Veuillez activer JavaScript dans votre navigateur pour remplir ce formulaire.
Nom
(*) Vos données sont traitées conformément à notre Déclaration de Protection des Données Vous disposez d’un droit de rectification, de limitation du traitement, d’opposition et de portabilité.

Numérisation : 3 juin 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 18/19497

·

·

Numérisation : 3 juin 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 18/19497

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 03 JUIN 2022

N° 2022/219

Rôle N° RG 18/19497 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BDO4W

SCS PROFROID CARRIER

C/

[O] [F]

Copie exécutoire délivrée

le :

03 JUIN 2022

à :

Me Aurelie BOUCKAERT de la SELARL AKTIS, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Jean-paul GUEYDON, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de MARSEILLLE en date du 21 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/01083.

APPELANTE

SCS PROFROID CARRIER, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Aurelie BOUCKAERT de la SELARL AKTIS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [O] [F], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Jean-paul GUEYDON, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Juin 2022

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

[O] [F] a été engagé par la société PROFROID CARRIER, en qualité d’assistant commercial et marketing, par contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 1er juillet 2010.

La relation de travail était régie par la convention collective de la métallurgie des Bouches- du- Rhône.

À compter du 14 août 2015, [O] [F] a fait l’objet de plusieurs arrêts de travail pour maladie :

– du 08 janvier au 31 mars 2014,

– du 19 au 31 mai 2014,

– du 3 septembre au 27 décembre 2014,

– du 6 juillet au 2 août 2015,

– à compter du 24 août 2015.

Par courrier recommandé du 25 novembre 2016, l’employeur a écrit au salarié en ces termes : ‘vous êtes absent pour maladie de manière continue depuis le 24 août 2015.

Votre absence désorganise énormément l’entreprise et nous ne pouvons laisser perdurer la situation.Votre dernier arrêt prévoit un arrêt jusqu’au 30 novembre 2016.Nous vous saurions gré de nous tenir informés de vos intentions quant à une éventuelle reprise’.

Par courrier de réponse en date du ler décembre 2016, le salarié a indiqué : ‘suite à la visite de ce jour chez mon médecin traitant, un nouvel arrêt de travail m ‘a été prescrit à compter du ler décembre 2017 jusqu ‘au 5 janvier 2017. Sous réserve de la déclaration d’aptitude au travail par la médecine du travail, ma reprise s’effectuera le 6 janvier 2017″.

Le 9 janvier 2017, la société a reçu une prolongation de l’arrêt maladie du sa1arié jusqu’au 12 février 2017.

Le 10 janvier 2017, la société a convoqué le salarié à un entretien préalable, fixé au 20 janvier suivant.

Par courrier recommandé du 30 janvier 2017, [O] [F] a été licencié pour impossibilité du maintien du contrat de travail pour absence prolongée rendant nécessaire son remplacement définitif.

Le 03 juin 2017, [O] [F] a saisi le Conseil de Prud’hommes aux fins de :

-juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et vexatoire,

-condamner l’employeur à lui verser les sommes suivantes :

-50 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêt au taux légal à compter du prononcé de la présente décision,

– 528,33 € à titre de congés payés afférents à l’indemnité compensatrice de préavis, la demande de 5283,36 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, réglée par l’employeur en avril 2017, ayant été abandonnée,

-ordonner la rectification de l’attestation Pôle Emploi mentionnant les 12 demiers mois civils complets précédant le dernier jour travaillé sous astreinte de 100 € par jour de retard à partir du 15ème jour suivant la notification de la présente décision ainsi que la réparation d’un préjudice autonome de 3 000 euros.

Il sollicite en outre le bénéfice de l’exécution provisoire et la condamnation de l’employeur à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation aux entiers dépens.

