. »
En dépit du caractère quelque peu obscur du passage cité, la cour comprend, ainsi que la société Eifaltis, que selon le liquidateur, l’article 32 du bail conférant valeur contractuelle à une liste de pièces annexées, le manque allégué d’événements dommageable à l’activité du restaurant litigieux caractériserait le dol allégué.
L’article 32 du bail dresse en effet une liste de pièces annexes et énonce que leur non-respect sera sanctionné de la même manière que le bail.
Parmi ses pièces, les conclusions du liquidateur distinguent les annexes 2 et 4.
L’annexe 2 est un extrait du contrat de partenariat entre la Communauté urbaine et la société [J] concernant les ouvrages annexes cet extrait comprend les points suivants : 6.3, 10.1 à 10.3, 11.2, 11.5, 16.3, 23.1, 23.2, 24.2, 25.4.
La cour observe cependant que le liquidateur ne précise aucune disposition de cette annexe à l’appui de son argumentation sur le manque d’événements, les dispositions figurant dans celle-ci n’apparaissant d’ailleurs pas en lien avec le manque d’événements invoqué.
L’annexe 4 est consacrée au programme d’aménagement des espaces annexes et indique notamment que l’activité des hôtels s’inscrira en complément avec celle du [4] pour ce qui concerne l’accueil des sportifs, artistes, etc’ et que le pôle restauration et services renforcera l’attractivité du site pour en faire un lieu d’activités, de services, de commerces et d’animations à part entière.
Elle précise : « Les locaux des Espaces Annexes représenteront environ 17700 m² SHON d’activités liées au sport, à l’accueil ou à l’animation pour créer un espace unique et structurant pour l’agglomération lilloise.
Le [4] [Localité 5] métropole proposera ainsi une offre originale, transformant l’enceinte en un réel lieu de vie permanent. »
Si le liquidateur affirme que cela n’a pas été le cas, cela ne contribue pas pour autant à caractériser le dol par réticence.
Au paragraphe 51 de ses conclusions, le liquidateur affirme que la société BAP [Localité 5] a « hérité » d’une situation fort différente de celle présentée par le bailleur lors des entretiens pré-contractuels avec la société Eifaltis, à cause « des fausses informations délivrées par le bailleur mais surtout de son comportement dolosif consistant à dissimuler volontairement les éléments essentiels, à savoir l’absence de programmation et l’absence de mesures prises pour assurer la programmation prévue. ».
Il demeure cependant que le liquidateur ne prouve ni le caractère intentionnel lors de la négociation du bail de l’utilisation par le bailleur de prévisions qui ne se sont pas réalisées, ni la dissimulation volontaire par le bailleur d’éléments tels que l’absence de programmation ou l’absence de mesures prises pour assurer une programmation prévue.
Si le liquidateur ès qualités expose en page 6 de ses conclusions que le bail conclu le 14 décembre 2011 a été consenti pour une durée de 9 ans à compter de l’achèvement des travaux pour une surface GLA de 304 mètres carrés -bien que le bail produit en pièce 5 indique une durée et une superficie différentes déjà rappelées -, il affirme que la mise à disposition des locaux a été effective le 30 octobre 2012, et que pendant tout ce délai – la cour comprend qu’il s’agit du délai entre le 14 décembre 2011 et le 30 octobre 2012-, la SNC Eifaltis et « le promoteur » – la cour comprend qu’il s’agit de la société [J]- n’ont jamais remis en cause le nombre des manifestations qui devaient se tenir dès l’ouverture du complexe.
A l’appui de ce moyen, il est invoqué spécifiquement comme pièces, outre le bail :
– l’accusé de réception d’une déclaration de sinistre du 8 décembre 2012 pour un dégât des eaux,
– l’avis de situation de la société BAP [Localité 5] au répertoire SIRENE du 2 novembre 2013 mentionnant que l’établissement est actif depuis le 8 janvier 2013,
– un procès-verbal de constat d’huissier du 31 octobre 2013 réalisé à la demande de la société BAP [Localité 5] pour établir les conséquences dommageables d’un dégât des eaux, de troubles à l’exploitation causés par des travaux et pour établir l’état de la signalétique, en particulier la totale absence de signalétique à la sortie piétonne du parking,
– des articles de journaux, à savoir celui de la Voix du Nord du 6 mars 2016 qui relate la fermeture du Bar à pâtes et d’un autre restaurant du parvis et les litiges qui s’en sont suivis à cause du manque d’événements au regard de ce qui était annoncé par la société [J], celui de l’Obs du 17 novembre 2013 qui relate l’annulation du concert du groupe Dépêche Mode qui devait de produire le même jour au stade [K] [Y] et qui selon l’article a été annulé pour cause d’absence de chauffage.
