Délégation de paiement : 31 janvier 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 21/01176

·

·

Délégation de paiement : 31 janvier 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 21/01176

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 31 JANVIER 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 21/01176 – N° Portalis DBVK-V-B7F-O4IL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 18 JANVIER 2021

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2019 004464

APPELANTE :

S.A.R.L. CLARENSAC prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Marine NAJAR, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Frédéric DABIENS de l’AARPI DABIENS, KALCZYNSKI, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEES :

S.A.R.L. SUPERBLOC PASCAL MATERIAUX prise en la personne de son gérant en exercice domicilié es qualité au siège social sis

[Adresse 9]

[Localité 4]

Représentée par Me Fanny LAPORTE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER

S.E.L.A.R.L. MJ ALPES ès qualités de « Mandataire liquidateur » de la société « AB34 », dont le siège social est [Adresse 1], désignée à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce de Montpellier du 10 décembre 2018.

[Adresse 5]

[Localité 2]

(ordonnance de caducité partielle du 20 mai 2021)

Ordonnance de clôture du 02 Novembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 NOVEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller

M. Thibault GRAFFIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Audrey VALERO ARRET :

– Contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Audrey VALERO, Greffière.

*

* *

FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES:

Suivant un acte d’engagement du 20 février 2018, la SARL Clarensac a confié à la SAS AB 34 la réalisation du lot 3 « doublage/cloisons » des travaux de construction d’un ensemble immobilier dénommé « Clarensac-les-Mazets » situé à Clarensac (Gard).

Une convention de délégation de paiement a été conclue, le 18 septembre 2018, entre la société Clarensac, la société AB 34 et la SARL Pascal matériaux relativement à la fourniture des matériaux nécessaires à la réalisation des travaux, dans la limite d’un montant de 83 000 euros TTC ; il est stipulé à l’article 4 de la convention intitulé « Conditions et modalités de paiement », au point 4.1, que « De convention expresse entre les parties, le maître de l’ouvrage ne procédera au règlement du montant des fournitures faites à l’entreprise AB 34 que sur demande de l’entreprise, et par prélèvement sur les situations établies par cette dernière » et au point 4.2, que « Il est expressément convenu que la société Pascal matériaux, fournisseur, ne pourra exiger du maître d’ouvrage aucun paiement en l’absence de situations établies par l’entreprise correspondant à l’exécution de son marché dans les formes prévues à l’article 4 ci-dessus ».

Par jugement du 10 décembre 2018, le tribunal de commerce de Montpellier a ouvert une procédure de liquidation judiciaire l’égard de la société AB 34, la Selarl MJ perspectives représentée par Mme [E] étant désignée en qualité de liquidateur ; la date de cessation des paiements a été fixée provisoirement au 1er janvier 2018.

Par lettre recommandée reçue le 26 décembre 2018 par son destinataire, la société Pascal matériaux a mis la société Clarensac en demeure de lui régler, en vertu de la convention de délégation de paiement, quatre factures de fournitures de matériaux éditées les 27 septembre 2018, 25 octobre 2018, 28 novembre 2018 et 20 décembre 2018 pour des montants respectifs de 15 745,37 euros, 8906,23 euros, 29 977,20 euros et 9728,34 euros.

N’obtenant pas le règlement escompté, la société Pascal matériaux a, par exploit du 6 mars 2019, fait assigner la société Clarensac devant le tribunal de commerce de Montpellier qui, par jugement du 18 janvier 2021, a notamment:

– déclaré que la convention de paiement en date du 18 septembre 2018 est valable,

– condamné la société Clarensac au paiement de la somme de 64 357,14 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2018,

– dit que le jugement est opposable à Mme [E] en sa qualité de liquidateur de la société AB 34,

– ordonné l’exécution provisoire de son jugement,

– condamné la société Clarensac à payer à la société Pascal matériaux la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue le 23 février 2021 au greffe de la cour, la société Clarensac a régulièrement relevé appel de ce jugement, intimant la société Pascal matériaux et la Selarl MJ Alpes représentée par Mme [E], venant aux droits de la Selarl MJ perspectives.

La déclaration d’appel à l’égard de la Selarl MJ Alpes a été déclarée caduque par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 20 mai 2021, qui n’a pas été déférée à la cour.