Par décision en date du 21 novembre 2018, la formation de départage du conseil de prud’hommes de Marseille a :

Dit que le licenciement de [O] [F] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamné en conséquence la société PROFROID CARRlER à payer à [O] [F] la somme de 27 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamné la société PROFROID CARRIER à rembourser à l’organisme PÔLE EMPLOI les indemnités de chômage perçues par [O] [F] à hauteur de 6 mois,

L’a condamnée à remettre au salarié un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, une attestation POLE EMPLOI, un certificat de travail et un solde de tout compte rectifiés conformément à la présente procédure, ainsi qu’ à régulariser la situation du salarié auprès des organismes sociaux,

Dit n’y avoir lieu à assortir cette remise d’une astreinte,

Précisé que les condamnations concernant des créances de nature indemnitaire porteront intérêt au taux légal à compter de la présente décision,

Condamné la société PROFROID CARRIER à payer à [O] [F] la somme de l 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejeté toute autre demande,

Condamné la société PROFROID CARRIER aux dépens.

La société PROFROID CARRIER a relevé appel de cette décision.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 5 mai 2021, elle demande à la cour :

d’Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Marseille le 21 novembre 2018 en ce qu’il a :

-Dit que le licenciement de [O] [F] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– Condamné la société PROFROID CARRIER à payer à [O] [F] la somme de 27.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– Condamné la société PROFROID CARRIER à rembourser à l’organisme POLE EMPLOI les indemnités chômage perçues par [O] [F] à hauteur de 6 mois ;

– Condamné la société PROFROID CARRIER à remettre au salarié un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, une attestation POLE EMPLOI, un certificat de travail et un solde de tout compte rectifiés et à régulariser la situation du salarié auprès des organismes sociaux ;

– Condamné la société PROFROID CARRIER à payer à [O] [F] la somme de 1.500 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– Condamné la Société PROFROID CARRIER aux dépens.

Le confirmer en ce qu’il a rejeté les autres demandes du salarié :

Statuant à nouveau :

A titre principal :

Dire que le licenciement de Monsieur [F] en raison de son absence prolongée perturbant le fonctionnement de l’entreprise et rendant nécessaire son remplacement définitif est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Débouter Monsieur [F] de l’intégralité de ses demandes ;

A titre subsidiaire :

Revoir dans son quantum la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formulée par Monsieur [F] ;

Débouter Monsieur [F] de ses autres demandes ;

En tout état de cause :

Le condamner à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du CPC et le condamner aux entiers dépens de l’instance.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 mai 2019, Monsieur [O] [F] demande à la cour : Après avoir constaté que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

de :

Confirmer le jugement de départage, sauf à condamner l’employeur à lui payer la somme de 50.000,00€ de dommages et intérêts en réparation de son entier préjudice moral et matériel ;

D’ordonner la délivrance des documents sociaux rectifiés et du bulletin de salaire récapitulatif, comme l’a ordonné le premier juge ;

De condamner l’employeur à payer la somme de 2.000,00 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens pour la procédure d°appel, y incluant les éventuels frais d°exécution forcée.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 17 février 2022.

MOTIFS DE L’ARRET

A titre liminaire, la cour constate que, suivant conclusions notifiées le 21 mai 2019, Monsieur [O] [F] ne reprend pas devant la cour sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et sa demande de dommages et intérêts pour l’établissement erroné de l’attestation Pôle Emploi.

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement

La société PROFROID CARRIER soutient, qu’à la suite de plusieurs arrêts de travail en 2014 puis été 2015 et suite à son absence pour maladie de manière continue depuis le 24 août 2015 (soit depuis plus d’un an), elle a demandé à Monsieur [F], par courrier du 25 novembre 2016, ses intentions quant à sa reprise; que ce dernier ayant répondu par courrier du 1er décembre 2016 qu’il entendait reprendre le 6 janvier 2017, elle a tenté de le contacter sans succès courant décembre pour organiser une visite de reprise et qu’elle a reçu le 9 janvier 2017, une prolongation de l’arrêt maladie jusqu’au 2 février 2017.

Elle fait valoir que, compte tenu de la désorganisation causée par son absence prolongée et de l’absence de prévisibilité sur un retour éventuel, elle n’a eu d’autres choix que d’engager une procédure de licenciement, Monsieur [F] ayant déclaré, lors de l’entretien préalable du 24 janvier 2017, que son état de santé s’était aggravé et qu’il n’était pas en mesure de donner une date de reprise.

