Délégation de paiement : 24 mai 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/04797

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Délégation de paiement : 24 mai 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/04797

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 24 MAI 2022

N° RG 19/04797 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LGUB

SAS M+ MATERIAUX

c/

SAS DEMATHIEU BARD CONSTRUCTION

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 juillet 2019 (R.G. 2018F00318) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 29 août 2019

APPELANTE :

SAS M+ MATERIAUX, prise en la personne de son représentant légal, domicilé en cette qualité au siège sis, [Adresse 2]

représentée par Maître Christine COMBEAU de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SAS DEMATHIEU BARD CONSTRUCTION, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège sis, [Adresse 1]

représentée par Maître Carole LAPORTE de la SELARL RACINE, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 05 avril 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie PIGNON, Président chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nathalie PIGNON, Présidente,

Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 27 novembre 2015, la société Demathieu Bard Construction a consenti à la société ISO NEG, aux droits de laquelle vient la société M+ Matériaux, une délégation de paiement en s’engageant à procéder au règlement de ses factures correspondant à des livraisons de matérieux effectuées à la société BPI dans le cadre de la réalisation d’un éco-quartier.

La société M+ Matériaux a livré à la société BPI des matériaux, et par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 août 2017 a mis en demeure la société Demathieu Bard Construction de lui régler la somme de 19.480,35 euros au titre du solde restant dû.

La société Demathieu Bard Construction a résilié le marché de la société BPI par lettre du 11 août 2016, et les ouvrages ont été réceptionnés avec réserves, le 24 novembre 2016 et le 27 mars 2017.

Par jugement du 17 janvier 2018, le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société BPI. La procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 7 mars 2018.

Par acte d’huissier du14 mars 2018, après mises en demeure, la société M+ Matériaux a assigné devant le tribunal de commerce de Bordeaux la société Demathieu Bard Construction en paiement de la somme de 19 480,35 euros correspondant au solde de sa facture.

Par jugement contradictoire du 5 juillet 2019, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

– débouté la société M+ Matériaux de ses demandes,

– condamné la société M+ Matériaux à payer à la société Demathieu Bard construction la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société M+ Matériaux aux dépens de l’instance.

Par déclaration du 29 août 2019, la société M+ Matériaux a interjeté appel de cette décision à l’encontre de l’ensemble des chefs qu’elle a expressément énumérés, intimant la société Demathieu Bard construction.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 19 novembre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la société M+ Matériaux demande à la cour de:

– infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux le 5 juillet 2019,

– en conséquence,

– condamner la société Demathieu Bard construction, sur le fondement des articles 1103 et 1104 du code civil, au paiement de la somme principale de 19 480,35 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 août 2017,

– la condamner au paiement d’une indemnité de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La société appelante fait valoir que, s’il existe des différences entre le devis et les factures, il est inséré dans la délégation de paiement une clause qui a pour objet de définir les modalités pour lesquelles des modifications pouvaient être envisagées, et qu’il n’est pas contestable que l’intégralité des marchandises facturées par elle a été utilisée pour ce chantier.

Elle explique en outre que sa créance a été déclarée au passif de la liquidation judiciaire de la société BPI, et n’a fait l’objet d’aucune contestation.

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 10 janvier 2022, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la société Demathieu Bard construction demande à la cour de:

– vu les articles 1134, 1275 et 1315 anciens du code civil (articles 1103, 1336 et 1353 nouveaux),

– confirmer le jugement rendu le 5 juillet 2019 par le tribunal de commerce de Bordeaux,

– débouter la société M+ Matériaux de l’ensemble de ses demandes,

– ajoutant au jugement, condamner la société M+ Matériaux à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens d’appel dont distraction au profit de la société Racine agissant par Me Thomas Belleville.

Elle soutient que les factures produites par la société M+ Matériaux ne correspondent pas au devis qu’elle a accepté, que les prestations, métrés, montants facturés, etc’ ne sont pas identiques, la société M+ Matériaux n’apportant pas la preuve des modifications qui expliqueraient l’absence de concordance entre le devis annexé à la convention de délégation et les duplicatas de factures qui sont versés aux débats.

Elle ajoute que la preuve de la livraison des matériaux n’est pas rapportée.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 15 mars 2022 et le dossier a été fixée à l’audience du 5 avril 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l’article L.110-3 du code de commerce, à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens, à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi.

En l’espèce, aucune loi particulière ne prévoit un moyen de preuve particulier.

La production d’une simple facture, à l’exclusion de tout autre élément, est insuffisante pour justifier de l’obligation, en vertu de la règle selon laquelle nul ne peut se créer une preuve à soi-même, et il n’en va autrement que si la facturation litigieuse est corroborée par d’autres éléments, ou si le demandeur démontre qu’il existe des circonstances particulières rendant impossible l’établissement d’un écrit.

La convention de délégation de paiement signée entre les parties prévoit dans son article 3 la livraison de matériels et matériaux listés dans un devis annexés pour un montnat totale de 79.953,41 euros TTC, l’article 6 précisant : « Une copie des bons de livraison dûment visés devra être transmise par le délégant au délégué, après vérification.

La facture du délégataire reste libellée au nom du délégant qui s’oblige à la transmettre au délégué dans un délai maximum de 10 jours à compter de la réception de la facture.

Pour faire l’objet d’un règlement par le délégué, les factures du délégataire devront obligatoirement respecter le formalisme suivant :

– Porter l’indication « paiement par l’entreprise principale pour le compte de l’entreprise sous-traitante »

– Comporter la mention « bon pour paiement » apposée par le délégant

– La signature du représentant du délégant avec son nom et sa qualité

– Ainsi que le tampon de société du délégant.

A défaut, le délégué sera fondé à refuser de procéder au paiement des factures dont le formalisme décrit ci-dessus n’est pas respecté, ce qui est expressément accepté par le délégant et le délégataire’.

Pour justifier de sa demande en paiement, la société appelante se contente de produire aux débats des factures de matériaux dont certains diffèrent de ceux visés dans le devis, et qui n’ont pas tous été livrés au cours de la période visée initialement dans la convention de délégation de paiement.

Par ailleurs, les documents sur lesquels figurent la mention ‘bon à payer’ sont des duplicatas, sans cachet ni tampon ni aucun signe distinctif de la société BPI, sont révêtus d’une signature ‘[M] [P]’, dont il n’est pas établi qu’elle émane d’un responsable de la société BPI, et ne respectent donc pas le formalisme prévu à l’article 6 de la convention de délégation de paiement.

Enfin, il est démontré par la société intimée que la société BPI a abandonné le chantier, et, conformément à l’article 5 de la convention de la délégation de paiement, elle est donc en droit d’opposer à la société appelante sa créance à l’encontre de la société BPI telle qu’elle résulte du décompte général et définitif établi à l’issue du chantier, compte tenu des moins values.

Pour l’ensemble de ces motifs, le jugement qui a rejeté la demande de la société M+ Matériaux sera confirmé.

Compte tenu de la décision intervenue, les dépens de première instance et d’appel seront laissés à la charge de la société M+ Matériaux .

Il est équitable d’allouer à la SAS Demathieu Bard Construction la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, que la société M+ Matériaux sera condamnée à lui payer.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 5 juillet 2019 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la SAS M+ Matériaux à payer à la SAS Demathieu Bard Construction la somme de 2.000 euros en application, en cause d’appel, des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS M+ Matériaux aux entiers dépens, dont distraction au profit de la société Racine agissant par Me Thomas Belleville conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Mme Pignon, présidente, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 


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