Cependant, l’ensemble des éléments invoqués par le liquidateur en pages 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 12 de ses conclusions ne font nullement la preuve d’un dol qui aurait été commis par le bailleur, seul ou avec la complicité d’une autre société du groupe Eiffage, à l’occasion de la conclusion du bail commercial litigieux.
Aux termes de conclusions confuses, dans lequel le liquidateur ès qualités s’est abstenu de réserver la discussion de ses prétentions et de ses moyens à l’exposé distinct prévu par l’article 954 du code de procédure civile, puisque cette discussion commence en l’espèce dès l’exposé des faits et de la procédure, celui-ci motive à nouveau spécifiquement son appel en vue de la réformation du rejet de ses demandes fondées sur le dol à partir de la page 18 de ses conclusions.
Il affirme, toujours sans le prouver, que la société Eifaltis « en établissant des documents prévoyant un nombre de manifestations bien loin de correspondre à la réalité, doit assumer sa responsabilité dans la mesure où elle a surévalué le nombre de manifestations qui devaient se tenir, dès la première année d’exploitation, au [4]. »
Dans un encadré soulignant l’importance particulière qu’il confère à son propos dans le paragraphe 41 de ses conclusions, le liquidateur, à l’appui du dol allégué, affirme qu’à partir du moment où elle s’est appuyé sur des documents pour donner du poids à son programme immobilier des espaces annexes, la société Eifaltis leur a conféré une valeur contractuelle.
Et pour étayer le fait que le bailleur se serait en réalité engagé sur le nombre d’événements et qu’il ne s’agissait pas de simples prévisions, le liquidateur ès qualités invoque que plusieurs commerçants, sans aucun lien entre eux, n’ont à aucun moment eu l’impression que la SNC Eifaltis évoquait une prévision et non un engagement.
Sur ce point le liquidateur ès qualités se prévaut d’articles de journaux de la Voix du Nord qu’il date des 12 décembre 2013, 15 février 2014 et 16 février 2014 et dont elle donne des citations, reprenant de simples propos anonymes.
Or, la cour ne saurait retenir ces éléments comme des indices sérieux du dol allégué.
Il convient d’insister sur le fait que le dol doit être caractérisé à la date de la conclusion du contrat et que l’attitude du bailleur postérieure à la conclusion et sans lien établi avec le comportement de celui-ci à la date de cette conclusion, ne permet pas de retenir la qualification de dol.
A cet égard si, au paragraphe 43 de ses conclusions, le liquidateur invoque le défaut de mise en place du budget marketing en exécution des clauses du bail sur le fonds marketing, rien ne démontre que l’inexécution alléguée du contrat, à la supposer caractérisée, ait été déjà connue par le bailleur au moment de la conclusion du bail en décembre 2011, sachant que la mise à disposition des locaux date de la fin 2012, selon le preneur lui-même.
La preuve d’un comportement dolosif concerté du bailleur commis avec d’autres sociétés de son groupe, qui suppose la dissimulation aux preneurs d’un défaut de programmation déjà connu de la société Eifaltis au 14 décembre 2011, n’est nullement rapportée.
Si le liquidateur mentionne, à l’appui du dol, les termes d’un arrêt de la présente cour rendu le 19 septembre 2019 dans une autre instance concernant un autre restaurant dépendant des ouvrages annexes et qui a retenu la responsabilité de la société Eifaltis pour des manquements dans ses obligations concernant le fonds marketing d’ouverture, ces manquements sont datés, selon cette décision, en amont du 5 novembre 2012, date retenue dans celle-ci comme étant celle de l’ouverture des ouvrages annexes.
Or, il n’est pas possible en la présente espèce de tenir pour prouvé, au-delà même des termes de cet autre arrêt mais au moyen de celui-ci, l’existence de man’uvres dolosives ou d’une réticence dolosive ayant existé à la date du présent bail, soit au mois de décembre 2011.
Le dol de ce chef n’est donc pas établi.
Si le liquidateur se prévaut encore des termes de cet autre arrêt ayant retenu le manquement contractuel du bailleur à son obligation de faire voter un budget pour 2013 pour le fonds marketing, il n’est pas davantage possible, en la présente espèce, de tenir pour prouvé, au-delà des termes de cet autre arrêt mais au moyen de celui-ci, l’existence de man’uvres dolosives ou d’une réticence dolosive ayant existé de ce chef à la date du présent bail, soit au mois de décembre 2011.