Dans ses conclusions n° 2 déposées le 28 octobre 2022 via le RPVA, la société Clarensac demande à la cour de :

– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 18 janvier 2021 en ce qu’il l’a condamnée au paiement de la somme de 24 651,60 euros TTC au titre des factures de septembre et octobre 2018, sauf en ce qu’il l’a condamnée au paiement des intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 21 décembre 2018 au titre du paiement de ces factures,

– infirmer le jugement du tribunal de commerce sur ce dernier point,

– infirmer le jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 18 janvier 2021 en ce qu’il l’a condamnée au paiement de la somme de 39 705,54 euros TTC en principal assortie des intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 21 décembre 2018, au titre des factures de novembre et de décembre 2018,

– en conséquence, débouter la société Pascal matériaux de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions relatives au paiement des factures de novembre et de décembre 2018,

– condamner la société Pascal matériaux à lui restituer la somme de 39 705,54 euros TTC assortie des intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 21 décembre 2018, versée suite au commandement aux fins de saisie-vente signifié,

– condamner la société Pascal matériaux à lui payer la somme de 4000 euros en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

(…)

– subsidiairement, condamner la Selarl MJ Alpes ès qualités de mandataire liquidateur de la société AB 34 à la relever de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre.

Au soutien de son appel, elle fait valoir pour l’essentiel que :

– les factures de septembre et d’octobre 2018 totalisant 24 651,60 euros TTC sont bien dues en exécution de la convention de délégation de paiement, sauf en ce qui concerne les intérêts dès lors que par courrier du 20 février 2019, le mandataire judiciaire lui avait expressément demandé de suspendre tout paiement,

– en revanche, les factures de novembre et décembre 2018 pour 39 705,54 euros TTC au total n’ont pas fait l’objet d’une demande en paiement lui ayant été adressée par la société AB 34 conformément au point 4.1 de l’article 4 de la convention,

– la société AB 34 a, par ailleurs, attesté le 11 décembre 2018 n’avoir aucune situation en cours et n’être en attente d’aucun règlement relativement au marché en cause,

– la société Pascal matériaux a déclaré sa créance de 64 357,14 euros à la procédure collective de la société AB 34, ce qui correspond à la mise en ‘uvre du point 4.3 de l’article 4 de la convention,

– enfin, en vertu de l’article 3 de la convention, il appartient à la société Pascal matériaux, à la suite de son refus légitime de régler les factures, de se retourner contre la société AB 34 pour en obtenir le paiement.

La société Pascal matériaux, dont les conclusions ont été déposées le 29 juillet 2021 par le RPVA, sollicite de voir confirmer le jugement du 18 janvier 2021 en toutes ses dispositions et condamner la société Clarensac à lui payer la somme de 4000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient en substance que :

– la société AB 34 a avalisé les factures litigieuses en apposant son cachet et en mentionnant « bon pour règlement de la somme » et si elle a confirmé, le 11 décembre 2018, n’avoir pas de situation en cours ou de règlement en attente, c’est bien parce que l’intégralité de ses situations antérieures lui avait été intégralement réglée,

– le règlement des situations de travaux de la société AB 34 par le maître de l’ouvrage, la société Clarensac, est ainsi intervenu en violation de ses droits,

– conformément à l’article 3 de la convention, la société Clarensac, en sa qualité de maître d’ouvrage, est tenue de lui régler les sommes dues par l’entreprise au titre des matériaux livrés, en l’absence de toute contestation quant à la fourniture des matériaux ou aux travaux réalisés grâce aux matériaux, sauf à faire bénéficier celle-ci d’un enrichissement sans cause.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 2 novembre 2022.

MOTIFS de la DECISION :

Devant la cour, la société Clarensac ne soutient plus que la convention de délégation de paiement du 18 septembre 2018 se trouve entachée de nullité au regard des dispositions de l’article L. 632-1 du code de commerce et reconnaît devoir la somme de 24 651,60 euros, montant TTC des deux premières factures émises les 27 septembre 2018 et 25 octobre 2018 ; la circonstance que le liquidateur judiciaire de la société AB 34 lui a demandée, par courrier du 20 février 2019, de suspendre tout paiement en faveur de la société Pascal matériaux tenant la nullité de la convention de délégation de paiement, n’est pas de nature, dans ses rapports avec cette dernière, à justifier que le point de départ des intérêts moratoires au taux légal sur la somme due soit reporté au-delà du 21 décembre 2018, date de la mise en demeure effectuée par lettre recommandée.