Pour caractériser la désorganisation de l’entreprise, la société PROFROID CARRIER invoque la spécificité du poste d’assistant commercial Marketing occupé par Monsieur [F] dans le service communication et marketing de la société, dirigé par Monsieur [Y], Directeur Marketing, qui ne comptait pas d’autres salariés que l’intimé. Elle expose que les absences répétées et imprévisibles de Monsieur [F] ne lui ont pas permis d’organiser son remplacement de manière satisfaisante; que, dans un premier temps, les tâches récurrentes nécessitant un suivi ont été effectuées par d’autres salariés, Monsieur [Y] supervisant en outre les salons commerciaux, mais les tâches de ‘fond’ de mise à jour de la documentation et la statégie marketing on été abandonnées et que dans un deuxième temps, elle a dû avoir recours à deux salariées en contrat intérimaire, soit Mme [U] du 1er octobre 2015 au 8 juillet 2016 et Mme [D] du 16 août 2016 au 6 janvier 2017, lesquelles n’ont pu effectuer que certaines tâches du poste de M [F], dans la mesure où elles ne bénéficiaient pas d’une formation marketing; qu’elle a dû également faire appel à des prestataires extérieurs. La société CARRIER explique que le service communication marketing a fonctionné en mode dégradé durant 18 mois et qu’il est dès lors apparu indispensable de remplacer définitivement Monsieur [F] par une personne compétente pouvant exercer pleinement l’ensemble des tâches qui lui étaient confiées ; qu’elle a par conséquent embauché Mme [L], disposant notamment d’une formation Marketing, par contrat à durée indéterminée à compter du 3 janvier 2017.

Monsieur [O] [F] expose pour sa part, n’avoir reçu que des éloges sur son travail depuis son embauche en juillet 2010 ; avoir subi début 2014 des problèmes de santé (hernie discale et pincement du nerf sciatique, nécessitant une opération) puis avoir dû faire face en mai 2014 au décès brutal de son fils, frappé par une leucémie foudroyante à l’âge de 17 ans, ce qui a entrainé chez lui une dépression sévère.

Il soutient que c’est à juste titre que le juge départiteur a considéré que le licenciement était abusif car l’employeur ne démontrait pas que son absence prolongée ait engendré de graves perturbations du fonctionnement de l’entreprise; ni n’établissait l’absence de visibilité sur son retour éventuel; que les contrats intérimaires et le CV de Mme [U] et de Mme [D] ne permettaient pas de démontrer la non réalisation de l’ensemble de l’ensemble de ses tâches, d’autant qu’elles ont suivi une formation ou avaient déjà exercé dans le domaine marketing; que l’attestation du seul responsable Marketing Monsieur [Y] ne suffisait pas à établir le recours à des prestataires extérieurs, tout comme l’attestation de la chargée de recrutement MANPOWER et que l’embauche de Mme [L] en contrat à durée indéterminée est intervenue alors qu’il avait anoncé le 1er décembre 2016 qu’il reprendrait le travail le 6 janvier 2017, sans que la société PROFROID CARRIER ne sache encore que son arrêt de travail serait à nouveau prolongé. Il précise à ce titre, que celle ci, embauchée avant son licenciement pour le remplacer définitivement, a dû quitter l’entreprise et que son poste serait finalement resté vacant.

***

Si l’article L1132-1 du code du travail fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, ce texte ne s’oppose pas au licenciement motivé, non par l’état de santé du salarié, mais par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par 1’absence prolongée ou les absences répétées du salarié. Ce salarié ne peut toutefois être licencié que si les perturbations entraînent la nécessité pour 1’employeur de procéder au remplacement définitif par l’engagement d’un autre salarié.

Pour la validité du licenciement, les conditions suivantes doivent être réunies de manière cumulative:

– l’absence prolongée ou répétée du salarié,

– la perturbation dans le fonctionnement de l’entreprise en résultant,

– la nécessité de procéder au remplacement définitif du salarié absent.

La charge de la preuve repose sur 1’employeur.