Si le liquidateur se prévaut enfin des termes de cet arrêt autre ayant retenu le manquement contractuel du bailleur à son obligation de faire faire procéder à un jalonnement sur le site, il n’est pas davantage possible, en la présente espèce, de tenir pour prouvé, au-delà des termes de cet autre arrêt mais au moyen de celui-ci, l’existence de man’uvres dolosives ou d’une réticence dolosive ayant existé de ce chef à la date du présent bail, soit le mois de décembre 2011.
Si le liquidateur ès qualités, redoublant encore ses affirmations, énonce que le bailleur a volontairement caché des éléments essentiels qui, s’ils avaient été connus du débiteur, l’auraient dissuadé de s’installer dans les conditions du bail, et ajoute que la société bailleur a « maintenu la même stratégie lorsqu’elle a été interrogée sur l’absence d’événements indiquant que cela allait bientôt arriver alors que « de grands concerts » auraient été annulés – étant observé par la cour que seule l’annulation du concert de Dépêche Mode est établie-, il sera retenu que cet élément, postérieur à la conclusion du contrat litigieux ne révèle rien des conditions ayant présidé à cette conclusion.
N’est en outre nullement étayée la prétendue continuité du comportement dolosif jusque dans l’attitude du bailleur après la conclusion du contrat, concernant en particulier l’information sur la stratégie marketing, le défaut de campagnes publicitaires en faveur des enseignes présentes ou l’insuffisance de la signalétique mise en place et le manque de précisions fournies par le bailleur sur les actions concrètes qu’il a mises en ‘uvre pour assurer son obligation d’animation ou de promotion.
Nulle violation d’une obligation pré-contractuelle d’information autre que le dol n’est davantage caractérisée en l’espèce, qui serait en particulier fondée sur le manquement à la loyauté contractuelle, dès lors que le liquidateur reproche toujours essentiellement de ne pas avoir donné au preneur l’information concernant le fait que ne seraient pas honorées les prévisions annoncées quant au nombre des événements, alors que rien ne démontre ni que le bailleur était lui-même détenteur de cette information lors de la conclusion du contrat, ni qu’il était de sa responsabilité de la détenir afin de la communiquer au preneur.
En particulier, la preuve de cette détention d’information ne peut se déduire ni des liens de groupe entre les sociétés [J] et Eifaltis, ni des prévisions du contrat – ces circonstances étant rapprochées de l’ensemble des autres faits de la cause-, que la société Eifaltis aurait dû avant la conclusion du contrat informer mieux et davantage la société BAP [Localité 5] sur la nature et le nombre des événements qui allaient réellement avoir lieu au cours de l’année 2013.
Par conséquent, s’agissant des moyens pris du dol, que ce soit pour l’annulation du contrat ou les dommages-intérêts, et ceux pris plus largement de la responsabilité civile délictuelle pour violation d’une obligation pré-contractuelle d’information ou de loyauté, chacun d’entre eux est mal fondé.
Il résulte de ce qui précède que les demandes en nullité du contrat de bail, celles formées au titre des restitutions consécutives à cette nullité et celles formées en dommages-intérêts sur un fondement délictuel doivent être rejetées.
Le jugement entrepris sera confirmé sur ces points.
S’agissant des dommages-intérêts pour les manquements contractuels reprochés au bailleur, les premiers juges ont retenu que le bailleur avait été particulièrement défaillant dans la mise en ‘uvre de ses obligations de promotion et d’animation des commerces et restaurants des ouvrages annexes, en particulier du Bar à pâtes exploité par la société BAP [Localité 5], sur le fondement des dispositions de l’article 8 du bail commercial précitées.
Les premiers juges ont retenu que la société Eifaltis s’était engagée à aux termes de ces dispositions à mener une politique d’animation et de promotion des ouvrages annexes financés au moyen des frais et honoraires de marketing payés en plus des charges communes et qu’elle était tenue, dans ce but, de présenter aux preneurs un budget pour validation. Ils ont retenu que la société Eifaltis ne justifiait que d’une seule réunion avec les preneurs, le 7 décembre 2012, lors de laquelle un budget a été présenté pour la mise en place d’actions de marketing/communication, qu’il apparaissait lors de cette réunion, que les preneurs s’étaient préoccupés des actions prioritaires à mettre en ‘uvre pour se faire connaître, faute d’action en ce sens du bailleur . Ils soulignent que la société Eifaltis n’avait pas donné suite à cette réunion et qu’elle n’avait pas appelé les fonds nécessaires pour l’alimentation du budget marketing, en violation de son obligation contractuelle mentionnée à l’article 8.2.