Il résulte des points 1 et 2 de l’article 4 de la convention que le paiement direct par le maître de l’ouvrage des fournitures mises en ‘uvre par l’entreprise est subordonné à une demande de règlement des dites fournitures par l’entrepreneur au maître de l’ouvrage et à l’existence de situations établies par l’entreprise correspondant à l’exécution de son marché ; en l’occurrence, en apposant sur les factures litigieuses des 28 novembre 2018 et 20 décembre 2018, qui étaient destinées à être transmises à la société Clarensac, la mention « bon pour règlement de la somme » suivie de son cachet commercial, la société AB 34 a nécessairement sollicité le règlement des factures de fournitures éditées par la société Pascal matériaux par le maître de l’ouvrage et la société Clarensac, qui ne communique pas les situations de travaux établies par l’entreprise, ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ce que les matériaux facturés n’ont pas été effectivement mis en ‘uvre par la société AB 34 dans le cadre de l’exécution de son marché, fait susceptible de l’exonérer de son obligation de paiement direct.

Si, dans une attestation du 11 décembre 2018, produite aux débats, le gérant de la société AB 34 affirme n’avoir aucune situation en cours et en attente de règlement pour ces marchés (dont le lot « cloisons/doublages » des travaux de construction de l’ensemble immobilier « [Adresse 8] » situé à [Adresse 6]), il ne peut en être déduit que les situations de travaux établis par l’entreprise ne comportaient pas la mise en ‘uvre des matériaux facturés par la société Pascal matériaux, l’attestation signifiant seulement qu’à la date du 11 décembre 2018 l’ensemble des situations de travaux de la société AB 34 avait été réglé.

Par ailleurs, le point 3 de l’article 4 de la convention dispose que si pour une raison quelconque, le maître d’ouvrage venait à refuser le règlement en tout ou partie des sommes dues, le fournisseur sera en droit de réclamer à l’entreprise, débiteur principal, le montant des factures correspondant à la fourniture des matériaux livrés, ce que l’entreprise reconnaît et accepte ; il est également stipulé au deuxième paragraphe de l’article 3 de la convention que le maître d’ouvrage se reconnaît tenu envers le fournisseur du paiement des sommes dues par l’entreprise mais seulement à concurrence du montant de la créance du fournisseur vis-à-vis de l’entreprise, dans la limite du montant de la délégation de paiement et sous réserve des exceptions que le maître de l’ouvrage pourrait opposer tant à l’entreprise qu’au fournisseur.

La faculté reconnue au fournisseur de réclamer à l’entreprise le montant des factures correspondant à la fourniture des matériaux livrés en cas de refus par le maître de l’ouvrage de régler les sommes dues, n’a pas cependant pour effet d’empêcher le fournisseur de mettre en ‘uvre la délégation de paiement contractée par le maître de l’ouvrage, dès lors que les conditions en sont remplies ; il importe donc peu que la société Pascal matériaux ait déclaré sa créance de 64 357,14 euros au passif de la procédure collective de la société AB 34 et la société Clarensac, qui ne prétend pas être redevable de situations de travaux à l’égard de la société AB 34, ne peut refuser le paiement des matériaux facturés au prétexte de malfaçons ayant nécessité l’exécution par des entreprises tierces de travaux de reprise, alors qu’elle ne conteste ni la mise en ‘uvre, ni la qualité des matériaux ainsi facturés.

Il résulte de ce qui précède que le jugement entrepris doit être confirmé dans toutes ses dispositions.

La déclaration d’appel de la société Clarensac à l’égard de la Selarl MJ Alpes, liquidateur à la liquidation judiciaire de la société AB 34, ayant été déclarée caduque, l’appelante n’est pas recevable à demander, subsidiairement, que celle-ci soit condamnée à la relever de toute condamnation qui serait prononcée contre elle, une telle demande ayant d’ailleurs été présentée pour la première fois devant la cour et se heurtant, en toute hypothèse, à l’interdiction des paiements par le débiteur sous le coup d’une procédure collective.

Succombant sur son appel, la société Clarensac doit être condamnée aux dépens, ainsi qu’à payer à la société Pascal matériaux la somme de 3000 euros en remboursement des frais non taxables que celle-ci a dû exposer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 18 janvier 2021,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société Clarensac aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer à la société Pascal matériaux la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

le greffier, le président,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x