En l’espèce, la lettre de licenciement adressée à Monsieur [O] [F] le 30 janvier 2017 précise : ‘nous avons pris la décision de vous licencier pour les motifs suivants :

Vous êtes absent de votre poste de travail de manière continue depuis 24 août 2015. Avant cette date, vous aviez déjà été absent du 08 janvier au 31 mars, du 19 au 31 mai 2014, du 03 septembre au 27 décembre 2014, du 06 juillet au 02 août 2015. La prolongation de vote absence rend malheureusement impossible la poursuite de votre contrat de travail. En effet, celle-ci entraîne de graves perturbations dans le fonctionnement de l’entreprise, rendant nécessaire votre remplacement définitif’.

Il est constant que Monsieur [F] a été absent pour cause de maladie de manière répétée du 08 janvier au 31 mars, du 19 au 31 mai 2014, du 03 septembre au 27 décembre 2014, du 06 juillet au 02 août 2015, puis, suite à ses congés annuels, de manière continue à compter du 24 août 2015 (cf certificats arrêts de travail versés aux débats).

A l’appui de la reconnaissance de la validité du licenciement, la société PROFROID CARRIER invoque les graves perturbations de l’entreprise occasionnées par ces absences, invoquant le fait que Monsieur [F] était le seul salarié au sein du service communication marketing de la société CARRIER, ayant la qualité d’assistant commercial marketing.

Il convient toutefois de rappeler que c’est au niveau de l’entreprise et non simplement de l’établissement PROFROID CARRIER d'[Localité 2] où exerçait Monsieur [O] [F] qu’il convient d’apprécier les perturbations engendrées par son absence.

L’employeur expose que dans un premier temps, en 2014 et à l’été 2015, les tâches récurrentes qui nécessitaient un suivi quotidien, ont été reprises par les Services Généraux, et notamment Mme [E] assistante administrative, qui était chargée, en plus des tâches afférentes à son propre emploi, d’envoyer la documentation technique aux clients et de réaliser ponctuellement le mailing client et que les tâches de ‘fond’ n’étaient plus traitées (statégie marketing, statistiques, données clients et prospect, enquête de satisfaction, communication avec les groupements de fournisseurs) ce qui a lourdement impacté la qualité des services commerciaux de la société puisque la documentation n’était plus à jour, dégradant son image et rendant les clients insatisfaits.

Si la société PROFROID CARRIER produit aux débats un échange de mail en date du 21 octobre 2014 puis du 6 juillet 2015 montrant que les fonctions initialement occupées par Monsieur [O] [F] (réalisation de documentations, maintenance du site web, organisation des salons, suivi de l’activité des commerciaux, mails des clients etc) ont dû être réparties entre différents salariés de l’entreprise sous la responsabilité de leurs chefs de service respectifs, les éléments produits ne permettent pas d’établir que les tâches de documentation et de marketing aient été ‘abandonnées’. La société ne produit par ailleurs aucune pièce susceptible de démontrer l’impact négatif de la rédéfinition des tâches sur la qualité du service commercial et l’image de la société, ni aucune pièce venant étayer son allégation concernant l’insatisfaction des clients de l’entreprise CARRIER.

La société PROFROID CARRIER expose encore que plusieurs salariés de différents services, notamment les Responsables Produit et Responsables Développement Produit, devaient s’occuper de l’organisation et du présentiel sur les salons commerciaux, sous la supervision de Monsieur [Y], directeur Marketing et que du fait de cette organisation insatisfaisante, les salons professionnels n’apportaient que très peu de résultats en termes de développement commercial.

La cour consate qu’alors que l’employeur verse à la procédure un échange de mails entre ses salariés en date du 12 août 2015 faisant état des tâches à exécuter à la place de [O] [F] pour la mise en place des salons ITEM/CEM du 22 au 24 septembre 2015, SIFA du 13 au 15 octobre 2015 et CARREFOUR du 20 au 23 octobre 2015, sous la supervision de Monsieur [Y], il n’apporte aucun élément, autre que l’attestation de Monsieur [Y] lui même expliquant que l’organisation des salons était faite ‘a minima’, permettant d’apporter la preuve d’une organisation insatisfaisante desdits salons, ni surtout de ce qu’il y aurait eu un impact sur les résultats commerciaux de l’entreprise.