Les premiers juges ont ajouté qu’il résulte de l’article 8.1 du contrat concernant le fonds marketing d’ouverture que ces dispositions contenaient l’obligation du bailleur de faire des démarches en amont afin que l’activité des différents preneurs puisse débuter dans de bonnes conditions, grâce à l’information préalable du public.
Ils ont relevé que seule la parution d’un encart publicitaire dans le Voix du Nord en janvier 2013 était justifiée par le bailleur au titre des actions mises en ‘uvre.
Ils ont retenu que la date à laquelle le bandeau lumineux avait été posé n’était pas prouvée par le bailleur. Ils ont constaté que le totem ne concernait pas le Bar à Pâtes.
Sur ce dernier point et en fait, la cour observe que le totem que le bailleur prétend avoir mis en place en avril 2013 ne mentionne pas le Bar à Pâtes mais seulement l’ensemble des restaurants des Terrasses du [4], tandis que le constat d’huissier du 31 octobre 2013 constate la présence d’un totem mentionnant le nom du restaurant.
Si le bailleur affirme que l’encart publicitaire du 27 janvier 2013 a également paru dans le Nord Eclair, il ne l’établit pas.
Ce bailleur ne justifie pas davantage de la date d’installation du bandeau lumineux destiné à promouvoir les Terrasses du [4].
Il affirme sans en justifier un « enrichissement du site internet du [4] par l’inclusion de pages de présentation des Terrasses du [4] et de ses différents établissements.
Cependant, dès lors que le liquidateur ès qualités revendique la participation de la société BAP [Localité 5] à la réunion bailleurs/preneurs du 7 décembre 2012, selon les termes mêmes du compte-rendu qu’il produit et qui n’est pas contesté, ce document démontre que le preneur a, avec les autres preneurs, décidé de ne pas procéder au vote du fonds marketing annuel dans un premier temps, et d’utiliser le solde du fonds marketing d’ouverture d’un montant de 11 600 euros pour mener les actions proposées dans la présentation qui venait d’être soumise par le bailleur, précisant qu’il sera néanmoins nécessaire de voter un budget pour le fond marketing annuel pour 2013.
Par conséquent, alors que le bailleur fait valoir, sans être valablement contredit, qu’il n’a jamais été mis en demeure par la société BAP [Localité 5] de se conformer aux dispositions contractuelles en cause, même si les obligations concernant le fond marketing d’ouverture impliquaient, selon la rédaction du bail commercial, une action en amont, la cour doit tenir compte en l’espèce du délai qui a été consenti par le preneur et de l’absence de toute mise en demeure postérieure à l’octroi de ce délai, pour écarter la condamnation du bailleur à verser au preneur des dommages-intérêts au titre de la responsabilité du bailleur découlant du retard à mettre en ‘uvre les dispositions relatives au fonds marketing d’ouverture.
Par conséquent, les premiers juges ne peuvent être approuvés d’avoir retenu la responsabilité du bailleur au titre de l’article 8.1 du bail.
Le jugement entrepris sera réformé de ce chef.
Reste que les circonstances alléguées par le bailleur pour s’être dispensé de présenter un budget pour la constitution du le fonds marketing annuel de 2013, sur la base de discussions avec « les différents commerçants » ne justifient nullement de n’avoir rien fait pour l’exécution de cette obligation.
Le manquement du bailleur au titre du fonds marketing annuel est établi.
Le jugement doit donc être confirmé sur ce point.
Si le liquidateur ès qualités consacre des développements à un manquement du bailleur à son obligation de permettre une jouissance paisible des locaux objets du bail, à cause de travaux rendus nécessaires pour remédier à un dégât des eaux à l’étage supérieur, la preuve d’un trouble causé à l’exploitation et ayant fait perdre du chiffre d’affaires n’est pour autant pas rapportée.
C’est pourquoi la cour ne retient pas que le préjudice économique de perte de chance invoqué par le liquidateur ès qualités ait pu être causé par un tel manquement.
En définitive, la cour doit rechercher s’il existe en l’espèce une perte de chance de réaliser un meilleur chiffres d’affaires et donc une meilleure marge, causé par le manquement du bailleur relatif à son obligation relative au fonds marketing pour 2013.
S’agissant de l’évaluation de ce préjudice, la cour ne peut toutefois pas retenir qu’il soit égal à 75% des prévisions d’exploitations qui étaient celles de la société BAP.
En effet, l’adaptation au marché du positionnement du restaurant en cause est valablement remise en cause par le bailleur, dès lors que le type de restauration rapide finalement choisi, s’il pouvait être pertinent pour des manifestations sportives ou des manifestations publiques, n’était pas de nature à susciter une large clientèle spécialement attirée, en dehors de ces manifestations, par le type de cuisine proposée.