L’employeur fait également valoir, qu’à compter du 1er octobre 2015, il a été contraint d’engager en contrat intérimaire, Mme [U] jusqu’au 8 juillet 2016, puis Mme [D]-[R] du 16 août 2016 jusqu’au 6 janvier 2017 et que ces personnes, recrutées à titre temporaire, n’avaient pas la formation et l’expérience requises, pour effectuer l’ensemble des tâches que recouvrait le poste occupé par Monsieur [O] [F], ce qui perturbait durablement l’organisation de l’entreprise.

Or, le contrat de travail intérimaire de Madame [U] ainsi que son curiculum vitae et l’attestation de formation de l’employeur ne démontrent pas, comme l’a justement rappelé le juge départiteur, que celle-ci n’aurait pas accompli toutes les tâches incombant initialement à Monsieur [F], d’autant qu’elle est restée 9 mois dans l’entreprise pour assurer son remplacement et a pu bénéficier de la formation au logiciel DESIGN par l’organisme OGMYOS pour exécuter les tâches documentation marketing.

L’employeur ne démontre pas non plus que certaines tâches rattachées au poste de Monsieur [F] n’auraient été que partiellement exécutées par Mme [D]-[R] recrutée en contrat intérim pour la période postérieure et ayant également bénéficié de la formation au logiciel DESIGN.

Enfin, Monsieur [C] [Y] affirme dans son attestation que la partie ‘réalisation des documentation’ aurait également été confiée à des prestataires extérieurs, ce qui n’est étayé par aucune pièce.

Il s’ensuit que l’employeur n’établit pas que l’absence prolongée de Monsieur [O] [F] ait désorganisé l’entreprise.

Il ressort de l’examen des pièces versées aux débats par l’employeur que la société PROFROID CARRIER a décidé de procéder courant octobre 2016 au recrutement d’un salarié en contrat à durée indéterminée, afin de procéder au remplacement de Monsieur [F], considérant l’absence de prévisibilité de son éventuel retour à son poste et estimant que la succession de deux recrutements intérimaires n’était pas satisfaisante pour un poste si complexe nécessitant la maitrise de l’anglais et des compétences techniques (cf attestation de Mme [S], chargée de recrutement de la société MANPOWER).

L’employeur fait valoir à ce titre que le retour éventuel de Monsieur [F] à son poste était imprévisible, celui-ci adressant ses arrêts de travail d’un mois sur l’autre, sans visibilité pour l’avenir.

Or, comme le relèvent les premiers juges, les courriels qu’il a adressés les 19 septembre et 24 octobre 2016 au directeur marketing de la société, évoquent l’amélioration de son état de santé et la possibilité de reprendre son travail à mi-temps thérapeutique.

Cette volonté de reprendre le travail est réitérée par le courrier de réponse du ler décembre 2016 à la demande d’information de l’employeur datant du 25 novembre 2016 libellé comme suit « suite à la visite de ce jour chez mon médecin traitant, un nouvel arrêt de travail m’a été prescrit à compter du ler décembre 2012 jusqu ‘au 5 janvier 2017. Sous réserve de la déclaration d ‘aptitude au travail par la médecine du travail, ma reprise s ‘effectuera le 6 janvier 2017 ”.

En outre, la cour relève que l’engagement de la procédure de remplacement définitif de Monsieur [O] [F] (déclaration préalable à l’embauche de Madame [L] reçue le 19 décembre 2016 par l’URSSAF) était intervenu alors que celui-ci avait indiqué le ler décembre 2016 à son employeur que sa reprise s’effectuerait le 06 janvier 2017 et avant d’avoir connaissance que son arrêt de travail serait prolongé le 05 janvier 2017.

Et si l’employeur allègue que le salarié aurait fait état de la dégradation de son état de santé après les fêtes de noel, lors de l’entretien préalable de licenciement du 20 janvier 2017, il précise que cette dégradation est précisément liée à la réception de sa convocation à l’entretien pour un éventuel licenciement, de sorte qu’il ne peut en être tiré argument.

Si la société PROFROID CARRIER justifie en cause d’appel de la réalité du remplacement définitif de Monsieur [O] [F] par Madame [N] [L], en qualité de chargée Marketing et Communication à compter du 3 janvier 2017 (offre de poste, contrat de travail du 3 janvier 2017, confirmation de la prolongation de sa période d’essai, extrait du registre du personnel pour la période de décembre 2016 à mars 2017) et mails adressés par cette dernière de janvier à juillet 2017 pour le compte de la société, il ressort de l’ensemble des éléments précédemment exposés que l’employeur ne démontre pas que l’effectif du service marketing était tel que les absences prolongées ou répétées de [O] [F] ne puissent être comblées sans difficulté par le recours aux salariés des autres services de l’entreprise, par le recrutement temporaire des deux salariées intérimaires ou par le responsable du service marketing, pas plus qu’il ne démontre l’absence de visibilité quant à la reprise du travail de l’intimé.

Dans ces conditions, l’employeur, qui a licencié Monsieur [F] suite à une absence prolongée pour maladie, échoue à rapporter la preuve cumulative de la perturbation durable du fonctionnement de l’entreprise et de la nécessité de remplacer définitivement le salarié absent.

En conséquence, il y a lieu de confirmer la décision du conseil de prud’hommes de Marseille qui a déclaré le licenciement de Monsieur [F] sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières du licenciement

En application de l’article L1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige (licenciement notifié le 30 janvier 2017), lorsque l’entreprise occupe plus de 11 salariés et que le salarié licencié a plus de deux ans d’ancienneté, s’il ne sollicite pas sa réintégration dans l’entreprise, le salarié licencié pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, bénéficie, à la charge de l’employeur, d’une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Il est précisé que les périodes de suspension du contrat de travail pour cause de maladie doivent être intégrées dans le calcul de l’ancienneté. Monsieur [F], embauché le 1er juillet 2010 et licencié par lettre du 30 janvier 2017, compte en conséquence 6 ans et 9 mois d’ancienneté dans l’entreprise PROFROID CARRIER (tenant compte du délai de préavis).

Monsieur [F] justifie, par la production de trois attestations POLE EMPLOI des 5 décembre 2017, 15 avril 2018 et 13 mai 2019 avoir bénéficié de l’allocation retour à l’emploi (ARE) à compter du 30 mars 2017 jusqu’au 30 avril 2019 et avoir créé en parallèle une entreprise individuelle de numérisation de films, cassettes, photos bénéficiant des avantages du CAPE de la couveuse d’entreprise COSENS à partir du 1er septembre 2017.

Compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (54 ans), de son ancienneté (6 ans et 9 mois), de sa qualification, de sa rémunération mensuelle moyenne (2 641,66 euros bruts), des circonstances de la rupture mais également de la justification de sa situation de chômage durant deux années, il convient de confirmer la décision du conseil de prud’hommes de Marseille qui lui a accordé la somme de 27.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société PROFROID CARRIER sera également condamnée à rembourser à l’organisme PÔLE EMPLOI les indemnités versées à Monsieur [O] [F] à hauteur de 6 mois.

Sur les documents sociaux

Il convient de confirmer la décision du conseil de prud’hommes qui a enjoint à la société PROFROID CARRIER de remettre à [O] [F] un bulletin de salaire récapitulatif, une attestation POLE EMPLOI, un certificat de travail et un solde de tout compte rectifiés conformément à la présente procédure et devra régulariser sa situation auprès des organismes sociaux.

Il y a également lieu de confirmer la décision du conseil de prud’hommes en ce qu’il a rejeté la demande d’astreinte, celle-ci n’étant pas nécessaire.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L’équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles, de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et d’allouer à ce titre la somme de 1500 euros à Monsieur [O] [F].

L’employeur, qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et en matière prud’homale,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y Ajoutant :

Condamne la société PROFROID CARRIER à payer à Monsieur [O] [F] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société PROFROID CARRIER aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x