Cela à la différence d’un type de restauration plus spécialisé, traditionnel ou haut de gamme, susceptible d’exercer une attractivité en dehors des manifestations sportives. Dans ce dernier cas, en effet, la clientèle ayant eu connaissance du restaurant à l’occasion d’une manifestation sportive ou en dehors, par la vertu des actions de marketing qui auraient dû intervenir à la suite de l’adoption d’un budget pour le fonds annuel, était susceptible de revenir en dehors de toute manifestation publique organisée dans le stade.
Dans ce cadre, la notoriété comme sportif du fondateur du restaurant aurait bien été un élément attractif, alors qu’il n’y avait pas de raison qu’elle joue de manière significative, en dehors des manifestations sportives ou publiques, pour de la restauration rapide.
La cour doit retenir, par conséquent, que le préjudice allégué causé par la perte de chance de réaliser 75% des objectifs visés n’a pas pu être causée par le manquement du bailleur.
Encore faut-il observer que la pièce justificative fournie, notamment le « compte de résultat prévisionnel et dossier financier sur trois exercices (2013, 2014, 2015) » est justement critiquée par le bailleur, car il n’est nullement signé, n’offre aucune garantie de sérieux et, par conséquent, se trouve dénué de force probante s’agissant des prévisions d’activité.
S’agissant de la perte de chance « d’amortir les charges liées au contrat de bail, à savoir le dépôt de garantie et le droit d’entrée », celle-ci n’est nullement démontrée. En outre, il ne s’agit ni d’un gain manqué ni d’une perte éprouvée qui puisse être distingué du manque à gagner indemnisable, puisque il était nécessaire de supporter ces coûts pour générer un chiffre d’affaires et espérer une quelconque marge ou profit.
La demande formée à hauteur de 51 082,50 euros est donc entièrement mal fondées.
Le tribunal a évalué le préjudice de perte de chance subi à 15 000 euros.
Toutefois, le compte de résultat pour l’exercice 2013 démontre que le chiffre d’affaires n’a été que de 15 euros pour 79 028 euros de charges.
Ce compte de résultat démontre qu’aucune activité effective et significative d’exploitation du fonds de commerce ainsi créée ne s’est déroulée dans les lieux loués.
Or, faute de preuve d’une exploitation effective du fonds de commerce, la perte de chance alléguée pour 2013 est nulle.
En effet, dès lors que le fonds n’a pas été significativement exploité durant l’année de sa création, pour des raisons dont la preuve n’est pas rapportée qu’elles sont imputables au bailleur, le liquidateur ès qualités ne saurait se prévaloir d’une perte de chance d’exploitation à des conditions plus avantageuses.
Dès lors, la perte de chance pour les années postérieures à l’ouverture de la procédure collective est également nulle, puisque le manquement imputable au bailleur n’est pas de nature en l’espèce à avoir empêché toute exploitation effective et significative du fonds de commerce.
Le défaut d’exploitation du fonds de commerce apparaît en définitive sans lien de causalité prouvé avec le manquement établi du bailleur à son obligation contractuelle.
Pour les mêmes motifs, dès lors que la non exploitation effective du fonds de commerce est sans lien prouvé avec les manquements du bailleur; il ne peut être davantage retenu que les pertes subies et le passif de la société en liquidation avaient une chance d’être moindres si le manquement retenu contre le bailleur ne s’était pas produit.
Par conséquent, la somme allouée par le premier juge n’est pas justifiée.
Le jugement sera par conséquent réformé et le liquidateur ès qualités sera entièrement débouté de ses demandes indemnitaires.
Sur les demandes accessoires, le jugement sera également réformé.
Le liquidateur ès qualités, en équité, versera 13 000 euros à la société Eifaltis au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel.
Il supportera également la charge des dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Réforme le jugement entrepris, mais seulement en ce qu’il a retenu la responsabilité du bailleur au titre de ses obligations relatives au fonds marketing d’ouverture, condamné la société Eifaltis à payer à la société BAP [Localité 5] prise en la personne de la SCP [H] elle-même prise en la personne de Maître [V] [H], membre de la SCP [H], en sa qualité de liquidateur judiciaire la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice au titre de la perte de chance, et 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et condamné la société Eifaltis aux dépens ;
Pour le surplus,
Confirme le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau sur les chefs réformés et y ajoutant,
Déboute la SELARL [H] « Les Mandataires » anciennement dénommée SCP [H], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL BAP [Localité 5] de ses demandes ;
La condamne aux dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit du conseil de la société Eifaltis ;
La condamne à payer 13 000 euros à la société Eifaltis en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Le greffier
Valérie Roelofs
Le président
Dominique Gilles